Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'action gouvernementale concernant le dossier de la vache folle, le congrès du PS, Grenoble le 25 novembre 2000.

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Circonstance : Congrès du PS à Grenoble du 24 au 26 novembre 2000

Texte intégral

- Chers Camarades, c'est un plaisir politique et personnel de s'adresser au congrès des socialistes pour parler un peu tranquillement, sereinement, entre amis, alors qu'à l'extérieur tout nous presse, non pas d'agir mais de réagir, non pas de décider mais de se précipiter.
Oui, Chers Camarades, c'est un plaisir politique et personnel de pouvoir vous parler tranquillement et d'échapper aux pressions de tel ou tel.
Pressions d'un chef de l'Etat dont bien sûr personne n'imagine que je m'aventure à le mettre en cause ici, je sais que vous ne l'accepteriez pas, mais dont chacun s'accordera à penser qu'il n'a rien fait pour aider le Gouvernement de la république.
Pressions des responsables professionnels, dont bien sûr personne non plus n'imagine que je puisse les critiquer publiquement, vous ne l'accepteriez pas, mais dont chacun s'accordera à penser que les élections des Chambres d'Agriculture le 31 janvier prochain ne sont pas totalement absentes de leur pensée et donc de leur action. Il paraît qu'on veut me faire la guerre, on voit que l'emphase a quelque chose de dérisoire face à l'ampleur d'une crise.
Pressions de responsables européens qui, hypocrisie ou contradiction aidant, reprochaient à la France d'en faire trop en matière de sécurité alimentaire et en même temps s'empressaient de mettre des barrières à nos exportations. Comprenne qui pourra. Ils voulaient protéger leurs consommateurs de notre viande trop sécurisée.
Pressions de certains observateurs enfin et loin de moi l'idée d'intenter un procès aux média, comme le font je le crois trop abusivement certains.
Nous avons les médias que nous méritons et franchement, en France, nous n'avons pas à nous en plaindre trop.
Beaucoup, en cette période, ont joué leur rôle d'information, d'investigation, d'enquêtes de commentaires, mais d'autres ont surfé sur la peur collective, rajoutant de la peur à la peur, soit par la désinformation, soit en entretenant des angoisses plus fortes encore.
Que voulez-vous, quand on sait l'état d'alerte de l'opinion sur un sujet, ils essaient de vendre son audience, en allant à sa rencontre ?
Oui, chers camarades, comme il est doux de parler avec vous !
Bien évidemment personne ne comprendrait que je ne vous dise rien de plus sur cette crise de la vache folle, qui, depuis quelques semaines, semble tout emporter sur son passage.
Restons prudents. Nous y sommes encore, et je ne m'aventurerai pas à un pronostic sur la sortie de crise.
Lorsque la crise sera passée, qu'en restera-t-il ?
Eh bien il en restera que c'est ce gouvernement, celui de Lionel Jospin, qui aura créé en 1999, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, instrument nouveau et moderne, au service de la protection de nos concitoyens.
Il restera que c'est ce Gouvernement qui, depuis deux ans, et même avant, n'aura cessé d'entretenir un dialogue public, concret, avec cette agence et n'aura cessé de prendre, mois après mois, des décisions pour renforcer la sécurité alimentaire dans notre pays.
Il restera que c'est ce Gouvernement qui aura interdit les farines animales, mettant enfin fin à un trop long et douloureux feuilleton.
Ces gouvernements, pas celui de Lionel Jospin, mais ceux la droite, je réponds à Marie-Noëlle, s'ils l'avaient fait, nous n'aurions pas eu à le faire. S'ils ne l'ont pas fait, les gouvernements de droite, c'est que eux pensaient et disaient que ces satanées farines animales étaient un élément de la modernité agricole.
Il restera que c'est ce gouvernement qui aura, le premier, en Europe, engagé un vaste programme de tests sur son cheptel bovin, le plus important dans le monde, opération vérité courageuse s'il en est et dont nous payons le prix.
