Texte intégral
Q - Monsieur le Premier ministre, une histoire drôle circule à Moscou : deux secrétaires de Poutine préparent un dossier de politique internationale et se demandent quel titre lui donner : l'Iran ou l'Irak?Qu'en pensez-vous ?
R - C'est bien la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : il faut traiter l'ensemble des problèmes du monde en même temps. Et ces problèmes - vous avez évoqué l'Iran, l'Irak, et vous auriez pu évoquer le Proche-Orient ou d'autres dossiers -, il faut tous les traiter et j'ai pu, avec le président Poutine, faire un tour d'horizon très large de l'ensemble de ces sujets internationaux qui nous mobilisent. A la fois les défis que nous connaissons dans le domaine de la sécurité - le terrorisme, la prolifération, le règlement des crises régionales - mais aussi les grands défis économiques mondiaux, auxquels nous sommes confrontés dans le monde où émergent de nouvelles puissances et où la coopération, le rassemblement de nos forces doivent être au rendez-vous.
Q - (Sur les positions russe et française sur l'Iran)
R - Alors, nous avons adopté ensemble une déclaration conjointe entre la France et la Russie qui affirme un objectif commun. Cet objectif, c'est faire en sorte que l'Iran renonce à tout programme nucléaire militaire, et donc, se limite à un programme nucléaire civil. Nous avons des échéances devant nous, le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique va préparer un rapport. Ce rapport sera transmis dans le courant du mois de mars au Conseil de sécurité qui décidera des suites qu'il convient de lui donner. Et nous nous fixons clairement une exigence. La demande que nous formulons, la France et la Russie, ce soir, c'est que l'Iran ne s'engage pas dans cette voie du nucléaire militaire, renonce à toute action dans le domaine du retraitement et de l'enrichissement.
Q - (Sur le recours éventuel au Conseil de sécurité et sur les mesures à prendre)
R - Alors, nous n'en sommes pas là, puisque nous verrons ce que décide le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité, sur la base du rapport qui lui sera transmis par l'Agence internationale de l'Energie atomique, examinera les différentes options. Parmi ces options, la Russie a fait une proposition. Elle a fait une proposition à l'Iran, qui est de retraiter et d'enrichir ici, en Russie, selon les besoins qui sont ceux de l'Iran. Et cela fait partie des propositions qui sont sur la table. Je crois que nous devons avancer avec le souci d'une approche constructive, mais en même temps en marquant clairement les limites qui ne peuvent pas être franchies en direction de l'Iran, c'est-à-dire ne pas aller au-delà d'un programme civil. Début mars, cela fera partie effectivement du rendez-vous. C'est le rendez-vous qui nous est donné. A partir de là, bien sûr, il faudra que nous fassions l'évaluation et le choix nécessaires.
Q - (Sur la coïncidence des positions de la Russie et de la France)
R - Nous partageons la même exigence qui est de trouver une réponse. Nous devons éviter deux risques : le premier - c'est celui de l'engrenage qui ne serait pas maîtrisé, c'est l'escalade. Nous avons vu sur d'autres terrains les conséquences. Et l'autre risque - c'est de ne rien faire et de ne pas être capables d'être à la hauteur des enjeux. Eh bien outre ces deux options, il y a un chemin qui est celui de la volonté, de l'exigence c'est bien celui qu'il nous faut tracer avec la Russie et l'ensemble de la communauté internationale. Et nous voulons dégager les différentes options nécessaires de responsabilité. La Russie a fait une proposition, il y a en d'autres : des inspections renforcées, par exemple, dans le cadre de l'Agence internationale de l'Energie atomique et il nous faut explorer toutes les possibilités.
