Texte intégral
Q - L'envoyé spécial des Nations unies a commencé des négociations initiales sur le futur statut du Kosovo, mais un certain pessimisme a surgi. La question est comment trouver une solution viable quand Pristina ne cesse de plaider une pleine indépendance alors que la Serbie est opposée à donner au Kosovo le statut d'une nation souveraine ?
R - La communauté internationale est consciente des difficultés qui se posent. Elle a néanmoins décidé de faire avancer ce dossier considérant que le statu quo actuel n'était plus tenable.
Comme vous le savez, le Conseil de sécurité a décidé, le 3 octobre, de lancer les négociations sur le statut futur du Kosovo et, à cette fin, le Secrétaire général a nommé une personnalité de grande stature pour entamer les négociations. M. Kofi Annan a choisi, pour son autorité, son intégrité, et sa grande compétence, l'ancien président de Finlande, M. Martti Ahtisaari.
Celui-ci a déjà effectué une première mission dans la région pour prendre la mesure des problèmes à résoudre. Il ne faut pas s'étonner que les parties, à la veuille de l'ouverture des négociations, affichent des positions divergentes. La mission de M. Ahtisaari est justement de trouver une solution adaptée et durable ; la France, avec ses partenaires du Groupe de contact, et avec l'Union européenne, sera bien entendu à ses côtés pour le soutenir dans sa mission.
Q - Allez-vous continuer à discuter de la proposition de Belgrade "plus que l'autonomie, moins que l'indépendance" avec vos interlocuteurs serbo-monténégrins et serbes ?
R - Je me rends à Belgrade justement pour connaître et discuter les positions de mes différents interlocuteurs. La formule que vous évoquez mérite notre attention mais son contenu reste à préciser. Je me rendrai de même au Kosovo pour écouter les positions des autres parties. Ces discussions se poursuivront bien entendu à différents niveaux, une négociation de ce type constituant toujours un processus évolutif où toutes les parties doivent faire preuve à la fois de réalisme et d'esprit de compromis.
Q - Certains observateurs respectés estiment que la pleine indépendance du Kosovo ne peut être mise en ?uvre que par la force ce qui peut seulement engendrer une longue instabilité permanente dans la région. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
R - Je ne préjuge pas l'issue de la négociation. Ce qui importe avant tout, c'est de trouver une solution durable qui renforce la stabilité de la région, car, une fois réglé le statut du Kosovo, tous les peuples des Balkans devront vivre en bonne intelligence, dans un cadre européen. On peut d'ailleurs s'interroger sur la notion même de "pleine indépendance", dans le monde très interdépendant dans lequel nous vivons.
C'est aussi ce même souci d'assurer la stabilité de la région qui a conduit la communauté internationale à faire le choix du maintien, au Kosovo, d'une présence civile et militaire, aussi longtemps que cela sera nécessaire.
Q - Selon des rapports de presse de Bruxelles, il y a des désaccords parmi les Etats membres et plusieurs d'entre eux ont publiquement ou en privé fait la promotion de leurs propres idées, qui dans certains cas va au-delà de la position européenne agréée en juin. Les autorités françaises ont-elles, elles aussi, leurs propres idées sur le statut final du Kosovo ?
R - Je crois, au contraire qu'il y a une très grande unité de la communauté internationale, qui s'exprime aussi bien dans le cadre du Groupe de contact, qu'au niveau de l'Union européenne.
La France est totalement solidaire de cette position, qui consiste à fixer les principes qui devront inspirer le statut futur - "les principes directeurs" -, sans a priori sur le résultat de la négociation. Naturellement, nous savons bien que la pression en faveur d'une certaine forme d'indépendance sera forte au Kosovo. Ce qui est essentiel pour nous, et qui ressort des "principes directeurs", c'est d'abord d'apporter aux Serbes du Kosovo toutes les garanties et protections qu'ils sont en droit d'attendre, notamment par une décentralisation très poussée et par la protection de leurs lieux de culture et de mémoire. C'est ce à quoi nous serons particulièrement attentifs.
De même, il est tout aussi fondamental que le statut futur s'inscrive dans une perspective européenne, avec les normes et les valeurs que cela implique. Je vous rappelle aussi que la décision finale devra être endossée par le Conseil de sécurité.
