Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur les objectifs de la loi sur l'épargne salariale, Paris, le 23 novembre 2000.

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Intervenant(s) : 
  • Laurent Fabius - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Colloque FONDACT sur "L'épargne salariale dans la nouvelle économie", à Paris, le 23 novembre 2000

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

" l'épargne salariale dans la nouvelle économie ", rassemble 2 préoccupations de mon ministère. Favoriser l'innovation, l'investissement et l'invention, donc la croissance et l'emploi, est un objectif premier de notre stratégie industrielle. Rendre l'épargne salariale plus simple et accessible à tous, y compris aux acteurs de la nouvelle économie est le but de la Loi que j'ai présentée voici 2 mois au parlement.
Nous sommes partis de l'existant. Intéressement, participation, plan d'épargne d'entreprise, étaient assez peu connus, peu utilisés. 2/3 des salariés du privé, la quasi totalité de ceux des PME en étaient exclus. Les modalités étaient complexes. Les compléments de revenu générés fluctuaient selon les entreprises. Aussi était-il légitime de créer des outils plus justes et adaptés aux salariés actuels autonomes, mobiles et impliqués dans la gestion des sociétés qui les emploient. Tout en démocratisant l'accès à l'épargne collective et en simplifiant sa réglementation, nous voulions associer au devenir de l'entreprise tous ceux qui la font vivre et, vers elle, réorienter des capitaux solides, stables, sécurisés. Les PME notamment, les jeunes pousses également, pourront s'y financer, remplacer, moderniser ou accroître leurs capacités de production, développer des fonds communs de placement à risque ou d'innovation, conserver un personnel expert, capable, formé. L'épargne des ménages, les systèmes de retraite, les salaires n'en seront pas affectés. L'investissement, l'activité, l'emploi y trouveront leur compte. C'est ce que ses détracteurs appellent, comme si c'était une condamnation, une politique de l'offre. Je dirai qu'il s'agit de réduire des goulots d'étranglement, de rejoindre notre potentiel de croissance, de faire le choix de ce qui marche.

1) Un plan d'épargne interentreprises proche de l'actuel PEE sera donc instauré par accord collectif au niveau d'une branche professionnelle, d'un territoire ou d'un groupe d'entreprises. Cette mise en réseaux de la collecte, cette mutualisation du placement éviteront le tête à tête financier entre employé/employeur et permettront au salarié de ne pas prendre trop de risques. Les entreprises de moins de 50 salariés qui auront conclu un accord de participation moins de 2 ans après la promulgation de la loi verront leur provision pour investissement portée de 25 à 50%. Un avantage similaire sera consenti à celles de moins de 100 salariés qui mettent en uvre un accord d'intéressement. Dans ces entreprises, dirigeants et mandataires sociaux bénéficieront des plans d'épargne, ce qui les incitera, je l'espère, à favoriser leur développement.

2) Une meilleure réactivité aux évolutions économiques rapides et à la volatilité du marché du travail sera recherchée. Alors que l'accélération du rythme du changement constitue un paramètre de la " nouvelle " économie, l'ancienneté requise pour ouvrir droit à l'épargne salariale sera ramenée de 6 à 3 mois. La continuité des droits du salarié quittant son entreprise pour une autre sera garantie, le transfert des sommes épargnées assuré, les durées de blocage déjà courues validées. Changements d'employeur et de plan d'épargne seront neutres au regard des droits du salarié. Davantage de sécurités collectives permettront plus d'audace et de mobilité professionnelles.

3) Un Plan Partenarial d'Epargne Salariale Volontaire pourra être conclu. D'une durée au moins égale à 10 ans, géré par un accord collectif, ces créateurs décideront de son organisation. Les signataires volontaires choisiront entre différentes sorties, échelonnée selon les apports, " glissant " comme on dit en capital selon un terme fixé initialement, fractionné au choix du salarié. Les abondements, double de ceux du PEE, soit 30.000 F par an et 3 fois plus importants venant de l'employeur que du bénéficiaire, ouvriront droit à une provision pour investissement au taux de 25%, seront soumis à la CSG et à la CRDS, et, au dessus de 15.000 francs, à un prélèvement raisonnable de 8,2% versé au fonds de réserves pour les retraites.
Puisque nous parlons nouvelle économie, celle-ci méritera d'autant plus son nom qu'elle ne laissera personne au bord du chemin. Le PPESV sera donc aussi au service de l'économie solidaire. Obligeant à une négociation collective annuelle outre celle sur la rémunération, la durée et l'organisation du travail ; renforçant le rôle des salariés dans les conseils de surveillance des FCPE, incitant à la représentation des actionnaires salariés et des salariés dans les conseils d'administration des sociétés cotées ; il facilitera le dialogue social critère majeur d'efficacité.
Proposer sans imposer, ouvrir des possibles sans multiplier les contraintes, aider à la négociation collective, au paritarisme rénové, mais aussi au financement, à l'activité, à la réussite de nos entreprises, l'épargne salariale est une conception de l'articulation entre la loi et le contrat, d'une gestion démocratique du social, d'une politique économique de l'emploi, d'une croissance réformatrice, d'un Etat partenaire et non arbitraire, qui respecte les compétences et les prérogatives de chacun, qui ne détruit pas ce qui existe, qui n'empêche pas ce qui est nouveau. Je sais que ce sont des idées que, pour la plupart, vous défendez depuis longtemps. C'est pourquoi je suis heureux d'être à vos côtés, sachant qu'une fois ce texte définitivement voté il faudra le faire vivre et prospérer. Je sais pouvoir compter sur vous pour cela.

(source http://www.finances.gouv.fr, 24 novembre 2000)