Q - (Sur le statut du Hamas comme organisation terroriste)
R - C'est effectivement la définition que nous en avons donnée dans le cadre de l'Union européenne. Je sais que le Hamas est constitué de différentes entités, y compris avec des activités diverses sur le plan social. La réalité n'est pas moins pour l'Europe celle que vous venez d'indiquer. Notre souhait - face aux difficultés et face au choix qui a été fait par le peuple palestinien, le choix démocratique, c'est très vite de pouvoir rentrer dans une logique de dialogue et de responsabilité. Et pour cela, la France l'a dit clairement comme l'Union européenne, il y a un certain nombre d'impératifs. Il y a d'abord, et c'est l'exigence fondamentale, la renonciation à la violence, à toute forme de violence. La deuxième, c'est la reconnaissance d'Israël, et la troisième - c'est la reconnaissance des accords qui ont été conclus entre Israël et les Palestiniens, et en particulier, les Accords d'Oslo. La Russie a pris une initiative qui est celle d'inviter le Hamas. Ce que je souhaite, bien sûr, c'est que dans le cadre de ces rencontres, le Hamas puisse prendre conscience des responsabilités qui sont les siennes et de l'opportunité qui lui est donnée d'avancer dans la voie d'une reconnaissance des résolutions des Nations unies, et à partir de là que le dialogue et les perspectives de paix puissent être relancés. Donc, c'est un moment très important, c'est un choix historique pour le Hamas. Et nous sommes soucieux que chacun à cette étape évalue bien et puisse véritablement mesurer à quel point il y a une chance à saisir pour le Proche-Orient.
Q - Pourquoi le Hamas a été invité par la Russie et non par la France ?
R - Parce que, vous le savez, nous sommes tenus par les choix que nous avons faits, alors que la Russie a adopté une position différente qui lui donne aujourd'hui les coudées franches. Mais, Alexeï, vous touchez du doigt un point essentiel de la vie internationale. Nous sommes différents, nous avons des histoires différentes, mais nous avons aujourd'hui un objectif commun, qui est celui de la paix. Et nous devrons utiliser ces différences, certaines positions qui ne sont pas les mêmes, pour avancer dans la même direction. C'est aujourd'hui cela l'esprit de responsabilité sur la scène internationale, nous devons nous rassembler. Aucun d'entre nous ne peut espérer seul régler le problème de la crise iranienne, régler la situation en Irak, régler le problème du Proche-Orient, régler la situation au Liban et en Syrie. Nous devons avancer ensemble. Et aujourd'hui c'est un appel très fort que je veux lancer à l'esprit de responsabilité et je suis très heureux de voir que dans la relation que nous entretenons avec la Russie nous avons marqué au fil des années notre volonté d'avancer ensemble dans la voie du règlement de façon constructive, positive, tournée vers l'action et le résultat et nous progressons. Nous progressons et nous allons continuer à progresser au service de la communauté internationale.
Q - (Sur la polémique autour des caricatures)
R - La démocratie a des exigences, bien sûr, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, toute la liberté d'expression. Mais la liberté d'opinion et d'expression ne va pas sans respect. Respect vis-à vis des confessions, des religions, des opinions. Et c'est bien cet équilibre très délicat qu'il faut trouver entre la pleine liberté et le respect. Et c'est pour cela que nous en appelons aussi à la responsabilité. Le président Chirac a clairement marqué la position de la France, l'esprit de responsabilité, ce qui ne limite pas le droit à l'expression, ni le droit d'opinion. Mais ce qui implique que chacun, sans du tout rentrer dans une quelconque logique d'autocensure, que chacun ait le souci de ne pas blesser l'autre. Nous sommes dans un temps où les identités sont blessées : identité religieuse, d'autres formes d'identité. Il faut prendre en compte cela.
Q - (A propos de la réaction du Premier ministre aux caricatures faites de lui)
R - Moi, j'aime rire et c'est un élément pour moi de réjouissance. Mais il faut dire que tout ce qui touche à l'ego n'est jamais très important.
Q - (Sur les conséquences politiques de ces caricatures au Moyen-Orient)
R - Nous avons condamné toutes les formes de violence qui ont pu s'exprimer dans un certain nombre de pays, et je suis très soucieux que cela ne conduise pas à des escalades de la violence et puisse être utilisé par tels ou tels extrêmes. De ce point de vue, toutes les formes de violence sont condamnables. L'Europe a clairement choisi le système démocratique et elle entend être fidèle à cette liberté que comporte bien évidemment la démocratie, toute forme de liberté. Mais en même temps cela ne peut pas aller sans une forme de respect et bien sûr de responsabilité.
Q - (Sur la contradiction de cette position avec la loi française sur le voile)
R - La logique est extrêmement simple : nous avons une loi en France qui a été votée sur l'interdiction des signes religieux à l'école. Il s'agit, au contraire, de préserver cette liberté d'opinion. L'école est un lieu de formation, un lieu d'épanouissement et nous sommes soucieux que cette liberté puisse s'exprimer. Donc, c'est dans la volonté de la neutralité de l'Etat, neutralité de la sphère publique, que s'inscrit cette décision. Donc, ce n'est pas du tout contradictoire avec le respect de la liberté d'opinion en ce qui concerne les caricatures.
