Texte intégral
Mesdames, Messieurs les commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale,
Je vous retrouve après des journées particulièrement intenses pour partager un moment de détente et je vous avoue que c'est très agréable.
Depuis que nous nous connaissons, j'ai demandé beaucoup aux commissaires de police. Ils m'ont beaucoup donné. Je sais tout ce que l'amélioration de la sécurité des français leur doit. Rassurez-vous, je continuerai à vous demander beaucoup.
Aujourd'hui cependant, je veux commencer par vous remercier.
Je sais le rôle et la place des commissaires de police. Je sais ce que signifie faire partie du corps de conception et de direction, les responsabilités qui sont les vôtres, les initiatives que vous prenez, votre implication et votre engagement au service de tous les Français, la charge de travail aussi.
Je pourrai pour appuyer mon propos vous rappeler la réécriture de votre statut, l'inscription du corps dans la haute fonction publique, la logique ayant guidé la réforme : moins de commissaires mais à des places essentielles.
Je considère que cet aspect statutaire sur lequel je reviendrai néanmoins rapidement est maintenant derrière nous. Pour les commissaires, comme pour l'ensemble de la police nationale, la réforme des corps et carrières est avant tout la base d'un changement fonctionnel.
Elle a fait des commissaires des "hauts fonctionnaires". Vous êtes les "patrons" de la police nationale. Il s'agit d'une qualification traditionnelle dans la police nationale qui doit retrouver tout son sens, tout le sens de la qualification de votre corps qui a vocation à concevoir et à diriger toutes les directions de la police.
Je souhaite que vous soyez convaincu et pénétré de ce rôle nouveau et central qui doit être le vôtre.
Notre société a évolué. La sécurité a changé. Vous êtes les acteurs et les observateurs privilégiés de cette mutation.
Il nous faut ensemble avoir un regard lucide et éclairé sur les problèmes et les enjeux.
Toute la société française ne partage pas les mêmes représentations sociales. Certains remettent en cause les règles les plus élémentaires de la vie collective. Il y a pour d'autres une sorte de fatalisme, un découragement ou une désillusion face à l'action des services de l'Etat.
Les attentes sont fortes et paradoxales. Vous, commissaires de police, êtes particulièrement exposés.
C'est vous qui dirigez la police, et l'une des premières exigences des Français, c'est la sécurité.
Depuis 2002, nous avons obtenu des résultats. La baisse de la délinquance, la hausse du taux d'élucidation sont les traductions de la mobilisation des services de police.
Nous avons aussi, et les violences que nous avons connues en sont la manifestation emblématique, encore du chemin à parcourir. Il est maintenant nécessaire de s'attaquer au socle de la délinquance, aux trafics, aux réseaux et autres filières du crime. Les phénomènes de violence doivent être combattus avec détermination sous toutes leurs formes : violences familiales, urbaines, violence dans les stades et bien évidemment violence aveugle du terrorisme.
Pour réussir dans ce nouvel élan tel que je vous l'ai demandé le 27 septembre dernier, il vous faut continuer à concevoir et mettre en ?uvre de nouveaux modes d'action, de nouvelles structures, de nouvelles modalités fonctionnement en adaptant ces réformes aux réalités locales.
Cette nécessité fait de vous les acteurs de premier plan de la politique de sécurité.
Il ne s'agit pas de se perdre dans des querelles de pouvoir, dans des dispersions d'énergie entre corps ou entre directions. La leçon de la période de crise que nous avons traversé a été de mettre en lumière l'efficacité du travail en commun, en équipes soudées.
La réforme des corps et carrières donne à chacun des trois corps la place qui est la sienne, des fonctions plus complètes, plus responsables, plus passionnantes, plus valorisantes.
Quelles que soient les revendications catégorielles, les grands principes sont acquis. Vous, mieux que quiconque, parce vous êtes à la tête des services, savez le rôle et l'importance de chacun. Vous savez que les avancées statutaires des uns et des autres sont la juste reconnaissance du métier de policier.
Votre engagement dans la réforme des corps et carrières est la marque de l'esprit de modernisation qui vous anime.
Des changements importants sont intervenus dans le déroulement de la carrière de commissaire de police.
Dès 2006, les deux premiers grades seront fusionnés, la durée des échelons sera raccourcie.
