Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la notion de mondialisation, comme facteur de progrès mais aussi de déséquilibres et d'inégalités devant être corrigés par les Etats, Toulouse, le 9 novembre 2000.

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Circonstance : Conférence" Mondialisation et progrès" à l'Ecole supérieure de commerce de Toulouse, le 9 novembre 2000

Texte intégral

Introduction
1) Les promesses du progrès : une mondialisation confiante
2) Une mondialisation angoissante
3) Pour une mondialisation à visage humain
Conclusion
Je suis extrêmement heureux de vous rencontrer aujourd'hui et je veux d'ores et déjà vous remercier de m'avoir accueilli sans invectives comme nous l'avons été à Montréal l'autre jour pour la réunion du G20.
Je suis ravi d'avoir l'occasion de débattre de la mondialisation aujourd'hui à Toulouse. Je veux toutefois me garder des deux écueils du messianisme et du catastrophisme.
Depuis quand peut-on parler de mondialisation ? Le processus s'est accéléré depuis que le rideau de fer s'est relevé et que le communisme a entraîné dans sa chute la vision d'un monde bi-polaire forgé par des décennies de Guerre froide. Certains, dans le camp des vainqueurs, ont applaudi à la fin de l'histoire. Ils ont eu l'intuition d'un monde réconcilié sous la bannière, souvent étoilée, de la démocratie et du libéralisme économique.
Depuis 10 ans, j'ai l'impression au contraire que l'histoire ne s'est pas arrêtée mais s'est au contraire accélérée.
Comment ne pas être admiratif devant le développement des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication ? Je peux comprendre que certains voient dans la mondialisation et le progrès technologique, la promesse de lendemains qui chantent. Les gourous d'un cybermonde meilleur ne manquent d'ailleurs pas. On les connaît en France sous leur pseudonyme médiatique J6M.com. WWW.Minc
Mais si le village mondial a ses apôtres, le village rural a les siens, qui résistent encore et toujours à l'envahisseur et s'inquiètent de la malbouffe menaçante et du Roquefort menacé.
Ils font si bien que la moindre réunion de travail du FMI déclenche un nouveau mai 68 J'étais d'ailleurs à Seattle l'année dernière Je vous ferai, si vous le souhaitez, un bref récit des coulisses de la Conférence. Je note en tout cas que l'habitude est prise désormais par les associations de venir troubler la quiétude des mondialisateurs, si occupés que nous serions à nous partager le monde et ses richesses dans une sorte de Yalta virtuel. J'ai retrouvé un certain nombre de ces slogans à Montréal il y a 15 jours à l'occasion du G20. Je vous en livre quelques uns tels que je les ai notés sur les pancartes brandies au milieu des volutes de gaz lacrymogènes
" Stop à la voracité des grandes entreprises "
" G20 j'ai faim "
" Sauvez la Terre "
ce slogan tout à fait savoureux enfin : " Mangeons les riches "
Plus sérieusement, je comprends bien sûr les angoisses des citoyens dont ces manifestants se font les portes-parole. Mais je ne souscris pas à cette mise en accusation de la mondialisation, pas plus d'ailleurs que je ne partage un optimisme béat sur la fin de l'histoire.
Je vous le dis en préambule : n'attendez de moi aujourd'hui ni une dénonciation ni une apologie de la mondialisation. Je vous dirai donc franchement que la mondialisation est tout à la fois porteuse de grandes espérances mais aussi de risques et de déséquilibres inédits.
Je suis persuadé que ces déséquilibres, qui sont inhérents à toute mutation profonde de l'économie et de la société peuvent être contrôlés. Maîtriser ces déséquilibres, réduire ces inégalités nouvelles, est la meilleure réponse que l'on puisse apporter aux angoisses exprimées par les citoyens face aux bouleversements de la mondialisation. A condition toutefois de ne pas s'en remettre aveuglement au bon sens des marchés ou à l'altruisme des acteurs économiques pour lutter contre la pauvreté, les inégalités, pour l'éducation et l'environnement.
Face au souci du profit immédiat, je crois sincèrement que l'intervention du politique, défini comme l'architecte du long terme, reste plus que jamais indispensable.
Mais quelle peut-être le nord de notre boussole, quel équilibre trouver entre les deux attitudes extrêmes et contradictoires que je viens de décrire? Antonio Gramsci opposait l'optimisme de la volonté et le pessimisme de l'intelligence. J'aime assez cette formule. Il me semble en effet que nous devons avoir l'intelligence de ne pas minimiser les risques et les déséquilibres provoqués par la mondialisation.
Mais ce diagnostic ne doit pas déboucher sur une condamnation sans appel. L'effervescence citoyenne grandissante depuis Seattle verse parfois dans l'excès. Elle témoigne pourtant de cet optimisme de la volonté, de la certitude que nous pouvons agir sur les mutations en cours, que nous pouvons influer sur le cours de la mondialisation, que nous pouvons lui donner le visage du progrès un progrès dont la dimension mercantile n'occulte pas la valeur citoyenne.
C'est la conviction que je voudrais partager avec vous aujourd'hui.
1) Les promesses du progrès : une mondialisation confiante
Le phénomène de la mondialisation se retrouve aujourd'hui accusé de tous les maux de la planète ! La mondialisation n'est pourtant pas une invention récente. Peut-on se représenter l'expansion de Rome comme une ébauche de mondialisation économique à l'échelle de l'ensemble euro-méditerranéen ? On y trouve des flux d'hommes et de marchandises, des réseaux de communication modernes : les voies romaines au pavage régulier
Oserait-on décrire les grandes découvertes du XVIème siècle comme une première mondialisation fondée sur les progrès de la navigation ?