Q - (Sur les menaces islamiques)
R - Je ne crois pas que l'on puisse interpréter cela comme ayant à aucun moment une dimension liée à l'islam. Qu'il y ait des causes sociales, bien sûr. C'est pourquoi le gouvernement s'est mobilisé pour apporter des réponses de fond. Et je crois que c'est la responsabilité qui est la nôtre : réponses de fond dans le domaine de l'emploi, réponses de fond dans le domaine de sécurité, réponses de fond dans la lutte contre la discrimination. Et c'est bien une mobilisation générale que nous avons engagée. Et nous sommes en train de travailler à une loi pour l'égalité des chances pour permettre, justement, à l'ensemble de nos compatriotes, l'ensemble des jeunes quel que soit leur lieu de résidence, d'avoir les mêmes chances en France. Donc, c'est une mobilisation en ce sens pour l'égalité des chances.
Q - (A propos de la loi russe sur les ONG)
R - Vous savez, la chance d'une relation de confiance entre les deux pays très proches et partenaires, c'est pouvoir aborder dans un esprit de confiance l'ensemble des sujets. Et j'ai eu l'occasion hier à l'ambassade de France de saluer les organisations non-gouvernementales françaises qui travaillent en Russie, et elles sont nombreuses sur l'ensemble du territoire russe. Nous sommes soucieux, bien sûr, qu'elles puissent apporter leur concours, leur action dans les différents domaines sociaux, humanitaires, qui sont les leurs. Donc, cela fait partie des engagements, bien sûr, qui sont les nôtres. Une fois de plus, je vous le dit, nous abordons l'ensemble des sujets, y compris les sujets liés aux organisations non-gouvernementales.
Q - (A propos de M. Poutine et de la démocratie en Russie)
R - Mon cher Alexeï, vous savez, il y a une règle d'or. C'est de ne pas répondre à la place de ceux qui sont concernés. Donc, le président Poutine dirige un grand pays et il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la Russie. Ce que je constate, c'est que depuis 15 ans, la Russie a connu une transition extrêmement rapide et forte, eh bien, l'évolution de la Russie dans le sens de l'ouverture - ce qui, d'ailleurs, nourrit le développement des relations avec l'ensemble des pays européens, avec la France - permet justement d'avancer dans une relation qui reste toujours la relation de confiance.
Q - (Sur les ambitions présidentielles)
R - Vous voyez, la première question était aussi difficile que la seconde et j'ai aussi peu de goût pour y répondre. D'abord, parce que je ne suis candidat à rien, mais désireux d'occuper pleinement la fonction qui est la mienne - celle du Premier ministre - et c'est une très lourde charge, vous le voyez dans le contexte national et international, c'est une lourde charge. Je veux assumer mes responsabilités complètement et je n'ai pas d'autres ambitions.
Q - (Sur l'importance des principes ou des résultats en politique)
R - Dans un pays comme la France qui est nourrie à la fois par une histoire et une expérience historique qui a parfois été dramatique, nous avons appris que les principes étaient fondateurs de la vie démocratique, et nous sommes convaincus de l'importance constante de ces principes. Et ce que j'ai vécu à travers l'expérience de mon pays et la connaissance de l'histoire de mon pays a été confirmé par l'expérience qui a été la mienne comme ministre des Affaires étrangères pendant plusieurs années. Parce que j'ai constaté que chaque fois que l'on voulait être compris, chaque fois que l'on voulait avancer, il fallait s'appuyer sur des principes simples. Prenons quelques principes. L'exigence de justice - rien n'est possible dans le monde d'aujourd'hui si on n'est pas soucieux de justice. On ne peut pas avoir deux poids deux mesures, on ne peut pas faire ici quelque chose et autre chose là parce que les peuples regardent, les peuples comparent et ils ont besoin de savoir que l'engagement de la communauté internationale est juste. Cela vaut pour nous méditation et réflexion. Dans la crise irakienne, dans la crise iranienne, au Proche-Orient, partout où il y a d'autant plus d'identités qui sont blessées. Parce qu'aujourd'hui dans notre monde, les identités nationales, les identités religieuses sont blessées, les identités sont meurtries. Si l'on veut agir efficacement il faut prendre en compte ces situations. Donc, les grands principes : la justice, la liberté, l'égalité. La France est un pays historiquement, traditionnellement attaché à cette exigence d'égalité. Il faut prendre en compte cela si l'on veut avancer et marquer des points.
