Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec le mensuel franco-allemand "Paris-Berlin" de janvier 2006, sur les relations franco-allemandes et la construction européenne.

Prononcé le 1er janvier 2006

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Média : Paris Berlin

Texte intégral


Q - Avez-vous des contacts particuliers avec l'Allemagne ? Quand y êtes-vous allée pour la première fois ? Certains lieux sont-ils familiers pour vous ?
R - Je suis à l'origine diplomate de carrière et donc les différentes fonctions que j'ai occupées m'ont souvent conduite en Allemagne. L'un de mes plus forts souvenirs, c'est la première fois où j'ai pu aller à Berlin-est en mai 1990 alors que le mur s'effritait. Cela a été une grande émotion de passer à pied. Ensuite, j'ai eu la grande chance de pouvoir accompagner le président de la République dans tous ses déplacements en Allemagne au cours de neuf années passées comme porte-parole de l'Elysée.
Q - Quelles sont les relations entre les nouveaux dirigeants politiques allemands et leurs partenaires français, particulièrement entre votre homologue Günter Gloser et vous-même ? Le Conseil européen de Bruxelles a-t-il effectivement constitué un baptême du feu réussi pour les nouveaux dirigeants allemands et leurs homologues français ?
R - Le courant est très vite et très bien passé. Notamment car, si je puis dire, les présentations n'étaient plus à faire. Nous nous sommes immédiatement mis ensemble au travail. Günter Gloser avait une réputation bien établie en France par son travail parlementaire. Il a été membre fondateur de la Commission aux Affaires européennes du Bundestag en 1994 et il est un des grands spécialistes des questions euro-méditerranéennes. Je l'ai accueilli à Paris quelques jours après sa nomination et ceci nous a permis d'aborder ensemble les grands dossiers européens dont celui du budget pour les années 2007-2013. Et nous avons déjà obtenu des résultats ! Les 25 se sont, en effet, mis d'accord lors du dernier Conseil européen de décembre sur ce sujet sous l'impulsion notamment de la France et de l'Allemagne qui ont travaillé de concert. Je suis heureuse de trouver en lui un homme particulièrement attaché à la relation franco-allemande.
Q - Quelles sont les priorités des actions envisagées entre Paris et Berlin, telles quelles seront discutées lors des prochaines rencontres franco-allemandes?
R - Nos deux gouvernements ont clairement identifié l'emploi comme le grand défi à relever par nos deux économies qui représentent, je le rappelle, plus de la moitié du poids économique des pays de la zone euro. Le président de la République et la chancelière fédérale ont ainsi indiqué lors de leur première rencontre que l'emploi, la formation, la recherche et l'innovation devaient être au coeur de la coopération franco-allemande. Par ailleurs, ils nous ont chargé, M. Gloser et moi-même, d'une mission conjointe avec Mme Böhmer et M. Begag sur le thème de la jeunesse et de l'intégration pour le prochain Conseil des ministres franco-allemand en mars.
Q - Angela Merkel n'entend pas renoncer à la Constitution européenne. M. Chirac annonce une initiative française. Comment les Vingt-cinq peuvent-ils réformer les institutions européennes ?
R - Quelle est la situation aujourd'hui ? 13 Etats sur 25 ont ratifié le projet de traité constitutionnel et 2 l'ont rejeté. Les chefs d'Etat ou de gouvernement ont pris la décision la plus sage en juin 2005 en décidant d'une période de réflexion d'environ une année. C'est un sujet majeur car l'Europe élargie a besoin d'institutions rénovées pour fonctionner de manière efficace. Nous ferons tous ensemble le point en juin 2006
Q - Où en sont les relations du couple franco-allemand et de l'Union européenne avec les Etats-Unis ? L'affaiblissement actuel des partenaires peut-il favoriser leur amélioration ?
R - Je ne vois pas d'affaiblissement, mais une reprise de confiance mutuelle après des différences d'appréciation qui appartiennent désormais à l'histoire. C'est devant nous qu'il faut regarder et face aux grands défis d'un monde devenu plus dangereux, plus complexe, l'Europe et les Etats-Unis sont unis par des valeurs et des intérêts partagés.
Q - Entre axe, tandem, moteur, couple, pilier quel qualificatif vous parait le mieux adapté pour parler des relations franco-allemandes ?
R - Au-delà du qualificatif, c'est la nature et la qualité de la relation franco-allemande qui importent. Elle est essentielle pour faire avancer l'Europe comme force d'impulsion, d'entraînement, de proposition ; mais cette force non exclusive est au service de tous les partenaires européens. Pour reprendre l'un des termes, un moteur est utile quand il permet à une voiture d'avancer, en l'occurrence la construction européenne. C'est là que le moteur franco-allemand prend tout son sens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2006