Notre mondialisation de cette fin de XXème apparaît bien en tout cas comme une nouvelle révolution industrielle. La technologie ne serait pas cette fois celle de la machine à vapeur, qui décuple la force physique, mais celle de l'informatique, qui décuple la force intellectuelle.
Vos professeurs me reprocheront peut-être d'utiliser cette notion simplificatrice de révolution industrielle qui ne rend pas la complexité et la multiplicité des phénomènes. Ces réserves faites, on peut néanmoins noter une forme de corrélation entre certains progrès technologiques décisifs et des phases de croissance durable.
On décrit les NTIC comme une nouvelle percée technologique pouvant déclencher une nouvelle phase de croissance. Je crois, en effet, que l'avancée décisive n'est pas, comme on l'a d'abord cru, l'essor de l'informatique en soi, mais bien la mise en réseau permettant aux ordinateurs de communiquer et aux savoirs de circuler. La révolution est bien celle des technologies de l'information ET de la communication. Les grands espoirs soulevés par la mondialisation tiennent à cette croissance économique fondée sur la double accélération du progrès technologique et des échanges commerciaux.
Paradoxalement, alors même que l'on voit dans l'Etat la première victime d'un processus qui le dépasse, je serais tenté de prendre le contre-pied et d'insister sur le rôle du politique.
Revenons un instant aux derniers temps de la Guerre froide. On peut légitimement défendre l'idée que la mondialisation dont nous parlons a été rendue possible ou tout au moins a été accélérée par la disparition de la césure planétaire qu'a représentée la Guerre Froide.
Mais on peut également chercher d'autres repères pour démêler l'écheveau de la causalité historique. Certains évoquent le démantèlement d'ATT pour dater le démarrage de la nouvelle économie. Un démantèlement qui a été l'uvre du droit, c'est à dire de la régulation publique.
D'autres pourraient évoquer, en avril 1994, la création de l'OMC, de son ensemble d'accords et de son Organe de Règlement des Différends qui fonctionne comme un véritable juge mondial de la loyauté des relations commerciales.
Comprenez-moi bien, alors que l'on a tendance à assimiler la mondialisation au laissez-faire, je trouve important de souligner que l'Etat n'est pas absent et que son intervention est décisive puisqu'il est l'auteur de ce changement. Le rôle et la responsabilité du politique face à la mondialisation sont d'ailleurs multiples, je vais y revenir tout au long de cette conférence.
Mais ce changement, il n'en est pas la cause unique. Il provient en dernière analyse de ce qu'on appelait au XVIIIème siècle le progrès des Lumières, c'est à dire celui des connaissances, des sciences et des techniques. La technologie engendre la croissance, permet l'accélération des échanges, c'est à dire la mondialisation, qui permet en retour la diffusion du progrès.
Je suis donc tenté de vous décrire une mondialisation du progrès. C'est bien le rôle du politique de tirer le meilleur parti possible de ce progrès, d'en faire l'instrument, le principe actif d'une politique volontaire au service de la croissance et de l'emploi.
Pas plus qu'un autre je ne peux déchiffrer l'avenir dans la boule de cristal ou dans le baril de Brent. Mais j'ai la conviction que la mondialisation autorise ces espoirs de développement économique. A condition que les bénéfices en soient partagés : partagés entre les nations, partagés au sein même de notre société.
Au cur de cet enchaînement vertueux entre mondialisation, progrès technologique et croissance économique, on trouve ces fameux gains de productivité. Je n'ignore pas que le lien entre technologie et productivité est une affaire délicate! Je n'ai pas la prétention de vous donner mon interprétation ou mon analyse économétrique du problème. Il y a ici des gens infiniment plus qualifiés que moi pour vous en parler. Quelques remarques néanmoins.
L'impact du progrès technologique n'est pas immédiat. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l'informatique. Ce n'est pas l'ordinateur en lui-même qui autorise de réels gains de productivité et la croissance, mais plutôt la nouvelle organisation du travail que l'informatique autorise.
Cette réorganisation efficiente implique un délai d'adaptation, une forme de digestion, souvent assez longue. Ce délai d'acclimatation au progrès, si vous me permettez l'expression, se double, en ce qui concerne notre révolution industrielle, de l'interconnexion progressive des machines et de leurs utilisateurs par la toile. Mais les gains qu'on peut en attendre en termes d'efficacité économique, c'est à dire de croissance future, sont formidables.
Une étude récente du BIPE dont vous avez certainement eu des échos évaluait le bonus annuel de croissance entre 0,6 et 1,6% et chiffraient les emplois nouveaux qui en résulteraient à 160 000 par an (hypothèse haute). Sur cinq ans les créations d'emplois permises par la diffusion à l'ensemble de l'économie de ces gains de productivité pourraient s'élever à plus de un million.
Les NTIC ont joué un rôle moteur dans le déclenchement de la mondialisation. Mais il existe évidemment une dynamique du progrès technologique qui touche l'ensemble des domaines de la recherche.
Prenons l'exemple de ce qu'on appelle les nanotechnologies, ces technologies de l'infiniment petit. On travaille désormais à l'échelle du milliardième de mètre, c'est à dire de l'atome ou de la molécule. Les applications sont étonnantes: il s'agit de créer des matériaux dix fois plus résistants que l'acier et bien moins lourds (par utilisation de " nanotubes " de carbone par exemple).
S'agissant du stockage et de la lecture magnétique des données, on va pouvoir concentrer toute l'information contenue à la Bibliothèque Nationale dans une mémoire de la taille d'un morceau de sucre.
