Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le bilan de la présidence française de l'Union européenne, notamment la promotion de l'emploi, la lutte contre les discriminations et les exclusions et la création d'un agenda social, Strasbourg le 12 décembre 2000.

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Circonstance : Audition devant la Commission Emploi et Affaires Sociales du Parlement européen, à Strasbourg le 12 décembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Michel,
Mesdames et Messieurs les député(e)s,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un très grand plaisir que je viens aujourd'hui devant vous, à Strasbourg, en tant que Présidente du Conseil Emploi et Politique Sociale, pour évoquer avec vous le bilan de la Présidence française de l'Union européenne dans les domaines qui concernent votre commission. Je vous remercie, ainsi que votre Président, d'avoir réuni votre commission spécifiquement pour cette audition, en dehors de votre calendrier habituel.
Je dis bilan de la Présidence française, mais elle n'est pas encore complètement terminée. J'ai d'ailleurs décidé de convoquer un Conseil Emploi et Politique sociale extraordinaire le 20 décembre prochain pour tirer toutes les conséquences des décisions du sommet européen de Nice sur la société européenne et pour tenter de progresser encore sur la directive Renault-Vilvoorde, mais je reviendrai sur ce sujet plus loin.
Je ferai brièvement le point sur nos travaux, afin de laisser toute sa place à la discussion.
Je voudrais tout d'abord vous redire combien le gouvernement français est attaché à l'association des députés européens à cette Présidence. La Présidence française a souhaité avoir une démarche partenariale, la plus en amont possible pour être efficace, et j'espère qu'elle y a réussi. Je sais que de multiples contacts se sont noués entre les membres de votre Commission et la Présidence française et que la collaboration a été fructueuse. Je sais aussi que le Parlement s'est efforcé, tout en maintenant la qualité de ses propositions, d'accélérer l'adoption de ses avis afin de permettre à la Présidence française et à l'Union européenne d'adopter les textes et initiatives qui ont fait progresser l'Europe sociale. Je remercie donc particulièrement les rapporteurs et les membres de cette Commission pour leur travail et leur efficacité qui nous ont permis d'atteindre nos objectifs.
Je retrouve les questions sociales européennes au bout de 3 ans, et je constate avec plaisir que le rééquilibrage de la construction européenne en faveur de sa dimension sociale a été bien amorcé. Pendant longtemps, la constitution d'un espace économique unifié et de la monnaie unique a concentré les énergies. Cela était nécessaire, mais pas suffisant. L'efficacité économique ne saurait être séparée du progrès et de la justice sociale. Ce caractère indissociable de l'économique et du social est une caractéristique du modèle social européen, que nous souhaitons améliorer et moderniser.
Il faut donc se réjouir des avancées importantes réalisées dans ce sens, depuis le Conseil européen d'Amsterdam, à la demande de Lionel Jospin. Au Conseil européen de Luxembourg, nous nous sommes dotés d'objectifs communs pour lutter ensemble contre le chômage. Au Conseil européen de Lisbonne, nous nous sommes donnés pour perspective le plein emploi et pour objectif une croissance d'au moins 3% en moyenne. Les processus sont lents, mais les choses avancent.
Si l'Europe sociale et de l'emploi est déjà en marche, nous le constatons, et nous l'avons même constaté humainement en marge de Nice, avec les manifestations syndicales, beaucoup reste, bien sûr, à faire.
Nous avons tenté d'apporter notre pierre à l'édifice, à travers notre Conseil informel de juillet, auquel le Parlement a participé, à travers le Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre que Martine Aubry a présidé, et à travers le Conseil des 27 et 28 novembre que j'ai présidé. Mais je pense également à l'ensemble des colloques organisés par la Présidence française, en collaboration avec la Commission européenne et avec la participation du Parlement bien souvent.
Nous avons surtout souhaité garder une dynamique pour l'Europe sociale, ce que nous avons appelé " fil rouge ". De ce point de vue, nous avons eu la chance de prendre le relais du Portugal et je sais que nous pouvons également compter sur les futures présidences, et d'abord suédoise et belge, pour poursuivre dans cette voie, dans laquelle le Parlement joue un rôle de premier plan.
Nous avions annoncé trois grandes ambitions pour la Présidence française, dans le domaine social. Je vous les rappelle et je reviendrai sur chacune d'entre elles.
