Texte intégral
Mesdames, Messieurs les inspecteurs des installations classées,
Sachez que je suis particulièrement ravie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de pouvoir m'exprimer devant vous.
Je vous prie de bien vouloir excuser mon arrivée tardive. Ma journée est particulièrement dense. J'espère que vos estomacs ne m'en tiendront pas rigueur. Compte tenu de l'heure déjà avancée, nous n'aurons pas le
temps d'échanger tous ensemble. Néanmoins je déjeunerai avec certains d'entre vous car je souhaite pouvoir échanger avec vous sur les enjeux de notre métier et sur vos préoccupations. Je sais pouvoir compter sur
les participants pour relayer nos échanges.
Mais avant de passer au déjeuner, je souhaite vous faire partager 4 convictions et vous indiquer les priorités que je donne à votre action.
1ère conviction : l'inspection des installations classées est un métier reconnu mais difficile.
Ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, la prévention des pollutions et des risques constitue un enjeu majeur pour le ministère de l'écologie et du développement durable. C'est aussi une préoccupation constante de la population, qui attend que l'Etat renforce encore son contrôle des activités industrielles et agricoles à
risque.
Vous tous, inspecteurs des DRIRE, des DDSV, du STIIIC et des autres services de l'Etat, vous avez donc une mission essentielle de service public.
Nous nous apprêtons à fêter le bicentenaire de l'ordonnance de février 1806 du préfet de police de Paris, qui est un des textes fondateurs de la législation sur les installations classées. Je tiens à redire que le rôle et le savoir-faire de l'inspection sont depuis longtemps reconnus par tous. J'ai pu le vérifier régulièrement depuis mon arrivée à ce ministère.
Je suis tout à fait consciente que ces activités de contrôle sont très difficiles, voire ingrates. L'efficacité du contrôle est en effet difficilement mesurable. En revanche, en cas d'accident, la responsabilité pénale des agents à qui incombe ce contrôle peut être recherchée.
2ème conviction : nous devons travailler en permanence à l'amélioration du pilotage de notre activité.
Sur ce point, il me paraît fondamental de continuer à organiser au niveau national les activités de l'inspection, avec des priorités claires, où les rôles de chacun sont définis, où les principales procédures sont écrites.
Je salue les programmes mis en place par la DPPR, les DRIRE et les services vétérinaires qui intègrent cet objectif.
En ce qui concerne le plan de modernisation de l'inspection en DRIRE, je sais qu'il s'est appuyé sur des travaux collectifs dont le pilotage a été confié à des membres de l'inspection.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui se sont impliquées, car c'est grâce à ce type d'action pragmatique et collective que l'inspection peut progresser.
Un des aspects importants de ce plan est qu'il comporte des engagements très concrets vis-à-vis de la population et du monde professionnel en termes de nombre de visites, de délai d'autorisation, de transparence,
et également de réponse aux plaintes.
Je voudrais vous redire l'importance que j'attache à cette question des plaintes.
Les nuisances de proximité sont une préoccupation de nos concitoyens et des élus. Elles peuvent provoquer parfois des situations réellement dramatiques pour les personnes qui y sont confrontées.
Nous devons y apporter une réponse. Cette réponse doit bien sûr être proportionnée car je suis consciente des moyens trop limités de l'inspection pour être sur tous les fronts en même temps.
En ce qui concerne les services vétérinaires, le programme triennal d'actions engagé en 2001 a permis de renforcer l'efficacité de l'inspection des installations classées et de mieux faire connaître
leur action. Il a notamment permis de redéfinir le rôle des différents
maillons de la chaîne hiérarchique.
Des fiches de fonctions précisant les missions et responsabilités de chacun sont en cours de finalisation. Ces fiches intègrent le rôle d'harmonisation et de coordination en matière d'installations classées du directeur des services vétérinaires du département chef lieu de région.
Par ailleurs, la circulaire du 11 février 2005 a permis de définir un cadre de relation entre les DRIRE et les DDSV, à la fois en ce qui concerne la répartition des installations, la coopération technique entre services, la formation ou encore la diffusion de l'information sur l'activité de l'inspection.
Je souhaite qu'un nouveau programme sur l'organisation et le fonctionnement des services vétérinaires soit engagé en liaison avec le ministère de l'agriculture. Ce programme aura pour objectif de consolider les acquis du précédent programme triennal et de fixer de nouveaux objectifs communs en tenant compte des moyens et des autres missions qui sont les vôtres. Vous serez naturellement étroitement
associés à ce travail.
3ème conviction : nous devons améliorer l'adéquation missions/moyens notamment en renforçant notre action là où les enjeux le justifient.
