Discours de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le bilan 2005 de la filière bovine, et sur ses perspectives tant au niveau de son développement à l'international et en Europe qu'en matière de modernisation de la filière élevage, Pau le 9 février 2006.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale bovine à Pau, le 9 février 2006

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Pierre CHEVALIER,
Messieurs les Présidents, cher Jean Michel LEMETAYER,
Madame et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver après une année riche en événements que votre propos, Monsieur le Président, a retracés, et vous remercie de votre invitation.
L'année 2005 s'achève sur un bilan prometteur pour préparer l'avenir : le prix des animaux de boucherie a augmenté de plus de 20% par rapport à 2002. Nous sommes enfin sortis des années de crise. Le marché de la viande bovine s'est rétabli.
Pour autant, la situation n'est pas homogène. La sécheresse, notamment, a affecté diversement les régions. L'ensemble des 46 départements concernés a maintenant reçu les 30 % d'acompte des indemnisations prévues. Les soldes seront délégués aux départements au cours du mois de mars.
Dans ce contexte, nous devons aller encore de l'avant pour bâtir le projet de la filière, une filière que je considère comme stratégique pour notre pays.
Je me suis déplacé deux jours cette semaine en Auvergne. J'ai constaté la place de l'élevage pour nos territoires. C'est un atout pour le développement rural, l'économie et l'emploi de nos régions. Le secteur de l'élevage, ce sont environ 230 000 exploitations en France, dont plus de la moitié ont une orientation viande.
Les éleveurs ne sont pas seuls. Des milliers de personnes travaillent dans les industries des viandes pour valoriser la production bovine française. Le plan bâtiment d'élevage, ce sont aussi des emplois d'artisans, des entreprises de matériaux de construction, etc. L'élevage est une activité structurante pour notre économie et pour nos territoires. C'est pourquoi nous nous battons pour le maintien de l'élevage en France.
C'est cet engagement volontariste que je souhaite évoquer devant vous autour :
- de nos intérêts à l'international et en Europe ;
- de la modernisation de la filière de l'élevage.
I - C'est notre modèle d'élevage que nous défendons au niveau international et communautaire.
Ce modèle reposant sur la sécurité sanitaire et des approvisionnements, des paysages entretenus et le dynamisme de tous les territoires, nous voulons le transmettre à nos enfants.
Nous voulons aussi défendre une agriculture viable et compétitive. C'est la condition de notre souveraineté mais aussi de notre capacité à fixer nos propres nomes sanitaires (traçabilité). Le Premier Ministre l'a rappelé au Space à Rennes le 13 septembre dernier.
I - 1 C'est pour cela que nous nous sommes battus à Hong Kong et que nous resterons vigilants en 2006.
Monsieur le Président, j'ai entendu votre message sur l'attitude de la Commission et la fin des restitutions à l'exportation. Vous savez que l'action de la France a été forte et vous l'avez vous-même vécu, y compris à Hong Kong. Nous avons réussi avec nos partenaires à mieux encadrer le négociateur européen et continuerons à le surveiller cette année.
Au total, la suppression des subventions aux exportations ne doit pas occulter l'essentiel qui a été préservé :
- la déclaration finale met l'accent sur l'équilibre des concessions entre les différents pays en matière agricole : les subventions indirectes à l'exportation, du type aide alimentaire, crédits à l'exportation ou pratiques des entreprises commerciales d'Etat, doivent être parallèlement démantelées. Nous ne serons pas en avance sur nos partenaires : la concurrence entre les producteurs doit être équitable ;
- l'horizon fixé pour l'élimination des subventions à l'exportation est le 31 décembre 2013 ;
- enfin, l'accord ne remet pas en cause les principes de la PAC. Elle est, en outre, confortée jusqu'en 2013 au plan financier par l'accord de Bruxelles obtenu par le Président de la République le 17 décembre dernier.
Nous disposons du temps nécessaire pour consolider la place de l'agriculture française au premier rang européen.
Les négociations du cycle de DOHA se poursuivent en 2006 et nous restons, naturellement, vigilants. Ce sera le cas pour l'accès au marché, prochaine étape des discussions. Nos marges de manoeuvre sont atteintes : c'est pourquoi je peux vous assurer de la fermeté absolue de la France.
I - 2 Et nous continuerons à défendre notre position au niveau communautaire. Mais nous devons aussi appliquer une réforme de la PAC acceptée par tous les Etats membres en 2003, qui est la contrepartie des aides jusqu'en 2013. C'est la condition de la crédibilité de la France.