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, par le biais du processus emploi et en améliorant les droits des travailleurs.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire, notamment en luttant contre les discriminations et en adoptant des objectifs pour lutter contre l'exclusion
III - Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, doter l'Union européenne d'un agenda social qui guidera la politique sociale européenne de l'Union européenne dans les 5 années à partir du Conseil européen de Nice.
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité
Après une longue période de chômage massif, l'objectif du plein emploi, l'objectif d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, redevient aujourd'hui accessible. Cet objectif a été rappelé lors du sommet de Lisbonne.
La notion de qualité de l'emploi est entrée dans la " boîte à outil " communautaire, et c'est une étape importante. Il nous appartient à présent de la décliner. Elle doit être prise au sens large. Il s'agit de promouvoir des formes d'emploi et des conditions de travail qui assurent une véritable et durable insertion sociale et une réelle qualité de vie.
A cet égard, je me réjouis de l'ouverture par les partenaires sociaux européens de négociations sur l'intérim, après les accords qu'ils ont conclus sur le temps partiel et sur le contrat à durée déterminée.
Ce premier axe, la promotion d'une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, se décline en deux volets :
- la stratégie européenne pour l'emploi,
- les droits des travailleurs.
1) La stratégie européenne pour l'emploi
Vous savez qu'il revenait à la Présidence française, en tant que Présidence de second semestre, de faire adopter ce qu'on appelle dans le jargon communautaire " le paquet emploi " ou " paquet d'automne ", que la Commission nous a proposé le 6 septembre dernier, et qui est constitué de trois éléments :
- les lignes directrices pour l'emploi pour 2001,
- le rapport conjoint sur l'emploi qui évalue les plans nationaux d'action pour l'emploi (PNAE),
- les recommandations aux Etats membres sur leurs politiques de l'emploi.
C'est chose faite, puisque le Conseil Emploi et Politique sociale s'est mis d'accord le 27 novembre dernier sur ce paquet emploi, que le Conseil européen de Nice a ensuite validé. Je remercie le Parlement européen pour l'avis qu'il a rendu dont nous avons pu tout à fait tenir compte.
Cet exercice, lancé en 1997 au Conseil européen de Luxembourg, d'après le chapitre emploi du traité d'Amsterdam, est aujourd'hui bien rôdé. Son utilité et sa réussite sont reconnues par tous au point que le "processus de Luxembourg" fait école et la méthode qui y est attachée, appelée méthode ouverte de coordination par le Conseil européen de Lisbonne, devient une référence pour d'autres domaines d'action communautaires. Je m'en réjouis d'autant plus que lorsque j'ai, au nom du Parlement européen, participé à la négociation du traité d'Amsterdam, nous avions fondé de grands espoirs sur ce nouveau titre du traité.
La présidence française se situe à un moment particulier du processus de Luxembourg, celui de l'évaluation à mi-parcours de la stratégie européenne engagée en 1997 pour une durée de 5 ans. C'est donc un moment important d'analyse de la stratégie, de ses facteurs de succès et de ses lacunes, et des moyens de l'améliorer.
Le processus initié à Luxembourg est un acquis important. Il cherche à appliquer le même " stress de convergence " dans la lutte contre le chômage que dans la réalisation de la monnaie unique. Nous sommes passés des coutumiers vux pieux et déclarations d'intentions en matière d'emploi et d'objectifs sociaux à des réalisations tangibles et concrètes et à des recommandations précises, qui sont un élément du " stress de convergence ", pour reprendre les termes du Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
Autre élément d'amélioration du processus : les bonnes pratiques des Etats membres en matière de lutte contre le chômage. Elles peuvent davantage être valorisées et l'étude de leur transfert d'un pays à l'autre doit être approfondie.
Ce thème a donc fait l'objet de différents colloques de la Présidence française, notamment sur la prévention du chômage de longue durée (qui se tiendra les 6-7 novembre 2000 à Lille) ou sur le développement local, le 30 novembre et 1er décembre à Strasbourg, dans l'hémicycle du Parlement européen, et je vous en remercie une nouvelle fois.
Grâce à la coopération régulière et permanente que nous développons au niveau européen, il y a vraiment aujourd'hui des analyses communes et une vision partagée des moyens à mettre en uvre pour que tous les citoyens européens puissent se voir offrir et exercer un emploi dans des conditions satisfaisantes.