Ces plans que je viens d'évoquer ont notamment pour objet et pour effet de professionnaliser davantage encore l'action de l'inspection et de la rendre encore plus efficace.
Mais leur principal enjeu porte sur la difficile question de l'équilibre entre les missions et les moyens de l'inspection. Chacun sait, et vous le vivez tous les jours, que les bras manquent pour s'occuper des 500 000 installations classées qui existent en France.
Comme vous le savez, à la suite du dramatique accident de Toulouse, le Gouvernement a décidé une augmentation significative des effectifs de l'inspection en DRIRE.
Un plan pluriannuel de 400 renforts en DRIRE est ainsi engagé. En application de ce plan, ce sont 46 inspecteurs supplémentaires qui viendront en 2006 rejoindre les 150 agents supplémentaires d'ores et
déjà arrivés depuis le début de l'année 2004, et ce malgré un contexte budgétaire extrêmement tendu.
Mais ces renforts, qui sont indispensables, ne sont pas le seul outil dont nous disposons pour réduire ce différentiel entre missions et moyens.
Il nous appartient de mobiliser tous les leviers possibles, et notamment de faire évoluer autant que nécessaire le cadre réglementaire, pour pouvoir augmenter encore nos efforts sur les installations qui causent les problèmes les plus sérieux.
La réglementation relative aux installations classées a largement fait la preuve de son efficacité. C'est un outil important de la protection de l'environnement qui a conduit à des progrès remarquables, notamment
en termes de baisse des émissions polluantes.
Elle a su s'adapter sans difficulté à des missions nouvelles, comme la surveillance des émissions de gaz à effet de serre, indispensable au bon fonctionnement de cet outil très nouveau que constitue le marché de
quotas.
Elle prouve à cette occasion et dans ce contexte nouveau toute son actualité et toute sa modernité.
Cependant, avec les années, la réglementation s'est complexifiée.
Aujourd'hui, son champ d'application apparaît trop vaste et couvre des domaines pour lesquels les enjeux environnementaux ne sont pas de même gravité. Cela entraîne une trop grande dilution des efforts et des
difficultés d'application qui, dans certains cas, peuvent réduire la crédibilité de notre action.
Le champ de notre réglementation couvre ainsi plus de 61 000 installations soumises à autorisation et environ 450 000 installations soumises à déclaration.
Si l'on compare ces chiffres à ceux qui résultent de l'application des directives européennes et des pratiques des autres Etats membres, ils apparaissent beaucoup trop élevés.
Les différentes directives communautaires1 ne concernent qu'environ 10 000 installations dont 7 000 environ pour la seule directive IPPC et 1 100 pour la directive Seveso.
Ces constats doivent nous conduire à rechercher des pistes de simplification de notre législation comme cela est prévu dans le programme de modernisation des DRIRE. J'ai demandé à la DPPR de me faire rapidement des propositions en ce sens.
Je crois aussi qu'une autre façon de renforcer l'efficacité de notre action est de s'appuyer, dans certains cas, sur des organismes agréés.
Ils peuvent procéder à des contrôles périodiques, à l'image de ce que nous mettons en place pour prévenir le risque de légionellose.
Dans les faits, les installations soumises à déclaration sont l'objet de très peu de contrôles de la part de l'inspection des installations classées. Ils n'interviennent en général qu'à l'occasion de plaintes ou
de pollutions accidentelles.
Pourtant, il existe dans le code de l'environnement un outil qui n'a pas été mis en oeuvre jusqu'à présent et qui s'avère particulièrement approprié au contexte de nos réflexions.
Il s'agit du contrôle périodique par organismes agréés des installations soumises à déclaration. Son objectif est d'informer les exploitants de la conformité de leurs installations et ainsi de les responsabiliser vis-à-vis des règles qui leur sont applicables.
L'administration n'est pas destinatrice du rapport de visite mais elle peut, sur demande, en avoir connaissance.
Je souhaite que ce dispositif, également prévu par le programme de modernisation, soit mis en oeuvre pour certaines rubriques au cours de l'année 2006. Ceci ne devra pas induire de travail supplémentaire pour
l'inspection.
4ème conviction : les expériences de rapprochement DRIRE-DIREN doivent prendre en compte l'ensemble de vos préoccupations.
Comme vous le savez, des expériences de rapprochement entre DRIRE et DIREN sont en cours dans 5 régions. Dans ces régions, un directeur commun à la DRIRE et à la DIREN a été nommé.
3 directeurs issus de DRIRE assument donc aujourd'hui cette lourde responsabilité. Je tiens à remercier ces 5 directeurs pour l'investissement personnel exceptionnel que cela représente.
