Texte intégral
Q ? Un mot sur la Tunisie en commençant car nous y reviendrons plus longuement tout à l'heure avec Robert Ménard qui est le Secrétaire général de "Reporters sans frontières". Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on découvre que le régime du président Ben Ali est un régime autoritaire et cela n'est tout de même pas si fréquent que vous, que le Quai d'Orsay lui adressiez un message assez ferme.
R - Oui, je l'avais d'ailleurs fait lors de mon premier voyage en Tunisie, le 1er octobre, à l'occasion d'une conférence de presse, en disant que nous nous posions des questions sur les Droits de l'Homme et je demandais à mon homologue de me rassurer à ce sujet. En effet, je ne demandais pas mieux que d'être rassuré parce que nous savons aujourd'hui qu'il y a des sujets préoccupants pour la liberté d'expression. Vendredi encore, un journaliste français du journal "Libération" a été agressé.
Q - Attendez ! C'est plus qu'agressé, il s'est fait "casser la gueule" pour parler trivialement avec, en prime, un coup de couteau dans le dos. Nous sommes un peu au-delà de l'agression, ne pensez-vous pas ?
R - Oui, c'est cela et j'ai demandé qu'il y ait une commission d'enquête immédiatement qui sera non seulement en Tunisie, mais qui informera surtout en permanence le Quai d'Orsay pour savoir exactement ce qui s'est passé.
Lorsque j'étais là-bas, j'ai demandé à rencontrer le président de la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme, ce n'est pas classique pour un ministre des Affaires étrangères. Je l'ai fait, j'y ai tenu, parce que la France considère la Tunisie comme un pays ami, mais elle ne peut évidemment pas accepter que tous les Droits de l'Homme soient bafoués.
Q - Ces questions sont importantes, nous y reviendrons mais également, il ne faut pas qu'elles masquent, j'insiste là-dessus, la très grande importance du sommet qui va se tenir en Tunisie.
Une hyper-puissance, je veux parler des Etats-Unis, acceptera-t-elle de partager leur présence sur le réseau, sur la toile, au moment où, précisément, on sait que dans les cinq ou six années qui viennent, l'importance économique, politique et stratégique de ce réseau va décupler ?
R - D'abord, il faut dire ce qu'est ce sommet. C'est un sommet organisé par les Nations unies, c'est Kofi Annan qui l'a voulu, c'est-à-dire la communauté internationale et non pas les Américains.
Ce sommet est fait pour deux choses. D'abord et avant tout, et on en parle très peu, pour réduire la fracture numérique. Comment tous les pays du monde, comment tous les individus du monde peuvent-ils participer à cela et bénéficier des opportunités que peut offrir la toile Internet ? Aujourd'hui, si nous ne faisons rien, les pays pauvres deviendront encore plus pauvres et ils décrocheront des pays riches.
Q - Croyez-vous, Monsieur le Ministre, que les Etats-Unis aient vraiment envie de réduire cette fracture numérique lorsqu'on voit ce qu'ils font, par exemple, avec le protocole de Kyoto sur l'environnement ?
R - C'est tout le problème. Croit-on au multilatéralisme ou pense-t-on qu'un seul pays, les Etats-Unis, les plus riches, les plus forts, dirigeront le monde ? On se trouve là au c?ur du sujet car nous soutenons le Fonds de solidarité numérique, parrainé par la France et qui a pour vocation de combler la fracture numérique pour les pays les plus pauvres. 3 % des Africains et 57 % des Américains du Nord ont accès à Internet, c'est cette inégalité qu'il faut arrêter.
Q - En a-t-on les moyens ? C'est vraiment la question !
R - Les moyens, on peut toujours les trouver si on le souhaite. Il y a 15 000 à 18 000 milliards de dollars par jour qui sont échangés dans le circuit économique. Si nous voulons le faire, nous le pouvons. Mais la question est qu'aujourd'hui, et c'est encore un autre sujet, il y a une société qui est une société américaine californienne, qui est la société des adresses Internet, qui dépend directement du gouvernement des Etats-Unis et qui décide de l'administration d'Internet.
Q - Juste une image, si vous le permettez et vous nous direz si elle est bonne ou non. C'est comme si, au fond, le seul standard téléphonique mondial de tous les numéros de téléphones du monde se trouvait aux Etats-Unis et donc, si une personne le souhaite, elle pourrait couper le téléphone.