Le succès de cet exercice réside d'abord dans cet engagement politique fort, pour placer l'emploi en tête de nos priorités. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté à Lisbonne et Feira des objectifs ambitieux pour rétablir le plein-emploi en Europe qu'il nous appartient de mettre en uvre.
Les lignes directrices pour 2001 répondent à ces objectifs, et on peut féliciter encore tout particulièrement la Commission pour les propositions qu'elle nous a faites en ce sens.
Je citerai le renforcement de la formation tout au long de la vie, l'accroissement des objectifs quantifiés, l'investissement dans les ressources humaines, l'amélioration de la capacité d'insertion professionnelle, le rôle plus important donné aux partenaires sociaux dans le cadre des lignes directrices.
De nouveaux sujets, qui sont d'actualité dans nos pays, ont été introduits : les difficultés de recrutement, le renforcement de l'intégration sociale et la lutte contre l'apparition de travailleurs pauvres, le renforcement des dispositions relatives au maintien des personnes âgées dans la vie active.
Mais cette conquête de la qualité des emplois ne s'arrête pas là. Elle se traduira également par un certain nombre de textes en matière de droit du travail.
2) L'implication des travailleurs
La Présidence française a attaché une importance particulière au thème de l'implication des travailleurs, qui recouvre deux textes sur la table du Conseil : la société européenne et l'information-consultation des travailleurs.
- Premier texte important pour l'implication des travailleurs, la société européenne. Vous savez que nous avons poursuivi par des contacts au plus haut niveau, les efforts entrepris par les présidences précédentes pour définir les modalités d'implication des travailleurs dans le cadre de la "société européenne". Dans le prolongement des pistes ouvertes par le Conseil Emploi et Politique sociale des 27 et 28 novembre dernier, le Conseil européen de Nice a pu constater un accord de principe à 15 sur le volet social, ouvrant ainsi la voie à la constitution de sociétés anonymes européennes, ce qui était attendu depuis 30 ans.
Je réunirai un Conseil Emploi et Politique sociale extraordinaire pour parachever ces textes le 20 décembre prochain.
- Deuxième texte important : la directive information-consultation des travailleurs au niveau national. Vous le savez, la Présidence française avait en effet décidé de mettre à l'ordre du jour du Conseil Emploi et Politique sociale la proposition de directive sur l'information et la consultation des travailleurs au niveau national, qui répond à des situations très concrètes puisque la Commission européenne l'avait proposée en 1998, suite à l'affaire " Renault-Vilvoorde ", après avoir constaté l'échec des négociations entre partenaires sociaux, et dont l'actualité récente nous a encore montré le besoin.
Nous avons ouvert le débat sur cette directive qui n'avait encore jamais été examinée par le Conseil et nous nous sommes efforcés de parvenir à un accord sur un texte équilibré. Je souhaite que le moment venu, le Parlement européen puisse accueillir positivement ce texte. Une majorité de délégations appuie cette initiative dans son principe et ses objectifs généraux. Le Conseil européen de Nice a rappelé l'importance de poursuivre l'examen de cette directive. Nous souhaitons donc aller aussi loin que possible sous Présidence française sur ce sujet.
3) Autres textes en droit du travail
Mais nous avons également d'autres textes en cours de négociation, qui, s'ils ne semblent pas avoir la même importance que ceux dont je viens de parler, n'en permettent pas moins de faire progresser concrètement les conditions de travail de nos concitoyens.
Je pense d'abord à l'accord que les partenaires sociaux européens ont conclu sur le temps de travail dans l'aviation civile, qui complètera le dispositif réglementaire européen sur le temps de travail et qui a été adopté le 17 octobre par le Conseil Emploi et Politique sociale.
Je pense ensuite à la directive sur la santé et la sécurité des travailleurs en cas de travaux en hauteur, dite " échafaudage ", qui est loin d'être anecdotique compte-tenu de la trop grande fréquence des accidents du travail en dans l'Union européenne, qui a fait l'objet d'une orientation favorable au Conseil du 17 octobre.
Je pense enfin à la directive sur la protection des travailleurs exposés à des vibrations (tracteurs, marteau - piqueur) qui sont à l'origine d'importantes maladies professionnelles des muscles et du squelette sur laquelle le Conseil Emploi et Politique sociale des 27-28 novembre est parvenu à un accord après des négociations très ardues, alors que le dossier était bloqué depuis 3 ans. J'espère que le Parlement européen pourra accueillir favorablement cette proposition de compromis.