Les expérimentations sont suivies par un comité national piloté conjointement par le ministère chargé de l'industrie et mon ministère.
Ce comité vient de réaliser un premier rapport de synthèse sur l'état d'avancement des expérimentations au bout de 6 mois.
Il apparaît clairement que pour cette phase de démarrage, c'est essentiellement l'encadrement qui a été impliqué dans l'expérimentation. Les premiers éléments d'évaluation font tout de même apparaître des gains en légitimité, voire en efficacité, sur certaines thématiques.
Ces thématiques incluent des activités des DRIRE exercées pour le compte du ministère de l'Industrie, comme l'énergie ou le développement durable.
Néanmoins, l'évaluation souligne que les agents sont fortement préoccupés par les conséquences statutaires, financières et, côté DRIRE, par la préservation de l'unité de leur service.
Ils demandent à être informés et associés, ce qui est tout-à fait légitime. Vous pouvez compter sur moi pour que ces préoccupations soient prises en compte.
A ce stade, la fin de l'expérimentation étant prévue pour juin 2006, il est évidement trop tôt aujourd'hui pour anticiper le constat final qui sera fait à l'issue de la période prévue d'expérimentation et a fortiori les décisions qui pourront être prises à la lumière de ce constat.
J'en viens maintenant aux priorités d'actions.
J'ai dit tout à l'heure que la définition de priorités à l'échelle nationale est indispensable à l'efficacité et à la crédibilité de notre action.
C'est pourquoi j'ai tenu à transmettre personnellement aux préfets la circulaire sur les actions nationales de l'inspection pour l'année 2006.
Vous avez vu que j'ai souhaité que la priorité soit donnée aux risques accidentels et chroniques.
En ce qui concerne les risques chroniques, nous devons continuer les actions d'amélioration de la qualité des milieux qui sont à la base de l'action publique depuis longtemps déjà. Nous devons nous mobiliser de manière structurée et organisée et être capable d'expliquer cette mobilisation spécifique compte-tenu des enjeux. C'est l'objectif de la « stratégie substances ».
La problématique « Santé-environnement » n'est pas une nouvelle discipline qui serait forcément complexe, ésotérique, réservée aux professionnels de la santé. Elle est au contraire la traduction d'une
idée très simple : en améliorant l'environnement, on protège aussi la santé des populations.
Pour vous, cela veut dire réglementer et contrôler les activités industrielles avec un regard sur les procédés de production et les émissions associées. Cela suppose dans le même temps de hiérarchiser vos actions, compte-tenu, notamment des enjeux sanitaires. Vous êtes à même de comprendre les processus de fabrication et donc de déceler les points nécessitant action. Vous avez donc toute votre légitimité sur ces sujets.
En 2006, la prévention du risque de légionellose lié aux tours aéro-réfrigérantes est naturellement inscrite au nombre de vos priorités nationales. Des contrôles par sondage, y compris de façon inopinée, devront nous permettre de vérifier la bonne mise en oeuvre de la nouvelle réglementation.
Pour leur part, les DDSV seront particulièrement mobilisées en 2006 pour vérifier la conformité des installations d'abattage d'animaux à la nouvelle réglementation qui leur est applicable.
S'agissant des risques accidentels, nous avons beaucoup travaillé, depuis deux ans, pour élaborer un nouveau cadre réglementaire en matière de prévention. Il s'agit maintenant de mettre en oeuvre ces nouveaux outils qui viennent d'être publiés. Je suis consciente du travail important que cela nécessitera pour vous.
La loi a introduit le principe d'une étude de dangers basée sur une analyse de risque tenant compte non seulement de la gravité potentielle, mais également, fait nouveau, de la probabilité d'occurrence des accidents, et justifiant ainsi les mesures permettant de réduire la probabilité ou la gravité des accidents.
Sans entrer dans le détail, je voudrais simplement vous rappeler aujourd'hui le principe de proportionnalité énoncé à l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 modifié, qui s'applique à l'ensemble du dossier de demande d'autorisation. Le niveau de détail de l'étude de dangers, ainsi que l'importance des mesures de maîtrise du risque doivent être proportionnées à ce dernier.
La mise en oeuvre de nos priorités suppose parfois de faire preuve de fermeté et de constance dans l'effort.
C'est nécessaire si nous voulons continuer d'obtenir des progrès dans le domaine de la sécurité, comme dans celui de la réduction des émissions atmosphériques et plus généralement des pollutions. Or, nous voulons, vous comme moi, obtenir ces progrès. Sinon, nous ne ferions pas notre métier.