Ces perspectives intéressent également la médecine : elles vont permettre de détecter les tout premiers stades d'une tumeur cancéreuse, lorsque quelques cellules seulement sont impliquées.
On injecte ensuite le médicament de manière sélective, directement au cur de la cellule malade, en épargnant les cellules saines. Ces exemples ne relèvent pas du tout de l'utopie: les retombées financières des premiers succès des nanotechnologies se chiffrent déjà en milliards d'euros.
On trouve aussi un temps de latence dans les sciences du vivant. Entre la découverte de l'ADN par Cricks et Watson en 1953 et l'essor des biotechnologies, il s'est écoulé presque un demi-siècle.
Néanmoins, aujourd'hui le g-business (gene-business) serait déjà en passe de voler la vedette au e-business.
La mise en réseau mondiale a permis de mutualiser et de rassembler l'ensemble des efforts de recherche mondiaux afin d'accélérer l'avancement des travaux. Le décryptage du génome humain en a largement bénéficié.
Un grand quotidien national a d'ailleurs consacré en début de semaine plusieurs pages à cette " nouvelle économie " de la santé et n'hésite pas à comparer la révolution médicale de la génomique à celle de Pasteur il y a plus d'un siècle.
Déjà près de la moitié des médicaments en attente d'autorisation sont issus de la génomique. Le cabinet Ernst Young souligne qu'en 1998, sur les 22 produits qui ont reçu l'autorisation de l'agence européenne du médicament, onze étaient issus des biotechnologies. D'ailleurs, Novartis doit bientôt inaugurer sa première usine de production à grande échelle de nouveaux médicaments génomiques.
Mais cela ne doit pas occulter le fait que nous devons renforcer le tissu des entreprises de biotechnologies dans notre pays. Une partie de l'effort d'innovation des grands groupes passe de plus en plus par le financement de jeunes pousses via des fonds de capital-risque d'entreprise ou par le rachat de ces PME-PMI innovantes. Favoriser cette effervescence est une des missions des pouvoirs publics aujourd'hui.
Au total, on peut toujours s'interroger sur les perspectives de la croissance économique sur les vingt prochaines années et beaucoup de paramètres sont à prendre en compte. Mais pour ce qui concerne ceux qui relèvent de la science et des technologies, on peut faire preuve d'un certain optimisme.
Vous voyez néanmoins que nous vivons une sorte de révolution permanente, mais comme toute révolution, celle-ci est porteuse de tensions.
2) Une mondialisation angoissante
Marx définissait la violence comme " l'accoucheuse de toute société ancienne grosse d'une société nouvelle ". Je ne reprends pas cette citation pour stigmatiser les contestataires, de Seattle à Millau, mais pour souligner les risques évidents d'une mondialisation inégalitaire ou injuste.
Cette mondialisation, fondée sur une révolution technologique et économique semble bien nous promettre un changement de société. Déjà nous en percevons l'influence sur notre mode de vie au quotidien, sur notre façon de travailler et de communiquer. Mais si nous n'y prenons garde, ce changement de société peut être brutal.
Et je pense à la société française comme à la société mondiale en en gestation.
Je me refuse à vous tenir un discours lénifiant sur les vertus de la libéralisation. Oui, la mondialisation, comme toute " révolution ", entraîne des déséquilibres. Oui cette adaptation à un monde en en voie d'intégration économique rapide peut avoir un coût élevé.
Mais ces risques, ces dérapages ne doivent pas déboucher sur une condamnation du phénomène de la mondialisation. Ils constituent au contraire un appel à agir. Agir pour donner un visage humain à la mondialisation, agir pour que les progrès technologiques bénéficient au plus grand nombre, en France comme dans le monde. Agir enfin pour que cette mondialisation soit celle des savoirs et pas seulement celle des profits.
Lors de la réunion du G20 (G8 + grands pays en développement), nous avons longuement évoqué les moyens de prévenir le risque le plus évident de la mondialisation : le risque systémique, celui de la propagation à l'ensemble de la planète des crises financières. La crise asiatique de 1997 a donné une idée précise de ce risque, du potentiel dévastateur d'une telle crise globalisée. L'intervention de la communauté internationale, à travers le FMI en particulier, a été décisive. Les pays d'Asie du Sud-Est se sont rapidement rétablis. J'en ai eu la confirmation lors du sommet de l'ASEM qui a précédé de peu le G20.
Je reviendrai dans un instant sur ce type de risques et sur les moyens d'en limiter la portée. La mondialisation recèle d'autres dangers. Le progrès est rapide, parfois trop. La recherche forcenée de productivité enclenche parfois un tourbillon où l'homme peut se laisser griser et finir par se perdre. Ces risques sont nombreux et largement médiatisés désormais : ils donnent un visage angoissant à la mondialisation et justifient les critiques virulentes qu'on lui adresse. Le rôle du politique est de bien mesurer ces risques, et de les prévenir.
Il est sûr qu'un décalage se crée entre le rythme échevelé de la mondialisation indexé sur celui des technologies et le rythme du quotidien de bon nombre de nos concitoyens. La perception que l'homme a du couple espace-temps se trouve profondément modifiée. Je crois même qu'il ne s'agit pas d'un simple problème de perception : les distances et durées sont élastiques et se contractent. A la Révolution française, le courrier de Paris mettait une semaine pour rejoindre Marseille. Aujourd'hui, une grande entreprise française peut tout à fait externaliser sa gestion sur une plate-forme offshore physiquement installée au Vietnam par exemple.
Ces décalages peuvent déboucher sur l'exclusion.
Exclusion d'abord de certains pays.