Q - Une des prochaines questions majeures pour l'avenir de l'Etat commun de Serbie-et-Monténégro sera le référendum d'indépendance au Monténégro. Pensez-vous que le résultat pourrait causer une nouvelle vague d'instabilité dans la région ?
R - La possibilité pour le Monténégro d'organiser un référendum est conforme à la Charte constitutionnelle de février 2003.
Nous reconnaissons bien entendu ce droit. Nous souhaitons que cet éventuel référendum, pour éviter toute instabilité au sein des deux Républiques constitutives de la communauté étatique actuelle, respecte pleinement les standards démocratiques, en particulier les recommandations de la Commission de Venise, et prennent en compte les intérêts légitimes des parties - ce qui suppose notamment d'obtenir la participation à un éventuel référendum des partis d'opposition et que les résultats en soient ensuite incontestables.
Il me paraît très important que l'éventuelle campagne référendaire se déroule de manière démocratique car quelle que soit son issue, la Serbie et le Monténégro resteront voisins et devront coopérer conjointement pour leur future intégration dans l'Union européenne.
Q - Des craintes existent que les désaccords actuels sur le projet de budget européen pour la période 2007-2013 puissent différer la négociation en cours sur l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Serbie-et-Monténégro. Ces craintes sont-elles fondées ?
R - Même si des interrogations sont apparues, je vous rappelle que le Sommet de Zagreb en 2000, à l'initiative du président de la République française, a défini une position européenne concernant les Balkans soulignant leur avenir européen.
Le sommet de Thessalonique en 2003 a depuis confirmé la vocation de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux à intégrer l'Union européenne. Bien entendu, ces perspectives demeurent d'actualité, comme l'a montré la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Croatie. Mais, je dois rappeler que tout ce processus, pour être mené à son terme, est soumis à des conditions : parmi celles-ci, la pleine coopération avec le TPIY est une exigence essentielle, qui ne sera pleinement satisfaite que lorsque tous les inculpés auront été transférés à La Haye, en particulier, Mladic et Karadzic.
Q - Comment évaluez-vous l'état des relations bilatérales entre la France et la Serbie-et-Monténégro ?
R - Nos relations diplomatiques, qui avaient été rompues en 1999, ont été progressivement et solidement rétablies après la chute du régime Milosevic. Sur une initiative française, le président Kostunica avait ainsi été invité à participer dès octobre 2000 au sommet européen informel de Biarritz. Le président de la République était venu en décembre 2001 à Belgrade, de même que M. Michel Barnier, en juillet 2004. Je peux aussi rappeler les visites à Paris du président Marovic, en 2003 et en novembre 2004 à la tête d'une importante délégation d'hommes d'affaires.
La France souhaite poursuivre le développement de ses relations avec la Serbie-et-Monténégro, dans tous les domaines :
- Sur le plan politique, d'abord, avec notamment mais pas seulement, ma visite d'aujourd'hui ;
- dans le domaine économique ensuite. La place de la France est loin d'être négligeable mais il nous faut encore progresser notamment dans le domaine des grands projets. Nous évaluons à 400 millions d'euros le stock d'investissement d'entreprises françaises en Serbie, avec notamment des noms bien connus : Lafarge, Michelin, Bongrain, Société générale et désormais le Crédit agricole. La première ou seconde entreprise serbe exportatrice n'est autre que Tigar, filiale de l'entreprise française de pneumatiques Michelin ;
- dans le domaine de la préparation de la Serbie-et-Monténégro à son intégration européenne avec un engagement français qui se renforce en matière de coopération et de soutien au développement des capacités administratives de votre pays, préalable essentiel à son adhésion à l'Union ;
- dans le domaine culturel, enfin, avec notre importante présence et notre action de coopération, ou bien encore nos efforts pour développer la francophonie via, notamment, un projet ambitieux de création d'un grand lycée franco-serbe. Dans ce contexte, je salue enfin la volonté des autorités de Belgrade de vouloir devenir observateur à l'Organisation internationale de la Francophonie.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vu un commentaire sur l'arrestation du général Gotovina ?
