Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les enjeux du sport et les propositions du PS pour l'action municipale en faveur du sport, Toulouse le 20 octobre 2000.

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Chers amis, chers camarades,
Je vais tout d'abord faire les remerciements d'usage à nos hôtes : Roland Ducert, Maire de Labège ; François-Régis Valette, Président du Sicoval ; Kader Arif, Premier secrétaire de cette fédération ; Pierre Izard, Président du Conseil général ; Martin Malvy, Président du Conseil régional ; c'est une région riche en personnalités - et les transferts de charges ne sont pas, forcément, simplement avec l'Etat.
Je salue François Simon qui est notre candidat à la Mairie de Toulouse, qui a donc notre total soutien dans la bataille qu'il a engagé pour les élections municipales. Il n'est pas le " favori "
- nous dit-on - il est donc le " challenger ". Cependant, pour connaître le sport, ce n'est pas forcément le plus mauvais rôle à la condition, bien évidemment, d'avoir l'activité, le dynamisme nécessaire, quelquefois de partir masqué mais ensuite de se découvrir et, François, tu seras la découverte de ces élections municipales.
Je voudrais également saluer Lionel Jospin, Premier ministre mais également élu du département, pour ses qualités tout d'abord sportives - il nous en a fait la démonstration hier soir - à la fois meneur de jeu, entraîneur, capitaine d'une " dream team " qui compte des titulaires, des remplaçants et, finalement, des réserves importantes ; qui pratique - si j'ai bien compris - le sport de masse et également le sport de haut niveau ; et c'est bien ainsi ! Pour connaître ses qualités de compétiteur, je pense qu'il nous fait honneur dans le combat qui est le sien, aujourd'hui, en tant que Premier ministre.
Chers amis, chers camarades,
Je voudrais aussi saluer tous les participants à ce colloque : les élus, les formateurs, les sportifs qui nous ont délivré des témoignages émouvants - je pense notamment à Slimane - et pour nous avoir tracé ce qui avait été finalement leurs engagements dans le sport.
Je voudrais également remercier et féliciter Adeline Hazan, Secrétaire nationale et Valérie Fourneyron, Déléguée au sport pour avoir respecté un engagement du Premier secrétaire - et vous savez qu'au Parti socialiste, nous voulons tenir nos engagements. J'en avais pris un au moment des élections européennes lors desquelles nous avions organisé un colloque sur "Sport et Europe", et j'avais dit dans mon élan de candidat : " Il faudrait aussi faire une grande manifestation, à Toulouse sans doute - nous ne faisons rien de grand ailleurs qu'à Toulouse me dit-on - donc, à Toulouse, sur " le sport et les élections municipales " et grâce à Adeline, grâce à Valérie, c'est chose faite aujourd'hui.
Ce colloque s'inscrit, en effet, dans la préparation du rendez-vous de 2001 avec la définition des grandes orientations en matière de sport que porteront nos candidats. Ce colloque prend également sa place par rapport à la recherche des nouveaux thèmes qui seront au cur de notre projet de 2002.
Notre réunion s'appuie sur des expériences nombreuses menées par les maires socialistes au niveau local pour favoriser la pratique du sport. Neuf expériences ont été retenues dans le cadre de notre table ronde. Nous aurions pu en ouvrir plus largement à d'autres, mais il fallait faire un choix et ce sont plutôt des expériences de terrain, de petites communes et de grandes, qui ont retenu notre attention.
Le sport, en effet, est devenu un enjeu parce que c'est un phénomène social, économique, culturel de très grande ampleur. C'est cet enjeu, politique désormais, qu'il nous faut porter lors de tous nos rendez-vous électoraux. Le sport est d'abord un phénomène de masse et, sans doute, a occupé depuis plusieurs années une place majeure dans notre société.
Tout d'abord, le sport en tant que pratique : 170 000 associations, plus d'un demi million de bénévoles, 13 millions de licenciés auxquels il faut ajouter des millions de pratiquants plus ou moins réguliers. 1 Français sur 2 s'adonne plus ou moins régulièrement à une activité sportive.
Le sport fait partie de la vie quotidienne de chaque famille et doit donc figurer au cur de tout projet politique.
Place majeure du sport en tant qu'événement. Le sport suscite des passions immenses et des émotions intenses comme seule parfois la politique peut en donner à certaines occasions. Je pense à cette passion au moment de la victoire de l'équipe de France de football pour la Coupe du Monde en 1998, pour le Championnat d'Europe, plus récemment, où 24 millions de Français étaient devant la télévision. Je pense à la demi-finale de rugby contre les All Black. Je pense à la finale de basket. Bref, il y a eu de nombreux exploits qui nous ont fait vibrer et nous attendons maintenant, pour tout, des " dream teams " pour gagner.
