Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, fidèle à la coutume que nous avons instaurée en juillet dernier, et qui veut que, sitôt le Conseil Affaires générales tenu, la Présidence, par ma voix ou celle d'Hubert Védrine vienne rendre compte de ses travaux devant vous.
Permettez-moi cependant de souligner le contexte tout particulier de notre rencontre de ce jour. Comment, bien sûr, pourrions-nous ouvrir nos travaux sans évoquer les événements qui viennent de se produire, il y a quelques jours seulement, à Belgrade ? Comment ne pas avoir à l'esprit les images de cette foule immense qui a investi le Parlement yougoslave pour se réapproprier - de façon ô combien symbolique - le lieu même de sa propre souveraineté ? Et je crois qu'ici, dans l'un des lieux de la démocratie européenne, nous ne pouvons que nous réjouir de ces évolutions, qui ouvrent naturellement au peuple serbe la porte de l'Union européenne. C'est de cela d'abord dont il a été question hier, à Luxembourg, à l'occasion du Conseil des ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes, et c'est pourquoi, bien entendu, je commencerai par là mon intervention.
Mais, en même temps, nous ne pouvons oublier les événements dramatiques qui se produisent, depuis quinze jours, à Jérusalem et dans les Territoires occupés, de même que nous ne pouvons rester insensibles à ces images insoutenables de civils victimes de la violence. Bien entendu, nous, Européens, devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à renouer les fils du dialogue, en espérant, quelques heures après le report de l'ultimatum adressé par M. Barak, que les dirigeants israéliens et palestiniens sauront retrouver rapidement les chemins de la conciliation. De cela je parlerai aussi.
Et puis, en dépit de cette actualité brûlante, je souhaite que notre rencontre aujourd'hui soit aussi l'occasion de vous dire quelques mots des autres sujets qui ont été évoqués à l'occasion de ce Conseil :
- deux questions liées aux relations extérieures de l'Union, notamment l'efficacité de l'action extérieure de l'Union et le toujours délicat dossier de la banane ;
- enfin, bien entendu - et ce sera l'un des principaux aspects de mon intervention - l'état des travaux de la Conférence intergouvernementale sur la réforme des Institutions, à la suite, notamment, du conclave ministériel qui s'est tenu, avant hier, dimanche, en présence de vos représentants - MM. Brok et Tsatsos [dont je salue ici la présence] - et à la suite de l'échange qu'ont eu hier les ministres avec Mme Nicole Fontaine, à l'occasion de la session ministérielle de la CIG.
Notre ordre du jour est, comme vous le voyez, très chargé. Aussi permettez-moi d'entrer tout de suite dans le vif du sujet.
I. D'abord, donc, les conséquences que l'Union vient de tirer du changement de régime à Belgrade.
Je ne reviens pas sur la chronologie des événements qui a conduit à la validation de l'élection de M. Kostunica, saluée par la communauté internationale et par l'Union en particulier, et que je tiens, aujourd'hui, devant vous, et en qualité de Présidence du Conseil, à saluer à nouveau.
Ce que je veux, en revanche, souligner devant vous, c'est que, comme elle s'y était engagée, l'Union européenne a tiré hier les conséquences de ce bouleversement politique, en adoptant une déclaration qui prévoit trois types de mesures :
- d'abord, bien sûr, la levée des sanctions qui frappaient la RFY depuis 1998 (à l'exception, bien entendu, des sanctions qui visent M. Milosevic et son entourage). Je crois que notamment l'abrogation immédiate de l'embargo pétrolier et de l'embargo aérien auront des effets très rapides et très positifs sur la population serbe, et nous ne pouvons que nous en féliciter ;
- ensuite, la RFY va bénéficier très rapidement des instruments qui ont été mis en place par l'Union pour l'ensemble des Balkans : le programme CARDS, d'abord, mais aussi les activités de l'Agence européenne de Reconstruction. Par ailleurs, les ministres ont confirmé la volonté de l'Union de contribuer au rétablissement de la navigation sur le Danube et de participer activement, avec les autres institutions financières internationales, à la modernisation des infrastructures de la RFY dans une perspective régionale. Enfin, la Commission et la Banque mondiale seront conjointement chargées de l'évaluation des besoins et de la coordination de l'assistance économique et financière à la RFY ;
- enfin - et c'est sans doute la décision la plus importante à moyen et long termes, l'Union a décidé de donner une perspective politique à ce pays, en lui proposant de participer au processus de stabilisation et d'association lancé au Conseil européen de Cologne : le pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, bien sûr - je signale, à cet égard, que M. Bodo Hombach était présent hier à Luxembourg ; et, surtout, la perspective d'un accord de stabilisation et d'association avec la Communauté, sur le mode de ceux qui sont en cours de négociation avec les autres pays de la région.
Voilà donc ce qu'on peut retenir de la réunion du Conseil, hier. J'ajoute qu'Hubert Védrine est en ce moment même à Belgrade où, au nom de l'Union, il présente au président Kostunica ces très importantes décisions, ainsi que nos vux de succès pour construire, dans la République fédérale de Yougoslavie, une véritable démocratie et un véritable Etat de droit, mais aussi l'invitation de la Présidence française à venir s'entretenir de ces questions avec les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, à Biarritz.
