Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités locales, sur La Chaîne Info LCI le 11 janvier 2006, sur les perspectives de la politique gouvernementale en 2006 et la réforme de la fonction publique territoriale.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q- Vous êtes à la fois ministre du Gouvernement mais aussi proche de N. Sarkozy, à l'UMP...
R- Ce n'est pas incompatible, M. Séguillon.
Q- Mais je n'ai pas dit que c'était "incompatible", je rappelais simplement ces fonctions, qui sont les vôtres. Comment est-ce que vous avez entendu, hier, les voeux de D. de Villepin, le Premier ministre, qui semblaient davantage les voeux d'un candidat en campagne, alors qu'on avait entendu le président de la République, très précis, et presque tenant un discours de politique générale, comme un Premier ministre ?
R- Non, j'ai entendu, moi, D. de Villepin qui s'est exprimé avec ses mots, avec son vocabulaire, avec son tempérament...
Q- Epique...
R- C'est vrai que - et c'est pour noter - qu'il avait renoué avec le style "épique" qui est le sien. Je pense que ça ne sert à rien de vouloir changer son image, vouloir modifier son caractère. D. de Villepin a choisi les mots qu'il souhaitait. C'est vrai qu'au travers de ses propos, on a compris qu'il souhaitait rappeler que la France était un pays ancien, façonné par 2.000 ans d'histoire, il a insisté là-dessus. Mais surtout, il a rappelé la priorité, qui est la priorité collective du Gouvernement de D. de Villepin, de N. Sarkozy, de tous les autres, c'est-à-dire, de se concentrer afin que l'emploi puisse s'améliorer. Et c'est vrai qu'à l'occasion de ces voeux, c''était l'occasion de rappeler que la situation de l'emploi s'améliorait - vous le savez, on est à moins de 10%, on est à 9,6%, c'est un progrès, c'est mieux, mais ça ne fait pas oublier qu'il y a toujours 2,3 millions personnes dans notre pays qui sont à la recherche d'une activité professionnelle.
Q- Est-ce que vous pensez que l'année 2006 peut être vraiment "une année utile", dès lors qu'il n'y a pas cette "rupture", que vous-même et N. Sarkozy souhaitez, avec un certain nombre de comportements ou un certain nombre d'attitudes ?
R- Mais ça sert à rien de vouloir rêver d'un calendrier. Vous faites allusion à 2007, eh bien 2007, par définition, ça sera après 2006. Donc, il y a deux solutions : soit on passe l'année 2006 par pertes et profits, ça ne serait pas "utile", ça ne serait pas juste, ça ne serait pas efficace, ça ne serait pas intéressant pour notre pays. Donc, tous, les uns et les autres, nous sommes totalement soudés pour faire de cette année une année qui permet de progresser. Progresser dans quels secteurs ? Progresser dans le secteur de l'emploi, comme je viens de vous le dire ; progresser aussi en matière de lutte contre l'insécurité. Et pourquoi est-ce important ? Parce que, nous sommes sur une lancée. Vous savez, c'est très simple : N. Sarkozy, a engagé une action contre l'insécurité qui obtient des résultats. Sarkozy, ça marche ! Pourquoi je dis ça ? Je dirais très simplement : il y a eu 600.000 actes de délinquance de plus au gouvernement précédent, il y en a 370.000 de moins depuis 2002...
Q- Il y a aussi davantage de voitures qui brûlent à la Saint-Sylvestre qu'il y en avait jadis !
R- Non, non, je parle des actes de délinquance. Cela veut dire très simplement, M. Séguillon, une chose, c'est qu'aujourd'hui, il y aura 370 actes de délinquance en moins par rapport aux années précédentes. Rien que sur cette journée, 370 en moins. Eh bien ça, c'est un symbole, et c'est une réalité.
Q- Et est-ce que vous pensez - j'en finis avec le discours du Premier ministre - que le rendez-vous de 2007 pourra être un rendez-vous serein, alors qu'on voit bien qu'au sein même de la majorité, il y a compétition entre deux stratégies, deux hommes, deux lignes ?
