Déclaration de M. Bernard Layre, président de Jeunes agriculteurs, sur les actions des Jeunes agriculteurs et de l'AS CLCP en faveur de la transmission des exploitations agricoles, Forges les Eaux, le 1er décembre 2005.

Prononcé le 1er décembre 2005

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'AS CLCP

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Jean Pierre,
Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
C'est avec grand plaisir que j'assiste cet après-midi aux travaux de clôture de votre congrès mais c'est surtout avec grand intérêt que j'y participe. Je constate avec joie que le logo Jeunes agriculteurs est très présent à l'occasion de ces deux jours. Et je suppose que ce n'est pas que de l'affichage !
Bien sûr, Jean-Pierre Mariné est un ami de longue date, un voisin de travail, un collègue acharné de combats syndicaux : je n'oublie pas l'époque où il était président de FDSEA tandis que j'étais un jeune président de CDJA.
Mais si j'ai grand honneur à participer à vos travaux, c'est parce que vous avez eu à c?ur d'aborder un sujet difficile, je dirais même essentiel pour l'avenir de notre profession : je veux parler de la transmission des exploitations.
D'ailleurs votre parti pris sur le sujet est indiscutable : vous voulez « accompagner la transmission de l'entreprise agricole en vue de l'installation d'un repreneur? ».
Et là je vous donne raison : qui peut croire aujourd'hui qu'un métier qui ne se renouvelle pas a un quelconque avenir !
La restructuration des exploitations, si elle est parfois nécessaire, n'a jamais contribué à créer de la valeur ajoutée : c'est un pis aller, un piège dans lequel nous ne devons pas nous engouffrer.
Nous, Jeunes agriculteurs, militons pour que nos exploitations soient économiquement viables, vivables et transmissibles. Nous le faisons par conviction mais surtout par nécessité.
Je voudrais revenir sur ces adjectifs quelques instants?
Quand je dis « viables » : c'est de notre revenu dont il s'agit. Quelle profession accepterait aujourd'hui de ne pas être rémunérée à sa juste valeur ?
Mais nos exploitations ne doivent pas être viables au détriment de leur « vivabilité » : nos conditions de travail sur l'exploitation et nos conditions de vie, en famille, autour de l'exploitation, sont devenues des préoccupations majeures et l'une des clés de réussite et d'attractivité du métier de paysan.
S'installer en agriculture, c'est un véritable projet de vie.
Et par là même, transmettre son exploitation, c'est transmettre un bout de sa vie, de son labeur, de sa sueur?.et tout cela mérite d'être mieux appréhendé du point de vue sociologique et psychologique.
Nous devons, ensemble, accompagner les cédants, à travers trois étapes majeures :
Tout d'abord les aider à céder correctement leurs activités et régler par là même tous les problèmes juridiques, fiscaux, comptables inhérents à leur fin de carrière. Votre réseau apporte, en ce sens, un appui technique individuel incontournable pour mener à bien l'ensemble de ces démarches administratives.
Deuxièmement, nous devons les sensibiliser à transmettre leur exploitation à un jeune. Pour cela, tout au long de leur vie, vous devez les aider à faire que leur outil de travail soit économiquement et humainement viable, pour que la transmission de cet outil soit naturelle et surtout possible. Il est donc important de travailler en amont avec le cédant pour préparer la transmission, et c'est avant tout un travail de sensibilisation.
Chez JA, nous avons coutume de penser que la transmission des exploitations doit être autant un acte citoyen qu'une formalité administrative simplifiée.
Votre réseau a un rôle majeur à jouer en la matière pour accompagner individuellement les futurs cédants, en lien avec les ADASEA dont le rôle est de faciliter les rencontres entre les futurs installés et les cédants.
Nous sommes également convaincus que nous avons un virage à prendre concernant l'évolution de la valeur économique des exploitations. Il n'est plus acceptable de constater que les coûts de transmission des exploitations sont complètement déconnectés de la rentabilité de ces mêmes exploitations. Nous devons nous opposer au renchérissement des exploitations, sinon nous risquons de voir exploser le financement des reprises, qui sera inadapté, comme de voir échouer nos efforts en faveur de l'installation.
Et pour que les deux étapes précédentes réussissent pleinement, il faut que le futur cédant ait une vision bien précise de son futur projet de vie.
Nous devons réfléchir ensemble aux conditions d'attractivité de la transmission en elle-même : investissement dans le capital de l'exploitation reprise, je pense notamment au plan crédit transmission voté dans la loi d'orientation agricole, cohabitation des anciens et des jeunes sur un même territoire (le cédant ne doit pas avoir l'impression d'être privé de son patrimoine familial), revalorisation des retraites agricoles, etc.
Nous comptons sur vous pour que les transmissions d'exploitation ne soient pas de simples dossiers administratifs à traiter mais qu'elles débouchent sur un véritable engagement en faveur du renouvellement des générations en agriculture.
