Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à "France Soir" le 12 janvier 2006, sur les mesures mises en place en France en cas d'épidémie de grippe aviaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France soir

Texte intégral

Q ? Quatre cas humains de grippe aviaire ont été confirmés par l'OMS en Turquie. En France, quelles mesures ont été mises en place ?
R ? Nous avons aussitôt vérifié l'embargo sur les volailles et les produits dérivés. En outre, comme nous l'avions déjà fait en Asie, nous avons décidé d'envoyer des masques et des antiviraux à nos ressortissants en Turquie. En cas d'épidémie, je souhaite qu'ils bénéficient d'une protection équivalente à celle qu'ils auraient en France.
Q ? Que recommandez-vous à ceux qui voyagent en Turquie ?
R ? L'information des voyageurs a été renforcée dans les treize aéroports français qui assurent des liaisons avec la Turquie. Tous distribuent des dépliants. Les conseils sont simples : respecter les règles d'hygiène (lavage fréquent des mains), éviter tout contact avec des volailles, des oiseaux vivants ou morts, ne pas consommer de volaille crue (à 70 % le virus est tué). Et comme les voyageurs peuvent rejoindre la Turquie en autocar ou en voiture, nous avons aussi informé les agences de voyages des mesures de précautions.
Q ? L'OMS recommande un stock d'antiviraux destiné à couvrir 25 % de la population. Pourquoi si peu ?
R ? L'OMS estime que le nombre de malades serait dans chacun des pays équivalents à 25 % de la population au maximum, si une pandémie se déclarait. En France, les experts estiment que le nombre de malades serait compris entre 9 à 21 millions de personnes. Nous avons fait le choix de dépasser le niveau de couverture commandé par l'OMS. Pour le moment, nous avons 13,8 millions de traitements Tamiflu et 200 000 traitements Relenza. D'ici à 2007, nous disposerons d'une réserve de 33 millions de traitements antiviraux pour 62 millions de Français, soit un niveau de couverture de 52 % de la population. Nous serons alors capables d'anticiper les risques de résistance chez certains patient et d'administrer dans le doute un traitement à un patient dont les symptômes pourront tout aussi bien être ceux de la grippe classique que ceux de la grippe aviaire.
Q ? Vous renforcez aussi les stocks de masques et de vaccins...
R ? Actuellement, 49 millions de masques de protection ont été livrés à 272 établissements de santé. Et 148 millions autres unités ont été commandées, soit au total presque 1/3 de la production mondiale. Nous avons donc décidé de nous doter d'un premier site de production en France. Trois autres sites sont en devenir et devraient être capables, à terme, de produire de 300 à 400 millions de masques en 2007. Quant aux vaccins nous avons commandé 2 millions de doses de vaccin prépandémique et 40 millions de doses de vaccins pandémiques.
Q ? Sur le papier, le plan est efficace. Sur le terrain, l'expérience a montré quelques flottements. Sommes-nous prêts ?
R ? Selon l'OMS, la France serait l'un des pays les mieux préparés : nous n'arrêtons pas de travailler pour affiner le plan de lutte. Les exercices réalisés sur le terrain nous ont montré que, s'il y avait des flottements, ils ne duraient jamais plus de quelques minutes. Je souhaite que des exercices de simulation se développent dans tous les établissements de santé et avec les médecins libéraux. Les professionnels de santé seront en première ligne le jour "J". Ils sont motivés et impliqués, mais ils doivent davantage être formés. Nous avons encore des efforts à faire pour mettre en pratique ce plan.
Q ? Les virus ne connaissent pas de frontières. Les parlementaires se sont inquiétés ce matin du manque de préparation et de transparence de certains pays. Qu'en pensez-vous ?
R ? La France va proposer que chaque Etat membre de l'Union européenne participe à la constitution d'un stock d'antiviraux, soit pour aider les pays les plus démunis, soit pour aider l'OMS. Aider les autres pays du monde, c'est une façon de mieux nous protéger. En outre, je vais demander lors de la prochaine réunion internationale, à Pékin le 18 janvier prochain, que chaque pays s'engage à faciliter le travail et l'accès aux informations des experts internationaux. C'est un point essentiel de transparence, lorsque l'on sait que le déclenchement de chaque niveau d'alerte et de réaction en France dépend des informations fournies par l'OMS.(Source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 18 janvier 2006)