Texte intégral
Monsieur le Député,
Madame l'Ambassadrice,
Mesdames et Messieurs,
Chargée par le président de la République et le Premier ministre de coordonner l'aide française aux pays en développement, c'est à double titre que je souhaite vous remercier ce matin : tout d'abord pour l'action que vous menez en faveur de la santé des femmes ; mais aussi pour l'occasion que vous me donnez de souligner l'importance que j'attache à ce que la France s'implique davantage pour améliorer la condition des femmes dans les pays en développement. Très sensibilisée à ces problèmes, Mme Bernadette Chirac, qui aurait souhaité pouvoir être parmi nous aujourd'hui, m'a également chargée de vous transmettre ses salutations et de vous assurer de son profond soutien.
En premier lieu donc, merci de votre engagement auprès des femmes dont la vie est brisée par la pathologie fistulaire. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, ce sont aujourd'hui plus de 2 millions de femmes qui souffrent à la fois physiquement, socialement et moralement du fait d'une affection qui peut pourtant être traitée, et qui surtout pourrait être beaucoup mieux prévenue et donc évitée. Chaque année, ce sont 50 à 100.000 femmes que des mariages et des grossesses trop précoces, des mutilations génitales, ou encore des accouchements difficiles et non assistés par du personnel compétent, font basculer dans une maladie douloureuse et stigmatisante. Maladie qui les rend plus fragiles aux infections locales et générales, réduisant ainsi leur espérance de vie, et maladie qui, en outre, les marginalise et les exclue bien souvent de leur famille et de leur communauté.
En intervenant directement vous-mêmes pour opérer les femmes dans ces pays, en contribuant à former des professionnels de santé aptes à réparer, d'abord sur le plan physique par des interventions chirurgicales bien menées, mais également sur un plan social, en informant et en luttant contre la discrimination qui les frappe, vous apportez une réponse absolument nécessaire et qu'il nous faut amplifier, avec tous ceux qui, au sein de la campagne mondiale "En Finir avec les fistules", lancée par le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), partagent cet engagement. Le soutien que mon ministère a récemment décidé d'apporter à votre projet en Afrique de l'Ouest témoigne de notre engagement à vos cotés.
Mais réparer ne suffit pas. La pathologie fistulaire est un révélateur cruel de la situation faite aux femmes dans de trop nombreux pays. La prévention des fistules obstétricales implique sans doute des actions ciblées, pour en expliquer les causes et en faire connaître les traitements, mais elle implique surtout que des progrès majeurs soient obtenus dans l'accès des femmes des pays les moins développés à l'information, à la prévention et aux soins dont elles ont grandement besoin.
Ce dossier est emblématique de l'approche défendue par notre dispositif de coopération en matière d'égalité des sexes : il s'agit en effet à la fois de répondre à des besoins essentiels des femmes (accès à la santé de procréation, à l'éducation, à des activités génératrices de revenus ou à la micro-finance?) et d'oeuvrer à la reconnaissance et l'affirmation effective de leurs droits. Prévenir et réparer les fistules obstétricales participe de la promotion de la santé publique, mais aussi de la lutte contre la discrimination et l'exclusion. Voilà pourquoi, Monsieur le député, mesdames et messieurs, nous souhaitons vous accompagner dans ce combat.
En 2000, lors du Sommet des Nations unies du Millénaire, la communauté internationale s'est fixée 8 objectifs pour assurer le développement des pays les plus pauvres d'ici 2015. Parmi ces 8 objectifs, 3 concernent directement la santé : faire reculer des deux tiers la mortalité infantile, faire reculer des trois quarts la mortalité maternelle, et faire reculer le Sida et le Paludisme et autres grandes maladies. Ceci traduit bien la prise de conscience de ce que la santé est une condition essentielle du développement, et non une de ses conséquences.
La France tient toute sa place dans l'effort mondial pour atteindre ces objectifs. Premier contributeur d'aide au développement des pays du G8, en part de PIB affecté à l'aide au développement, nous nous sommes engagés à porter cette part à 0,5 % en 2007 et à 0,7 % en 2012.