Nous mettons en oeuvre la réforme de la PAC avec pragmatisme et avec le souci d'enrichir le cadre général de la politique communautaire
Comme en 2005, plus de simplicité, d'information et de pédagogie sont les maîtres - mots de mon action :
- concernant les Droits à Paiement Unique, la réforme est sur les rails à partir d'un nouveau système de clauses redéfini avec les professionnels agricoles. Le dispositif apparaît encore complexe en raison de certains choix initiaux et nous mobilise sur le terrain pour mieux informer et parvenir au paiement de l'aide découplée en 2006. Les choix reposent sur une responsabilisation des exploitants agricoles détenteurs des DPU entre 2000 et 2002, dont les droits ne peuvent être activés que par des agriculteurs actifs en 2006. J'apprécie l'implication forte des organisations professionnelles pour expliquer ce message aux agriculteurs dans l'intérêt bien compris de la ferme France.
- s'agissant de l'application du « Paquet hygiène » en 2006, le même esprit de pragmatisme et d'écoute nous guide et nous avons programmé des réunions d'information locales conduites en partenariat avec les Chambres d'agriculture dès le début de l'année.
Concernant l'identification des animaux, j'avais annoncé l'an passé des tests sur les boucles-boutons.
Un groupe de travail réunissant les représentants des professionnels et les services du ministère a été créé. Des procédures d'agrément de nouveaux modèles vont démarrer en 2006, avec début des essais de terrain cet été ; la mise sur le marché sera partielle d'abord, dans quelques départements, dès 2008 en cas de résultats favorables des tests.
Monsieur le Président, vous avez évoqué la nécessité de développer des instruments de gestion des risques et des crises.
Je soutiens bien entendu les démarches en ce sens. Nous avons déjà pour les grandes cultures le dispositif d'assurance récolte. Je déposerai, très prochainement, auprès de la Commission européenne un Mémorandum proposant des perspectives en matière de gestion des crises et des aléas. J'ai mis ce document en discussion auprès des Etats européens qui partagent notre position générale sur ces sujets. Je suis convaincu que la filière d'élevage doit bénéficier d'outils spécifiques.
Enfin, le secteur de l'élevage a particulièrement intérêt à réfléchir à une utilisation performante des mesures du second pilier de la PAC.
Nous devons collectivement mener une réflexion sur les aides agro-environnementales et le rôle qu'elles peuvent jouer dans le maintien d'un élevage compétitif en France. Nous sommes engagés dans la définition des priorités de la France en ce qui concerne la programmation 2007-2013 au titre du second pilier ; c'est pour votre secteur un choix important !
Je vous confirme, comme je l'ai dit en Auvergne, la sanctuarisation de l'ICHN.
Je veillerai à ce que vos productions qui, plus que d'autres, participent à l'entretien des territoires et des paysages continuent à bénéficier de la part qui leur revient. Nous donnerons la priorité à l'élevage extensif à travers la prime herbagère, PHAE, notamment dans le cadre du renouvellement des Contrats territoriaux d'exploitation herbagers.
II - Dans ce contexte en évolution, nous vous accompagnerons pour être au rendez-vous de 2013. Je souhaite construire avec vous un véritable projet de filière autour de trois axes :
- simplifier
- améliorer la compétitivité
- organiser la filière
II - 1 Première priorité : simplifier la vie des éleveurs pour qu'ils se consacrent d'abord à la bonne marche de leur exploitation
Annoncé par le Premier Ministre, l'effort de simplification se traduit dès le début d'année par l'application d'une dizaine de mesures. Ainsi, une nouvelle procédure de gestion de la prime à l'abattage, appelée la déclaration de participation PAB, sera mise en place en 2006. Cette simplification supprimera l'envoi des formulaires trimestriels. Testée dans 12 départements pilotes, cette mesure sera généralisée à l'ensemble de la France métropolitaine à compter du 30 juin 2006.
Je veux aller plus loin et bâtir une véritable démarche de simplification. Je mets en place une organisation renforcée au sein du Ministère et lance une véritable campagne « simplifions ! », qui fonctionne sur le principe d'allers-retours réguliers avec le terrain. Je recevrai moi-même, lors de mes déplacements, les propositions des exploitants.
C'est une démarche que j'entreprends également au niveau européen. Je suis convaincu que beaucoup d'exploitants européens et de responsables politiques de l'agriculture partagent mon ambition : moins de papiers pour que les agriculteurs se concentrent sur l'essentiel de leur fonction, celle d'entrepreneurs-producteurs !
II - 2 Deuxième orientation : dans un univers concurrentiel, renforcer la compétitivité de nos élevages
Des allègements de charge communs à l'ensemble de l'agriculture ont été décidés par le vote de la loi d'orientation agricole publiée le 6 janvier dernier. Au total, ce sont 48 millions d'euros de baisse de charges.
La réforme du service public de l'équarrissage, sera de nature à apporter la transparence des coûts.
Nous avons progressivement ramené le champ du service public de l'équarrissage à l'élimination des cadavres animaux. Les règles sanitaires françaises sont maintenant alignées sur celles définies au plan européen. La réforme exige de passer les marchés publics gérés par l'Office de l'élevage.