Le sport est également une activité majeure comme spectacle. Oui, cela peut quelquefois nous heurter ! Mais, c'est ainsi ! La télévision a beaucoup fait pour le sport. L'inverse est bien sûr vrai, le sport a beaucoup fait pour la télévision. Avec les avantages de la médiatisation pour de nombreuses activités, notamment pour les sports les plus concernés par les activités médiatiques mais, également, les risques de l'anonymat pour les pratiques moins télévisuelles.
Il y a donc une nécessité d'élargir le Fonds de mutualisation, c'est-à-dire l'ensemble des sommes qui peuvent être reversées, aux autres fédérations à partir des droits de télévision.
Au moment où la Ligue professionnelle de football est en train, sans doute, de réduire cette part de la solidarité, il nous faut rappeler ici que le succès d'un sport ou de plusieurs sports, sans doute les plus médiatiques, doit être mis au service de la réussite de tous les sports.
Il y a également le spectacle dans de nombreux stades. Je note d'ailleurs que la présence des publics dans les différentes compétitions se fait plus importante.
Il y a aussi dans chaque village, dans chaque canton, l'occasion de rencontre à travers le sport. Donc, présence du sport, activités sportives majeures mais également le sport comme reconnaissance identitaire à la fois pour les clubs, pour les villes, pour les pays et c'est sans doute un facteur d'intégration et de cohésion. Cependant je n'en sous-estime pas les dérives et là encore les glissements à travers le chauvinisme, à travers la violence, à travers les comportements sectaires ou communautaires. Il y a également une identification - nous en avons eu des témoignages - à travers des sportifs, et c'est très positif pour beaucoup de jeunes de pouvoir se reconnaître dans des parcours de succès et de triomphe à l'occasion de grandes compétitions sportives. Mais également avec des dérives liées aux frustrations, aux malentendus par rapport à la personnalisation du sport.
Enfin, le sport est une activité économique. Il faut également en parler. C'est un facteur essentiel de soutien de la consommation donc, de la croissance et même de l'emploi. Il y a, là encore, à espérer grâce aux 35 heures, grâce au temps libre, que le sport va être dans la consommation des ménages un facteur de dynamisme, avec également ses risques et ses dérives. Le rôle des marques, l'exploitation des goûts des jeunes et la volonté de grandes sociétés d'être présentes d'abord dans les compétitions sportives et ensuite dans les formes de consommation les plus courantes. C'est parce que le sport a occupé et occupe encore, et va occuper sans doute à l'avenir, une place majeure dans la société, qu'il faut parler de la politique du sport ; car le sport a des enjeux de nature politique.
Tout d'abord, en termes de réponses techniques aux questions posées par la pratique sportive et par la recherche de la performance. J'ai noté ici que nous étions conscients qu'il fallait à la fois un sport de masse et un sport d'élite, de haut niveau : le sport de masse appelle des décisions en termes d'équipement, d'encadrement, de formation ; le sport d'élite exige un soutien public, un accompagnement, un appui en termes de détection, de suivi, de reconversion. Dans les deux cas, et c'est ce qui doit aujourd'hui clarifier la position du Parti socialiste, la formation est essentielle. Tout repose sur le dévouement, la compétence des techniciens, des entraîneurs, des éducateurs - et l'Etat et les fédérations y jouent leur rôle.
Nous découvrons également que les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées car il y a la nécessité d'aller au plus près des jeunes. Lorsque nous avons eu l'expérience de Nantes, de réseaux de jeunes espoirs, nous voyons bien comment le lien peut se faire entre sport de masse et sport d'élite.
C'est cependant en termes de valeurs que l'enjeu politique du sport apparaît dans toute sa lumière.
Le sport - William le disait avant moi - ne contient pas de valeur intrinsèque, il porte les valeurs que nous lui attribuons. Pour les socialistes, ces deux valeurs majeures s'appellent citoyenneté et égalité. C'est ainsi que le sport est à la fois au cur de la République comme vecteur de la citoyenneté et de la démocratie comme exigence d'égalité.
