Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique, sur les propositions de revalorisation générale des salaires dans la fonction publique, les mesures en faveur des bas salaires et le dispositif prévu pour la gestion des carrières et la promotion interne, Paris le 18 janvier 2001.

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Circonstance : Réunion avec les organisations syndicales sur les salaires dans la fonction publique à Paris le 18 janvier 2001

Texte intégral

Ainsi que je vous y avais convié en décembre dernier, nous nous retrouvons aujourd'hui pour une séance conclusive et donc décisive de négociations sur les salaires dans la fonction publique. Je forme le voeu en ce début de réunion que nos travaux nous permettent d'aboutir à un accord aussi large que possible : c'est l'intérêt des fonctionnaires qui sont toujours gagnants à un accord, notamment en matière salariale ; c'est également important pour la vitalité du dialogue social dans la fonction publique dont le dossier salarial constitue historiquement le socle. Vous me voyez dans la disposition d'esprit de rechercher un tel accord.
Dans un souci d'efficacité, et même si, débutant cette séance à une heure matinale, nous avons peut-être l'espoir de ne pas nous séparer trop tard ce soir, je ne reviendrai pas sur le contexte général dans lequel s'inscrivent nos travaux, qu'il s'agisse du contexte économique, fiscal ou budgétaire. Je soulignerai simplement que nos débats sont aujourd'hui sécurisés dès lors que le taux d'inflation en 2000 est connu et qu'il s'établit à 1,6%, au niveau que nous avions à l'esprit lors de nos premières rencontres. Nous pouvons, je crois, collectivement nous réjouir de ce que la petite poussée inflationniste du mois de novembre ait été plus que compensée par une décélération importante en décembre, due tant à la baisse des cours du pétrole qu'au rétablissement de l'euro. Ces deux dernières circonstances sont en outre de nature à conforter les hypothèses d'inflation pour 2001 et 2002 sur la base desquelles nous allons travailler, et qui pour la première est celle retenue pour le vote de la loi de finances pour 2001 et pour la seconde est celle sur la base de laquelle le Gouvernement a construit son programme pluriannuel des dépenses publiques.
L'objectif que poursuit le Gouvernement est celui du maintien du pouvoir d'achat du traitement de base de tous les fonctionnaires et d'une progression du pouvoir d'achat pour un très grand nombre d'entre eux et notamment pour ceux qui perçoivent les plus basses rémunérations.
Les propositions que je vais vous faire doivent être analysées globalement sur l'ensemble de la période considérée. Elles peuvent se résumer en trois éléments :
- Des mesures de revalorisations générales : outre la mesure de 0,5% au 1er décembre dernier, une mesure de 0,4% au 1er juin 2001, de 0,8% au 1er décembre 2001, de 0,4% au 1er juin 2002 et de 0,8% au 1er décembre 2002.
- Des mesures en faveur des bas salaires :
Il s'agit de prendre en compte les effets de l'augmentation passée et prévisible du SMIC afin d'éviter le décalage dommageable entre le SMIC et le minimum de rémunération dans la fonction publique. Le comblement de ce décalage entraîne, pour éviter un tassement des rémunérations en bas de grille, des mesures de revalorisation dégressives pour une partie de la catégorie C.
Le rattrapage sur la période de l'accord du SMIC nécessite l'attribution globale de 4 points d'indice pour le minimum de rémunération. Je vous propose en conséquence l'attribution de 4 points jusqu'à l'indice majoré 254, de 3 points de l'indice 255 à l'indice 321 de 2 points de l'indice 322 à l'indice 336 et de 1 point de l'indice 337 à l'indice 350..
- Un dispositif très novateur de gestion des carrières et de promotion interne:
Nous sommes tous, je crois, très attachés à notre fonction publique de carrière. Je ne suis pas sûr que dans la gestion quotidienne des corps et des cadres d'emplois, nous ayons toujours à l'esprit cet objectif fondamental de notre construction statutaire et je ne suis pas certain que nous soyons en capacité d'offrir aux agents en place et au futurs candidats à la fonction publique une visibilité sur le déroulement de leur carrière. Je vous propose aujourd'hui des mesures que je n'hésite pas à considérer comme une petite révolution. Il nous faut résorber des blocages évidents et insupportables pour les agents, qui peuvent exister ici ou là ; mais il nous faut aussi innover pour éviter que de tels blocages se reproduisent. Les dispositifs que je vous propose ont vocation à s'appliquer dans leur principe, leur philosophie générale, à l'ensemble des points de blocage que nous connaissons dans les trois fonctions publiques, toutes filières confondues. Mais il ne saurait évidemment être question de mettre en place un dispositif uniforme pour les trois fonctions publiques, ni même, au sein de chacune des fonctions publiques, pour tous les corps ou cadres d'emplois. Les corps et cadres d'emplois ne connaissent pas tous des difficultés, ces difficultés sont d'ampleurs différentes et, surtout, la situation de départ est diversifiée : des dispositifs existent déjà notamment dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.
Cette mutation dont je vous propose d'acter aujourd'hui le principe assorti de calendriers pour l'analyse des situations particulières des corps et cadres d'emplois considérés, nécessite un travail technique approfondi, dans la transparence, et nous ne sommes pas prêts aujourd'hui pour fixer dans le détail tel dispositif précis d'avancement. Mais je crois qu'il relève typiquement du dialogue social dans la fonction publique que le principe d'une telle réforme fasse l'objet d'un accord qui devra ensuite trouver sa traduction ministérielle.
Le texte que je vous propose sur l'avancement de grade et la promotion de corps intègre notamment des demandes, observations, remarques que vous avez formulées lors de la réunion du groupe de travail qui s'est tenue sur cette question la semaine dernière ; il est donc substantiellement différent du texte que je vous avais remis le 20 décembre dernier.
S'agissant de la promotion de corps, je vous propose pour chacune des trois fonctions publiques, une garantie minimale elle-même déclinée, là ou c'est nécessaire, en une clause de sauvegarde, et pour une durée limitée à deux ans, des dispositifs d'urgence permettant de débloquer les situations les plus préoccupantes.
S'agissant des avancements de grade, je vous propose pour les corps ou cadres d'emplois dans lesquels des situations persistantes de blocage seraient observées, de mettre en place un mécanisme tout à fait nouveau, fondé sur la durée moyenne des carrières. Il s'agira, au terme d'une analyse fine de la situation des corps et cadres d'emplois concernés et en conduisant cette analyse en prenant en compte les spécificités des trois fonctions publiques, de définir des durées moyennes de référence pour le séjour des agents dans chaque grade ou classe et d'en déduire une proportion entre le nombre d'agents promouvables et le nombre d'agents effectivement promus. Dans le cas où le fonctionnement harmonieux des pyramidages est entravé par des éléments tenant à la situation démographique des corps et cadres d'emplois concernés, il sera donc possible d'internaliser la gestion des carrières et d'offrir aux agents une espérance de promotion stabilisée, en moyenne bien sûr, puisqu'il n'est pas question de remettre en cause la diversification des rythmes d'avancement liés notamment au mérite.