Ce qui importait, c'est que l'Union adresse aussi très vite, non seulement des signaux concrets d'encouragement, mais aussi une perspective politique d'intégration dans les structures européennes. Je crois désormais que cette perspective a été clairement donnée. Espérons maintenant que le processus de transition puisse se poursuivre dans les meilleures conditions possibles.
Un mot enfin, dans ce contexte, sur le processus démocratique qui a été engagé au Kosovo, puisque le Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, mon ami Bernard Kouchner, est également venu, hier, à Luxembourg, pour faire un point de situation à la veille des élections municipales du 28 octobre prochain.
Ce que je retiens, en quelques mots, de l'intervention du Représentant spécial, c'est l'importance toute particulière de ces élections, 16 mois après l'arrivée de la mission des Nations unies. Mais je retiens aussi que l'attitude de Vosjislav Kostunica sera également très importante pour aider au rétablissement du dialogue entre les communautés serbe et albanaise du Kosovo, qui constitue, comme chacun le sait ici, un aspect crucial de la transition démocratique et de la reconstruction au Kosovo. Là encore, je suis convaincu que l'Union a et aura son rôle à jouer pour aider à rétablir la confiance et le dialogue.
II. Cette exigence de confiance et dialogue, c'est aussi, bien sûr, Mesdames et Messieurs les Députés, celle qui s'impose aujourd'hui au Proche-Orient.
Là encore, il n'est sans doute nul besoin de revenir sur la chronologie des événements qui a marqué l'escalade de la violence, depuis la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des Mosquées, le 28 septembre dernier, jusqu'à l'ultimatum qui a été fixé par le Premier ministre israélien et qui expirait hier soir.
Comme vous le savez, l'Union européenne est engagée depuis des années dans le processus de paix au Proche-Orient, au travers notamment du processus de Barcelone qui, plus que jamais, constitue un cadre à 27 dans lequel Israéliens et Palestiniens peuvent se retrouver tout en évitant le face-à-face. Les enjeux qui sont les nôtres aujourd'hui sont donc de deux ordres :
- d'abord, bien sûr, nous devons aider à éteindre l'incendie : le Conseil a évidemment appelé les deux parties à prendre des mesures urgentes et parallèles de désescalade, tout en suggérant que le Premier ministre israélien et le chef de l'Autorité palestinienne s'adressent respectivement aux populations palestinienne et israélienne, afin de faire cesser ce climat de peur et de violence ;
- ensuite, l'Union peut aider les protagonistes à renouer les fils du dialogue, en donnant une perspective. C'est pourquoi le Haut-Représentant pour la Politique étrangère et de Sécurité commune, Javier Solana, est parti dès hier dans la région. Et c'est dans cet esprit aussi que, plus que jamais, la Présidence française estime nécessaire de tenir, le 16 novembre prochain, à Marseille, la réunion des ministres des Affaires étrangères des quinze Etats membres de l'Union et des pays de la rive sud de la Méditerranée, qui participent au processus de Barcelone.
Il importe, en effet, que les protagonistes se rencontrent, se parlent, que des médiations puissent être trouvées, que l'ensemble des participants puisse concourir, chacun à sa mesure, au rétablissement de la confiance, donc de la paix, dans la région. C'est, en tout cas, le sens des efforts de la diplomatie européenne aujourd'hui, et vous pouvez être assurés que nous ferons tout pour que cette conférence soit un succès.
III. Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Députés, les deux sujets principaux qui ont été évoqués hier, à l'occasion de la réunion du Conseil Affaires générales. Un mot, avant de conclure ce chapitre des relations extérieures de l'Union, sur deux sujets qui ont également été évoqués, et qui sont très importants :
- d'abord, je veux vous signaler l'adoption de conclusions sur l'amélioration de l'efficacité de l'action extérieure de l'Union. Ce débat n'est pas clos, loin de là, et l'enjeu consiste précisément dans la mise en oeuvre des conclusions qui ont été adoptées à l'issue d'un travail que la Présidence française a engagé à l'occasion de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, les 2 et 3 septembre dernier, à Evian.
Mais je veux souligner que les dispositions qui ont été arrêtées sont le fruit d'une très bonne coopération entre la Commission, le Haut-Représentant pour la PESC et les Etats membres, et qu'il y a donc lieu d'espérer que leur mise en pratique se fera dans des conditions permettant d'améliorer l'efficacité et la visibilité de notre action extérieure ;
- je veux enfin vous dire - sans entrer dans le détail sur lequel je reviendrai, si vous le souhaitez, à l'occasion de notre débat - que les ministres sont parvenus à des conclusions sur le sujet de la banane. Ces conclusions donnent un mandat clair à la Commission pour négocier, avec les principaux producteurs extra-communautaires de bananes un dispositif d'importations dans la Communauté qui soit compatible avec les règles de l'OMC - règles qui, je vous le rappelle, avaient valu à la Communauté d'être condamnée par un "panel" de l'OMC.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, ce que je voulais vous dire sur les questions liées à la PESC et aux relations extérieures de la Communauté qui ont été évoquées hier, à Luxembourg.
Mais je veux, sans tarder, évoquer pour terminer l'état des travaux sur la réforme des Institutions qui constitue, comme vous le savez, l'un des grands enjeux de ce semestre.
