Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur les premiers résultats du Plan de cohésion sociale et les projets législatifs de son ministère pour l'année 2006, Paris le 19 janvier 2006.

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Circonstance : Voeux à la presse pour l'année 2006

Texte intégral

Je ne sais pas si en matière de voeux il en est comme en matière de mariage. « Mariage pluvieux, mariage heureux ! » dit-on. Nous pourrions dire aujourd'hui « voeux pluvieux, nombreux emplois ! ». Lors de la cérémonie des voeux en 2005, Catherine Vautrin et Azouz Begag ne nous avaient pas encore rejoints mais Laurent Hénart et Marc-Philippe Daubresse étaient encore parmi nous ; j'ai pour eux une pensée émue. Nous étions alors dans une situation étonnante. Nous étions nous-mêmes comme des enfants, fascinés par notre plan de cohésion sociale, ses trois volets et ses vingt programmes sur cinq ans, sérieux et chiffrés. Mais nous sentions bien la difficulté à vous communiquer notre enthousiasme. Les Français, en partie à travers vous, se répartissaient alors en trois catégories. La première rassemblait ceux qui pensaient qu'il n'y aurait pas d'argent - les programmes en eux-mêmes ne suscitant pas de critiques directes particulières. Les journalistes de cette catégorie relataient donc le plan mais modérément. La deuxième catégorie rassemblait ceux qui pensaient qu'il n'était pas possible de résumer un plan aussi complexe. La troisième catégorie rassemblait ceux qui pensaient que les effets du plan étaient tellement éloignés qu'il était difficile de gérer l'immédiateté de l'information et d'illustrer des réussites éventuelles. Nous sentions donc ce décalage et notre difficulté à expliquer les choses mais nous n'en étions pas moins motivés, convaincus que tous les programmes ne fonctionneraient peut-être pas immédiatement mais que tous démarreraient en 2005.
Tous les programmes sont lancés
Si j'avais un voeu pour 2006, ce serait que vous relisiez une fois au moins le plan de cohésion sociale pour que vous puissiez constater que tous les programmes sont en effet lancés, à savoir le guichet unique et le dossier unique du demandeur d'emploi, le service public de l'emploi, les entretiens mensuels avec les demandeurs d'emploi, les prévisions de besoins d'emplois et de formation dans les bassins, la mise en place de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la création des maisons de l'emploi - 103 sont aujourd'hui en place sur les 300 prévues en cinq ans ou la mise en place de recrutements par simulation. L'ANPE a recruté 3 200 collaborateurs, c'est dire à quel point nous croyons dans le service public de l'emploi. Nous en voyons déjà une partie des résultats. Le mois de décembre 2005 est celui où le nombre d'offres d'emplois aura été le plus élevé depuis la création de l'ANPE. 3,4 millions d'offres auront transité par l'Agence sur l'année ce qui prouve d'une part que l'ANPE joue son rôle de service public et d'autre part, la reprise de l'offre. Nous sommes entrés dans une période de crise du recrutement ; le vrai sujet tient à la gestion des ressources humaines.
Un véritable virage économique et social nous attend au cours de l'année 2006
En matière d'apprentissage et d'alternance, la tendance s'est inversée et les chiffres repartent à la hausse, cette dernière atteignant plus de 30 000 contrats entre 2004 et 2005. Les campagnes et les réformes fiscales annoncées ont été menées à bien. Les services à la personne - qui constituent l'un des programmes du plan de cohésion sociale - ont d'ores et déjà généré 80 000 emplois. Un véritable virage économique et social nous attend au cours de l'année 2006. Les nouveaux contrats aidés - donnant une capacité soit à intégrer le service public soit le secteur privé - sont en place. Le nombre de contrats CIVIS pour les jeunes en grande difficulté est, pour sa part, passé de 1 500 à 125 000 entre 2004 et 2005. Sur le volet logement et rénovation urbaine, les chiffres 2005 sont historiques. Le nombre de logements construits cette année n'a jamais été aussi élevé depuis 27 ans. 402 000 chantiers ont démarré en 2005, contre 277 000 il y a six ans et 300 000 il y a quatre ans. En matière de logements sociaux, le chiffre atteint 77 800 hors foncière et 82 000 foncière incluse, soit un doublement en quatre ans du nombre de logements sociaux dans le pays. Là encore, il s'agit de chiffres historiques par rapport à ceux des 25 dernières années. En matière de rénovation urbaine, nous signerons dans quelques jours une extension du programme à 30 milliards d'euros, soit l'équivalent de la moitié de l'ensemble des tranches nucléaires françaises ou de douze porte-avions nucléaires. La transformation en profondeur de ces quartiers revêt aujourd'hui une importance capitale, notamment après la crise des banlieues que nous avons connue. La centième convention sera signée dans dix jours. Les travaux ont débuté dans 200 quartiers et j'espère que tel sera le cas partout avant la fin de l'année. Nous avions également annoncé une réforme du prêt à 0 % pour augmenter l'accession sociale à la propriété. Là encore, les chiffres ont doublé, le nombre d'accédant au prêt étant passé de 88 000 à 200 000.