Plus largement, nous avons veillé à ce que les aspects relatifs à la santé et à la sécurité au travail soient largement pris en compte dans l'agenda social européen.
Voilà le bilan de notre Présidence dans le domaine du travail et de l'emploi.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Notre deuxième ambition était de progresser dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Je l'ai déjà dit, je suis convaincue qu'une société plus solidaire est une économie plus performante.
Cette ambition d'une Europe plus solidaire a recouvert plusieurs thèmes prioritaires que nous avons traités sous notre Présidence :
1 - la lutte contre l'exclusion,
2 - la lutte contre toutes les formes de discriminations,
3 - le renforcement de la protection sociale,
4 - la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes,
5 - le renforcement de la politique européenne de santé publique.
Je n'aborderai pas ici ces deux derniers points. En effet, Nicole Péry, pour le droits des femmes a eu plusieurs fois l'occasion de présenter le point de vue de la Présidence devant vous et la commission droits des femmes. Dominique Gillot, pour la santé, va présider le Conseil santé dans deux jours.
1 - La lutte contre l'exclusion
La lutte contre l'exclusion sociale doit être une nouvelle dimension de la construction européenne.
A l'heure où la croissance est durable, la perspective du plein emploi prochaine, il nous faut offrir un avenir à tous. La lutte contre l'exclusion est donc une priorité. Nous ne pouvions pas, au début du XXIème siècle, accepter que certains de concitoyens soient exclus.
La mise en uvre du traité d'Amsterdam nous a ouvert des perspectives importantes en matière d'exclusion. Grâce à l'action remarquable de la présidence portugaise, ces perspectives ont été encore renforcées par les conclusions du Conseil européen de Lisbonne, qui ont fait de la lutte contre les exclusions un élément central du modèle social européen.
A cette occasion, la Présidence française a eu mandat de parvenir à la définition d'objectifs communs en matière de lutte contre les exclusions d'ici au Conseil européen de Nice.
Conformément aux objectifs qu'elle s'était fixés, la Présidence française a fait adopter le 17 octobre par le Conseil Emploi et Politique sociale, le jour même de la journée internationale de la misère, des objectifs appropriés qui serviront de base à des plans nationaux d'action de 2 ans qui devront être présentés dès juin prochain.
Les objectifs, négociés avec les Etats membres et les associations européennes de lutte contre l'exclusion sont regroupés sous 4 axes :
- Favoriser l'accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services nécessaires à une participation pleine et entière à la vie économique et sociale.
- Prévenir les risques d'exclusion.
- Agir pour les plus vulnérables.
- Mobiliser l'ensemble des acteurs.
Dans le cadre de cette nouvelle stratégie européenne de lutte contre l'exclusion, le programme proposé par la Commission européenne permettra de compléter notre action en mettant l'accent sur la coopération internationale et les ONG. Nous sommes parvenus à un accord sur ce programme le 28 novembre dernier. Il reste à nos deux institutions à trouver un accord. Je pense qu'il est tout à fait possible. En ce qui concerne le rôle du Parlement européen, nous avons veillé à ce qu'il soit précisé explicitement dans l'agenda social que le Parlement devait être associé à la méthode de coordination ouverte, ce qui doit donc s'appliquer en matière d'exclusion.
L'enjeu de notre démarche est essentiel. C'est que les citoyens européens puissent constater que l'Europe ne se résume pas à la circulation des capitaux, aux questions monétaires, mais que l'Europe c'est aussi des mesures concrètes pour accéder à un logement décent, se soigner dans de bonnes conditions, quel que soit le pays dans lequel on se trouve, avoir les meilleures chances d'accéder à l'éducation, à un emploi, sans se voir refoulé en raison de son origine, de son nom ou de son lieu d'habitation.
Ces objectifs appropriés et ce programme forment les deux éléments de ce que le Conseil européen de Nice a présenté comme une stratégie européenne de lutte contre l'exclusion
2 - La lutte contre toutes les formes de discrimination
Le Traité d'Amsterdam pose le principe de l'égalité de traitement et de l'absence de discrimination en raison du sexe, de la race ou de l'origine ethnique, de la religion ou des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle.