Pour ce qui concerne la santé, notre aide est aujourd'hui majoritairement consacrée à la lutte contre les 3 maladies qui tuent plus de 16 000 personnes par jour dans les pays en développement, le sida, la tuberculose et le paludisme. Face à l'épidémie de sida, à laquelle les femmes des pays et des milieux les plus pauvres, et plus particulièrement les plus jeunes d'entre elles, payent un tribut très lourd, la France a entrepris depuis cinq ans des efforts considérables : notre aide dans ce domaine a été multipliée par cinq, et elle doublera encore d'ici deux ans, selon l'engagement du président de la République de porter à 300 millions d'euros par an notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Mais notre aide au développement dans le secteur de la santé ne concerne pas uniquement la lutte contre ces pandémies. La stratégie d'aide au développement de la France dans ce domaine, préparée et discutée dans une large concertation, et approuvée par le Comité interministériel pour la Coopération internationale et le Développement (CICID), préconise aussi que nous augmentions notre présence et notre engagement en faveur de l'atteinte des autres Objectifs du Millénaire que sont la réduction de la mortalité maternelle et de la mortalité infantile.
Dans les années 80 et 90, la France a soutenu de nombreux projets et programmes visant à améliorer la santé des mères et des enfants, l'appui aux programmes élargis de vaccination, le développement des services de PMI, ainsi que des programmes spécifiques de lutte contre la mortalité maternelle, en Afrique de l'Ouest. Grâce à l'action d'information et de conviction de groupes tels que le vôtre et d'associations comme "Equilibres et Populations", de nouveaux projets ont été lancés par mon ministère, projets pilotes tel que celui conduit en partenariat avec la Tunisie à Kolo au Niger, ou encore celui mené dans plusieurs pays d'Afrique et intitulé "Accès aux soins obstétricaux d'urgence".
Nous devons aller encore plus loin pour améliorer l'accès des femmes à la santé. Et il doit s'agir d'un élément fort de l'action de la France pour ces prochaines années. L'accès des femmes à la santé englobe mais ne se résume pas à la seule lutte contre la mortalité maternelle, cible de l'Objectif du Millénaire. Il commence d'abord par la reconnaissance du droit des femmes à la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité, et doit se poursuivre aussi par la mise en place d'une offre de soins qui leur soit accessible, culturellement, géographiquement et économiquement. Cela devrait se traduire par des services de santé maternelle capables d'offrir un accès à l'information, à la contraception, au dépistage systématiquement proposé mais volontaire du VIH et d'autres maladies, et à la prévention de la transmission mère-enfant du VIH, tout en permettant à la mère d'accéder au traitement antirétroviral, quand il est nécessaire. Cela veut dire aussi des services obstétricaux bien équipés, dans lesquels du personnel bien formé est capable de pratiquer les gestes d'urgence qui sauveront les vies des mères et des enfants, en faisant régresser l'incidence de séquelles invalidantes, au premier rang desquels figurent les fistules.
Les femmes portent une part disproportionnée du lourd fardeau de la maladie dans les pays en développement. Trop souvent en effet, elles sont moins éduquées et moins autonomes, d'où des risques et des maladies spécifiques comme la fistule, tout en étant aussi celles à qui l'on demande paradoxalement de protéger, de soigner, d'accompagner.
Comme je le rappelais, il y a un instant, mon ministère s'est récemment engagé, à hauteur de 50 000 euros, à soutenir l'action conduite sous votre direction, Monsieur le Président, en collaboration avec l'association "Equilibres et Populations", afin de développer les actions de traitement des fistules et de formation en Afrique de l'Ouest, mais aussi d'évaluer les actions déjà conduites dans cette région. Ce projet représente une première étape de notre engagement, et son bilan ainsi que celui des autres actions que j'ai évoquées, doit nous permettre d'identifier les axes d'un programme en faveur de la santé des femmes plus ambitieux qui pourrait être élaboré avec les organisations internationales compétentes, comme le Fonds des Nations unies pour la population et l'Organisation mondiale de la Santé, et débuter en fin d'année prochaine. Bien entendu, la préparation de ce programme se fera en très étroite concertation avec vous.
C'est sur cette nouvelle perspective d'action conjointe que je veux conclure mon propos, en vous remerciant à nouveau pour votre engagement en faveur des femmes, et en faveur de l'Afrique. Je vous souhaite un excellent congrès.
(Source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 24 novembre 2005)