La citoyenneté d'abord. Parce que pour nous, socialistes, le sport est une école de respect, est une reconnaissance de l'effort, même pratiqué de manière individuelle. Il renvoie bien souvent à un esprit d'équipe et à une logique collective. Il est un facteur de lien social et de mobilisation positive. Il permet de lutter contre les fléaux de notre société qui s'appellent le repli sur soi, l'égoïsme, le rejet de l'autre. C'est pourquoi nous sommes pour la promotion du sport au sens de vecteur d'insertion, d'intégration et donc de formation. C'est " le vivre ensemble " qui doit nous animer par rapport à cette volonté de promouvoir le sport.
Le deuxième élément de notre politique est l'exigence d'égalité, c'est-à-dire permettre l'accès du plus grand nombre aux activités sportives de toutes natures : loisirs, détente mais également accès au sport amateur comme au sport de haut niveau. Nous devons lutter, là encore, contre toutes les formes d'inégalités, contre toutes les exclusions. La démonstration a encore été faite ce matin. Il y a une participation d'autant plus forte aux associations sportives, aux pratiques sportives que l'on s'élève dans la hiérarchie sociale. Il nous faut à la fois permettre à tous les jeunes, quelles que soient leurs origines, de trouver dans le sport la reconnaissance de leur talent. Il faut permettre à beaucoup d'exclus, quel que soit leur âge, d'aller dans les installations sportives qu'ils considèrent comme interdites à leur accès. Il faut également permettre aux femmes qui, il est vrai, les statistiques ont été données, sont de plus en plus nombreuses à pratiquer tous les sports, de pouvoir le faire et ce, pour toutes les activités. Là encore, la parité a du chemin à faire. Nous avons également parlé des handicapés qui veulent pratiquer un sport et qui veulent le pratiquer de façon massive ; Handisport est le symbole de ce combat.
Ce que nous devons faire en termes d'égalité, c'est la mixité sociale, c'est la politique éducative globale, c'est la politique de la ville.
Cette éthique sportive est d'autant plus indispensable à rappeler que le sport est aussi un reflet des maux de notre société. Que ce soit la violence dans les stades, que ce soit la place de l'argent à travers les transferts de joueurs, les droits de télévision, les concentrations financières, à travers le dopage ou la tricherie. Nous devons donc appeler une politique de l'Etat, appeler une politique européenne pour lutter contre ces dérives, contre ces fléaux.
J'en arrive maintenant à ce qu'est le sens de nos propositions en matière municipale.
Le rôle des collectivités locales dans le développement du sport est devenu considérable. Sur les 130 milliards de dépenses sportives, 50 % sont le fait des ménages, 30 % des collectivités publiques, le reste étant l'Etat et les entreprises. L'effort des communes essentiellement, des départements et des régions représente plus de 50 milliards de francs, que ce soit en termes d'infrastructure, en termes de soutien au sport de masse et même au sport de haut niveau. Dans les budgets municipaux, les chiffres varient - nous avons eu de beaux exemples ici - de 8 à 20 % de participation des budgets municipaux pour le sport. Et pourtant, nous l'avons relevé !
Les bases de la décentralisation, les grandes lois de décentralisation sont restées très vagues en matière sportive. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Le bien était sans doute de permettre beaucoup de financement ; le mal a été, à l'évidence, de laisser la charge essentiellement aux communes. Les compétences sont partagées, les financements croisés. Souvent, est-ce le cas, les responsabilités confuses ?
Quant à la solidarité de l'Etat, elle prend des formes variées : subventions, FNDS, emplois jeunes, sans être, il est vrai, d'ampleur considérable. Il faut donc réfléchir à la meilleure façon de mobiliser plus de financement en faveur du sport et, notamment, souhaiter que pour les équipements qui exigent aujourd'hui de plus en plus de sécurité, il y ait une dotation publique qui vienne de l'Etat aux collectivités locales afin de prendre en charge ces dépenses.
Les priorités des socialistes dans ce cadre-là et en fonction également des évolutions de la décentralisation doivent être de fixer clairement nos priorités au sens des politiques que nous voulons suivre et de bien choisir nos instruments.
Nos priorités s'appellent " la volonté d'intégrer le sport dans un projet de ville ".
C'est la meilleure façon d'animer les quartiers, d'intégrer les jeunes, de mobiliser les générations et de donner une identité à la commune. La priorité est de concourir à la citoyenneté et à l'égalité. La priorité est de faire du sport un élément d'une politique globale.