La part relative des PMA dans les échanges internationaux a baissé. L'Afrique en particulier, court le risque d'être exclue. Sa part dans les échanges mondiaux de biens et de services est passée de 5% en 1950 à 2 % aujourd'hui. Cela ne signifie pas que ces pays ont vu le montant de leurs échanges reculer. Le plus souvent, le niveau absolu des échanges a augmenté, mais beaucoup, moins rapidement que dans le reste du monde. Ne l'oublions pas, les échanges internationaux vont augmenter cette année de 11%!
Néanmoins, même si les spécialistes en débattent, on constate que depuis le début des années 80, les inégalités se sont fortement réduites grâce à la croissance des pays fortement peuplés comme la Chine ou, dans une moindre mesure, l'Inde ou l'Indonésie.
Par ailleurs, si l'on prend d'autres indicateurs que ceux du revenu, mais qu'on envisage également l'éducation ou l'espérance de vie, on constate que, malgré la croissance démographique, les pays pauvres ont fait de grands progrès depuis le début du siècle.
Au total, le décalage s'est réduit entre les riches et les pauvres mais avec deux zones qui restent en marge, l'Afrique sub-saharienne et, dans une moindre mesure, le nord de l'Amérique Latine (hors Mexique).
Exclusion dans les pays riches ensuite.
Exclusion de l'emploi d'abord. On a suffisamment accusé la mondialisation de provoquer ces délocalisations vers les pays du Sud, vers ces terres où le salaire est dérisoire et la législation peu encombrante.
Une des principales craintes suscitées par la mondialisation tourne donc autour de ce qu'on appelle le dumping social.
L'expression recouvre les problématiques des normes du travail dans le monde et de la concurrence fiscale et sociale entre Etats. Le dumping social est bien un problème propre à la mondialisation car il se déploie à travers les exportations et les Investissements Directs Etrangers. Le récent rapport parlementaire L'Union européenne face aux risques de dumping social en donne une bonne définition que je vous cite : " Toute pratique consistant , pour un Etat ou une entreprise, à violer, contourner et dégrader, le droit social en vigueur, qu'il soit national, communautaire ou international, afin d'en tirer un avantage économique, notamment en termes de productivité. "
En fait, les cas de dumping social à proprement parler sont rares. Le désir de profiter de salaires plus bas n'est pas identique à celui d'exploiter une législation sociale plus laxiste. Or, les différences de salaire de certains PED avec la France recouvrent justement des différences de productivité. Le niveau des salaires peut être considéré comme l'avantage comparatif des pays en développement dans la mondialisation.
En outre, les études empiriques menées dans les PED tendent à montrer que les entreprises ou les secteurs tournés vers l'exportation ont des normes de travail plus élevées que dans le reste de l'économie. S'agissant des délocalisations, elles sont très limitées par rapport à l'importance des investissements français: elles représentent à peine 5% de nos investissements directs dans les pays proches tels que les PECO ou le Maghreb.
Loin de répondre aux effets pernicieux du dumping social, ces implantations à l'étranger s'inscrivent souvent dans des stratégies de conquête de nouveaux marchés.
J'ai en tête l'exemple de l'entreprise Faurecia, un équipementier automobile qui s'est implanté en Pologne pour gagner des contrats auprès des constructeurs des PECO. Cette inquiétude de la délocalisation fortement ancrée dans l'imaginaire collectif depuis les débuts de la mondialisation apparaît donc largement injustifiée.
Plus généralement, je suis persuadé que, loin de détruire des emplois, l'ouverture au commerce international a un impact globalement positif, même si des adaptations sont nécessaires. En effet, certains emplois peu qualifiés disparaissent, d'autres apparaissent, qui exigent souvent des savoirs différents, des compétences nouvelles. L'emploi et l'éducation sont intimement liés désormais. C'était l'intuition de Robert Reich, le secrétaire au travail dans la première administration Clinton. Son analyse a été largement confortée par le développement de la Nouvelle Economie aux Etats Unis. Or, dans cette société de l'information, il n'" est véritablement de richesse que d'hommes ". L'éducation et la formation doivent donc être nos priorités. Elle peuvent aider à résoudre le paradoxe actuel qui veut que la France compte encore 2,3 millions de chômeurs alors même qu'une entreprise sur deux reconnaît avoir des difficultés à recruter.
Un autre exemple souligne la nécessité d'une intervention des pouvoirs publics pour éviter l'apparition de nouvelles inégalités :
Jean-Claude Bourdier vient de remettre à mon collègue Christian Pierret un rapport prospectif sur les réseaux hauts débits, c'est à dire l'Internet de demain. Accroître le débit de l'information n'est pas seulement, pour l'internaute, une promesse de plus grand confort, ou de vitesse élevée sur les autoroutes de l'information. Les hauts débits impliquent de nouveaux services en ligne. Qui dit nouveaux réseaux dit donc nouveaux contenus : des jeux en ligne à la télévision véritablement interactive ou toutes sortes de services en ligne sophistiqués, à destination des particuliers ou des entreprises.
Cela suppose des efforts d'investissement très importants dans les années à venir pour créer ces grandes artères numériques. Le risque évident est de voir apparaître une disparité géographique. Les grandes entreprises ont des relations privilégiées avec les collectivités locales et les opérateurs : elles peuvent attirer ou créer les raccordements hauts débits dont elles ont besoin.