R - C'est ce que l'on disait ce matin sur votre antenne et c'est tout à fait vrai. Pour vous donner un exemple, s'agissant des portables et concernant cette cassure, il y a deux fois plus de portables dans le monde depuis ces deux dernières années et pourtant, un homme sur deux sur la planète n'a jamais téléphoné.
Ce sont des chiffres qui montrent l'importance de cette révolution des nouvelles technologies de l'information. Or, les Américains ont fait main basse dessus, car ils ont été capables de lancer des actions de recherche dans les années 1970-1975, via le Département de la Défense. Ensuite, les sociétés, évidemment, ont fait également main basse sur Internet.
Avec l'Union européenne, la France demande qu'il y ait un système beaucoup plus transparent, beaucoup plus multilatéral, international dans lequel il n'y ait pas que des Etats qui décident mais aussi les sociétés civiles, les associations, les systèmes onusiens pour définir, tout simplement et démocratiquement, les principes d'intérêt public, et pas uniquement d'intérêts privés, sur Internet.
Q - Une question qui ne s'adresse plus simplement au ministre des Affaires étrangères, mais aussi au médecin. Concernant les brevets, lorsqu'on a, à ce point, le contrôle du système, qu'en sera-t-il, dans les 10 ans qui viennent en matière de recherche par exemple ?
R - Les technologies de l'information et de la communication, particulièrement Internet, sont aujourd'hui l'une des richesses les plus cruciales des pays et ce sont des vecteurs de croissance et d'innovation.
Prenez par exemple l'éducation, la formation professionnelle, la santé, comme vous venez de le rappeler mais aussi, tout simplement, la culture, le commerce, les services. Nous défendons l'idée qu'Internet - et c'est une vraie différence avec les Américains -, c'est non seulement quelque chose qui peut aider l'économie, la croissance, mais aussi les Droits de l'Homme, le développement de la démocratie, la liberté d'expression, l'indépendance des médias, la promotion, la diversité culturelle, le multilinguisme, le dialogue entre les nations. Ce système peut être le pire comme le meilleur.
Q - Nous n'allons pas faire comme nous le faisons toujours, ou comme souvent, haro sur les Américains car il faut aussi que nous nous regardions nous-mêmes. La responsabilité de l'Union européenne, nous sommes complètement absents, nous n'avons pas de projet alternatif, nous n'avons pas grand chose à proposer. C'est grave quand même ?
R - La seule chose que nous pouvons proposer, c'est de construire enfin l'Europe politique. La seule solution, c'est d'avoir un budget de la recherche qui soit aussi important que celui des Etats-Unis. On ne peut pas leur reprocher d'avoir compris les enjeux d'Internet avant nous, nous ne pouvons pas leur reprocher d'avoir mis des milliards sur Internet avant nous. Nous sommes 25 pays et nous avons des budgets qui sont très bien par rapport à nos pays mais rien de comparable par rapport aux Etats-Unis.
Par exemple, l'équivalent de la révolution d'Internet dans les années 1970, ce sont les bio et les nano-technologies aujourd'hui. Le budget des Etats-Unis est de 100 milliards de dollars pour les nanotechnologies, la même chose pour les biotechnologies, c'est-à-dire tous les médicaments, tous les vaccins dans 10 ou 15 ans.
Donc, si nous ne nous organisons pas, ils auront tous les vaccins et tous les médicaments. Vous rendez-vous compte, sur un plan géopolitique, ce que cela représente pour l'Afrique, l'Asie, ce que cela représente s'agissant de la grippe aviaire par exemple ?
Q - Mais, il y a plus que cela, il y a le contrôle d'Internet et l'ICANN, et parle-t-on suffisamment des logiciels ? Microsoft, c'est 98 % des logiciels vendus dans le monde aujourd'hui ! La domination ne se trouve pas seulement dans l'adressage et dans les noms de domaine, elle est aussi dans les outils qui permettent de véhiculer, de transporter l'information et de la traiter.
R - Désolé d'y revenir, mais tout est lié au problème de la recherche fondamentale. Une fois que vous engagez de l'argent dans la recherche fondamentale, ensuite des sociétés privées développeront la recherche. Vous ne pourrez jamais changer cela. Lorsque le général de Gaulle décida de faire le CNES, le Centre national d'études spatiales, en 1964-1965, à Toulouse, je suis bien placé pour le savoir, tout le monde se demandait ce que nous faisions là, essayant de nous comparer aux Etats-Unis, c'était ridicule. C'était de l'argent pour la recherche, c'était donc de l'argent perdu.