Des mobilités fonctionnelle et promotionnelle ont été mises en place. Elles compliquent parfois la vie de ceux qui sont en province mais elles sont inséparables de l'entrée dans la haute fonction publique et de la nécessaire dynamisation des services.
Une étude sur les différents dispositifs indemnitaires (allocation de service, NBI et concession de logement) sera menée en 2006.
En interne votre place est reconnue, valorisée, affirmée. En externe également.
Votre investissement, votre compétence, votre professionnalisme est reconnu par tous les acteurs.
Dans une société qui bouge, votre force de proposition et votre connaissance du terrain sont des atouts maîtres.
La crise des banlieues que nous avons connue ces dernières semaines est, à cet égard également, un formidable révélateur.
Les dispositifs qui ont été mis en place -pour lesquels je salue l'exemplarité du comportement de tous les policiers- nous ont permis de ramener le calme et d'interpeller en nombre important les fauteurs de troubles.
Dans les jours et les mois qui viennent nous continuerons notre travail de fond contre ceux qui remettent en cause les lois de la République.
Vous allez également être particulièrement engagés dans la mise en ?uvre des actions préventives qu'il nous faut maintenant développer avec un souffle nouveau.
Je compte aussi sur vous pour continuer à proposer des actions innovantes, pragmatiques, adaptées à la réalité des situations.
Nous devons en effet en permanence continuer à nous adapter aux évolutions.
Je pense bien sûr aux structures ou aux modes de fonctionnement. Je vous ai déjà donné des instructions en ce sens.
Nous devons dépasser les cloisonnements, les querelles de chapelles. C'est vrai dans tous les domaines et pourtant vous avez parfois l'impression de vous heurter à des murs.
Peut-on, par exemple, alors même que la mobilité de la délinquance fait désormais partie des lieux communs, éviter une réflexion sur les structures administratives ?
Peut-on, pour la sécurité publique, conserver une organisation strictement départementale au seul motif que la régionalisation pose des problèmes d'équilibre des pouvoirs ?
Je souhaite que nous franchissions une nouvelle étape fondée sur la reconnaissance claire de l'adaptation de notre organisation aux besoins constatés.
Nous devons sortir d'une utopie dans laquelle la réalité se plierait à nos croyances ou à notre conservatisme.
Lorsque je vous parle de mutualisation des moyens, lorsque je vous parle d'adaptation permanente, je n'énonce pas un voeu pieux. Nous devons répondre aux interrogations. Nous avons un devoir d'efficacité.
Il faut que nous sortions du cadre imposé, que nous renversions la logique.
Je veux que soit reconnu aux décideurs locaux que vous êtes une autonomie d'organisation et de gestion liée à un véritable projet de service.
Le système d'évaluation des politiques de sécurité doit être fondé sur des objectifs, des structures, des moyens correspondant à une logique locale.
Les schémas locaux ne peuvent plus être la simple réplique d'un cadre administratif déterminé à l'échelon central. Il ne s'agit pas de tout laisser faire, mais de fixer des principes et de permettre les ajustements.
Je souhaite également que l'on donne à l'échelon départemental un véritable pouvoir en matière financière.
Je veux que la détermination d'objectifs conduise, à chaque fois que cela est nécessaire, à la constitution d'équipes mixtes, quels que soient les services d'appartenance, quelles que soient les frilosités de certains. Cela doit préfigurer les nouveaux modes d'action de l'Etat.
Nous ne pouvons éternellement faire des constats et hésiter à en tirer les conclusions. C'est aussi cela l'enseignement des semaines passées.
Vous avez la chance d'exercer un métier où votre déroulement de carrière vous permet de mêler l'opérationnel et la conception.
Je sais que nous partageons ces convictions et j'en veux pour preuve le dynamisme des propositions du SCHFPN.
Je pense aussi plus largement à notre façon d'aborder la sécurité intérieure.
Il nous faut dépasser l'opposition stérile entre prévention et répression. J'ai entendu récemment ressurgir le débat sur le retour à une police de proximité. A entendre certains, il y aurait presque eu un âge d'or, une époque bénie où tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Il faut arrêter de tenter de travestir l'histoire. La réforme qui avait été engagée l'avait été au pas de course, en négligeant une partie des missions policières. Elle s'est traduite par une hausse considérable de la délinquance et une baisse du taux d'élucidation. Sérieusement, c'est le style de succès qui donne envie d'échouer.
