Discours de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur les mesures déjà prises ou à prendre pour améliorer l'attractivité de la France, Paris le 16 novembre 2005.

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Circonstance : 4ème Conférence internationale du droit et de l'économie du 15 au 17 novembre 2005 à la Maison du Barreau à Paris

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames, Messieurs,
Le 29 mai 2005 est une date marquante de l'histoire de l'Europe et de la France et adresse les signaux qui nous permettront de rebondir.
De multiples raisons ont été avancées, et seront encore avancées, pour expliquer le vote en faveur du non à la Constitution que les Français ont émis et je ne me risquerai pas à proposer une explication définitive à ce vote.
Il me semble toutefois que ce vote s'inscrit d'une certaine manière dans une crainte malheureusement répandue dans l'opinion et entretenue par des organisations qui poursuivent des buts divers : la crainte de la mondialisation.
Le projet de Constitution européenne proposait notamment de renforcer l'unification du droit des Etats membres, ce que beaucoup de Français perçoivent comme une perte de souveraineté voire une perte d'identité.
Et cette unification s'inscrit dans le sens de l'histoire : le siècle dernier a vu de nombreuses initiatives naître en la matière. En ce qui concerne le commerce international, le GATT puis l'OMC ont encouragé mais aussi encadré la mondialisation grâce à des règles du commerce.
Il est paradoxal de constater que, comme pour la Constitution européenne, cette mise en commun des règles s'est heurtée à des réactions vives de rejet de cette mondialisation des règles.
Pourtant, la mondialisation doit être vue comme un champ d'opportunités plutôt qu'un nid de menaces.
Le simple bon sens doit nous conduire à énoncer cette vérité que la mondialisation sera ce que nous en ferons.
Je me suis rendue la semaine dernière aux Etats-Unis, au Bénin, au Nigéria et au Kenya.
J'y ai plaidé cette idée très simple que la conférence ministérielle de Hong-Kong de décembre prochain, où nous allons nous efforcer de poursuivre le cycle de négociations lancé à Doha en 2001, était une occasion formidable de faire avancer la mondialisation au bénéfice de tous : abaissement des barrières douanières, protection de la propriété industrielle, accès des pays pauvres aux médicaments sont quelques-uns des enjeux de cette conférence, de cette occasion de poursuivre la maîtrise de la mondialisation.
Dans la mondialisation du droit que nous connaissons, la France et son système juridique ont de nombreux atouts, contrairement aux idées reçues.
55 % de l'humanité vit dans un système juridique inspiré du droit romano-germanique contre 41 % pour le droit anglo-saxon.
En ce qui concerne le produit intérieur brut, la moitié du PIB mondial est produit dans des pays de droit romano-germanique contre 45 % pour le droit anglo-saxon.
Le droit romano-germanique est donc le droit le plus répandu sur la planète.
De plus, ce droit est très attractif : sur les 5 dernières années, 54 % des investissements directs étrangers ont été destinés à des pays de droit romano-germanique comparé à 39 % pour le droit anglo-saxon.
Bien entendu, je ne peux faire l'impasse sur le classement du rapport "Doing business" de la Banque mondiale. Ce rapport vise à comparer la capacité à faire des affaires dans les différents pays de la planète. La première édition du rapport, en 2003, proposait une corrélation entre le type de droit et la facilité à y faire des affaires et cette corrélation était en défaveur du droit romano-germanique. Elle a disparu des éditions suivantes, sur demande de la France, mais elle reste sous-jacente. Dans la troisième édition parue il y a quelques semaines, la France ne s'est classée que 44ème, entre la Jamaïque et le Kiribati, petit archipel micronésien.
Je ne ferai pas de commentaires sur la pratique des affaires à Kingston ou sur les aides à la recherche et développement à Kiribati mais nous avons tous l'intuition que la France mérite mieux que cette 44ème place. C'est en tout cas patent lorsqu'on regarde la réalité de l'investissement étranger en France : sur les 3 dernières années, la France est la 5ème destination mondiale des investissements étrangers derrière le Luxembourg, les Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni.
D'ailleurs, les autres classements internationaux d'attractivité corroborent ces résultats, comme celui du World economic forum qui, en se fondant sur une enquête réalisée auprès d'investisseurs et de chefs d'entreprise, nous classe à la 11ème place.
Je me rendrai au début de l'année prochaine à Washington afin d'étudier avec la Banque mondiale les améliorations qui peuvent être apportées au rapport "Doing business".
Bien entendu, les commentaires et critiques que nous pouvons faire sur ces classements ne doivent pas occulter le fait que notre pays doit améliorer son attractivité.
Le Gouvernement est résolument engagé dans cette voie : nous avons conduit de nombreuses et importantes réformes :
- des réformes fiscales comme l'allègement du régime des impatriés ou l'extension du régime fiscal des quartiers généraux aux centres de R&D ;
- la simplification des procédures d'entrée et de travail des cadres étrangers ;
- l'amélioration de l'accueil des étudiants étrangers ;
- bien entendu des réformes juridiques comme l'adaptation du droit français au statut de la société européenne ou l'introduction prévue de la fiducie dans le droit français des affaires.
Je suis déterminée à poursuivre cet effort et je puis vous dire que le Gouvernement travaille sur d'autres mesures qui permettront d'améliorer l'attractivité de notre pays.
Vous le savez, le droit français est un droit qui s'adapte, qui se modernise et qui fait le pari de la mondialisation en jouant la carte des convergences supranationales.
Les professions du droit on un rôle essentiel à jouer dans cette dynamique : pour accompagner ce mouvement et pour porter, à l'international, les savoirs et savoir-faire qui sont les leurs.
Je suis déterminée à les aider et j'ai décidé de consacrer un plan sectoriel d'aide à l'exportation aux métiers du droit. Les plans sectoriels, qui ont jusqu'alors plutôt été consacrés à l'industrie, permettront d'accompagner les initiatives collectives visant à exporter les services des métiers du droit.
L'ensemble des organisations représentatives de ces métiers ont été contactées afin de définir les priorités à l'international : une réunion de lancement se tiendra très prochainement dans mon ministère.
Comme vous le voyez, le Gouvernement est convaincu que la mondialisation du droit est une chance formidable et il est décidé à accompagner les professions juridiques pour tirer parti des opportunités que la mondialisation crée.
Je vous remercie de votre attention.

source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 décembre 2005