Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, à La Chaîne info le 12 décembre 2005, sur le rapprochement entre TPS et Universal Vivendi, la chaîne française d'information internationale, l'indemnisation des intermittents du spectacle et la télévision numérique terrestre.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


Q- Ce titre des Echos : TF1 et M6, qui sont actionnaires de TPS, et Universal Vivendi, qui
est propriétaire de Canal Satellite, envisageraient de fusionner les deux bouquets payants.
Quel est le point de vue de la puissance publique sur ce mariage ? Est-ce une bonne chose ou
est-ce une chose que vous craignez ?
R- Je pense que c?est une stratégie économique qui est fondée sur le nouvel environnement
technologique et je comprends cette volonté de deux très grands groupes, de plusieurs
entités économiques de télévision, de s?adapter. Pourquoi ? Parce que vous avez aujourd?hui
des opérateurs de télécoms, parce que vous avez la TNT, parce que vous aurez la télévision
sur les mobiles, la diffusion par Internet, qui créent des défis nouveaux. La plupart des
pays européens ont un grand opérateur et sont réunis ; moi, ce à quoi je veillerai, c?est
que cette unité qui va peut-être se constituer soit respectueuse de toutes les formes de
pluralisme. Pluralisme de l?offre de programmes, pluralisme économique. Donc je comprends,
la technologie induit un certain nombre d?évolution, il faut savoir répondre en temps
opportun aux défis. Et puis, il faut, bien sûr, que l?offre et la diversité de l?offre n?en
pâtissent pas. Mais je pense que ce sera la volonté des uns et des autres de faire en sorte
tout simplement que le pluralisme des programmes, que le monde du cinéma, que le monde de la
musique, que le monde de la culture sous toutes ses formes, que le monde économique soient
diversement représentés.
Q- Pensez-vous que les autorités de la concurrence, aussi bien françaises qu?européennes,
donneront leur feu vert ?
R- Elles seront saisies, donc ce n?est pas à moi de me prononcer. Je constate simplement que
dans les autres pays européens, il y a un opérateur principal.
Q- Y a-t-il des risques, à votre avis, de casse sociale, quand il y a fusion,
restructuration ?
R- Non, là, je pense franchement que ce sont des dispositions de technologie qui
n?influeront pas sur les emplois. Je pense qu?aujourd?hui, vous avez une multiplication - et
c?est une très bonne chose - des chaînes de télévision et donc, ce secteur de l?audiovisuel
est créateur d?emplois, ce qui est une très, très bonne chose. Et puis, ce qui fait la
qualité et l?attractivité, c?est le talent. C?est donc le talent des rédactions, des
producteurs, des réalisateurs, des techniciens. Voilà, c?est ça, les nouveaux défis...
Q- Puisque l?on parle de multiplication des chaînes de télévision, il y a ce projet de
création de la chaîne internationale. Dans les missions média, au niveau de votre budget,
343 millions d?euros sont prévus, dont 65 pour la création de la CFII. Quand on compare ce
budget au budget de lancement l?al-Jazira, il y a dix ans - 200 millions de dollars - au
budget au budget de fonctionnement - 140 millions de dollars par an -, au budget de
fonctionnement de CNN ? 560 millions de dollars -, est-ce que le budget que vous avez prévu
est vraiment à la hauteur des ambitions que vous assignez à la CFII ?
R- Je crois qu?il est à la hauteur. En tout cas, je vais vous dire la chose suivante :
j?avais une feuille de route très précise fixée par le président de la République et le
Premier ministre, que cette nouvelle chaîne d?information internationale, qui s?exprimera
non seulement en français mais aussi en anglais, en arabe et ensuite en espagnol, voit le
jour sur le plan de la création de la société avant la fin 2005 ; c?est fait. Qu?elle émette
avant la fin 2006, nous y travaillons. Ce sera fait...
Q- Ce n?est plus l?Arlésienne maintenant ?
R- Ce sera fait. Tout le monde pensait que cela ne verrait pas le jour. Vous savez, c?est
comme la TNT : on pensait que le Gouvernement ne serait pas au rendez-vous des choix
technologiques ; ils ont été faits, la TNT émet et elle sera reçue par chacun des Français.
La chaîne d?information internationale, c?est un magnifique défi. Je suis de près tous les
dysfonctionnements etc. Je ne vais pas m?excuser de tout. Je suis très fier d?avoir mener à
bien ce rassemblement de très grandes maisons, de professionnels qui vont constituer une
rédaction nouvelle. Le budget qui est sur la table est un budget jugé important par les
professionnels, parce que nous prendrons appui sur des structures existantes. C?est-à-dire
que bien sûr, il va y avoir une rédaction nouvelle qui aura la charge de la crédibilité de
l?information mais TF1, LCI, France 2, France 3, les chaînes de l?audiovisuel public, l?AFP,
RFI participeront à cette opération. Bref, c?est un défi ; s?il faut adapter les moyens,
nous le ferons.
Q- Vous avez un autre sujet de fierté : vous vous souvenez qu?en 2003, il y avait eu un
accord sur les intermittents qui n?a pas fonctionné, ou plus exactement, qui a été contesté.
Et vous avez réussi, il faut bien le reconnaître, pendant les mois qui ont suivis, à calmer
la grogne des intermittents. Sauf que rien n?est résolu puisque le déficit de l?Unedic, même
si le nombre des intermittents, aujourd?hui, est stabilisé, a progressé de 962 millions
d?euros en 2004, contre 887 millions en 2003. Demain, réunion des partenaires sociaux :
croyez-vous qu?une réunion éclair comme celle-là va pouvoir résoudre ce problème ?
