Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à "RTL" le 15 décembre 2005, sur le montant de la dette publique et la maîtrise de la dépense publique, sur l'éventuelle candidature de Ségolène Royal à l'élection présidentielle de 2007.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, François Hollande.
François Hollande : Bonjour.
Q.- 1.117 milliards de dettes. La totalité de l'impôt sur le revenu, consacré cette année au remboursement des seuls intérêts de cette dette. "Cette situation est inacceptable" a dit Dominique de Villepin, hier soir, sur France 2. "On ne peut plus continuer comme ça !". Etes-vous d'accord avec le constat, François Hollande d"on ne peut plus continuer comme ça" ?
R.- Je suis d'accord sur le constat. La dette atteint ce niveau-là, et c'est plus que préoccupant quand beaucoup de nos partenaires, en Europe, ont baissé le niveau de leur endettement par rapport à la richesse nationale.
J'entends le Premier ministre qui nous dit : "on ne peut plus continuer comme ça !". Cela veut dire que la politique qui a été menée depuis 2002 - et je dis bien depuis 2002 - a consisté à augmenter le déficit : oui, à augmenter le déficit. A laisser filer la dépense : oui, laisser filer la dépense, y compris en matière de sécurité sociale. Et, enfin, à relever le niveau de l'endettement de notre pays. Et, paradoxalement, cela a été une période où on a baissé les impôts. Les impôts des plus privilégiés.
Ca veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on a payé les baisses d'impôts, pour les plus favorisés : impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, en empruntant sur le marché financier. On a financé, à crédit : cela veut dire que ce ne sont pas simplement les générations présentes, mais les générations futures qui vont payer les baisses d'impôts qui se laissés octroyer, consenties depuis 2002.
Le plus grave, c'est qu'on nous dit, le Premier ministre : "ca ne peut plus continuer comme ça après 2007 !". Mais renseignez-moi, Jean-Michel Aphatie : en 2007, il y a bien une élection présidentielle !
Q.- On va en parler !
R.- En 2007, il est possible que Dominique de Villepin ne soit plus au gouvernement. Cela veut dire que le Premier ministre actuel présente un budget, fait voter un budget, là, pour 2006 qui augmente le déficit, qui augmente le niveau d'endettement public, qui baisse les impôts et qui nous dit : "ne vous inquiétez de rien. Ca sera après 2007 que l'on fera les efforts indispensables !".
Q.- 1.117 milliards de dettes. Il n'y a pas que le gouvernement actuel qui en est responsable, François Hollande ? Les gouvernements de gauche et de droite ont accumulé ce déficit ?
R.- Non, non, je refuse ce raisonnement parce que, je crois qu'il faut avoir l'honnêteté, et le rapport Pebereau l'a, de ce point de vue. Regarder les différentes périodes : de 1997 à 2002, le niveau de l'endettement public par rapport à la richesse nationale n'a cessé de baisser. Je dis bien de "baisser". Et nous sommes restés en dessous de 60%. Pourquoi dis-je 60% ? Parce que c'est la norme européenne qui est autorisée. Et, depuis 2002, nous sommes passés de 59%, en 2002, à 66% aujourd'hui et on nous annonce 68%, en 2007. Cela veut dire plus de 10 points de plus !
Q.- C'est la droite qui est responsable du déficit en France ?
R.- On pourrait nous dire : la gauche n'en n'a pas fait assez.
Q.- En 1980, la gauche en a fait beaucoup dans le déficit !
R.- Vous voulez que je reprenne les autres périodes ? En 1980 à 1986, période de gauche, la dette augmente.
Q.- On est d'accord. C'est vous qui le dites.
R.- Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le rapport ! Mais à un niveau très modeste. On reste encore en dessous de 30% : rendez-vous compte ! Et la période où il y a eu le plus de recours à l'endettement public, c'est la période de Jacques Chirac : 86-88. Et surtout, surtout, la période Balladur-Sarkozy - déjà il y avait Sarkozy, ministre du budget : 93-95. Et même Juppé : 95-97.
Alors, les auditeurs peuvent nous dire : "quel est ce petit jeu ? Il y en a assez ! Finalement, ce qui compte, c'est la situation d'aujourd'hui !". J'entends cela. Mais, je crois que, quand on veut juger une politique, il faut voir quelle est la responsabilité. La plus grave responsabilité, c'est que, depuis 2002, comme je l'ai dit, on a baissé les impôts des plus favorisés en laissant augmenter l'endettement public. Ce sont les citoyens modestes et leurs enfants qui paieront les cadeaux fiscaux qui ont été octroyés par les gouvernements Raffarin et Villepin, sous l'autorité de Jacques Chirac.
Q.- La situation d'aujourd'hui, François Hollande. Dominique de Villepin a annoncé, hier, la convocation d'une conférence générale des finances publiques. Il a dit que l'Etat y participerait. Il souhaite aussi que les responsables des collectivités territoriales y participent. Souhaitez-vous, vous, que les responsables socialistes se rendent à cette convocation ? Une conférence générale des finances publiques ?
R.- D'abord, Dominique de Villepin est devenu le champion de la "commissionnite". La "commissionnite" est le processus qui consiste, quand vous n'avez pas de réponse, quand vous ne voulez pas prendre de décision, à convoquer une mission parlementaire. Cela c'est pour le cas je n'y reviendrai pas. La mission parlementaire, c'est par rapport au vote d'un amendement tout à fait insupportable sur "le rôle positif de la colonisation". Là, il y a un problème d'endettement. On nous dit, on va convoquer une conférence.