Q - (Sur le dialogue énergétique)
R - Nous avons beaucoup parlé du dialogue énergétique, souligné l'importance de cet enjeu pour l'Europe, pour l'ensemble du monde d'aujourd'hui. Et cela implique de prendre en compte toute la complexité de l'énergie aujourd'hui. Bien sûr, le problème de la sécurité des approvisionnements, c'est un élément-clé et, je crois que de part et d'autre on est soucieux d'avancer dans ce sens, de prendre en compte les exigences du développement durable, la diversification des approvisionnements. La France a remis un mémorandum à ses partenaires européens. Elle a souligné deux choses : l'importance dans l'équilibre des approvisionnements et aussi l'importance de la diversité des ces approvisionnements et en particulier l'accent qui doit être mis sur des sources d'énergie comme le nucléaire pour la France, ou les énergies renouvelables. Donc c'est un grand enjeu dans le monde d'aujourd'hui et il est important aussi que par la concertation, par le rassemblement, la communauté internationale puisse trouver les solutions à ces grands problèmes énergétiques. Ce sera, vous le savez, l'un des grands enjeux du sommet du G8 à Saint-Pétersbourg au mois de juillet où le président Poutine recevra l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement du G8.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2006
R - C'est bien la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : il faut traiter l'ensemble des problèmes du monde en même temps. Et ces problèmes - vous avez évoqué l'Iran, l'Irak, et vous auriez pu évoquer le Proche-Orient ou d'autres dossiers -, il faut tous les traiter et j'ai pu, avec le président Poutine, faire un tour d'horizon très large de l'ensemble de ces sujets internationaux qui nous mobilisent. A la fois les défis que nous connaissons dans le domaine de la sécurité - le terrorisme, la prolifération, le règlement des crises régionales - mais aussi les grands défis économiques mondiaux, auxquels nous sommes confrontés dans le monde où émergent de nouvelles puissances et où la coopération, le rassemblement de nos forces doivent être au rendez-vous.
Q - (Sur les positions russe et française sur l'Iran)
R - Alors, nous avons adopté ensemble une déclaration conjointe entre la France et la Russie qui affirme un objectif commun. Cet objectif, c'est faire en sorte que l'Iran renonce à tout programme nucléaire militaire, et donc, se limite à un programme nucléaire civil. Nous avons des échéances devant nous, le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique va préparer un rapport. Ce rapport sera transmis dans le courant du mois de mars au Conseil de sécurité qui décidera des suites qu'il convient de lui donner. Et nous nous fixons clairement une exigence. La demande que nous formulons, la France et la Russie, ce soir, c'est que l'Iran ne s'engage pas dans cette voie du nucléaire militaire, renonce à toute action dans le domaine du retraitement et de l'enrichissement.
Q - (Sur le recours éventuel au Conseil de sécurité et sur les mesures à prendre)
R - Alors, nous n'en sommes pas là, puisque nous verrons ce que décide le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité, sur la base du rapport qui lui sera transmis par l'Agence internationale de l'Energie atomique, examinera les différentes options. Parmi ces options, la Russie a fait une proposition. Elle a fait une proposition à l'Iran, qui est de retraiter et d'enrichir ici, en Russie, selon les besoins qui sont ceux de l'Iran. Et cela fait partie des propositions qui sont sur la table. Je crois que nous devons avancer avec le souci d'une approche constructive, mais en même temps en marquant clairement les limites qui ne peuvent pas être franchies en direction de l'Iran, c'est-à-dire ne pas aller au-delà d'un programme civil. Début mars, cela fera partie effectivement du rendez-vous. C'est le rendez-vous qui nous est donné. A partir de là, bien sûr, il faudra que nous fassions l'évaluation et le choix nécessaires.