Je me réjouis de la mobilisation de votre interprofession pour apporter des solutions constructives à ce dossier.
La compétitivité et l'avenir se préparent aussi par l'investissement et la recherche.
Le plan bâtiment d'élevage constitue un succès pour la modernisation de la filière. 5000 éleveurs ont bénéficié d'un tel soutien en 2005. C'est l'illustration du caractère attractif de ce plan pour les éleveurs et de notre capacité à bâtir un dispositif simple et opérationnel.
En 2006, l'Etat consacrera 96 millions d'euros à cet objectif. J'ajoute que son succès réside aussi dans la participation des collectivités territoriales. Elles viennent renforcer ce plan, lancé par Jean Pierre RAFFARIN, par un complément sans précédent de 91 millions d'euros supplémentaires en 2006.
Autre investissement pour l'avenir, la loi d'orientation agricole prévoit de rénover la loi sur l'élevage de 1966 tout en préservant ses objectifs.
Le pilotage stratégique du dispositif génétique français sera revu grâce à la constitution d'une interprofession génétique française, dans laquelle la FNB jouera un rôle essentiel. Je me réjouis de la qualité du travail que nous avons pu conduire ensemble et que je souhaite prolonger.
II - 3 - Troisième axe : soutenir la filière dans la prise en main de son avenir
Pour mieux accompagner la filière, la réforme des offices avance. L'office de l'élevage constituera tout à la fois un lieu de concertation et d'orientation des politiques de l'élevage.
Il sera l'organisme payeur de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) en 2006. Je précise que le montant de la part nationale, dont le solde vient d'être payé le 31 janvier dernier, sera maintenu en 2006.
C'est à lui aussi que reviendra prioritairement de conduire avec vous une réflexion sur les aspects touchant à la gestion des crises. Par ailleurs, son champ de compétence sera élargi dans 2 directions : le service public de l'équarrissage, d'une part, et le renforcement de son intervention dans le domaine génétique, d'autre part.
Avec la loi d'orientation agricole, nous avons cherché à encourager la contractualisation entre l'amont et l'aval.
Il s'agit de stabiliser les débouchés pour les uns, et les approvisionnements pour les autres. La valeur créée doit être équitablement répartie entre l'amont et l'aval.
Grâce au travail que nous avons mené conjointement avec vous et aux amendements parlementaires, le texte initial de la loi d'orientation agricole sur le reconnaissance des organisations de producteurs a été affiné : il prend en compte les spécificités du secteur de l'élevage.
Mes services ont commencé les premières consultations professionnelles sur le nouveau projet de décret. Ces travaux montrent une réelle volonté de renforcer l'organisation économique des producteurs, partagée par votre organisation et ses partenaires dans la filière.
Dans cet objectif, nous amplifierons la dynamique lancée en 2005 sur les projets filières. Je souhaite, par ailleurs, un soutien spécifique à l'engraissement dès cette année.
Enfin, avec le nouveau système de signes de qualité plus clair et plus lisible, les éleveurs peuvent positionner leurs productions dans une logique de démarche commerciale.
La loi d'orientation agricole définit trois types de signe :
- les signes liées à une qualité supérieure, à l'origine, à la tradition ou à la qualité environnementale
- les mentions valorisantes (fermier, montagne par exemple) qui font l'objet d'un étiquetage particulier ;
- la certification des produits (CCP) permettant d'identifier une ou plusieurs caractéristiques spécifiques des produits et de la reproduire tout au long de la chaîne de production et de transformation.
Un nouvel institut de l'origine et de la qualité est créé. Une ordonnance, dont le contenu sera établi en étroite concertation avec les professionnels concernés, précisera les modalités d'application de ce nouveau dispositif.
Nos races sont connues et réputées en France et à l'international. Valorisons les, avec le concours du Centre d'Information des Viandes (CIV).
CONCLUSION
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
En venant ici à votre assemblée générale, Monsieur le Président, j'ai pu constater la détermination des acteurs de votre fédération à franchir les obstacles, à définir des perspectives claires. C'est une motivation sans faille que je partage. Je la retrouve dans votre opération de soutien de la charte des bonnes pratiques d'élevage sous la Tour Eiffel, à l'occasion du 120 000ème éleveur ayant adhéré à la charte.
Je suis à vos côtés pour réussir les évolutions engagées dans le cadre de la PAC et au niveau international. La présence du Premier Ministre, trois mois après sa prise de fonction, au SPACE à Rennes, témoigne de son intérêt fort pour votre filière. Ensemble, nous relèverons le défi de 2013, sans renoncer à notre vision d'une agriculture dynamique et présente sur tous les territoires. Nous nous y préparons dès maintenant.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 13 février 2006