Q.- Une conférence générale. Y participerez-vous, François Hollande ?
R.- Nous, nous participons à tout. Nous sommes suffisamment responsables pour aller là où nos sommes invités. Que dirons-nous, puisque nous sommes responsables de beaucoup de collectivités locales ? Nous dirons que l'Etat s'est défossé sur les régions, les départements, les communes. Et cela, au-delà de toutes les sensibilités politiques, le constat a été fait. C'est-à-dire que, l'Etat n'ayant plus d'argent, maintenant renvoie sur les collectivités locales, la charge d'un certain nombre de dépenses publiques.
Que font les collectivités locales ? Augmentent-elles leur endettement ? Elles sont obligées, hélas, d'augmenter leur niveau d'imposition. Et on en arrive à cette situation où l'Etat baisse ses propres impôts pour les plus favorisés, et où ce sont les collectivités locales qui sont obligées d'augmenter les impôts sur tous les Français.
Q.- La commission Pebereau propose de stabiliser un euro constant. C'est-à-dire, même s'il y a de l'inflation, on ne dépense plus d'argent supplémentaire de l'Etat dans les années qui viennent. Est-ce que cela, François Hollande, vous paraît être une bonne proposition ?
R.- La première proposition qu'il faut faire, je reviendrai sur celle que vous indiquez, est de revenir sur toutes les baisses d'impôts qui ont été accordées aux plus favorisés.
Q.- Vous l'avez déjà dit, tout à l'heure ! Un euro constant ?
R.- Cela nous ramène déjà 15 milliards d'euros. Il faut revenir sur les exonérations de cotisations sociales sans contrepartie : cela nous ramène 15 milliards d'euros. Ensuite, il y a la dépense publique.
Q.- Un euro constant : on bloque la dépense ?
R.- Je suis pour que l'on maîtrise la dépense publique, au sens où il y a des domaines où il faudra dépenser plus : la recherche, l'éducation, l'emploi, l'industrie, les reconversions. Et il y a des domaines où il faudra dépenser moins. J'en ai indiqué quelques-uns, de ces domaines.
Il y a eu, depuis 2002, une progression de la dépense sur le budget de la défense qui ne correspond ni à la stratégie française, ni à une conception européenne de la défense, ni à nos priorités de finances publiques.
Q.- Le principe de ne pas dépenser un argent supplémentaire. Vous l'acceptez ou non, François Hollande ?
R.- Mais, non. Je dis qu'il ne faut pas augmenter la dépense publique par rapport à la richesse nationale. Voilà ce que je dis.
Q.- D'accord. Si vous dites autre chose, vous essaierez que cette contrainte ne pèse pas, par exemple, sur la définition de votre projet en 2007. Que la contrainte de la dette ne pèse pas sur la définition de votre projet, en 2007 ?
R.- Nous ferons en sorte, nous, de maîtriser la dette. Pourquoi ? Parce que, la dette, c'est un engagement que l'on ne prend pas sur nous-même, mais sur les générations futures. Et c'est pourquoi, je vous le dis, nous maîtriserons, nous la dette : nous ferons diminuer la part de l'endettement par rapport à la richesse nationale.
Et si on veut trouver une façon d'atteindre cet objectif, c'est : relancer la croissance et c'est remettre de l'emploi. Parce que, c'est la croissance et l'emploi qui permettent d'avoir des ressources fiscales qui, ensuite, permettent de réduire d'endettement public.
Q.- Le grand rendez-vous pour parler de la dette, ce sera 2007, et l'élection présidentielle. Votre compagne, Ségolène Royal, est à la une du "Nouvel Observateur". Elysée 2007 : et si c'était elle ? Question de l'hebdomadaire. Et dans cet hebdomadaire, Ségolène Royal dit : "je me sens prête. Pour la campagne, j'y réfléchis souvent. Et je n'ai aucun doute, elle sera réussie". Elle va vite, Ségolène Royal !
R.- Je pense qu'elle a raison. La campagne présidentielle pour la gauche devra être réussie.
Q.- La sienne ! Non, non, ne faites pas semblant de ne pas comprendre, François Hollande ! Elle parle de sa campagne !
R.- Je crois qu'il est normal qu'il y ait des femmes je dis bien des femmes des hommes qui se préparent à l'échéance de 2007. Au Parti Socialiste, nous avons des femmes et des hommes de qualité. Ségolène Royal fait partie de cette catégorie de qualité.
Q.- Vous disiez définir le calendrier ! Vous disiez : "on n'en parlera pas avant l'automne 2006". Elle ne le respecte pas beaucoup, le calendrier !
R.- : Si, elle respecte finalement le calendrier 2007 en nous disant : "il faudra réussir la campagne présidentielle". Et cela se prépare dès aujourd'hui.
Q.- Et la sienne ! Vous en parlez avec elle, de sa campagne présidentielle ?
R.- Nous parlons de "la" présidentielle.
Q.- Pas de "sa" campagne présidentielle ?
R.- De "notre" campagne présidentielle !
François Hollande - lui, c'est lui. Elle, c'est elle - était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée !



Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 décembre 2005