Il n'en va pas de même pour les PME PMI et les particuliers. Des inégalités se dessinent entre des zones de forte concurrence et d'accès facile et des zones de faible concurrence et de prix élevés. L'Etat doit éviter l'apparition de ces phénomènes de désertification numérique. Le rapport souligne bien " qu'aucun opérateur en situation de concurrence ne sera amené par le seul jeu du marché, à assurer la disponibilité d'interconnexions à hauts débits sur tout le territoire à lui seul ". Les enjeux en termes d'aménagement du territoire sont loin d'être anodins.
Cette mobilisation pour atténuer la fracture numérique au sein de la société française doit avoir lieu à l'échelle mondiale. Or, la problématique Nord-Sud est plus complexe que jamais. Les mutations en cours obligent à nuancer notre vision du " retard " du sud. De nombreux pays en développement sont lancés dans une phase de rattrapage rapide.
Entre 1997 et 1999, les dépenses consacrées aux NTIC ont augmenté de 13 % en Europe occidentale, contre plus de 40 % au Brésil ou dans les PECO. Depuis la chute du mur, l'Europe orientale semble avoir soif du monde. La Pologne et la Hongrie ont fait le choix d'une ouverture très rapide à l'économie mondialisée.
Et que dire de la Chine ? ! Savez-vous combien il s'y vend de téléphones portables chaque mois? Plus de 2 millions. A la fin de cette année, il y aura 70 millions d'utilisateurs dans le pays. Il s'agit déjà du deuxième marché mondial pour la téléphonie mobile, devant le Japon.
Mais les situations sont très contrastées. Si un ménage américain sur deux est connecté à l'Internet, un Africain sur mille peut y avoir accès.
Les critiques adressées à la mondialisation, dont l'Organisation Mondiale du Commerce est érigée en symbole, reposent largement sur ces risques d'inégalités croissantes. Nous y reviendrons.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 17 novembre 2000)
D'autres critiques, d'autres angoisses sont liées aux risques technologiques. Aujourd'hui portés par les technologies de l'information avec la cybercriminalité, le contournement des droits d'auteurs des artistes, ou par les biotechnologies.
J'insisterais d'ailleurs sur ce dernier exemple, et plus précisément sur les OGM.
Le sujet est complexe : la modification génétique de certains végétaux pour leur assurer une meilleure tolérance aux herbicides ou une meilleure résistance aux insecticides est en soi une avancée surtout technologique.
Les inquiétudes qu'il suscite, en revanche, ont plusieurs dimensions.
Il y a d'abord un risque environnemental, difficile à évaluer, mais qui n'est pas sans fondement. Il est lié aux transferts des gènes de résistance à certaines espèces sauvages, entraînant, à terme, une diminution de la bio-diversité.
Plus profondément, je crois, il existe un scepticisme assez compréhensible sur les avantages que la société dans son ensemble peut tirer de leur culture, bref sur la manière dont l'avancée technologique va être transformée en avancée économique et sociale.
Le problème est de savoir que faire de ces possibilités nouvelles, de ces capacités que nous offre la science. Quel est l'intérêt économique de disposer de céréales aux rendements améliorés quand les pays développés connaissent des problèmes de surproduction ? Quand l'Union européenne cherche justement à abandonner un modèle agricole productiviste ?
Les OGM peuvent-ils fournir une réponse aux besoins alimentaires des pays du sud ? En théorie sans doute, et je l'espère. En pratique, pour l'instant, la capacité d'innovation n'est pas vraiment mise au service de ceux qui en auraient le plus besoin. C'est là le problème plus général de l'orientation des dépenses de recherche et de développement qui sont concentrées sur les besoins des marchés solvables.
Revenons à l'Europe.
Les pays de l'Union ont choisi d'encadrer la culture des OGM. Notre position est que les OGM ne sont pas des aliments comme les autres et qu'on ne mesure pas encore les risques éventuels pour l'environnement, voire pour la santé
Nous sommes donc favorables à une législation spécifique, à ce qu'on peut appeler une bio-vigilance, sur les OGM. Les Etats-Unis sont d'un avis différent. Les OGM ne leur posent pas de problème Ils en sont de loin les premiers producteurs avec près de 30 000 hectares cultivés l'année dernière. La question peut donc être posée en termes de préférences collectives différentes. Sans la mondialisation, ces préférences collectives pourraient coexister sans problème. Vous consommez des tacos ou des chips de maïs transgéniques.
Cela ne signifie pas bien sûr, c'est tout le rôle du droit international, qu'on ne puisse trouver des moyens d'accorder ces points de vue.
L'enjeu des mouvements transfrontaliers d'OGM, comme vous le savez, c'est la capacité de chaque pays à maîtriser la dissémination incontrôlée des OGM, pour assurer la conservation de la biodiversité sur son territoire.
Grâce au protocole international qui a été négocié en janvier dernier à Montréal, on peut dire qu'un certain nombres d'objectifs ont été atteints : on est arrivé à mettre en place des règles spécifiques d'échanges internationaux pour les OGM, respectueuses du principe de précaution.
On s'est également mis d'accord pour instaurer un mécanisme d'échange d'informations sur les OGM. Instrument précieux à bien des égards et très utile aux pays en développement, qui n'ont pas toujours les capacités financières et technologiques pour mener à bien l'évaluation des risques de telle ou telle variété, et pour mettre au point des tests de détection.
J'ai pris l'exemple des OGM. Mais je ne veux pas vous cacher certains autres de nos dilemmes. Si un pays adopte une législation totalement restrictive sur des expérimentations génétiques telles que le clonage, le risque est grand de voir les entreprises délocaliser leur recherche vers les pays dotés d'une législation plus ouverte. Le rôle des Etats est donc de trouver le bon équilibre entre l'intérêt de la science, de la santé, et les principes fondamentaux du droit.