Q - (Sur la coïncidence des positions de la Russie et de la France)
R - Nous partageons la même exigence qui est de trouver une réponse. Nous devons éviter deux risques : le premier - c'est celui de l'engrenage qui ne serait pas maîtrisé, c'est l'escalade. Nous avons vu sur d'autres terrains les conséquences. Et l'autre risque - c'est de ne rien faire et de ne pas être capables d'être à la hauteur des enjeux. Eh bien outre ces deux options, il y a un chemin qui est celui de la volonté, de l'exigence c'est bien celui qu'il nous faut tracer avec la Russie et l'ensemble de la communauté internationale. Et nous voulons dégager les différentes options nécessaires de responsabilité. La Russie a fait une proposition, il y a en d'autres : des inspections renforcées, par exemple, dans le cadre de l'Agence internationale de l'Energie atomique et il nous faut explorer toutes les possibilités.
Q - (Sur le statut du Hamas comme organisation terroriste)
R - C'est effectivement la définition que nous en avons donnée dans le cadre de l'Union européenne. Je sais que le Hamas est constitué de différentes entités, y compris avec des activités diverses sur le plan social. La réalité n'est pas moins pour l'Europe celle que vous venez d'indiquer. Notre souhait - face aux difficultés et face au choix qui a été fait par le peuple palestinien, le choix démocratique, c'est très vite de pouvoir rentrer dans une logique de dialogue et de responsabilité. Et pour cela, la France l'a dit clairement comme l'Union européenne, il y a un certain nombre d'impératifs. Il y a d'abord, et c'est l'exigence fondamentale, la renonciation à la violence, à toute forme de violence. La deuxième, c'est la reconnaissance d'Israël, et la troisième - c'est la reconnaissance des accords qui ont été conclus entre Israël et les Palestiniens, et en particulier, les Accords d'Oslo. La Russie a pris une initiative qui est celle d'inviter le Hamas. Ce que je souhaite, bien sûr, c'est que dans le cadre de ces rencontres, le Hamas puisse prendre conscience des responsabilités qui sont les siennes et de l'opportunité qui lui est donnée d'avancer dans la voie d'une reconnaissance des résolutions des Nations unies, et à partir de là que le dialogue et les perspectives de paix puissent être relancés. Donc, c'est un moment très important, c'est un choix historique pour le Hamas. Et nous sommes soucieux que chacun à cette étape évalue bien et puisse véritablement mesurer à quel point il y a une chance à saisir pour le Proche-Orient.
Q - Pourquoi le Hamas a été invité par la Russie et non par la France ?
R - Parce que, vous le savez, nous sommes tenus par les choix que nous avons faits, alors que la Russie a adopté une position différente qui lui donne aujourd'hui les coudées franches. Mais, Alexeï, vous touchez du doigt un point essentiel de la vie internationale. Nous sommes différents, nous avons des histoires différentes, mais nous avons aujourd'hui un objectif commun, qui est celui de la paix. Et nous devrons utiliser ces différences, certaines positions qui ne sont pas les mêmes, pour avancer dans la même direction. C'est aujourd'hui cela l'esprit de responsabilité sur la scène internationale, nous devons nous rassembler. Aucun d'entre nous ne peut espérer seul régler le problème de la crise iranienne, régler la situation en Irak, régler le problème du Proche-Orient, régler la situation au Liban et en Syrie. Nous devons avancer ensemble. Et aujourd'hui c'est un appel très fort que je veux lancer à l'esprit de responsabilité et je suis très heureux de voir que dans la relation que nous entretenons avec la Russie nous avons marqué au fil des années notre volonté d'avancer ensemble dans la voie du règlement de façon constructive, positive, tournée vers l'action et le résultat et nous progressons. Nous progressons et nous allons continuer à progresser au service de la communauté internationale.
Q - (Sur la polémique autour des caricatures)
R - La démocratie a des exigences, bien sûr, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, toute la liberté d'expression. Mais la liberté d'opinion et d'expression ne va pas sans respect. Respect vis-à vis des confessions, des religions, des opinions. Et c'est bien cet équilibre très délicat qu'il faut trouver entre la pleine liberté et le respect. Et c'est pour cela que nous en appelons aussi à la responsabilité. Le président Chirac a clairement marqué la position de la France, l'esprit de responsabilité, ce qui ne limite pas le droit à l'expression, ni le droit d'opinion. Mais ce qui implique que chacun, sans du tout rentrer dans une quelconque logique d'autocensure, que chacun ait le souci de ne pas blesser l'autre. Nous sommes dans un temps où les identités sont blessées : identité religieuse, d'autres formes d'identité. Il faut prendre en compte cela.