Ceci suppose donc que vous obteniez des exploitants concernés la définition et la mise en oeuvre des moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés par la réglementation. Vous devez rester vigilants et fermes. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Il semble que certains exploitants de silos de stockage de céréales sensibles ou de dépôts de plusieurs centaines de tonnes d'engrais à base d'ammonitrates ne mettent pas en oeuvre les bonnes pratiques et les
mesures élémentaires de sécurité avec la célérité nécessaire. Pourtant les risques et les mesures en question sont largement connues et éprouvées depuis des années.
Je compte sur vous pour que l'ensemble de ces établissements progressent au plus vite, en terme de maîtrise effective du risque à la source, plutôt qu'en produisant des études théoriques, génératrices de délais. Les échéances fixées par l'arrêté du 29 mars 2004 pour la mise en place des mesures de sécurité dans les silos sont échues. Les contrevenants doivent être sanctionnés avec la plus extrême sévérité, compte tenu des risques en cause.
Les grands groupes ne sont pas à l'abri d'écarts importants : à ce titre, les constats qui découlent de l'accident du 7 août 2005 à la raffinerie de La Mède, comme d'autres incidents similaires survenus dans d'autres raffineries, sont instructifs.
Ils dénotent deux dérives inquiétantes pour des exploitants SEVESO si elles n'étaient pas rapidement corrigées. J'ai tenu à en faire part personnellement au président de Total dans un courrier récent.
Les moyens et le temps dont disposent les exploitants pour détecter et corriger les écarts importants pour la sécurité doivent être suffisants.
A défaut, la réactivité et la capacité d'anticipation des équipes se révèlent insuffisantes. Pour cela, les priorités du management de la sécurité dans les établissements doivent être examinées avec le plus grand soin.
L'information des autorités en cas d'incident ou d'accident doit être faite, et faite le plus tôt possible, comme le prévoit la réglementation.
J'ajouterai que l'information des populations riveraines doit également être faite, comme l'exige le simple bon sens.
Autre exemple de fermeté : la mise aux normes des incinérateurs.
Quelques semaines seulement nous séparent de l'échéance prévue par les textes réglementaires sur la mise en conformité des usines d'incinération. Je sais l'important travail qui a été réalisé par l'inspection des installations classées sur le sujet depuis plusieurs années et je vous en remercie. Je note également que la plupart des collectivités se sont mobilisées pour être prêtes à temps.
Cependant, quelques cas posent encore difficulté. Il convient donc de poursuivre le travail.
Cette vigilance pour le respect de la réglementation me semble nécessaire pour créer de la confiance.
De nombreux travaux sont faits pour évaluer l'impact sur la santé et l'environnement de l'incinération, mais ils sont de peu d'utilité si l'administration ne veille pas au respect des règles, notamment quand celles-ci sont connues de tous depuis 5 ans et déjà appliquées dans les autres Etats Membres.
Une de vos priorités pour l'année 2006 sera également la résorption des dépôts de pneumatiques usagés.
J'ai eu l'occasion de constater les nuisances que causent ces sites et j'ai fixé un objectif ambitieux : leur évacuation dans un délai de deux ans.
Une démarche a été définie à cette fin. Je compte sur votre engagement pour faire progresser ce dossier. Il est important, car, enfin, ce qui était depuis de longues années un vrai problème environnemental, totalement incompris de nos concitoyens, est en train de trouver une solution.
Nous avons donc, grâce à votre action sur le terrain, progressé dans beaucoup de domaines et je vous en remercie. Nous devons continuer dans cette voie et veiller à obtenir collectivement toujours plus de
résultats concrets en matière de réduction des pollutions et des risques.
Pour cela, je crois qu'une inspection efficace est une inspection qui sait analyser avec discernement, grâce à ses compétences techniques, ce que lui communiquent les exploitants. C'est une inspection qui sait faire jouer à bon escient les mécanismes de tierce-expertise. C'est une inspection qui propose au décideur public des décisions construites et proportionnées.
C'est cette construction qui donne toute sa crédibilité à notre système et que je souhaite préserver et renforcer à l'avenir.
Le métier de l'inspection a bientôt 200 ans, et n'a cessé de se développer depuis sa création.
Mais l'histoire nous enseigne que l'inspection, loin de rester immobile ou figée dans une posture ou une structure, a su continuellement s'adapter et se moderniser pour être le système que nous connaissons
aujourd'hui. Vous êtes engagés dans de nouvelles évolutions, et cette journée a notamment pour but de vous permettre de faire le point sur celles-ci. Je sais pouvoir compter sur vous pour relever ces nouveaux
défis.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous un excellent déjeuner, largement mérité.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 30 novembre 2005)