R- Je ne pense pas que tout sera réglé en quelques heures. J?ai bâti une stratégie pour
l?emploi, très active, très importante. Le Premier ministre, D. de Villepin, comme J.-P.
Raffarin, ont pris des décisions très importantes pour relocaliser l?activité en France à
travers le crédit d?impôt, pour le cinéma, pour l?audiovisuel, et on vient de l?étendre,
vendredi dernier, aux jeux vidéo. A travers une politique très active pour que les
conventions collectives, secteur par secteur, puissent avoir lieu, à travers des mesures de
soutien public... Politique de l?emploi, action résolue vis-à-vis de l?assurance chômage,
pour que soit garanti un système spécifique pour les artistes et les techniciens, tout
simplement parce qu?ils le méritent, parce que leurs conditions d?activité légitiment un
système spécifique. Avant que je fasse de l?autosatisfaction, il y aura de l?eau qui va
couler sous les ponts. Nous avons agi, je ne suis pas un communiquant sur ce sujet,
contrairement à ce qui a été dit...
Q- Vous avez été très discret...
R- Aujourd?hui, à l?heure où je vous parle, il y a 16.800 artistes et techniciens qui ont
été réintégrés dans leurs droits grâce aux fonds de transition mis en place par l?Etat...
Q- Mais attendez, ça, c?était une rustine !
R- Une rustine ? C?était une décision très importante en 2005. Je fais confiance, comme D.
de Villepin, aux partenaires sociaux. Ils ont la charge de la négociation au niveau
interprofessionnel. Dire que je suis, avec G. Larcher et J.-L. Borloo, mobilisé, heure par
heure, vigilant à l?extrême... Est-ce que vous pensez un seul instant que je vais prendre le
moindre risque que la confiance que nous avons contribué à rétablir au cours de ces vingt
mois, je vais la laisser se détruire ? Nous avons pris l?engagement qu?au 1er janvier 2006,
il y ait un système équitable, opérationnel. Les partenaires sociaux vont en délibérer. Nous
avons créé les conditions de la négociation, de manière utile. Un expert a été à la
disposition des uns et des autres, il est consulté par l?Unedic, par la CFDT, par la CGT,
par le Medef, par toutes les organisations syndicales...
Q- Est-ce que si les partenaires sociaux ne s?entendent pas, vous estimez qu?il pourrait y
avoir, comme le souhaitent un certain nombre de parlementaires, une loi de réforme du
système de protection des intermittents ?
R- Je ne veux pas me situer dans une logique d?échec. S?il devait y avoir échec, l?Etat
prendrait ses responsabilités, de la même manière que l?Etat est à la disposition des
partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Il y a des considérations concrètes,
notamment pour les artistes et techniciens qui sont soit en fin de carrière, soit qui ont
des difficultés professionnelles particulièrement graves, vis-à-vis desquels la solidarité
de l?Etat peut jouer. Je suis mobilisé, vigilant, je ne fais pas d?autosatisfaction, je suis
résolu. Et je voudrais une fois pour toute que l?ensemble de nos concitoyens considère que
l?action culturelle et artistique, ce n?est pas marginale, c?est essentiel pour
l?attractivité de notre pays. C?est une activité de liberté d?esprit, mais aussi une très
grande activité économique.
Q- L?Histoire appartient aussi à notre culture... Le débat sur le rôle positif de la
présence française outre-mer à partir d?un amendement sur une loi, a agité le Landerneau.
Premièrement, est-ce que vous estimez, comme le président de la République, que c?est une
faute de légiférer sur le sens de l?Histoire ?
R- Le président de la République et le Premier ministre, vendredi, ont appelé à l?unité
nationale sur ce sujet...
Q- Mais estimez-vous que c?est une faute ?
R- Je pense que ce n?est pas à la loi de caricaturer ou de qualifier ou de prendre position
sur la place de l?Histoire. L?Histoire, c?est chacun d?entre nous qui devrons la porter.
Q- Estimez-vous, à partir de là, que c?est une erreur qu?a commise le président de la
République en promulguant cette loi ?
R- La promulgation d?une loi, c?est une tâche et une responsabilité éminente et importante.
Ce n?était pas un projet de loi, c?était une initiative parlementaire qui est survenue en
cours de débat...
Q- Etait-ce une distraction du chef de l?Etat ?
R- Je pense que l?heure, aujourd?hui, est de ce point de vue, au rassemblement et que ce
n?est pas facile parce que nous sommes dans une période où chacun...
Q- Est-ce que la meilleure manière de rassembler n?est pas d?abroger la loi ?
R- Nous sommes dans une période où chacun a envie d?en découdre, où chacun veut s?envoyer à
la gueule le passé. Je souhaite que nous sachions, avec lucidité, regarder l?Histoire et
essayer d?aller de l?avant. Il ne faut rien oublier de l?Histoire, il faut la méditer mais
il faut aller de l?avant. J?étais hier à Villers-cotterêts pour l?inauguration d?une
magnifique statue d?Alexandre Dumas, puisque maintenant, il est enterré au Panthéon et
vis-à-vis des habitants de sa ville natale, nous avons voulu faire ce geste. Eh bien, j?ai
rappelé toute l?histoire de Alexandre Dumas, notamment la couleur de la peau et le statut
d?esclave de sa famille, parce que je crois qu?il faut voir lucidement les choses, mais il
faut avoir à c?ur d?accueillir, de tendre la main, c?est très important...(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 décembre 2005)