Il restera que c'est ce Gouvernement, celui de Lionel Jospin, qui aura montré la voie à une Europe un peu frileuse, une Europe paralysée, par certains de nos voisins, qui, aveugles, nous disaient depuis des années, qu'il n'était pas nécessaire d'en faire plus, puisqu'ils étaient indemnes, eux, de tout risque.
Nous étions bien seuls, ces derniers mois, au sein du Conseil Européen. Et puis le Danemark, il y a quelques mois, a découvert des cas de ESB chez lui. Et puis cette semaine, l'Espagne il y a trois jours, et l'Allemagne hier.
Mes chers camarades, je ne me satisfais pas du malheur qui frappe nos voisins et amis mais je me réjouis que la vérité progresse, car de cette vérité naît la lucidité des gouvernements, et de cette lucidité naîtront la sagesse et l'efficacité de l'Europe.
Mes chers camarades, quand la crise finira, il restera que ce Gouvernement, celui de Lionel Jospin, aura agi avec sagesse, avec rigueur mais avec efficacité.
Ce n'est pas la seule chose que je voudrais que l'on retienne de cette crise. Je voudrais aussi qu'on en tire des leçons sur notre modèle agricole, ou plutôt pour être plus précis, je voudrais que nous en profitions pour convaincre les Français de la pertinence de notre analyse sur le modèle agricole français et Européen.
Après tout cette vache folle, qu'est-ce donc ? Si ce n'est le fruit naturel de cette course folle, effrénée, au productivisme que la droite a toujours encouragé et dont nous avons toujours combattu les excès.
Cette course folle au productivisme qui a donné à manger des farines carnées à des herbivores, cette course folle au productivisme qui détruit peu à peu la qualité de nos sols et celle de nos nappes phréatiques.
Chers Camarades, les socialistes, nous la gauche, nous avons autre chose à proposer à la France et à son agriculture.
Ce que nous avons à proposer, et que nous avons inscrit dans la loi d'orientation agricole, c'est la révolution de la qualité : qualité de l'emploi, qualité des pratiques agricoles, qualité de nos produits alimentaires, etc.
Chers camarades, nous devons passer un nouveau contrat avec l'agriculture européenne et tant pis si la droite nous accuse encore d'archaïsme, tant pis si elle dénonce encore les entraves à la liberté des entreprises, tant pis si elle s'arc-boute sur un fonctionnement unique de l'agriculture, produire toujours produire. Produire, pour produire, tant pis pour elle, et tant mieux pour nous.
Oui nous devons passer un nouveau contrat avec l'agriculture européenne, le contrat de la qualité, et le traduire partout où c'est possible, par des contrats territoriaux signés avec le plus grand nombre d'agriculteurs.
Oui, chers camarades, quant la crise sera finie, nous devrons avoir le courage de construire un autre modèle agricole tournant le dos au productivisme effréné.
Il faudra en payer le prix, et ce n'est pas se payer de mots.
Pour construire un autre modèle agricole, fondé sur la qualité, il faudra des services publics forts et il faudra poursuivre la lutte contre les inégalités.
Des services publics forts, tout d'abord. Quand je prends un peu de recul sur cette crise et sur sa gestion, je me dis : que serions-nous sans nos services publics de contrôle ?
Ces services de l'Etat, de la Direction de la concurrence, celle de la Santé, celle de la Direction générale de l'alimentation, ces services de l'Etat à qui nous demandons toujours plus pour la sécurité de nos concitoyens et à qui je veux rendre hommage.
Que serions-nous sans ces chercheurs de l'INRA, de l'INSERM ou du CEA, sans ces scientifiques de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments qui répondent toujours présents chaque jour pour évaluer ce risque que nous, nous devons gérer ?
Que serions-nous sans ce service public de l'Education, éducation nationale, enseignement agricole, pour apprendre aux jeunes, aux citoyens en devenir, les moyens rationnels de surmonter les peurs collectives, les outils pour construire notre sécurité dans l'avenir ?