La réforme de la DSU bénéficient aux villes les plus en difficulté
Sur le volet de l'égalité des chances, la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances a été mise en place. Les villes les plus en difficulté bénéficient d'une réforme de la DSU de + 650 millions d'euros sur cinq ans, soit 3 à 4 millions d'euros par commune dite « pauvre ». 185 équipes de réussite éducative ont été créées. Regroupant chefs d'établissement, professeurs, parents d'élève, CAF et collectivité locale et dotées d'un budget autonome compris entre 150 000 et 500 000 euros, elles visent à protéger et aider les enfants sur toutes les problématiques concourrant à leur équilibre. En réalité, et cela m'a frappé, nous sommes dans un pays qui a des fiefs, dotés de légitimité. Nous sommes, pour notre part, plutôt des imaginatifs et des ensembliers et non les opérateurs principaux. Dans le domaine du logement, nous devons remercier la famille HLM, les maires, les conseils généraux et régionaux. En matière de rénovation urbaine, il convient de remercier les collectivités locales, les fonds européens ou les départements. Les chambres des métiers se sont quant à elles largement mobilisées sur l'apprentissage de même que, plus généralement sur le volet emploi, les réseaux emplois ou encore le Ministère de la Défense (emplois deuxième chance), le Ministère de l'intérieur (les cadets de la République), le Ministère de l'Education Nationale (contrats vie scolaire, efforts en matière d'apprentissage), le Ministère de la Jeunesse et des Sports (incitation à développer les contrats d'avenir et l'emploi dans les fédérations sportives), le Ministère de la Santé (centres médico-sociaux) et enfin le Ministère de l'Economie et des Finances au travers de ses financements et de la TVA à 5,5 % pour l'accession populaire à la propriété qui, je l'espère, sera votée cette semaine. Les partenaires sociaux se sont pour leur part largement mobilisés à la fois sur le volet emploi mais aussi sur le volet rénovation urbaine et logement.
Le pays est en marche car tous les acteurs ont décidé de se mettre en marche !
Pour l'année qui vient, vous m'avez notamment suggéré de refaire des conférences de presse régulières rue de Grenelle. Vous m'en verriez ravi mais force est de constater que vous avez du mal à vendre ce type de sujets à vos rédactions. Je rappelle que nous avons fait une conférence de presse le 21 décembre. Les sociétés HLM s'étaient engagées, sous certaines conditions, à signer un contrat pour le doublement de la production de logements sociaux que tous les présidents de fédération ont signé. Mais il n'y avait aucun journaliste ! Il en a été de même lors du lancement des services à la personne première formule. Je suis prêt à faire un point mensuel avec vous mais il faudrait que je vous aide à vendre vos sujets sans quoi vous risqueriez de devenir des consultants du Ministère ! Pour que je réponde à votre question, il faudrait que vous m'aidiez à résoudre la difficulté d'intégrer le temps et la vraie compréhension des choses. Comment faire pour vous persuader que le nombre de personnes en population active a effectivement augmenté de 56 000 entre 2004 et 2005 et que le nombre de radiations a effectivement diminué ? En somme, comment faire pour vous convaincre que la baisse du chômage doit être justifiée par ailleurs ? Comment vous faire sortir de l'idée que le plan de cohésion sociale n'était qu'un plan de traitement social du chômage ? Le plan de cohésion sociale repose sur la relance du logement créatrice d'emplois, sur l'apprentissage, sur les contrats de professionnalisation, sur le recrutement par simulation, sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, sur le guichet unique et le dossier unique ou sur la convention de reclassement personnalisée. Sans doute nous sommes-nous mal expliqués !