R- Moi je suis convaincu que nous sommes dans une démocratie moderne. Qu'est-ce que ça veut dire "moderne" ? Cela veut dire d'abord qu'on peut exprimer des différences sans que ça soit un scandale. Cela veut dire, qu'on peut affirmer des préférences sans que nous soyons immédiatement victimes d'une fatwa. Donc, la réalité est très simple : chacun s'exprime, nous avons des échéances, on les abordera à notre rythme, et N. Sarkozy, sur ce calendrier, est totalement calme, totalement serein, totalement déterminé.
Q- Tout à l'heure, en Conseil des ministres, à côté d'un projet de loi sur "l'égalité des chances", vous allez vous-même, avec C. Jacob, présenter un autre projet de loi qui concerne la fonction publique territoriale. D'abord, sur le plan quantitatif, on dit : la dette, il faut résorber la dette, le seul moyen de résorber la dette c'est de diminuer l'effectif dans la fonction publique.
R- Oui.
Q- Votre réponse, sur la fonction publique territoriale ?
R- C'est vrai qu'il y a un message qui est diffusé, qui est juste, c'est-à-dire qu'il faut qu'on fasse des efforts pour améliorer la situation financière de notre pays. Et ces efforts passent notamment par une analyse précise de l'évolution du nombre des fonctionnaires. Vous savez qu'il y a des pistes qui sont engagées pour réduire le nombre des fonctionnaires. Je dis simplement une chose : notre message, à l'égard des fonctionnaires ne peut pas se réduire à dire "vous êtes trop nombreux". Il faut dire : nous vous demanderons des efforts, une partie de ces efforts, vous en bénéficierez, et en même temps, avec cette réforme de la fonction publique territoriale que je présente - la fonction publique en France, dans notre pays, c'est à peu près 5 millions de personnes...
Q- Dont 1,7 million ne sont...
R- 1,7 million, 1,8 million. Avec le transfert progressif des agents en TOS, il y a 1,8 dans la fonction publique territoriale, 2 millions en gros pour la fonction publique d'Etat et à peu près 800-900.000 pour la fonction.
Q- 1,8 million, c'est trop pour la fonction territoriale, aujourd'hui, objectivement ?
R- Aujourd'hui, nous sommes en pleine période de décentralisation, nous achevons la période de décentralisation, donc, il y a des compétences qui ont été transférées. C'est vrai qu'il y a eu sans doute un gonflement des effectifs un peu important. Mais c'est assez logique. Je parie moi sur le rééquilibrage. Mais ce qui est important dans ce projet de loi, c'est que nous, nous donnons plus de souplesse aux employeurs. Je vous donne un exemple simple, un exemple très rapide : aujourd'hui, il y a un problème formidable pour accueillir le petite enfance ou au contraire pour s'occuper des personnes plus âgées. Vous voulez recrutez, vous êtes un maire, vous voulez recruter une puéricultrice. Elle vient vous voir, elle vous dit : j'ai 12 années d'expérience. Eh bien, vous lui dites : madame, avec les règles de la fonction publique territoriale actuelles, je vous accueillerai avec bien du plaisir mais vous serez au premier...
Q- Donc, ce que vous voulez faciliter, c'est le passage du privé au public par exemple ?
R- Voilà, par exemple. C'est-à-dire, qu'on prendra en compte les années d'expérience, c'est-à-dire, la reconnaissance de l'expérience professionnelle, la validation des acquis d'expérience. C'est-à-dire qu'on donne à la fois beaucoup plus de souplesse pour les employeurs pour recruter, et, en même temps, on fait un effort pour le fonctionnaire territorial en lui donnant une meilleure formation, en le recentrant sur ses métiers. La fonction territoriale, c'est 253 métiers. Donc, il faut qu'on les recentre. Et finalement...
Q- Quand vous dites "recentrer" sur les métiers - puisque c'est un des objectifs de votre projet de loi -, est-ce que c'est parce que vous avez le sentiment, aujourd'hui, qu'il y a eu une espèce de dispersion ?