Sur ce point, nous ne sommes pas réellement inquiets : notre partenariat est déjà ancien pour être pleinement consacré.
Je pense d'une part au conseil individualisé que vous pouvez apporter au jeune. Votre rôle, au moment de son installation, est fondamental. Votre aide est précieuse dans la conception de son EPI. Souvent, c'est ensemble que vous choisissez son régime fiscal et vous êtes, au fil de sa carrière, le témoin de ses choix en matière de gestion de son exploitation.
Les centres de gestion que vous représentez doivent être les partenaires de l'agriculteur, ils doivent l'aider à connaître son environnement fiscal, social et juridique afin qu'il puisse prendre la décision la plus satisfaisante possible.
Je pense également à la charte en faveur de l'installation que nous avons signée ensemble en novembre 2001. Déjà, les centres de gestion s'engageaient à promouvoir la transmission-reprise d'une exploitation.
Je pense également à notre partenariat sur le SIMA autour du stand « Demain je serai paysan »
Je pense enfin à votre participation régulière au Comité National de l'Installation dont vous êtes véritablement partie prenante et qui pourra permettre de prolonger les travaux que vous avez engagés sur la transmission.
Prenez note dès aujourd'hui que le prochain CNI aura lieu le 16 février 2006 dans le Loiret, en présence du Ministre de l'agriculture, Monsieur Dominique Bussereau, et du président des Régions de France, Monsieur Alain Rousset.
Vous êtes un partenaire fidèle « issu de notre profession » et à ce titre, nous vous soutenons pleinement dans vos démarches de reconnaissance de vos spécificités.
La réforme des professions comptables pourrait banaliser l'activité des centres de gestion et vous faire perdre votre caractère de groupement professionnel, donc votre rattachement au régime de protection sociale agricole.
Nous sommes foncièrement opposés à cette perspective. Les centres de gestion que vous êtes, doivent être fiers d'être indépendants mais toujours dans l'intérêt des agriculteurs adhérents.
Pour terminer, je voudrais vous dire que nous croyons dans notre avenir, malgré les contours actuels de la réforme de la PAC et les difficiles négociations dans le cadre de l'OMC.
Nous croyons plus que jamais en l'installation des jeunes, dont les chiffres méritent encore d'être amélioré, mais à lire entre les lignes, ils sont plutôt encourageants : sur 30.000 départs, on constate 16.000 installations, dont 10.000 de jeunes agriculteurs. Et surtout, je veux souligner le taux exceptionnel de réussite de ces installations après 10 années d'activité, qui est supérieur à 95 %.
Je veux également vous rappeler les quelques acquis syndicaux récents majeurs pour l'avenir de la politique d'installation des jeunes et de transmission des exploitations.
Nous avons obtenu, d'une part, que la DJA soit désormais versée en une seule fois et qu'elle fasse l'objet d'un complément de 500 ? pour le financement du suivi.
Autre avancée d'autre part, la DJA a été exclue de l'assiette sociale afin de renforcer son efficacité économique.
Suite à notre participation au Conseil informel des ministres européens de l'agriculture de mai dernier, nous avons obtenu le maintien du cofinancement des prêts bonifiés JA alors que la Commission proposait de les supprimer.
Plus récemment, le ministre de l'agriculture nous a confirmé la baisse de 1 point des taux des prêts bonifiés JA, avec maintien du système de taux fixes. Le taux est donc désormais de 2,5% en zone de plaine et de 1% en zone défavorisée.
Plus globalement, dans un contexte budgétaire difficile, les financements pour l'installation ont été préservés. Nous avons même obtenu une dotation complémentaire de 2 millions d'euros pour le FICIA.
En juillet dernier, lors de la finalisation des discussions sur la mise en ?uvre de la PAC, nous avons également obtenu l'instauration d'une priorité pour l'installation dans l'utilisation de la réserve DPU.
Nous devons tout mettre en ?uvre pour que des clauses soient signées, en restant très vigilants pour éviter toute spirale spéculative. Le capital de reprise est d'ores et déjà suffisamment élevé. Ce transfert de droit ne doit pas être plus qu'une simple formalité, pour donner toutes ses chances de réussite à la reprise de l'exploitation. Vous devez nous y aider.
Enfin, pour ce qui concerne la LOA, nous sommes satisfaits de voir aboutir une idée chère à JA : le plan crédit transmission. Cet outil permettra à un jeune de s'installer sans délai, avec l'intégralité de ses droits à l'installation et ses nouvelles prérogatives de chef d'exploitation grâce à une transmission progressive des parts du cédant. Le cédant se verra la possibilité de valoriser la cession de son exploitation dans le temps, grâce à un avantage fiscal et d'éviter que son exploitation ne soit démembrée, faute de repreneur.
Vous le voyez, les combats valent bien la peine d'être menés.
Et nous devons plus que jamais rester mobilisés pour mettre en ?uvre un politique professionnelle d'installation ambitieuse et efficace, pour assurer le renouvellement des générations en agriculture.
Je vous remercie de votre attention.