La Commission a proposé au début de l'année 2000 un ensemble de textes qui mettent en uvre cette nouvelle compétence :
1. Une directive portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
2. Une directive relative à la mise en uvre du principe de l'égalité entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
3. Un programme d'action communautaire sur 5 ans.
Il s'agit d'un ensemble cohérent qui devrait permettre de doter l'Union d'un socle garantissant l'application de ces principes fondamentaux pour la démocratie dans l'ensemble des Etats membres.
Ceci revêt d'autant plus d'importance et de signification que l'actualité récente nous montre que la menace de l'extrême droite en Europe demeure, et que peu d'Etats sont épargnés.
Au terme d'une forte mobilisation politique et grâce à la célérité du Parlement, la Présidence portugaise est parvenue à une adoption unanime de la directive relative aux discriminations raciales.
Le Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre, poursuivant cet élan, au terme d'une négociation de 6 heures, a adopté à l'unanimité les deux derniers éléments de ce paquet anti-discriminations :
- La directive sur les discriminations, dans l'emploi et le marché du travail, fondées sur l'orientation sexuelle, le handicap, l'âge, les convictions, la religion.
- Le programme communautaire sur 5 ans
C'est là un signal fort que le Conseil de Nice lui-même a donné aux Européens. L'Union européenne ne se réduit pas à un marché : elle est aussi une communauté de valeurs, et cet ensemble de mesures contre toutes les formes de discriminations en fait partie.
3 - Faire de la protection sociale un élément de cohésion sociale
Le Conseil européen de Lisbonne a repris les quatre axes retenus par le Conseil en novembre dernier en matière de coopération pour moderniser la protection sociale : rendre le travail plus avantageux et fournir un revenu sûr ; garantir des retraites sûres et des régimes de retraite viables ; promouvoir l'intégration sociale ; garantir un niveau élevé et durable de protection de la santé.
Le Conseil européen a demandé au futur comité de protection sociale de travailler sur les quatre axes que je viens de citer mais avec un accent particulier mis sur la viabilité des régimes de retraites.
Le comité a travaillé. Le Conseil Emploi et Politique sociale a adopté le rapport sur les retraites et l'a transmis au Conseil européen qui a validé l'approche basée sur la qualité des retraites.
En matière de coordination des régimes de sécurité sociale, la Présidence française a poursuivi les travaux sur la simplification et l'extension du règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale, afin de faciliter la libre-circulation des citoyens et leur mobilité, élément essentiel du projet européen. Mais vous connaissez la difficulté qu'ont les Présidences à réunir l'unanimité sur ce dossier, par ailleurs extrêmement technique. Je regrette bien sûr que l'opposition de quelques délégations aient empêché à Nice un accord sur le passage à la majorité qualifiée dans ce domaine.
J'en ai terminé avec la longue et pourtant incomplète description de l'ordre du jour des Conseils Emploi et Politique sociale sous Présidence française.
Il y avait des sujets sur lesquels nous avions une obligation de résultats, puisqu'il nous fallait les transmettre pour approbation au Conseil européen de Nice : la stratégie européenne de lutte contre les exclusions, la stratégie européenne pour l'Emploi pour 2000, et je rajouterai un rapport sur l'avenir des retraites en Europe.
J'en viens à présent à l'exercice dont le Gouvernement a fait une de ses toutes premières priorités : l'agenda social européen.
III - Doter l'Union européenne d'un agenda social européen
Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a mandaté la Présidence française pour parvenir à un accord sur un agenda social européen intégrant les initiatives des différents partenaires concernés.
Conformément à ce mandat, le Conseil Emploi et Politique sociale des 27 et 28 novembre est parvenu à un accord à l'unanimité sur l'agenda social européen que j'ai proposé. Le Conseil européen de Nice l'a approuvé.
Les Etats membres et la Commission européenne ont adopté une attitude remarquablement constructive, liée à l'importance de l'enjeu : ancrer le social au cur de l'Europe, promouvoir une Europe plus proche des citoyens et davantage porteuse de progrès social.
La Présidence française n'a ainsi pas eu à faire de concession sur la liste des thèmes qu'elle avait présentée dans son document de travail, dont beaucoup sont tout à fait nouveaux dans le champ européen et correspondaient au souhait des autres acteurs concernés par la politique sociale européenne. Je pense notamment à vos propositions -et je tiens encore une fois à remercier votre commission et votre rapporteure, Anna Van Lancker- pour votre contribution, que nous avons tenue à mentionner explicitement dans l'introduction de l'agenda.