Sauf qu'aujourd'hui, 40 ans après, tous les satellites européens sont pratiquement faits à Toulouse par des entreprises privées : Alcatel Space, Astrium, ce n'est plus du politique. Le politique se trouve au début, dans la vision sur 30 ou 40 ans.
Les Américains ont eu la vision d'Internet il y a 20 ou 30 ans. Nous n'y pouvons rien, mais nous pouvons encore le décider pour les bio et les nanotechnologies.
Q - Allons-nous le faire ou non ?
R - Je fais de la politique pour cela et nous sommes un certain nombre à faire de la politique pour cela. Il est très important de relever la tête mais cela passe par la construction européenne. Quand on dit "oui" à la Constitution européenne, c'est pour cela, c'est pour qu'il y ait un président pour l'Europe, un patron de l'Europe qui décide, comme George Bush, de ce qui se passera dans 20 ans. C'est cela la politique aussi, ce n'est pas uniquement de se préoccuper des élections dans 2 ou 3 ans, c'est tenter de voir comment nos sociétés, comment l'Europe, comment la France peut agir.
Regardez le GPS, vous en parliez tout à l'heure avec Galileo, il n'est pas normal que le GPS, ce mode de guidage, soit uniquement américain. Tous nos avions, les téléphones, les bateaux, dépendent d'un système américain. Nous disons "non", nous aurons Galileo qui est un système européen, et c'est capital.
Q - Dans 5 à 6 ans, nous aurons plus que multiplié par dix l'importance de la toile, nous n'y serons peut-être toujours pas.
Juste une question, pourquoi n'êtes-vous pas à Tunis, après tout ? Parce que c'est Tunis et qu'il s'y passe des choses désagréables ?
R - Non, et j'y suis allé plusieurs fois. C'est Thierry Breton qui ira car ce qui nous intéresse le plus dans cette affaire, au-delà de la discussion que nous venons d'avoir tous les deux, c'est le Fonds de solidarité numérique. Vous savez, on dit que l'on organisera un fonds de solidarité. Il est préférable que le ministre des Finances soit présent pour décider combien il pourra donner. Ce sont des choses concrètes, Thierry Breton sera là-bas pour cela et nous sommes derrière lui bien évidemment dans cette affaire.
N'oublions pas quand même, pour revenir aux Droits de l'Homme, que l'avenir du Sommet mondial de l'Information oblige la Tunisie à respecter complètement les Droits de l'Homme,(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2005)
R - Oui, je l'avais d'ailleurs fait lors de mon premier voyage en Tunisie, le 1er octobre, à l'occasion d'une conférence de presse, en disant que nous nous posions des questions sur les Droits de l'Homme et je demandais à mon homologue de me rassurer à ce sujet. En effet, je ne demandais pas mieux que d'être rassuré parce que nous savons aujourd'hui qu'il y a des sujets préoccupants pour la liberté d'expression. Vendredi encore, un journaliste français du journal "Libération" a été agressé.
Q - Attendez ! C'est plus qu'agressé, il s'est fait "casser la gueule" pour parler trivialement avec, en prime, un coup de couteau dans le dos. Nous sommes un peu au-delà de l'agression, ne pensez-vous pas ?
R - Oui, c'est cela et j'ai demandé qu'il y ait une commission d'enquête immédiatement qui sera non seulement en Tunisie, mais qui informera surtout en permanence le Quai d'Orsay pour savoir exactement ce qui s'est passé.
Lorsque j'étais là-bas, j'ai demandé à rencontrer le président de la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme, ce n'est pas classique pour un ministre des Affaires étrangères. Je l'ai fait, j'y ai tenu, parce que la France considère la Tunisie comme un pays ami, mais elle ne peut évidemment pas accepter que tous les Droits de l'Homme soient bafoués.
Q - Ces questions sont importantes, nous y reviendrons mais également, il ne faut pas qu'elles masquent, j'insiste là-dessus, la très grande importance du sommet qui va se tenir en Tunisie.
Une hyper-puissance, je veux parler des Etats-Unis, acceptera-t-elle de partager leur présence sur le réseau, sur la toile, au moment où, précisément, on sait que dans les cinq ou six années qui viennent, l'importance économique, politique et stratégique de ce réseau va décupler ?
R - D'abord, il faut dire ce qu'est ce sommet. C'est un sommet organisé par les Nations unies, c'est Kofi Annan qui l'a voulu, c'est-à-dire la communauté internationale et non pas les Américains.