Les leviers : tout d'abord les équipements. Nous en avons beaucoup parlé ce matin. Nous avons vu la difficulté aujourd'hui de les financer et pour beaucoup de communes rurales, le danger d'en être exclu. C'est pourquoi il va falloir, et c'est déjà fait dans beaucoup de départements et de régions, développer l'intercommunalité pour réaliser les grands équipements sportifs. C'est une nécessité d'avoir une intercommunalité de projets si nous voulons éviter la dispersion et en définitive l'inadaptation des moyens aux besoins.
Le deuxième levier : ce sont les personnels. Nous avons besoin aujourd'hui non pas, simplement, de gestionnaires d'équipement ou d'installation, mais de véritables éducateurs qui sachent mobiliser les clubs, qui sachent leur apporter un soutien technique, qui sachent repérer un certain nombre de jeunes. Nous avons été de ce point de vue largement bénéficiaires, en matière sportive, des emplois jeunes et donc, la pérennisation sera un des éléments du débat de cet après-midi.
Enfin, il y a un troisième levier : les subventions. Là aussi, des progrès considérables ont été faits, souvent sur l'initiative des socialistes, qui a été de passer d'une logique de guichet à une logique de contrat et de faire en sorte qu'il y ait maintenant une contractualisation des communes avec l'Etat, mais aussi des communes avec les associations, pour aller au cur des problèmes rencontrés : aller solliciter les publics défavorisés, former davantage les jeunes, acheter du matériel, trouver les formes d'appui les plus nécessaires.
Nous avons donné beaucoup d'illustrations à ces priorités et à ces instruments. Cela a été la Convention d'objectifs avec Le club que l'on nous a proposée à Rouen ; cela a été le lien avec les établissements scolaires, lien essentiel dont nous avons eu une illustration à Orléans, à Clermont, à Ronchin ; c'est la politique de la Ville mise au service du sport, avec l'exemple de Bron ; c'est le décloisonnement des équipements, avec l'exemple de Liffré.
Ma conclusion est donc simple, chers amis, chers camarades.
Pour les socialistes, le sport s'inscrit dans une politique globale.
Politique globale à l'échelle municipale où il trouve sa place dans un projet de ville visant à assurer la cohésion sociale, l'harmonie du cadre de vie, l'intégration et même la sécurité.
Politique globale à l'échelle nationale. Le sport est l'élément majeur où se retrouve des multiples intervenants ministériels que ce soit bien sûr le ministère de la Jeunesse et des Sports mais aussi le ministère de l'Education nationale, les ministère de la Ville, des Affaires sociales, de l'Aménagement du territoire car il faudra aussi éviter les inégalités territoriales en matière d'accès au sport. Ce sera le sens des schémas des services collectifs.
Le sport, c'est ma deuxième conclusion, se fonde sur un projet politique.
Il y a, oui, une conception socialiste de la place du sport qui répond à nos grands objectifs pour cette législature et même au-delà. A travers le sport, nous luttons contre les inégalités, nous développons un projet d'éducation permanente sur toute la vie, nous sommes pour une société du temps libre qui ne soit pas une société de l'oisiveté ou du spectacle. Nous sommes pour que le sport crée de l'emploi et qu'il permette de générer de nouvelles activités correspondant à de nouveaux besoins. Et nous sommes aussi à travers le sport, dans un projet de régulation du marché car nous ne pouvons pas accepter que le sport se réduise à un marché.
Enfin, il y a le rôle des associations et des bénévoles ; nous en avons parlé. Dans quelques mois, il y a aura le centenaire de la Loi de 1901. Ce ne doit pas être simplement un hommage aux bénévoles ou un coup de chapeau à une structure, en l'occurrence : l'association.
Il nous faut prendre là encore des engagements. Sans doute évoque-t-on rituellement le statut de l'élu social - évitons peut-être des effets d'annonce qui ne sont jamais suivis d'effets - mais regardons ce que nous pouvons faire, mieux faire, en termes de congés individuels de formation, de diplômes qualifiants pour les bénévoles ou de réduction d'impôts par rapport à un certain nombre de contraintes clairement identifiées.
Voilà chers camarades, ce qu'est notre politique, la politique des socialistes en matière de sport.
Merci à tous les organisateurs qui nous ont permis d'avoir de bons projets municipaux pour la campagne. Parce qu'une campagne municipale, c'est tout de même sportif et qu'il nous fallait là avoir les éléments essentiels pour l'emporter ! Il est vrai que nous sommes souvent louangeurs à l'égard de Coubertin. C'est vrai que l'essentiel c'est de participer, mais en politique, l'essentiel est de faire participer les concitoyens et, le plus important, c'est de faire gagner ses idées.
Merci
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 10 novembre 2000)