Dans le prolongement de la stratégie arrêtée à Lisbonne pour le retour au plein emploi, l'Agenda social européen doit permettre de moderniser et d'améliorer le modèle social européen pour l'adapter aux défis nouveaux qui appellent des réponses dans les cinq prochaines années. L'agenda social est ainsi une concrétisation importante de la plus grande priorité donnée à l'Europe sociale, et s'inscrit dans le lien indissociable entre performance économique et progrès social.
Il définit des priorités d'action concrètes, avec un calendrier, autour de six orientations stratégiques pour la politique sociale européenne :
1. Pour des emplois plus nombreux et meilleurs.
2. Anticiper et tirer parti du changement de l'environnement de travail en développant un nouvel équilibre entre souplesse et sécurité.
3. Lutter contre toutes les formes d'exclusion et de discrimination pour favoriser l'intégration sociale.
4. Moderniser la protection sociale.
5. Promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.
6. Renforcer le volet social de l'élargissement et des relations extérieures de l'Union européenne.
L'Union Européenne est donc à présent dotée d'une feuille de route pour les cinq ans à venir, et pour la première fois, les engagements concrets qui y figurent seront suivis annuellement à travers un tableau de bord par la Commission européenne. La Présidence suédoise commencera cet exercice lors du Conseil européen de Stockholm. Mais il nous faudra ensuite, dès après Nice, faire vivre cet agenda, le nourrir des propositions de la Commission et des partenaires sociaux, qui se sont montrés prêts à le faire.
Dans cette perspective, le volet social du Conseil européen de Nice est le complément indispensable du Conseil européen de Lisbonne tourné davantage vers l'économie et qui a précisément donné mandat à la Présidence française pour parvenir à l'adoption d'un agenda.
Mesdames et Messieurs,
Je n'ai pas parlé de sujets " sociaux " traités dans d'autres formations du Conseil, qui revêtent également une grande importance. Je pense bien sûr au volet économique et social de la charte européenne des droits fondamentaux et à l'intégration des ressortissants des pays tiers traités au Conseil Justice Affaires Intérieures ou à l'économie sociale traitée dans le cadre du Conseil Marché Intérieur, Protection des consommateurs.
Quelques mots sur la Charte tout de même.
Si la charte n'est pas aussi complète qu'on aurait pu le souhaiter, elle inscrit désormais au fronton de l'Union européenne, la liberté d'association, la liberté syndicale, la liberté d'entreprise, le droit au travail, le droit à l'information et à la consultation des travailleurs, le droit à la négociation et le droit de grève, le droit à l'aide sociale et l'aide au logement.
J'ai confiance en l'avenir de cette Charte. Le Conseil européen de Cologne qui avait lancé cette initiative a bien précisé que la valeur juridique de la Charte devra être examinée dans un second temps. L'adoption de la Charte au Conseil européen de Nice n'est donc qu'une première étape, mais une étape essentielle pour l'identité européenne. Je suis persuadée qu'un jour, elle pourra être intégrée dans nos traités.
Je sais que certains sujets, qui vous tiennent à cur, n'ont pu être mis à l'ordre du jour de la Présidence française, pour des raisons de calendrier. Ce n'est que partie remise. Et certains de ces thèmes figurent dans l'agenda social, afin qu'ils soient en tout état de cause traités dans les 5 ans à venir.
Si je fais le bilan :
- nous sommes parvenus à des accords sur cinq directives (discrimination, échafaudage, aménagement du temps de travail, vibration, société européenne) et nous avons beaucoup avancé sur information - consultation ;
- nous sommes parvenus à un accord sur trois programmes (exclusion, discrimination, égalité hommes - femmes) ;
- et enfin, nous avons adopté une stratégie européenne sur l'emploi, une stratégie sur l'exclusion sociale, et un agenda social européen.
La réussite d'un tel programme a nécessité la mobilisation de tous. Nous avons pu compter sur la vôtre, pour que l'Europe soit davantage porteuse de solidarité et de progrès social pour les citoyens européens, et je vous en remercie.
L'Europe sociale a été un fil rouge pour la Présidence française, mais ce fil rouge sera poursuivi par les Présidences suédoises et belges, afin que, avec la Présidence portugaise qui nous a précédée, la dimension sociale soit au cur de l'Union.
Je vous remercie de votre attention et je serai très heureuse d'écouter vos réactions et de répondre à vos questions.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 18 décembre 2000)