Au delà des risques liés à des technologies particulières, il y a les risques liés au phénomène global de la croissance économique. C'est évidemment le cas de l'effet de serre. La question est simple :
La communauté internationale est-elle capable de répondre de manière concertée aux problèmes liés à l'intensification des échanges et à l'augmentation de l'activité industrielle?
Le traitement de cette question nous renvoie au Sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio de Janeiro, en 1992. On peut penser ce que l'on veut du nom un peu pompeux de cette réunion, on peut souscrire ou non au mysticisme écologique qui semble l'entourer.
En tout cas elle a marqué une étape essentielle dans la reconnaissance et la prise en compte du caractère global de ces questions. On a beaucoup brocardé la modestie des engagements pris à Rio.
Je crois que l'avancée la plus marquante a été la prise de conscience, par la plupart des pays, de la nécessité d'une démarche de coopération qui dépasse les intérêts particuliers et divergents.
Plus encore que la protection de la biodiversité que j'ai déjà évoqué, la lutte contre le changement climatique a été un projet conçu, défendu et mis en uvre à l'échelle de l'humanité. Un projet dont le succès est fondé sur la capacité à surmonter l'opposition du Nord et du Sud et à trouver un consensus profitable à tous.
Par ce protocole, les pays industrialisés s'engagent en effet à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5,2% en moyenne entre 1990 et la période 2008-2012. Les pays en développement ne s'engagent pas à ce stade sur des objectifs de réduction d'émission, mais des mécanismes sont prévus pour les associer progressivement à la lutte contre l'effet de serre. Cela montre que l'on est capable de concevoir une responsabilité commune mais différenciée.
Ces objectifs quantitatifs peuvent être poursuivis par tous les moyens que les pays jugent adaptés: taxation différenciée, incitations à la dépollution, échanges de droits à polluer, réglementation. Il ne faut pas se cacher qu'il y aura toujours des arbitrages entre l'objectif de lutte contre les émissions et des objectifs de compétitivité industrielle ou de politique intérieure.
En effet, concrètement, qu'est-ce qui va se passer ? Quel est l'enjeu de la négociation qui doit se tenir la semaine prochaine à la Haye ?
Il existe des solutions technologiques, autrement dit un certain nombre de techniques dépolluantes, d'énergies propres qui doivent être mieux valorisées. Il existe d'ailleurs une technologie française innovante dans ce domaine : la technologie du " lit fluidisé circulant ".
Je vous fais grâce des détails les plus techniques : sachez qu'elle permet de réduire les émissions de gaz polluants des centrales thermiques au charbon, notamment les dérivés soufrés. Cette technologie se développe dans les pays émergents fortement consommateurs de charbon.
Il existe également des instruments économiques (incitations, taxations, crédits d'émission contre technologies propres) qui permettent de mettre en place des modèles où ces technologies seront valorisées, donc utilisées, où elles produiront à terme des bénéfices économiques.
Mais on voit bien qu'il ne suffit pas d'avoir des solutions technologiques et des modèles économiques pour résoudre ce problème.
La difficulté est avant tout politique : il s'agit de faire accepter l'idée que ces bénéfices à terme dont personne ne doute puissent justifier aujourd'hui un certain nombres de contraintes, d'adaptations, etc. De faire en sorte que tous les Etats entrent dans un jeu coopératif. Des règles sont nécessaires pour contrer la tentation bien naturelle de jouer au passager clandestin.
La tâche politique est ambitieuse : il s'agit ni plus ni moins que de convaincre les gens d'adopter un nouveau modèle de développement durable, de parier sur l'avenir.
La tâche diplomatique n'est pas moins redoutable : car il faut instaurer une relation de confiance entre les Etats.
3) Pour une mondialisation à visage humain
Pour pallier tous ces risques, il est évident qu'il serait funeste d'abandonner le développement, bénéfique, du libre-échange, du libre-commerce, à la seule dynamique des marchés et des intérêts mercantiles.
Pour pallier les inégalités, pour désamorcer les risques de dumping global que j'ai évoqués, le politique a un rôle à jouer, les Etats ont un rôle à jouer.
Leur responsabilité est double : il s'agit tout à la fois d'assurer le bon fonctionnement du marché mondial et de favoriser ainsi la croissance par l'accélération des échanges.
Il s'agit également de permettre les progrès institutionnels qui garantiront une mondialisation équitable et durable.
En un mot il s'agit de faire coïncider les intérêts du consommateur et ceux du citoyen.
On ne peut fonder la mondialisation sur le seul progrès de la science et des techniques. Le progrès des institutions est tout aussi essentiel.
Simplement, les mutations en cours touchent aussi aux formes que prend l'intervention publique. Il ne s'agit plus tant de régir que de réguler, c'est à dire de donner des règles.
Certains se demandent tout haut si l'Etat a encore une quelconque utilité. J'en suis convaincu et vous devriez l'être également. Le débat sur l'impuissance publique a d'ailleurs tourné cours.
On objecte évidemment la force des intérêts privés qui manipuleraient les Etats grâce à leurs lobbies et les citoyens grâce à leur puissance publicitaire et médiatique.
Ce sont ces grands groupes transnationaux que dénoncent les Guignols de Canal + à travers leur caricature de la World Company. Nous avons tous en tête ces méga-fusions, ces OPA ou OPE réalisées à coups de milliards de dollars.
Mais, l'opinion publique a, je crois, tendance à s'exagérer la toute-puissance des entreprises.
Beaucoup de ces opérations spectaculaires, de ces fusions-acquisitions n'ont pas été menées à terme. D'autres ont finalement déçu leurs actionnaires. D'autres encore ont été arrêtées ou modifiées par les autorités de la concurrence.