Dans notre secteur, les effets sont toujours différés
Par ailleurs, nous savons que le décalage entre la baisse du nombre de chômeurs et le nombre de créations d'emplois s'explique par les contrats d'apprentissage et par le fait que les chiffres français déduisent l'évolution du nombre d'emplois dans les entreprises de moins de dix salariés de l'évolution du nombre d'emplois dans les entreprises de plus de dix salariés. Or les petites entreprises créent mécaniquement plus d'emplois et les programmes pour les petites entreprises lancés par le premier Ministre à l'été 2005 ont un impact sur ces entreprises. En outre, les périmètres utilisés par l'INSEE et l'UNEDIC ne sont pas les mêmes. Les services sociaux et médicaux publics et privés ne sont pas pris en compte, soit notamment le secteur des services à la personne. Il convient également de souligner que dans notre secteur, les effets sont toujours différés. En matière d'emploi, les chiffres disponibles en décembre sont ceux du mois de novembre traduisant les inscriptions ou désinscriptions d'octobre et des décisions du salarié ou du recruteur de septembre, soit un différé de quatre mois entre un événement et sa source, ce qui est difficile à gérer pour nous comme pour vous. Par ailleurs, je suis convaincu que les ressources humaines constituent l'essentiel du problème de l'emploi dans notre pays. Le challenge consiste donc à aider au mieux les demandeurs d'emploi lors de mutations. Nous avons proposé que ceux-ci soient reçus mensuellement par le même référent, ce qui constitue sans conteste une bonne nouvelle par rapport à la situation précédente. Mais il semble que cela puisse être perçu comme un « suivi » du demandeur d'emploi dans le mauvais sens du terme, ce qui traduit la difficulté d'explication et de compréhension régnant entre nous.
L'année 2006 sera formidable
Pour 2006, le travail à fournir est encore colossal : loi sur l'égalité salariale, loi sur légalité des chances, participation-intéressement, loi sur le logement... Le dispositif législatif est très lourd. Mais l'année 2006 sera formidable ! En 2005, tout le monde pensait que les dépenses constituaient l'essentiel du sujet. Au mieux, le plan apparaissait comme une nécessité sociale mais l'idée que se jouaient la République et l'énergie économique de notre pays n'était pas largement répandue ! Aujourd'hui, tout un chacun a conscience que l'égalité des chances et la diversité constituent l'énergie vitale de notre pays, qu'investir dans le logement constitue un des moyens de redressement économique, que le contrat d'apprentissage, l'alternance et le contrat de professionnalisation constituent un investissement, de même que la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, et qu'enfin, la participation et l'intéressement sont un facteur de cohésion entreprenariale et de développement économique. En bref, l'idée est passée que les secteurs du logement, de l'égalité des chances, de l'emploi et des affaires sociales constituent le plus grand investissement positif économique et qu'ils créent de la croissance. Cette dernière se fait beaucoup plus sur nos sujets que certains semblent le croire par ailleurs. Il ne s'agit pas simplement d'un problème politique mais d'un problème de conception de la société. Le fait que le premier Ministre mette l'accent sur la mutation des ressources humaines et sur l'égalité des chances traduit sa conviction que le redressement économique du pays se joue sur ces points. Les services à la personne sont déjà lancés. La profession s'est organisée. Mais la présentation aux Français de la capacité qu'aura chacun d'acheter des prestations de services à la personne constituera un moment très particulier. De grandes enseignes se sont lancées dans ce domaine. Le chèque emploi-service universel pré-financé et abondé par les entreprises a été habilité par la Banque de France. Outre les conditions de vie de nos compatriotes qu'ils contribueront à améliorer, les services à la personne constituent un sujet majeur en termes d'emploi. Ne ratez pas ce virage !
On peut traiter les sujets humains... de manière approfondie et valorisanteEnfin, permettez-moi, pour finir, de vous souhaiter une bonne année. J'ai bien entendu vos remarques sur la profession, que nous avons d'ailleurs rencontrée. Je souhaite simplement vous dire que pour ma part, je suis convaincu que l'on peut traiter les sujets humains (logement, égalité des chances et emploi) - et sans négliger les difficultés - de manière approfondie et valorisante. La vente de ces sujets dans vos rédactions respectives constitue le principal combat, de même que nous devons défendre nos propositions à Matignon. Nous sommes finalement logés à la même enseigne ! Quoi qu'il en soit, je vous souhaite d'être heureux dans vos rédactions et dans votre métier. Et n'hésitez pas à nous solliciter, Monsieur le Président, si nos explications étaient insuffisantes sur certains points. La bonne foi est parfois un très mauvais allié. Mais à votre égard, nous serons toujours de bonne foi.