IV. En ce qui concerne la Conférence intergouvernementale sur la réforme des Institutions, je ne puis d'abord que vous redire à quel point elle est au centre de nos préoccupations. Votre présidente ayant exprimé, hier, lors du Conseil Affaires générales, à nouveau ses craintes, je tiens à souligner devant vous que nous sommes déterminés à aboutir à un bon accord à Nice et que nous mettons toutes les chances de notre coté pour y parvenir.
A l'issue des réunions du mois de juillet, un certain pessimisme s'était emparé de nous car nous avions véritablement le sentiment que nous n'arrivions pas à entrer dans la négociation et que le risque d'un échec était réel.
Aujourd'hui - et comme je l'ai déjà dit, la semaine dernière, à Strasbourg, lors du débat qui a suivi la déclaration de la Présidence sur l'ordre du jour du Conseil informel de Biarritz - une prise de conscience de la nécessité de conclure cette négociation a eu lieu et je crois que nous sommes dans la bonne voie, même si les difficultés demeurent.
Concrètement, où en sommes-nous ?
Sur la Commission et la majorité qualifiée, rien de nouveau depuis la semaine dernière, puisque, comme je l'avais indiqué, ces deux sujets ont fait l'objet de travaux approfondis au niveau du groupe préparatoire et des ministres. Ils ont permis d'avancer aussi loin qu'il était possible de le faire à ce stade. Il reste quelques questions de principe et quelques points de fond à régler, sur lesquelles des orientations au plus haut niveau sont indispensables.
Je résume néanmoins, en quelques mots, l'état actuel des travaux sur ces deux sujets :
Sur la Commission, il est clair qu'une majorité d'Etats membres est réticente à l'idée d'un plafonnement du nombre de commissaires. Mais si nous voulons une Commission qui, tout en comptant plus de 20 membres soit forte et efficace, alors il faut envisager une restructuration.
Soyons réalistes. Nous ne pouvons pas ne rien changer du tout au schéma actuel, car à vingt, vingt-cinq ou trente Etats membres, la Commission ne sera pas en mesure de jouer le rôle central qui est le sien et qu'a rappelé clairement le président Prodi devant votre assemblée, la semaine dernière.
Sur la majorité qualifiée, le travail important qui a été effectué commence à porter ses fruits. Grâce aux propositions très constructives de la Commission, nous avons pu avancer tout en tenant compte des principales difficultés de chaque délégation. Ainsi, la liste des articles susceptibles de passer à la majorité qualifiée commence à devenir substantielle, et je crois qu'au total, les résultats seront à la hauteur. Les questions les plus sensibles, que l'on connaît bien - fiscalité, politique sociale, justice et affaires intérieures - devront être évoquées au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Mais encore une fois, sur ce sujet, qui me paraît le plus important de la CIG, je pense que nous pourrons afficher des résultats honorables. Et je n'oublie pas, bien sûr, la question de l'extension concomitante de la procédure de co-décision, essentielle, à juste titre, pour le Parlement européen. Là encore, je crois que la discussion progresse bien au sein de la CIG.
Les trois autres questions ont donc fait l'objet de nos travaux de dimanche. Nous nous sommes réunis en conclave et les représentants du Parlement européen étaient présents et ont pu s'exprimer sur l'ensemble des questions.
La question de la repondération était évoquée pour la première fois au niveau des ministres. Comme vous le savez, deux grandes options sont en présence : la double majorité et la repondération simple. En réalité, les choses sont un peu plus compliquées, puisque l'option de la double majorité recouvre en fait plusieurs formules assez différentes les unes des autres.
Une légère majorité se dessine en faveur de la repondération simple. Toutefois l'examen de certaines questions de fond doit être poursuivi. Ainsi, la notion de légitimité démocratique - à laquelle, je le sais, le Parlement, plus que toute autre institution, est très sensible -, est au centre de la discussion, et s'il est clair pour tous qu'elle doit se fonder sur une meilleure légitimité démographique, la combinaison de ces deux éléments continue de faire l'objet d'approches sensiblement différentes.
Ainsi, nous devons creuser la question de savoir si le seuil de la majorité qualifiée en termes de population, qui est actuellement descendu au-dessous des 60%, peut être maintenu à ce niveau ou s'il ne conviendrait pas de relever. De même la question de la compensation pour le renoncement éventuel à un commissaire doit être approfondie.
Ce n'est que lorsque nous aurons clarifié nos positions sur certains principes de base que la Présidence pourra, en s'appuyant sur les propositions qui sont sur la table, présenter formellement des tableaux chiffrés. Comme vous le savez, quelques délégations se sont déjà livrées à cet exercice et je crois que c'était fort utile, car il y a un moment où il faudra bien que nous parlions concrètement de chiffres. J'ai bon espoir, pour ma part, que nous arrivions à trouver une combinaison susceptible de satisfaire à peu près tout le monde. Il est clair qu'il n'y a pas de solution simple, car le problème lui-même est complexe.
Alors bien sûr, pour couper court à ces débats complexes, selon elle sans issue, la Commission suggère que l'on retienne sa proposition, qui est en effet d'une grande simplicité, puisqu'il s'agit d'une double majorité simple, dans laquelle chaque Etat a une voix et où la situation démographique de chacun est pleinement prise en compte. Soit !