Oui, que serions-nous sans nos services publics ?
Chers camarades, moi aussi je veux mêler ma voix à toutes celles et ceux qui, à cette tribune, ont plaidé pour que nos services publics restent un pilier fondamental de notre cohésion sociale et de l'égalité des chances, car pour construire un autre modèle agricole fondé sur la qualité, il nous faudra aussi poursuivre la lutte contre les inégalités.
Ce sont les consommateurs les plus défavorisés qui sont les plus exposés à l'insécurité alimentaire. Eux ne peuvent pas se payer de la viande label rouge. Ce sont les petits agriculteurs qui sont condamnés à disparaître par la course folle au productivisme qui impose la concentration des terres.
Si nous voulons un autre modèle agricole, il faut redonner ses chances à la petite et à la moyenne exploitation familiale. Si nous voulons donner ses chances à la petite et moyenne exploitation familiale, alors il faut distribuer autrement les aides à l'agriculture.
(Applaudissements)
Il y a parfois des raccourcis saisissants. C'est pendant cette crise de la vache folle, en ce mois de novembre 2000, que ce Gouvernement, celui de Lionel Jospin, pour la première fois depuis des décennies, instaure une modulation des aides à l'agriculture, c'est-à-dire un plafonnement des primes agricoles dont profitent abusivement les plus grosses exploitations pour les redistribuer à ceux qui s'engagent dans un contrôle qualitatif.
Oui, chers camarades, quand la crise sera finie, il faudra poursuivre dans cette voie de la lutte contre les inégalités qui reste, dans l'agriculture, comme dans le reste de la société, le principal moteur de l'action des socialistes.
Partout où il y a des inégalités, il y a du travail pour nous. C'est d'ailleurs autour de ce thème central, celui des inégalités qui menacent toujours, qui menacent toujours notre cohésion sociale, en particulier celui de la lutte contre les inégalités qui restent, vous l'avez vu, encore récemment, la demande la plus présente que nous adressent nos électeurs.
C'est autour de ce thème central que nous devrons bâtir notre projet pour 2002, celui des législatives, comme celui de la présidentielle pour que 2002 soit l'occasion d'un nouvel élan, dans la lutte contre les inégalités.
J'en ai fini avec ces leçons de la crise et je voudrais donc conclure en revenant à nouveau à notre Parti, à nos débats, à notre Congrès, à ce moment privilégié de notre réflexion collective, à ce temps fort dans la vie de notre Parti.
Je ne voudrais pas paraphraser vulgairement un Président américain qui est décédé tragiquement, qui avait dit " avant de te demander ce que ton Parti peut faire pour toi, demande-toi ce que tu as fait pour lui ".
Pourtant, chers camarades, notre Parti, il est ce que nous en faisons tous, chacun à notre place.
Des simples militants que nous sommes, jusqu'à François Hollande, Premier Secrétaire, les militants qui nous regardent et qui, après avoir débattu, attendent de nous que nous sortions rassemblés de notre Congrès.
Ils savent, eux, que ce qui nous rassemble, est bien plus fort que ce qui nous divise et donc, pour parler clair, je dirai que rien ne s'oppose à la synthèse.
De notre Premier Secrétaire François Hollande, qui le restera, après notre Congrès, ce qui est juste, parce qu'il a assumé sa responsabilité, une tâche bien difficile, avec intelligence, et avec sérieux.
Un Premier Secrétaire qui a besoin de nous, je veux dire, de nous tous. Oui, faisons en sorte qu'à l'issue de notre Congrès, le Parti Socialiste soit rassemblé, rassemblé autour de Lionel Jospin, rassemblé autour de François Hollande, parce que, pour ces militants, et pour nos électeurs, ces derniers attendent beaucoup de nous.
Merci.
(Applaudissements)
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 novembre 2000)