J'ai voulu dès 2002 rééquilibrer le dispositif. Les résultats, vous les connaissez, nous vous les devons : la délinquance baisse, le taux d'élucidation des affaires progresse.
Mais rééquilibrer le dispositif, ça n'a jamais voulu dire abandonner la proximité. Cette évolution a été pensée avec vous et inscrite dès 1995 dans la loi d'orientation.
A travers les Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance, vous êtes les acteurs-clés du partenariat.
La présence policière a été adaptée aux heures et aux lieux les plus criminogènes, les méthodes d'intervention ont été ajustées afin de répondre aux besoins.
La déontologie et le discernement sont au centre des dispositifs.
Les victimes ont été remises à leur juste place dans le processus pénal.
Voilà la réalité de ce qui a été fait. Je ne vois pas ce qui peut gêner ou ce qui peut sembler anormal quand je dis que le rôle de la police est de protéger les personnes et les biens, de prévenir le crime, d'assister les victimes, d'interpeller les auteurs d'infractions en un mot de remplir son rôle social avec efficacité.
Il est certain que cela ne plait pas à ceux qui ne veulent pas respecter la Loi. Il est tout aussi certain que la confiance que la population manifeste dans sa police est la marque de votre réussite.
Je compte poursuivre dans cette voie à travers le plan national de prévention que je vais présenter dans les prochains jours.
Je veux aussi que nous ayons une réflexion globale sur la stratégie de sécurité.
Le concept même de sécurité intérieure est relativement nouveau. Certains en avaient parlé, je souhaite pour ma part le mettre en oeuvre dans les pratiques quotidiennes de chacun d'entre vous.
Nous devons donc dès aujourd'hui l'examiner avec un oeil neuf, en évaluer la pertinence, mesurer sa portée et ses insuffisances.
Le terrorisme par exemple nous impose de réfléchir à la notion d'espace intérieur.
Que signifie-t-elle au moment de grands flux migratoires et de l'internet ? A-t-elle conservé la même portée lorsque des jeunes Français peuvent basculer dans l'islamisme radical, être formés à l'étranger et revenir sur notre sol?
Là aussi nous allons devoir tirer toutes les conséquences de ce constat. Le rapprochement fonctionnel et géographique à Levallois des services chargés de la lutte contre le terrorisme en est une étape.
Peut-on également éviter de s'interroger sur le rapport des populations aux institutions et par la même contourner toute prospective sur les fondements et l'application de notre droit, sur la composition de notre société et les représentations qu'elle véhicule.
Vous savez que répondre à ces questions, c'est commencer à répondre aux nouveaux défis qui nous sont posés.
Mesdames et messieurs les commissaires, je voulais aborder ce soir avec vous ces quelques questions et surtout ce point fondamental pour moi de positionnement de votre corps à la tête de la "grande maison".
Je sais qu'elles sont au centre de vos préoccupations et que le SCHFPN ne se limite pas aux problèmes statutaires mais aborde aussi de plein pied et avec courage ces grands thèmes.
Votre secrétaire général, Jean Marie SALANOVA, auquel je redis toute ma confiance me l'a rappelé encore lors de notre rencontre en tête à tête avant-hier soir.
Vous occupez les postes de direction. Vos responsabilités font que vous êtes les pilotes naturels ce ces changements et que c'est avec vous que je voulais dresser ces perspectives.
Mais, Jean Marie SALANOVA, mesdames, messieurs les commissaires, je crois qu'il est temps pour nous de passer à la seconde phase de cette soirée.
Nous allons dans les jours qui viennent avoir des emplois du temps très tendus. Je sais que beaucoup d'entre vous passeront les fêtes de fin d'années dans leur service ou sur le terrain. Je sais que j'en verrai certains car je serai présent à vos côtés pour la nuit de la Saint-Sylvestre.
Ce soir, par anticipation, je veux vous présenter mes plus sincères et mes plus chaleureux v?ux de bonheur pour vous, pour vos familles, pour tous ceux qui vous sont chers.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 28 décembre 2005)