Mais en faisant ce choix - dont je n'ai pas le sentiment qu'il recueille un large soutien -, ne risquerions nous pas de tourner le dos à l'esprit initial de la construction communautaire ? En effet, en renonçant à la notion de pondération des voix, qui est originale et consubstantielle à notre système actuel, pour aller vers un système où chaque Etat aurait une voix, nous ferions, me semble-t-il, de facto, le choix d'un modèle fédéral, presqu'à l'américaine. Ce qui reviendrait, en d'autres termes à préempter le débat sur l'avenir de l'Europe.
Je crois pour ma part que nous devons rechercher une solution dans l'esprit actuel du système en essayant de cerner d'abord les questions de fond, puis en élaborant une ou deux propositions d'application susceptibles de prendre en compte le plus grand nombre des préoccupations exprimées par les Etats membres. L'idéal serait évidemment que nous puissions trouver une solution qui permette un rééquilibrage du système actuel sans le compliquer ni l'alourdir.
Mais, comme je l'ai déjà dit devant vous, cette question ne trouvera de solution concrète qu'en toute fin de négociation.
J'en viens maintenant au deuxième sujet sur lequel nous nous sommes penchés durant ce conclave : celui des coopérations renforcées.
Nous sommes désormais tous d'accord sur l'utilité de cet instrument, non pas comme préfiguration d'une avant-garde telle que certains ont pu la dépeindre dans leur vision d'une Europe future, mais comme instrument de souplesse pour permettre à l'Europe élargie de fonctionner en attendant les réformes ultérieures.
Encore une fois, il paraît évident - et ce n'est pas un jugement de valeur, mais le constat d'une réalité objective- que, dans l'Europe élargie, tous les Etats membres ne pourront pas ou ne voudront pas toujours avancer au même rythme. Un élément de flexibilité s'avère donc indispensable, afin que ceux qui souhaitent aller plus vite puissent le faire, tout en ménageant toujours aux autres la possibilité de rejoindre ceux qui sont plus avancés.
Ce constat de départ étant acquis, reste à nous mettre d'accord sur les principes à retenir pour améliorer le dispositif existant. A cet égard, le document élaboré par la Présidence et qui a servi de base à nos travaux a été assez largement accepté. Un accord se dessine sur la nécessité d'un dispositif ouvert, qui respecte le cadre institutionnel de l'Union et qui ne remette pas en cause les domaines qui constituent le cur du marché intérieur.
Je me permets d'insister sur ce point, compte tenu des préoccupations exprimées hier par votre Présidente : notre objectif n'est absolument pas de multiplier les coopérations renforcées pour basculer vers un système intergouvernemental ; je le répète, les coopérations renforcées sont conçues comme un facteur d'intégration, non d'exclusion.
Maintenant que nous sommes d'accord entre nous sur les principes, nous devons poursuivre les travaux sur les modalités de déclenchement. Je pense notamment aux notions de "dernier ressort" et de masse critique (c'est-à-dire du nombre d'Etats participants), mais aussi à la procédure de décision (nécessité d'un délai de réflexion, possibilité de veto).
Reste chez certains une interrogation de principe sur les coopérations renforcées dans le domaine de la PESC. En outre, plusieurs Etats membres sont préoccupés par l'articulation avec le Haut représentant. Il faudra donc réfléchir à des dispositions particulières pour le deuxième pilier.
La Présidence a noté par ailleurs que l'excellent document germano-italien sur les coopérations renforcées était considéré comme une contribution particulièrement utile aux travaux. Elle en tirera donc le meilleur parti dans l'élaboration des documents en vue des prochains travaux.
Enfin, comme je l'avais annoncé à nos partenaires lors de la réunion du 18 septembre, nous avons procédé à un premier tour de table sur la possibilité de compléter l'article 7 du traité sur l'Union européenne, notamment sur la base des propositions déjà déposées par des Etats membres et la Commission. Une assez large majorité s'est dite favorable à l'idée de compléter l'article 7 par une disposition permettant de constater l'existence d'un risque de violation des principes fondamentaux. Mais, sur les autres points - procédure de constat, de déclenchement et mesures à adopter en cas de violation grave et persistante - les approches restent assez différentes. Nous devrons naturellement en tenir compte, de même que du fait que quelques Etats membres restent dubitatifs, voire franchement opposés à toute modification de cet article.
Comme vous le voyez, je crois pouvoir dire que nous avons bien travaillé, même s'il reste des difficultés réelles à surmonter. Nous avons encore un peu de temps et il est important qu'à Biarritz, dans quelques jours, les Chefs d'Etat et de gouvernement puissent avoir une discussion très directe, franche et complète sur tous les sujets en débat.
Ce sera la première occasion pour eux, depuis Amsterdam, d'aborder ces questions au fond. Ce sera donc une étape essentielle et il faut que, de ce Conseil informel, sortent des orientations qui nous permettent de poursuivre et d'approfondir nos travaux afin de préparer le terrain le mieux possible pour Nice.
C'est dans cet esprit que le Président en exercice du Conseil européen a écrit à ses collègues. Je suis convaincu que ce sera un réunion très utile et j'aurai l'occasion, comme je vous l'ai indiqué la semaine dernière, de vous en reparler puisque la Présidence française a pris l'initiative de venir rendre compte au Parlement européen réuni en séance plénière, de ce Conseil informel de Biarritz, le 24 octobre prochain.
