Tribune de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, et Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, dans Le Monde le 3 janvier 2006, intitulée : "Hong Kong : une étape vers un accord équilibré."

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Les dernières négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce tenues lors de la conférence ministérielle à Hong Kong, ont abouti à une déclaration qui constitue une étape importante, mais non décisive sur la route empruntée depuis le lancement du cycle à Doha en 2001. Au cours de cette semaine, nous avons évité le pire et préservé l'essentiel. Le résultat obtenu est satisfaisant et conclut une semaine semée de risques, puisqu'elle était aussi celle de la négociation sur les perspectives financières de l'Union européenne.
La déclaration finale de Hong Kong permet de poursuivre les discussions pour conclure le cycle en ouvrant de nouveaux débouchés à nos entreprises et conforte le cadre de notre agriculture jusqu'en 2013. Les négociations commerciales continueront en 2006, en particulier sur l'industrie et les services. La déclaration ouvre la possibilité d'un accord ambitieux concluant le cycle. Nos objectifs, formulés avant la négociation, sont toujours d'actualité : encadrer la mondialisation par des règles équitables, favoriser la croissance et la création d'emplois en France, préserver une agriculture multifonctionnelle, et surtout encourager le développement des pays les plus pauvres par le commerce.
La France et l'Europe ont fait entendre clairement leur voix en rappelant que ce cycle était celui du développement, c'est-à-dire qu'il était d'abord destiné à aider les pays les plus pauvres de la planète en les aidant à mieux s'insérer dans le commerce. L'Union Européenne trouvait face à elle quelques grands pays agricoles, comme le Brésil ou l'Argentine, représentants improbables des pays pauvres, exigeant la libéralisation complète des échanges agricoles dont ils capteraient l'essentiel des bénéfices. Des résultats concrets ont été enregistrés. Les pays développés et ceux en développement en mesure de le faire, se sont effectivement engagés à ouvrir leurs marchés sans droits de douane, ni contingentement pour tous les produits originaires des pays les moins avancés. Le principe de l'accord « tout sauf les armes » appliqué par l'Union européenne depuis 2001, est généralisé, même si l'on peut déplorer que certains partenaires, comme les Etats-Unis ou le Japon, n'aient pas été en mesure de reprendre à leur compte l'intégralité de notre dispositif. De même, les Etats-Unis ont pris l'engagement minimal d'éliminer leurs aides à l'exportation de coton, tout en préservant leurs considérables soutiens internes qui sont pourtant au c?ur de la problématique soulevée par plusieurs pays africains cotonniers, incapables d'écouler sur le marché mondial leurs productions en raison de prix artificiellement bas.
A Hong Kong, après le développement, c'est le volet agricole qui a principalement fait l'objet des négociations. La France a défendu le principe d'un accord garantissant le parallélisme des efforts. La Déclaration ministérielle y parvient. Les subventions à l'exportation pour les produits agricoles seront supprimées. Mais l'Europe a obtenu, notamment grâce au Conseil des ministres de l'Union qui s'est réunit plusieurs fois, que les soutiens aux exportations agricoles soient maintenues jusqu'au 31 décembre 2013, alors que nos partenaires (à l'exception notable de la Suisse) pressaient pour l'adoption d'une date plus rapprochée, 2010. Cet engagement est conditionné au respect d'un strict parallélisme des efforts: l'Union européenne n'avancera dans cette direction que si ses partenaires font de même et au même rythme qu'eux. Des disciplines visant à démanteler la part subventionnelle des mécanismes d'aide à l'export pratiqués par ces derniers doivent en effet être mis en place sur : les crédits à l'exportation, l'aide alimentaire quand celle-ci sert en réalité à écouler les productions et déstabilise l'économie locale, et les activités des monopoles commerciaux, en particulier au Canada et en Australie.
La prochaine étape de négociation sera centrée sur l'accès aux marchés agricole, industriel et de services, et ne pourra se faire sans des efforts de tous. La France souhaite que les produits agricoles puissent être traités comme des biens de nature spécifique tenant compte des principes d'indépendance stratégique, de sécurité sanitaire, d'aménagement du territoire. Nous serons particulièrement vigilants pour défendre la préférence européenne c'est-à-dire un accès préférentiel des produits européens sur le marché unique, élément essentiel de la politique agricole commune. Nous aurons aussi à obtenir des concessions de nos partenaires, en particulier des pays émergents, sur l'accès à leurs marchés pour nos produits manufacturés et nos industries de service, ce qui sera créateur d'emplois en France.
Au-delà du cycle de Doha, l'accord de Hong Kong fixe un horizon pour l'agriculture française et européenne. Dans la lignée de l'accord obtenu cette même semaine à Bruxelles par nos chefs d'Etat et de gouvernement, il conforte la PAC en sécurisant jusqu'en 2013, le cadre juridique et financier dans lequel nos exploitants travaillent, entreprennent et innovent.