Ce sommet est fait pour deux choses. D'abord et avant tout, et on en parle très peu, pour réduire la fracture numérique. Comment tous les pays du monde, comment tous les individus du monde peuvent-ils participer à cela et bénéficier des opportunités que peut offrir la toile Internet ? Aujourd'hui, si nous ne faisons rien, les pays pauvres deviendront encore plus pauvres et ils décrocheront des pays riches.
Q - Croyez-vous, Monsieur le Ministre, que les Etats-Unis aient vraiment envie de réduire cette fracture numérique lorsqu'on voit ce qu'ils font, par exemple, avec le protocole de Kyoto sur l'environnement ?
R - C'est tout le problème. Croit-on au multilatéralisme ou pense-t-on qu'un seul pays, les Etats-Unis, les plus riches, les plus forts, dirigeront le monde ? On se trouve là au c?ur du sujet car nous soutenons le Fonds de solidarité numérique, parrainé par la France et qui a pour vocation de combler la fracture numérique pour les pays les plus pauvres. 3 % des Africains et 57 % des Américains du Nord ont accès à Internet, c'est cette inégalité qu'il faut arrêter.
Q - En a-t-on les moyens ? C'est vraiment la question !
R - Les moyens, on peut toujours les trouver si on le souhaite. Il y a 15 000 à 18 000 milliards de dollars par jour qui sont échangés dans le circuit économique. Si nous voulons le faire, nous le pouvons. Mais la question est qu'aujourd'hui, et c'est encore un autre sujet, il y a une société qui est une société américaine californienne, qui est la société des adresses Internet, qui dépend directement du gouvernement des Etats-Unis et qui décide de l'administration d'Internet.
Q - Juste une image, si vous le permettez et vous nous direz si elle est bonne ou non. C'est comme si, au fond, le seul standard téléphonique mondial de tous les numéros de téléphones du monde se trouvait aux Etats-Unis et donc, si une personne le souhaite, elle pourrait couper le téléphone.
R - C'est ce que l'on disait ce matin sur votre antenne et c'est tout à fait vrai. Pour vous donner un exemple, s'agissant des portables et concernant cette cassure, il y a deux fois plus de portables dans le monde depuis ces deux dernières années et pourtant, un homme sur deux sur la planète n'a jamais téléphoné.
Ce sont des chiffres qui montrent l'importance de cette révolution des nouvelles technologies de l'information. Or, les Américains ont fait main basse dessus, car ils ont été capables de lancer des actions de recherche dans les années 1970-1975, via le Département de la Défense. Ensuite, les sociétés, évidemment, ont fait également main basse sur Internet.
Avec l'Union européenne, la France demande qu'il y ait un système beaucoup plus transparent, beaucoup plus multilatéral, international dans lequel il n'y ait pas que des Etats qui décident mais aussi les sociétés civiles, les associations, les systèmes onusiens pour définir, tout simplement et démocratiquement, les principes d'intérêt public, et pas uniquement d'intérêts privés, sur Internet.
Q - Une question qui ne s'adresse plus simplement au ministre des Affaires étrangères, mais aussi au médecin. Concernant les brevets, lorsqu'on a, à ce point, le contrôle du système, qu'en sera-t-il, dans les 10 ans qui viennent en matière de recherche par exemple ?
R - Les technologies de l'information et de la communication, particulièrement Internet, sont aujourd'hui l'une des richesses les plus cruciales des pays et ce sont des vecteurs de croissance et d'innovation.
Prenez par exemple l'éducation, la formation professionnelle, la santé, comme vous venez de le rappeler mais aussi, tout simplement, la culture, le commerce, les services. Nous défendons l'idée qu'Internet - et c'est une vraie différence avec les Américains -, c'est non seulement quelque chose qui peut aider l'économie, la croissance, mais aussi les Droits de l'Homme, le développement de la démocratie, la liberté d'expression, l'indépendance des médias, la promotion, la diversité culturelle, le multilinguisme, le dialogue entre les nations. Ce système peut être le pire comme le meilleur.
Q - Nous n'allons pas faire comme nous le faisons toujours, ou comme souvent, haro sur les Américains car il faut aussi que nous nous regardions nous-mêmes. La responsabilité de l'Union européenne, nous sommes complètement absents, nous n'avons pas de projet alternatif, nous n'avons pas grand chose à proposer. C'est grave quand même ?