***
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Députés, ce que je souhaitais vous dire en guise de présentation des travaux du Conseil Affaires générales. Je vous remercie de votre attention et je suis à présent à votre entière disposition pour répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, fidèle à la coutume que nous avons instaurée en juillet dernier, et qui veut que, sitôt le Conseil Affaires générales tenu, la Présidence, par ma voix ou celle d'Hubert Védrine vienne rendre compte de ses travaux devant vous.
Permettez-moi cependant de souligner le contexte tout particulier de notre rencontre de ce jour. Comment, bien sûr, pourrions-nous ouvrir nos travaux sans évoquer les événements qui viennent de se produire, il y a quelques jours seulement, à Belgrade ? Comment ne pas avoir à l'esprit les images de cette foule immense qui a investi le Parlement yougoslave pour se réapproprier - de façon ô combien symbolique - le lieu même de sa propre souveraineté ? Et je crois qu'ici, dans l'un des lieux de la démocratie européenne, nous ne pouvons que nous réjouir de ces évolutions, qui ouvrent naturellement au peuple serbe la porte de l'Union européenne. C'est de cela d'abord dont il a été question hier, à Luxembourg, à l'occasion du Conseil des ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes, et c'est pourquoi, bien entendu, je commencerai par là mon intervention.
Mais, en même temps, nous ne pouvons oublier les événements dramatiques qui se produisent, depuis quinze jours, à Jérusalem et dans les Territoires occupés, de même que nous ne pouvons rester insensibles à ces images insoutenables de civils victimes de la violence. Bien entendu, nous, Européens, devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à renouer les fils du dialogue, en espérant, quelques heures après le report de l'ultimatum adressé par M. Barak, que les dirigeants israéliens et palestiniens sauront retrouver rapidement les chemins de la conciliation. De cela je parlerai aussi.
Et puis, en dépit de cette actualité brûlante, je souhaite que notre rencontre aujourd'hui soit aussi l'occasion de vous dire quelques mots des autres sujets qui ont été évoqués à l'occasion de ce Conseil :
- deux questions liées aux relations extérieures de l'Union, notamment l'efficacité de l'action extérieure de l'Union et le toujours délicat dossier de la banane ;
- enfin, bien entendu - et ce sera l'un des principaux aspects de mon intervention - l'état des travaux de la Conférence intergouvernementale sur la réforme des Institutions, à la suite, notamment, du conclave ministériel qui s'est tenu, avant hier, dimanche, en présence de vos représentants - MM. Brok et Tsatsos [dont je salue ici la présence] - et à la suite de l'échange qu'ont eu hier les ministres avec Mme Nicole Fontaine, à l'occasion de la session ministérielle de la CIG.
Notre ordre du jour est, comme vous le voyez, très chargé. Aussi permettez-moi d'entrer tout de suite dans le vif du sujet.
I. D'abord, donc, les conséquences que l'Union vient de tirer du changement de régime à Belgrade.
Je ne reviens pas sur la chronologie des événements qui a conduit à la validation de l'élection de M. Kostunica, saluée par la communauté internationale et par l'Union en particulier, et que je tiens, aujourd'hui, devant vous, et en qualité de Présidence du Conseil, à saluer à nouveau.
Ce que je veux, en revanche, souligner devant vous, c'est que, comme elle s'y était engagée, l'Union européenne a tiré hier les conséquences de ce bouleversement politique, en adoptant une déclaration qui prévoit trois types de mesures :
- d'abord, bien sûr, la levée des sanctions qui frappaient la RFY depuis 1998 (à l'exception, bien entendu, des sanctions qui visent M. Milosevic et son entourage). Je crois que notamment l'abrogation immédiate de l'embargo pétrolier et de l'embargo aérien auront des effets très rapides et très positifs sur la population serbe, et nous ne pouvons que nous en féliciter ;
- ensuite, la RFY va bénéficier très rapidement des instruments qui ont été mis en place par l'Union pour l'ensemble des Balkans : le programme CARDS, d'abord, mais aussi les activités de l'Agence européenne de Reconstruction. Par ailleurs, les ministres ont confirmé la volonté de l'Union de contribuer au rétablissement de la navigation sur le Danube et de participer activement, avec les autres institutions financières internationales, à la modernisation des infrastructures de la RFY dans une perspective régionale. Enfin, la Commission et la Banque mondiale seront conjointement chargées de l'évaluation des besoins et de la coordination de l'assistance économique et financière à la RFY ;
- enfin - et c'est sans doute la décision la plus importante à moyen et long termes, l'Union a décidé de donner une perspective politique à ce pays, en lui proposant de participer au processus de stabilisation et d'association lancé au Conseil européen de Cologne : le pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, bien sûr - je signale, à cet égard, que M. Bodo Hombach était présent hier à Luxembourg ; et, surtout, la perspective d'un accord de stabilisation et d'association avec la Communauté, sur le mode de ceux qui sont en cours de négociation avec les autres pays de la région.
Voilà donc ce qu'on peut retenir de la réunion du Conseil, hier. J'ajoute qu'Hubert Védrine est en ce moment même à Belgrade où, au nom de l'Union, il présente au président Kostunica ces très importantes décisions, ainsi que nos vux de succès pour construire, dans la République fédérale de Yougoslavie, une véritable démocratie et un véritable Etat de droit, mais aussi l'invitation de la Présidence française à venir s'entretenir de ces questions avec les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, à Biarritz.