Enfin, je vous propose une refonte du système des indemnités horaires pour travaux supplémentaires consistant à consolider dans un régime indemnitaire nouveau les indemnités existantes lorsqu'elles sont versées de manière forfaitaire et de mettre en place une rémunération des heures supplémentaires effectivement accomplies dont le taux devra être recalé au 1er janvier 2002, c'est-à-dire au moment du passage aux 35 heures.
Pour conclure ce propos liminaire, je souhaiterais insister sur l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui d'envisager qu'à une période de deux ans couverte par un accord succède une période de trois ans couverte elle aussi par un accord. La succession sans solution de continuité de deux accords salariaux, si elle n'est pas une première dans l'histoire de la fonction publique, nous permettra de renouer avec une bonne pratique oubliée depuis de nombreuses années. La suppression d'années blanches de négociations en matière salariale me paraît être une des conditions du renouveau du dialogue social dans la fonction publique, dont vous savez qu'il me tient particulièrement à cur. Elle permettra d'éviter des années de fâcherie entre le Gouvernement et les organisations syndicales, années qui sont aussi toujours des années où les fonctionnaires obtiennent moins que ce qu'ils auraient pu espérer d'un accord, voire où ils n'obtiennent rien du tout.
Je n'imagine pas qu'il soit plus difficile de conclure, dans des termes équivalents, un accord succédant immédiatement à un précédent accord, qui s'est révélé très positif pour les fonctionnaires, que d'en conclure un après une, voire deux années sans accord. Les conditions d'un accord me paraissent bien plus favorable aujourd'hui qu'elles ne l'étaient fin 1997. Autrement dit, j'ai du mal à imaginer qu'une négociation salariale puisse échouer parce que nous avons hérité du précédent accord un gain de pouvoir d'achat de 1,1 %, cependant qu'elle réussirait, comme en 1998, lorsque les fonctionnaires n'ont été revalorisés au cours des deux années précédentes que de 1%, pour une inflation de 2,6 %.
Nous pouvons donc collectivement saisir l'occasion d'ancrer la négociation salariale dans la continuité, d'assurer dans cette même continuité le pouvoir d'achat des fonctionnaires, mieux que depuis longtemps sur une aussi longue période, et d'adopter des mécanismes nouveaux pour la gestion des carrières permettant de débloquer rapidement des situations dommageables aux agents, mais aussi et peut être surtout de modifier en profondeur la gestion des ressources humaines dans les administrations et de renforcer ainsi l'attractivité du service public au début d'une période où il nous faudra recruter massivement.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 18 janvier 2001)