R - La seule chose que nous pouvons proposer, c'est de construire enfin l'Europe politique. La seule solution, c'est d'avoir un budget de la recherche qui soit aussi important que celui des Etats-Unis. On ne peut pas leur reprocher d'avoir compris les enjeux d'Internet avant nous, nous ne pouvons pas leur reprocher d'avoir mis des milliards sur Internet avant nous. Nous sommes 25 pays et nous avons des budgets qui sont très bien par rapport à nos pays mais rien de comparable par rapport aux Etats-Unis.
Par exemple, l'équivalent de la révolution d'Internet dans les années 1970, ce sont les bio et les nano-technologies aujourd'hui. Le budget des Etats-Unis est de 100 milliards de dollars pour les nanotechnologies, la même chose pour les biotechnologies, c'est-à-dire tous les médicaments, tous les vaccins dans 10 ou 15 ans.
Donc, si nous ne nous organisons pas, ils auront tous les vaccins et tous les médicaments. Vous rendez-vous compte, sur un plan géopolitique, ce que cela représente pour l'Afrique, l'Asie, ce que cela représente s'agissant de la grippe aviaire par exemple ?
Q - Mais, il y a plus que cela, il y a le contrôle d'Internet et l'ICANN, et parle-t-on suffisamment des logiciels ? Microsoft, c'est 98 % des logiciels vendus dans le monde aujourd'hui ! La domination ne se trouve pas seulement dans l'adressage et dans les noms de domaine, elle est aussi dans les outils qui permettent de véhiculer, de transporter l'information et de la traiter.
R - Désolé d'y revenir, mais tout est lié au problème de la recherche fondamentale. Une fois que vous engagez de l'argent dans la recherche fondamentale, ensuite des sociétés privées développeront la recherche. Vous ne pourrez jamais changer cela. Lorsque le général de Gaulle décida de faire le CNES, le Centre national d'études spatiales, en 1964-1965, à Toulouse, je suis bien placé pour le savoir, tout le monde se demandait ce que nous faisions là, essayant de nous comparer aux Etats-Unis, c'était ridicule. C'était de l'argent pour la recherche, c'était donc de l'argent perdu.
Sauf qu'aujourd'hui, 40 ans après, tous les satellites européens sont pratiquement faits à Toulouse par des entreprises privées : Alcatel Space, Astrium, ce n'est plus du politique. Le politique se trouve au début, dans la vision sur 30 ou 40 ans.
Les Américains ont eu la vision d'Internet il y a 20 ou 30 ans. Nous n'y pouvons rien, mais nous pouvons encore le décider pour les bio et les nanotechnologies.
Q - Allons-nous le faire ou non ?
R - Je fais de la politique pour cela et nous sommes un certain nombre à faire de la politique pour cela. Il est très important de relever la tête mais cela passe par la construction européenne. Quand on dit "oui" à la Constitution européenne, c'est pour cela, c'est pour qu'il y ait un président pour l'Europe, un patron de l'Europe qui décide, comme George Bush, de ce qui se passera dans 20 ans. C'est cela la politique aussi, ce n'est pas uniquement de se préoccuper des élections dans 2 ou 3 ans, c'est tenter de voir comment nos sociétés, comment l'Europe, comment la France peut agir.
Regardez le GPS, vous en parliez tout à l'heure avec Galileo, il n'est pas normal que le GPS, ce mode de guidage, soit uniquement américain. Tous nos avions, les téléphones, les bateaux, dépendent d'un système américain. Nous disons "non", nous aurons Galileo qui est un système européen, et c'est capital.
Q - Dans 5 à 6 ans, nous aurons plus que multiplié par dix l'importance de la toile, nous n'y serons peut-être toujours pas.
Juste une question, pourquoi n'êtes-vous pas à Tunis, après tout ? Parce que c'est Tunis et qu'il s'y passe des choses désagréables ?
R - Non, et j'y suis allé plusieurs fois. C'est Thierry Breton qui ira car ce qui nous intéresse le plus dans cette affaire, au-delà de la discussion que nous venons d'avoir tous les deux, c'est le Fonds de solidarité numérique. Vous savez, on dit que l'on organisera un fonds de solidarité. Il est préférable que le ministre des Finances soit présent pour décider combien il pourra donner. Ce sont des choses concrètes, Thierry Breton sera là-bas pour cela et nous sommes derrière lui bien évidemment dans cette affaire.
N'oublions pas quand même, pour revenir aux Droits de l'Homme, que l'avenir du Sommet mondial de l'Information oblige la Tunisie à respecter complètement les Droits de l'Homme,(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2005)