Ce qui importait, c'est que l'Union adresse aussi très vite, non seulement des signaux concrets d'encouragement, mais aussi une perspective politique d'intégration dans les structures européennes. Je crois désormais que cette perspective a été clairement donnée. Espérons maintenant que le processus de transition puisse se poursuivre dans les meilleures conditions possibles.
Un mot enfin, dans ce contexte, sur le processus démocratique qui a été engagé au Kosovo, puisque le Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, mon ami Bernard Kouchner, est également venu, hier, à Luxembourg, pour faire un point de situation à la veille des élections municipales du 28 octobre prochain.
Ce que je retiens, en quelques mots, de l'intervention du Représentant spécial, c'est l'importance toute particulière de ces élections, 16 mois après l'arrivée de la mission des Nations unies. Mais je retiens aussi que l'attitude de Vosjislav Kostunica sera également très importante pour aider au rétablissement du dialogue entre les communautés serbe et albanaise du Kosovo, qui constitue, comme chacun le sait ici, un aspect crucial de la transition démocratique et de la reconstruction au Kosovo. Là encore, je suis convaincu que l'Union a et aura son rôle à jouer pour aider à rétablir la confiance et le dialogue.
II. Cette exigence de confiance et dialogue, c'est aussi, bien sûr, Mesdames et Messieurs les Députés, celle qui s'impose aujourd'hui au Proche-Orient.
Là encore, il n'est sans doute nul besoin de revenir sur la chronologie des événements qui a marqué l'escalade de la violence, depuis la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des Mosquées, le 28 septembre dernier, jusqu'à l'ultimatum qui a été fixé par le Premier ministre israélien et qui expirait hier soir.
Comme vous le savez, l'Union européenne est engagée depuis des années dans le processus de paix au Proche-Orient, au travers notamment du processus de Barcelone qui, plus que jamais, constitue un cadre à 27 dans lequel Israéliens et Palestiniens peuvent se retrouver tout en évitant le face-à-face. Les enjeux qui sont les nôtres aujourd'hui sont donc de deux ordres :
- d'abord, bien sûr, nous devons aider à éteindre l'incendie : le Conseil a évidemment appelé les deux parties à prendre des mesures urgentes et parallèles de désescalade, tout en suggérant que le Premier ministre israélien et le chef de l'Autorité palestinienne s'adressent respectivement aux populations palestinienne et israélienne, afin de faire cesser ce climat de peur et de violence ;
- ensuite, l'Union peut aider les protagonistes à renouer les fils du dialogue, en donnant une perspective. C'est pourquoi le Haut-Représentant pour la Politique étrangère et de Sécurité commune, Javier Solana, est parti dès hier dans la région. Et c'est dans cet esprit aussi que, plus que jamais, la Présidence française estime nécessaire de tenir, le 16 novembre prochain, à Marseille, la réunion des ministres des Affaires étrangères des quinze Etats membres de l'Union et des pays de la rive sud de la Méditerranée, qui participent au processus de Barcelone.
Il importe, en effet, que les protagonistes se rencontrent, se parlent, que des médiations puissent être trouvées, que l'ensemble des participants puisse concourir, chacun à sa mesure, au rétablissement de la confiance, donc de la paix, dans la région. C'est, en tout cas, le sens des efforts de la diplomatie européenne aujourd'hui, et vous pouvez être assurés que nous ferons tout pour que cette conférence soit un succès.
III. Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Députés, les deux sujets principaux qui ont été évoqués hier, à l'occasion de la réunion du Conseil Affaires générales. Un mot, avant de conclure ce chapitre des relations extérieures de l'Union, sur deux sujets qui ont également été évoqués, et qui sont très importants :
- d'abord, je veux vous signaler l'adoption de conclusions sur l'amélioration de l'efficacité de l'action extérieure de l'Union. Ce débat n'est pas clos, loin de là, et l'enjeu consiste précisément dans la mise en oeuvre des conclusions qui ont été adoptées à l'issue d'un travail que la Présidence française a engagé à l'occasion de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, les 2 et 3 septembre dernier, à Evian.
Mais je veux souligner que les dispositions qui ont été arrêtées sont le fruit d'une très bonne coopération entre la Commission, le Haut-Représentant pour la PESC et les Etats membres, et qu'il y a donc lieu d'espérer que leur mise en pratique se fera dans des conditions permettant d'améliorer l'efficacité et la visibilité de notre action extérieure ;
- je veux enfin vous dire - sans entrer dans le détail sur lequel je reviendrai, si vous le souhaitez, à l'occasion de notre débat - que les ministres sont parvenus à des conclusions sur le sujet de la banane. Ces conclusions donnent un mandat clair à la Commission pour négocier, avec les principaux producteurs extra-communautaires de bananes un dispositif d'importations dans la Communauté qui soit compatible avec les règles de l'OMC - règles qui, je vous le rappelle, avaient valu à la Communauté d'être condamnée par un "panel" de l'OMC.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, ce que je voulais vous dire sur les questions liées à la PESC et aux relations extérieures de la Communauté qui ont été évoquées hier, à Luxembourg.
Mais je veux, sans tarder, évoquer pour terminer l'état des travaux sur la réforme des Institutions qui constitue, comme vous le savez, l'un des grands enjeux de ce semestre.