R - Je me réjouis naturellement de l'arrestation de Gotovina hier en Espagne. Cette arrestation ne rend d'ailleurs que plus urgente l'arrestation et le transfert à La Haye des autres inculpés toujours en fuite, au premier rang desquels Mladic et Karadzic.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2005
R - La communauté internationale est consciente des difficultés qui se posent. Elle a néanmoins décidé de faire avancer ce dossier considérant que le statu quo actuel n'était plus tenable.
Comme vous le savez, le Conseil de sécurité a décidé, le 3 octobre, de lancer les négociations sur le statut futur du Kosovo et, à cette fin, le Secrétaire général a nommé une personnalité de grande stature pour entamer les négociations. M. Kofi Annan a choisi, pour son autorité, son intégrité, et sa grande compétence, l'ancien président de Finlande, M. Martti Ahtisaari.
Celui-ci a déjà effectué une première mission dans la région pour prendre la mesure des problèmes à résoudre. Il ne faut pas s'étonner que les parties, à la veuille de l'ouverture des négociations, affichent des positions divergentes. La mission de M. Ahtisaari est justement de trouver une solution adaptée et durable ; la France, avec ses partenaires du Groupe de contact, et avec l'Union européenne, sera bien entendu à ses côtés pour le soutenir dans sa mission.
Q - Allez-vous continuer à discuter de la proposition de Belgrade "plus que l'autonomie, moins que l'indépendance" avec vos interlocuteurs serbo-monténégrins et serbes ?
R - Je me rends à Belgrade justement pour connaître et discuter les positions de mes différents interlocuteurs. La formule que vous évoquez mérite notre attention mais son contenu reste à préciser. Je me rendrai de même au Kosovo pour écouter les positions des autres parties. Ces discussions se poursuivront bien entendu à différents niveaux, une négociation de ce type constituant toujours un processus évolutif où toutes les parties doivent faire preuve à la fois de réalisme et d'esprit de compromis.
Q - Certains observateurs respectés estiment que la pleine indépendance du Kosovo ne peut être mise en ?uvre que par la force ce qui peut seulement engendrer une longue instabilité permanente dans la région. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
R - Je ne préjuge pas l'issue de la négociation. Ce qui importe avant tout, c'est de trouver une solution durable qui renforce la stabilité de la région, car, une fois réglé le statut du Kosovo, tous les peuples des Balkans devront vivre en bonne intelligence, dans un cadre européen. On peut d'ailleurs s'interroger sur la notion même de "pleine indépendance", dans le monde très interdépendant dans lequel nous vivons.
C'est aussi ce même souci d'assurer la stabilité de la région qui a conduit la communauté internationale à faire le choix du maintien, au Kosovo, d'une présence civile et militaire, aussi longtemps que cela sera nécessaire.
Q - Selon des rapports de presse de Bruxelles, il y a des désaccords parmi les Etats membres et plusieurs d'entre eux ont publiquement ou en privé fait la promotion de leurs propres idées, qui dans certains cas va au-delà de la position européenne agréée en juin. Les autorités françaises ont-elles, elles aussi, leurs propres idées sur le statut final du Kosovo ?
R - Je crois, au contraire qu'il y a une très grande unité de la communauté internationale, qui s'exprime aussi bien dans le cadre du Groupe de contact, qu'au niveau de l'Union européenne.
La France est totalement solidaire de cette position, qui consiste à fixer les principes qui devront inspirer le statut futur - "les principes directeurs" -, sans a priori sur le résultat de la négociation. Naturellement, nous savons bien que la pression en faveur d'une certaine forme d'indépendance sera forte au Kosovo. Ce qui est essentiel pour nous, et qui ressort des "principes directeurs", c'est d'abord d'apporter aux Serbes du Kosovo toutes les garanties et protections qu'ils sont en droit d'attendre, notamment par une décentralisation très poussée et par la protection de leurs lieux de culture et de mémoire. C'est ce à quoi nous serons particulièrement attentifs.
De même, il est tout aussi fondamental que le statut futur s'inscrive dans une perspective européenne, avec les normes et les valeurs que cela implique. Je vous rappelle aussi que la décision finale devra être endossée par le Conseil de sécurité.
Q - Une des prochaines questions majeures pour l'avenir de l'Etat commun de Serbie-et-Monténégro sera le référendum d'indépendance au Monténégro. Pensez-vous que le résultat pourrait causer une nouvelle vague d'instabilité dans la région ?