Enfin, mais vous le savez évidemment, je rappelle que les entreprises, même les plus grandes, ne sont jamais maîtresses de leurs clients.
Evidemment, il ne faut pas attendre de la sélection naturelle du capitalisme une réponse satisfaisante aux défis de la mondialisation.
Pour accompagner l'évolution scientifique et technique, pour ancrer une croissance économique durable sur le plan social et environnemental, bref, pour encadrer le progrès scientifique et économique, il faut un troisième pilier: le progrès juridique, en particulier pour les pays en développement.
Ce progrès juridique est d'abord un progrès interne aux Etats. Il ne s'agit pas simplement de créer un climat d'affaires propice à attirer les investissements étrangers. Il faut établir partout les bases de l'état de droit économique.
Cette préoccupation est en effet le fondement de la nouvelle stratégie de réduction de la pauvreté décrite par la Banque Mondiale dans son dernier rapport.
La Banque met en effet l'accent sur la qualité de la gestion publique, l'efficacité de la justice ou la transparence des mécanismes de décision.
La crise financière qui a frappé certains pays asiatiques a mis en évidence la nécessité de ce progrès juridique, synonyme de renforcement des droits bancaires ou boursiers, du droit de la concurrence ou de celui des faillites
Mais ce n'est pas tout. On comprend bien comment une action efficace de lutte contre la corruption peut rassurer les investisseurs étrangers.
Mais la Banque souligne également que ses programmes doivent être négociés au niveau local, doivent associer les citoyens, qui sont les premiers concernés, à travers la participation active des autorités locales ou régionales.
Je suis d'ailleurs convaincu que c'est là une des dimensions les plus paradoxales, et les plus prometteuses de la mondialisation.
Le progrès juridique est une condition du progrès économique et implique un progrès de la démocratie.
La réponse au sous développement, ce n'est pas, comme on l'a cru, les aides massives aux grands projets d'investissement et l'ouverture commerciale, mais une stratégie à plusieurs facettes, où les progrès institutionnels doivent accompagner, et même précéder l'apport des investissements étrangers et l'ouverture commerciale.
Il est toutefois évident que ces efforts doivent être menés à l'échelle multilatérale.
Il me semble que beaucoup des maux, des dérèglements dont la mondialisation est aujourd'hui tenue responsable relèvent justement des béances juridiques encore trop nombreuses au niveau international.
L'effort de régulation est plus que jamais nécessaire. On ne saurait laisser aux marchés ou aux entreprises multinationales la responsabilité de régler les problèmes de la pauvreté, de l'environnement ou du droit du travail.
Ces questions, comme tant d'autres, sont de la responsabilité des institutions internationales. Celles-ci doivent répondre à l'exigence de régulation internationale qui se fait entendre chaque jour plus bruyamment.
J'insiste sur la nécessité d'un double mouvement de régulation, à la fois interne et externe aux Etats. Mais contrairement à ce que " l'effet Seattle " pourrait donner à penser, la régulation internationale est loin d'être inexistante.
De nombreux textes et conventions régissent d'ores et déjà les échanges entre les nations ou bien ont un effet incitatif puissant. Regardez ce qui se passe à l'OCDE où des mesures ont été prises contre le blanchiment des capitaux ou des paradis fiscaux.
L'exigence éthique, la volonté de réguler, c'est à dire de donner des règles aux échanges internationaux, sont justement au cur de l'action que nous menons dans les enceintes des grandes institutions multilatérales, à l'Organisation Mondiale du Commerce en particulier.
Je peux vous citer une décision récente qui illustre mon propos. J'ai évoqué l'Organe de Règlement des Différents qui assure le respect des règles du commerce international et qui nous avait désavoué dans l'affaire du buf aux hormones où notre dossier scientifique était peut-être insuffisant.
Il se trouve que nous avons également été en conflit avec le Canada au sujet de l'amiante. Au nom de l'impératif de santé publique, nous avons refusé de continuer à importer des produits contenant de l'amiante.
Le Canada a dénoncé une entrave au libre-échange et nous a attaqué. Or, le mois dernier, l'ORD a finalement tranché en notre faveur. Cela souligne que les préoccupations mises en avant par la France et ses partenaires de l'Union sont prises en compte.
Il s'agit bien de trouver un point d'équilibre entre ce besoin de régulation, pour ce qui touche à la santé publique en l'occurrence, d'une part, et l'objectif de libéralisation des échanges d'autre part.
Cette recherche de régulation doit se faire dans la cohérence.
Cohérence des politiques menées par les différentes institutions internationales.
En effet, une partie du problème vient du fait que les normes internationales concernant le commerce, normes favorables au libre-échange, sont les seules à avoir une dimension contraignante. C'est le rôle de l'ORD que je vous ai décrit.
En revanche, les normes sur le travail ou l'environnement n'ont pas le même caractère contraignant. Je pense en particulier aux conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), sur le travail des enfants par exemple, qui ne sont pas contraignantes pour les Etats.
Nous devons véritablement réfléchir à la cohérence du droit international de ce point de vue, ainsi qu'à une meilleure coordination entre les institutions multilatérales.
L'OMC n'a pas forcément vocation à intervenir sur la question des droits sociaux fondamentaux. Mais le denier G8, qui s'est tenu à Kyoto, a justement réaffirmé la nécessité pour l'OMC et l'OIT de coordonner leurs activités.
Conclusion
J'espère vous avoir convaincu que le mouvement du monde contemporain est complexe, mais bel et bien porteur d'espoir. La maîtrise du progrès scientifique, le partage de la croissance, à l'échelle nationale ou mondiale, ne sont pas hors de notre portée.