IV. En ce qui concerne la Conférence intergouvernementale sur la réforme des Institutions, je ne puis d'abord que vous redire à quel point elle est au centre de nos préoccupations. Votre présidente ayant exprimé, hier, lors du Conseil Affaires générales, à nouveau ses craintes, je tiens à souligner devant vous que nous sommes déterminés à aboutir à un bon accord à Nice et que nous mettons toutes les chances de notre coté pour y parvenir.
A l'issue des réunions du mois de juillet, un certain pessimisme s'était emparé de nous car nous avions véritablement le sentiment que nous n'arrivions pas à entrer dans la négociation et que le risque d'un échec était réel.
Aujourd'hui - et comme je l'ai déjà dit, la semaine dernière, à Strasbourg, lors du débat qui a suivi la déclaration de la Présidence sur l'ordre du jour du Conseil informel de Biarritz - une prise de conscience de la nécessité de conclure cette négociation a eu lieu et je crois que nous sommes dans la bonne voie, même si les difficultés demeurent.
Concrètement, où en sommes-nous ?
Sur la Commission et la majorité qualifiée, rien de nouveau depuis la semaine dernière, puisque, comme je l'avais indiqué, ces deux sujets ont fait l'objet de travaux approfondis au niveau du groupe préparatoire et des ministres. Ils ont permis d'avancer aussi loin qu'il était possible de le faire à ce stade. Il reste quelques questions de principe et quelques points de fond à régler, sur lesquelles des orientations au plus haut niveau sont indispensables.
Je résume néanmoins, en quelques mots, l'état actuel des travaux sur ces deux sujets :
Sur la Commission, il est clair qu'une majorité d'Etats membres est réticente à l'idée d'un plafonnement du nombre de commissaires. Mais si nous voulons une Commission qui, tout en comptant plus de 20 membres soit forte et efficace, alors il faut envisager une restructuration.
Soyons réalistes. Nous ne pouvons pas ne rien changer du tout au schéma actuel, car à vingt, vingt-cinq ou trente Etats membres, la Commission ne sera pas en mesure de jouer le rôle central qui est le sien et qu'a rappelé clairement le président Prodi devant votre assemblée, la semaine dernière.
Sur la majorité qualifiée, le travail important qui a été effectué commence à porter ses fruits. Grâce aux propositions très constructives de la Commission, nous avons pu avancer tout en tenant compte des principales difficultés de chaque délégation. Ainsi, la liste des articles susceptibles de passer à la majorité qualifiée commence à devenir substantielle, et je crois qu'au total, les résultats seront à la hauteur. Les questions les plus sensibles, que l'on connaît bien - fiscalité, politique sociale, justice et affaires intérieures - devront être évoquées au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Mais encore une fois, sur ce sujet, qui me paraît le plus important de la CIG, je pense que nous pourrons afficher des résultats honorables. Et je n'oublie pas, bien sûr, la question de l'extension concomitante de la procédure de co-décision, essentielle, à juste titre, pour le Parlement européen. Là encore, je crois que la discussion progresse bien au sein de la CIG.
Les trois autres questions ont donc fait l'objet de nos travaux de dimanche. Nous nous sommes réunis en conclave et les représentants du Parlement européen étaient présents et ont pu s'exprimer sur l'ensemble des questions.
La question de la repondération était évoquée pour la première fois au niveau des ministres. Comme vous le savez, deux grandes options sont en présence : la double majorité et la repondération simple. En réalité, les choses sont un peu plus compliquées, puisque l'option de la double majorité recouvre en fait plusieurs formules assez différentes les unes des autres.
Une légère majorité se dessine en faveur de la repondération simple. Toutefois l'examen de certaines questions de fond doit être poursuivi. Ainsi, la notion de légitimité démocratique - à laquelle, je le sais, le Parlement, plus que toute autre institution, est très sensible -, est au centre de la discussion, et s'il est clair pour tous qu'elle doit se fonder sur une meilleure légitimité démographique, la combinaison de ces deux éléments continue de faire l'objet d'approches sensiblement différentes.
Ainsi, nous devons creuser la question de savoir si le seuil de la majorité qualifiée en termes de population, qui est actuellement descendu au-dessous des 60%, peut être maintenu à ce niveau ou s'il ne conviendrait pas de relever. De même la question de la compensation pour le renoncement éventuel à un commissaire doit être approfondie.
Ce n'est que lorsque nous aurons clarifié nos positions sur certains principes de base que la Présidence pourra, en s'appuyant sur les propositions qui sont sur la table, présenter formellement des tableaux chiffrés. Comme vous le savez, quelques délégations se sont déjà livrées à cet exercice et je crois que c'était fort utile, car il y a un moment où il faudra bien que nous parlions concrètement de chiffres. J'ai bon espoir, pour ma part, que nous arrivions à trouver une combinaison susceptible de satisfaire à peu près tout le monde. Il est clair qu'il n'y a pas de solution simple, car le problème lui-même est complexe.
Alors bien sûr, pour couper court à ces débats complexes, selon elle sans issue, la Commission suggère que l'on retienne sa proposition, qui est en effet d'une grande simplicité, puisqu'il s'agit d'une double majorité simple, dans laquelle chaque Etat a une voix et où la situation démographique de chacun est pleinement prise en compte. Soit !