R - La possibilité pour le Monténégro d'organiser un référendum est conforme à la Charte constitutionnelle de février 2003.
Nous reconnaissons bien entendu ce droit. Nous souhaitons que cet éventuel référendum, pour éviter toute instabilité au sein des deux Républiques constitutives de la communauté étatique actuelle, respecte pleinement les standards démocratiques, en particulier les recommandations de la Commission de Venise, et prennent en compte les intérêts légitimes des parties - ce qui suppose notamment d'obtenir la participation à un éventuel référendum des partis d'opposition et que les résultats en soient ensuite incontestables.
Il me paraît très important que l'éventuelle campagne référendaire se déroule de manière démocratique car quelle que soit son issue, la Serbie et le Monténégro resteront voisins et devront coopérer conjointement pour leur future intégration dans l'Union européenne.
Q - Des craintes existent que les désaccords actuels sur le projet de budget européen pour la période 2007-2013 puissent différer la négociation en cours sur l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Serbie-et-Monténégro. Ces craintes sont-elles fondées ?
R - Même si des interrogations sont apparues, je vous rappelle que le Sommet de Zagreb en 2000, à l'initiative du président de la République française, a défini une position européenne concernant les Balkans soulignant leur avenir européen.
Le sommet de Thessalonique en 2003 a depuis confirmé la vocation de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux à intégrer l'Union européenne. Bien entendu, ces perspectives demeurent d'actualité, comme l'a montré la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Croatie. Mais, je dois rappeler que tout ce processus, pour être mené à son terme, est soumis à des conditions : parmi celles-ci, la pleine coopération avec le TPIY est une exigence essentielle, qui ne sera pleinement satisfaite que lorsque tous les inculpés auront été transférés à La Haye, en particulier, Mladic et Karadzic.
Q - Comment évaluez-vous l'état des relations bilatérales entre la France et la Serbie-et-Monténégro ?
R - Nos relations diplomatiques, qui avaient été rompues en 1999, ont été progressivement et solidement rétablies après la chute du régime Milosevic. Sur une initiative française, le président Kostunica avait ainsi été invité à participer dès octobre 2000 au sommet européen informel de Biarritz. Le président de la République était venu en décembre 2001 à Belgrade, de même que M. Michel Barnier, en juillet 2004. Je peux aussi rappeler les visites à Paris du président Marovic, en 2003 et en novembre 2004 à la tête d'une importante délégation d'hommes d'affaires.
La France souhaite poursuivre le développement de ses relations avec la Serbie-et-Monténégro, dans tous les domaines :
- Sur le plan politique, d'abord, avec notamment mais pas seulement, ma visite d'aujourd'hui ;
- dans le domaine économique ensuite. La place de la France est loin d'être négligeable mais il nous faut encore progresser notamment dans le domaine des grands projets. Nous évaluons à 400 millions d'euros le stock d'investissement d'entreprises françaises en Serbie, avec notamment des noms bien connus : Lafarge, Michelin, Bongrain, Société générale et désormais le Crédit agricole. La première ou seconde entreprise serbe exportatrice n'est autre que Tigar, filiale de l'entreprise française de pneumatiques Michelin ;
- dans le domaine de la préparation de la Serbie-et-Monténégro à son intégration européenne avec un engagement français qui se renforce en matière de coopération et de soutien au développement des capacités administratives de votre pays, préalable essentiel à son adhésion à l'Union ;
- dans le domaine culturel, enfin, avec notre importante présence et notre action de coopération, ou bien encore nos efforts pour développer la francophonie via, notamment, un projet ambitieux de création d'un grand lycée franco-serbe. Dans ce contexte, je salue enfin la volonté des autorités de Belgrade de vouloir devenir observateur à l'Organisation internationale de la Francophonie.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vu un commentaire sur l'arrestation du général Gotovina ?
R - Je me réjouis naturellement de l'arrestation de Gotovina hier en Espagne. Cette arrestation ne rend d'ailleurs que plus urgente l'arrestation et le transfert à La Haye des autres inculpés toujours en fuite, au premier rang desquels Mladic et Karadzic.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2005