R- Il y a peut-être eu dans la nébuleuse de cette grande fonction publique, des tâtonnements et autres. Mais simplement, moi, ma préoccupation,c'est que l'employeur puisse recruter, c'est que le salarié s'y sente bien grâce à une meilleure formation et qu'il puisse avoir une perspective d'évolution professionnelle, et surtout, que le citoyen électeur, usager, contribuable, y retrouve son compte. Eh bien, avec ce nouveau projet, je pense qu'on peut y répondre. Il y a un signe extrêmement fort là-dessus : c'est qu'avant de présenter un texte de cette nature au Conseil des ministres, on le présente devant un organisme, qui est un organisme paritaire employeurs maires, présidents de Conseils généraux, présidents de régions et salariés. A l'occasion de cette réunion, il y a eu un vote : deux membres sur trois de ce Conseil supérieur, présidé par un socialiste, B. Derosier, ont approuvé ce texte. C'est un consensus jamais atteint. Cela veut simplement dire qu'il y a une prise de conscience. Prise de conscience qu'on a un problème démographique, et prise de conscience qu'il y a un problème fonctionnel.
Q- Alors, vous avez dit "recentrer sur les métiers, plus de souplesse", et aussi, c'est le troisième axe, si j'ai bien compris de votre projet de loi, "rendre cette fonction publique plus attractive". Alors, il y a la formation, bien sûr, mais il y a aussi la rétribution. Or, tout à l'heure, vous allez être aux côtés de C. Jacob, qui n'a guère de chiffres alléchants à proposer aux fonctionnaires.
R- Oui, mais ça c'est de la responsabilité de C. Jacob, il fait remarquablement son travail, dans les contraintes budgétaires qui sont les nôtres.
Q- Certes, mais il n'a pas de sous pour parler clair, vous le savez !
R- Ecoutez, vous l'inviterez. Je vous dis simplement qu'il est dans le cadre d'une négociation, je ne vais pas intervenir dans le cadre de cette négociation qui se poursuit en ce moment même. Je dis simplement que ... [passage inaudible, problème de signal audio] ...eh bien le salarié, le fonctionnaire territorial, y trouvera son compte puisque, par définition, il aura une meilleure rémunération.
Q- Alors, N. Sarkozy, lui aussi, va devoir présenter ses voeux. Vous êtes à la fois le collègue de N. Sarkozy au Gouvernement, et son proche au sein de l'UMP. Qu'est-ce que vous attendez, vous, de ces voeux ?
R- N. Sarkozy a décidé de présenter ses voeux, à la fois comme responsable de la première grande formation parlementaire, première formation militante, première formation d'ailleurs de jeunes aussi, et comme ministre de l'Intérieur.
Qr Il n'y a pas une confusion des rôles, là ?
R- Au contraire, c'est très sain. Moi je veux dire que c'est une chance formidable que nous avons d'avoir N. Sarkozy, à la fois, au Gouvernement et comme responsable d'une formation politique. Cela veut dire que lui, il peut marcher sur ses deux jambes : d'un côté, il a l'action, en étant ministre de l'intérieur, tous les jours, le concret ? tout à l'heure, j'entendais certains qui évoquaient les banlieues ; eh bien, il était, nuit après nuit, dans les banlieues. Donc, c'est du concret, c'est du quotidien. Et en même temps, comme responsable d'une formation politique, c'est sa possibilité, et j'allais dire, son devoir que de pouvoir imaginer librement. Donc, finalement, l'expérience, l'action, l'audace de l'imagination, c'est un atout formidable pour notre pays.
Q- Entre nous, pendant combien de temps est-ce qu'il pourra tenir, à la fois, ces deux positions ? Jusqu'à la fin de l'année 2007 ?R- Eh bien écoutez, vous avez évoqué un calendrier, ce calendrier il est connu. En 2006, c'est une année d'action, 2007, ça sera une autre étape.