Mais en faisant ce choix - dont je n'ai pas le sentiment qu'il recueille un large soutien -, ne risquerions nous pas de tourner le dos à l'esprit initial de la construction communautaire ? En effet, en renonçant à la notion de pondération des voix, qui est originale et consubstantielle à notre système actuel, pour aller vers un système où chaque Etat aurait une voix, nous ferions, me semble-t-il, de facto, le choix d'un modèle fédéral, presqu'à l'américaine. Ce qui reviendrait, en d'autres termes à préempter le débat sur l'avenir de l'Europe.
Je crois pour ma part que nous devons rechercher une solution dans l'esprit actuel du système en essayant de cerner d'abord les questions de fond, puis en élaborant une ou deux propositions d'application susceptibles de prendre en compte le plus grand nombre des préoccupations exprimées par les Etats membres. L'idéal serait évidemment que nous puissions trouver une solution qui permette un rééquilibrage du système actuel sans le compliquer ni l'alourdir.
Mais, comme je l'ai déjà dit devant vous, cette question ne trouvera de solution concrète qu'en toute fin de négociation.
J'en viens maintenant au deuxième sujet sur lequel nous nous sommes penchés durant ce conclave : celui des coopérations renforcées.
Nous sommes désormais tous d'accord sur l'utilité de cet instrument, non pas comme préfiguration d'une avant-garde telle que certains ont pu la dépeindre dans leur vision d'une Europe future, mais comme instrument de souplesse pour permettre à l'Europe élargie de fonctionner en attendant les réformes ultérieures.
Encore une fois, il paraît évident - et ce n'est pas un jugement de valeur, mais le constat d'une réalité objective- que, dans l'Europe élargie, tous les Etats membres ne pourront pas ou ne voudront pas toujours avancer au même rythme. Un élément de flexibilité s'avère donc indispensable, afin que ceux qui souhaitent aller plus vite puissent le faire, tout en ménageant toujours aux autres la possibilité de rejoindre ceux qui sont plus avancés.
Ce constat de départ étant acquis, reste à nous mettre d'accord sur les principes à retenir pour améliorer le dispositif existant. A cet égard, le document élaboré par la Présidence et qui a servi de base à nos travaux a été assez largement accepté. Un accord se dessine sur la nécessité d'un dispositif ouvert, qui respecte le cadre institutionnel de l'Union et qui ne remette pas en cause les domaines qui constituent le cur du marché intérieur.
Je me permets d'insister sur ce point, compte tenu des préoccupations exprimées hier par votre Présidente : notre objectif n'est absolument pas de multiplier les coopérations renforcées pour basculer vers un système intergouvernemental ; je le répète, les coopérations renforcées sont conçues comme un facteur d'intégration, non d'exclusion.
Maintenant que nous sommes d'accord entre nous sur les principes, nous devons poursuivre les travaux sur les modalités de déclenchement. Je pense notamment aux notions de "dernier ressort" et de masse critique (c'est-à-dire du nombre d'Etats participants), mais aussi à la procédure de décision (nécessité d'un délai de réflexion, possibilité de veto).
Reste chez certains une interrogation de principe sur les coopérations renforcées dans le domaine de la PESC. En outre, plusieurs Etats membres sont préoccupés par l'articulation avec le Haut représentant. Il faudra donc réfléchir à des dispositions particulières pour le deuxième pilier.
La Présidence a noté par ailleurs que l'excellent document germano-italien sur les coopérations renforcées était considéré comme une contribution particulièrement utile aux travaux. Elle en tirera donc le meilleur parti dans l'élaboration des documents en vue des prochains travaux.
Enfin, comme je l'avais annoncé à nos partenaires lors de la réunion du 18 septembre, nous avons procédé à un premier tour de table sur la possibilité de compléter l'article 7 du traité sur l'Union européenne, notamment sur la base des propositions déjà déposées par des Etats membres et la Commission. Une assez large majorité s'est dite favorable à l'idée de compléter l'article 7 par une disposition permettant de constater l'existence d'un risque de violation des principes fondamentaux. Mais, sur les autres points - procédure de constat, de déclenchement et mesures à adopter en cas de violation grave et persistante - les approches restent assez différentes. Nous devrons naturellement en tenir compte, de même que du fait que quelques Etats membres restent dubitatifs, voire franchement opposés à toute modification de cet article.
Comme vous le voyez, je crois pouvoir dire que nous avons bien travaillé, même s'il reste des difficultés réelles à surmonter. Nous avons encore un peu de temps et il est important qu'à Biarritz, dans quelques jours, les Chefs d'Etat et de gouvernement puissent avoir une discussion très directe, franche et complète sur tous les sujets en débat.
Ce sera la première occasion pour eux, depuis Amsterdam, d'aborder ces questions au fond. Ce sera donc une étape essentielle et il faut que, de ce Conseil informel, sortent des orientations qui nous permettent de poursuivre et d'approfondir nos travaux afin de préparer le terrain le mieux possible pour Nice.
C'est dans cet esprit que le Président en exercice du Conseil européen a écrit à ses collègues. Je suis convaincu que ce sera un réunion très utile et j'aurai l'occasion, comme je vous l'ai indiqué la semaine dernière, de vous en reparler puisque la Présidence française a pris l'initiative de venir rendre compte au Parlement européen réuni en séance plénière, de ce Conseil informel de Biarritz, le 24 octobre prochain.
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Voilà donc, Mesdames et Messieurs les Députés, ce que je souhaitais vous dire en guise de présentation des travaux du Conseil Affaires générales. Je vous remercie de votre attention et je suis à présent à votre entière disposition pour répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)