Ils sont le fruit d'une volonté permanente de la puissance publique de trouver les bons équilibres, d'assurer le progrès juridique dans l'ordre interne ou international, d'associer, comme le veut le premier ministre, l'ouverture et la régulation.
Mais, pour conclure, je voudrais m'adresser à vous. Ce monde qui devient, trop lentement, plus juste, qui prend conscience, progressivement, des défis à long terme, vous allez en être les artisans, peut-être les artistes. Mais ce monde a aussi besoin d'entrepreneurs qui traduisent les progrès scientifiques et techniques en innovations, en services et en besoins utiles.
Quittons donc un instant le débat d'idées pour être concret. Comme vos condisciples de Paris, de Milan ou de Berkeley, j'imagine qu'un certain nombre d'entre vous ont déjà couché sur le papier l'ébauche d'un business plan mais hésitent encore à pousser la porte de leur banquier pour lancer leur propre start-up à l'assaut du marché mondial.
En effet, un aspect concret de la mondialisation est qu'un créateur d'entreprise aujourd'hui doit adopter d'emblée une stratégie globale. Les perspectives de développement sont décuplées, les risques également, vous le savez.
Attention, ceci n'est pas un appel à déserter précocement votre école ou votre université. Mais projetons-nous un instant dans le futur proche Vous venez de terminer vos études et vous voulez créez votre entreprise.
Le gouvernement est déterminé à vous créer des conditions favorables.
Premier exemple : à la veille d'être appelée au nouvelles fonctions que vous savez, ma collègue Marlyse Lebranchu avait lancé le Prêt à la Création d'Entreprise (PCE). Ce nouvel outil financier s'adresse justement aux petits projets et vient compléter un prêt bancaire.
Reprenez donc votre business plan et allez pousser la porte de votre banquier : cet engagement de l'Etat à vos côtés peut le rassurer. (surtout si votre compte courant reste en négatif depuis vos dernières vacances).
Je peux vous assurer que la Région a également des dispositifs similaires qui peuvent se conjuguer à votre profit. A commencer par l'incubateur régional de Midi-Pyrénées, qui associe la Région, les universités, les écoles d'ingénieurs, la CRCI, la communauté scientifique, et j'en oublie.
Cet incubateur, installé sur le campus du CNRS, est déjà inscrit au contrat de plan Etat-Région pour 2000-2006. Son premier atout est justement le vivier de plus de 10 000 chercheurs, toutes spécialités confondues, de l'agglomération toulousaine ; je parle sous votre contrôle, monsieur le président.
Mais je souligne que cette structure est présidée et dirigée par et pour les entrepreneurs.
Votre banquier a complété généreusement la mise de l'Etat, votre jeune pousse a désormais besoin d'un incubateur. Il en existe déjà une petite trentaine dans toute la France.
Votre projet a été retenu : vous allez disposer d'une aide personnalisée, formation complémentaire par exemple.
L'incubateur vous aide à trouver des partenaires, qu'il s'agisse d'un laboratoire public, d'une entreprise. Mais n'oublions pas le nerf de la guerre vous avez besoin de capitaux : un fonds d'amorçage peut intervenir. Le 11 juillet dernier, mes collègues Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, et Christan Pierret, ministre de l'industrie, ont lancé le fonds d'amorçage BIOAM pour soutenir des projets fondés sur les biotechnologies.
Le financement est assuré par l'Etat (1/3), par un partenaire institutionnel (1/3) et par partenaire privé (dernier tiers). Des fonds d'amorçage similaires se mettent en place à l'échelle régionale.
Ce terreau favorable aux jeunes pousses a été fertilisé de surcroît par la création de Bons de souscription de parts d'entreprise.
Au début de l'été, Laurent Fabius a lancé un nouveau fonds de capital-risque en partenariat avec la Banque européenne d'investissement et la Caisse des Dépôts.
Votre projet en a bénéficié, votre start-up est maintenant lancéeVous savez que son développement passe par une stratégie internationale.
Vous avez raison, et, là encore, les dispositifs d'accompagnement ne manquent pas.
J'insistais tout à l'heure sur l'idée d'une mondialisation partagée. Je vous confirme que la mondialisation ne concerne pas que les grandes firmes multinationales.
Ne croyez pas que le secrétaire d'Etat au commerce extérieur ne se préoccupe que d'Airbus. Certes, je sais l'importance de l'aéronautique dans notre balance commerciale, mais je peux vous assurer que le réseau du commerce extérieur consacre la plus grande partie de son activité aux PME.
C'est le sens des Programmes d'Actions Régionaux pour le Développement International que j'ai signés ce matin à la Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie dont je vous dirai deux mots si vous le souhaitez.
Ce réseau du commerce extérieur est d'abord un outil d'intelligence économique que nous mettons au service des entreprises.
Cette source d'information est désormais en ligne et largement gratuite. Ce réseau est également un outil d'accompagnement sur les marchés étrangers : il vous aide à créer des contacts avec vos clients, avec vos fournisseurs ou vos partenaires sur place.
Il peut vous fournir une action dans la presse spécialisée du pays ciblé.
Il peut enfin vous accorder des aides financières pour lancer vos projets.
Enfin, si vous ne désirez pas vous lancer sans expérience, vous pouvez, pour une période de 6 à 24 mois, effectuer un travail rémunéré dans une entreprise française à l'étranger au titre du volontariat
J'arrête là mon apologue. C'est à vous de déterminer les clefs de votre succès.
Merci de votre attention.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 17 novembre 2000)