Q - (A propos de la réaction du Premier ministre aux caricatures faites de lui)
R - Moi, j'aime rire et c'est un élément pour moi de réjouissance. Mais il faut dire que tout ce qui touche à l'ego n'est jamais très important.
Q - (Sur les conséquences politiques de ces caricatures au Moyen-Orient)
R - Nous avons condamné toutes les formes de violence qui ont pu s'exprimer dans un certain nombre de pays, et je suis très soucieux que cela ne conduise pas à des escalades de la violence et puisse être utilisé par tels ou tels extrêmes. De ce point de vue, toutes les formes de violence sont condamnables. L'Europe a clairement choisi le système démocratique et elle entend être fidèle à cette liberté que comporte bien évidemment la démocratie, toute forme de liberté. Mais en même temps cela ne peut pas aller sans une forme de respect et bien sûr de responsabilité.
Q - (Sur la contradiction de cette position avec la loi française sur le voile)
R - La logique est extrêmement simple : nous avons une loi en France qui a été votée sur l'interdiction des signes religieux à l'école. Il s'agit, au contraire, de préserver cette liberté d'opinion. L'école est un lieu de formation, un lieu d'épanouissement et nous sommes soucieux que cette liberté puisse s'exprimer. Donc, c'est dans la volonté de la neutralité de l'Etat, neutralité de la sphère publique, que s'inscrit cette décision. Donc, ce n'est pas du tout contradictoire avec le respect de la liberté d'opinion en ce qui concerne les caricatures.
Q - (Sur les menaces islamiques)
R - Je ne crois pas que l'on puisse interpréter cela comme ayant à aucun moment une dimension liée à l'islam. Qu'il y ait des causes sociales, bien sûr. C'est pourquoi le gouvernement s'est mobilisé pour apporter des réponses de fond. Et je crois que c'est la responsabilité qui est la nôtre : réponses de fond dans le domaine de l'emploi, réponses de fond dans le domaine de sécurité, réponses de fond dans la lutte contre la discrimination. Et c'est bien une mobilisation générale que nous avons engagée. Et nous sommes en train de travailler à une loi pour l'égalité des chances pour permettre, justement, à l'ensemble de nos compatriotes, l'ensemble des jeunes quel que soit leur lieu de résidence, d'avoir les mêmes chances en France. Donc, c'est une mobilisation en ce sens pour l'égalité des chances.
Q - (A propos de la loi russe sur les ONG)
R - Vous savez, la chance d'une relation de confiance entre les deux pays très proches et partenaires, c'est pouvoir aborder dans un esprit de confiance l'ensemble des sujets. Et j'ai eu l'occasion hier à l'ambassade de France de saluer les organisations non-gouvernementales françaises qui travaillent en Russie, et elles sont nombreuses sur l'ensemble du territoire russe. Nous sommes soucieux, bien sûr, qu'elles puissent apporter leur concours, leur action dans les différents domaines sociaux, humanitaires, qui sont les leurs. Donc, cela fait partie des engagements, bien sûr, qui sont les nôtres. Une fois de plus, je vous le dit, nous abordons l'ensemble des sujets, y compris les sujets liés aux organisations non-gouvernementales.
Q - (A propos de M. Poutine et de la démocratie en Russie)
R - Mon cher Alexeï, vous savez, il y a une règle d'or. C'est de ne pas répondre à la place de ceux qui sont concernés. Donc, le président Poutine dirige un grand pays et il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la Russie. Ce que je constate, c'est que depuis 15 ans, la Russie a connu une transition extrêmement rapide et forte, eh bien, l'évolution de la Russie dans le sens de l'ouverture - ce qui, d'ailleurs, nourrit le développement des relations avec l'ensemble des pays européens, avec la France - permet justement d'avancer dans une relation qui reste toujours la relation de confiance.
Q - (Sur les ambitions présidentielles)
R - Vous voyez, la première question était aussi difficile que la seconde et j'ai aussi peu de goût pour y répondre. D'abord, parce que je ne suis candidat à rien, mais désireux d'occuper pleinement la fonction qui est la mienne - celle du Premier ministre - et c'est une très lourde charge, vous le voyez dans le contexte national et international, c'est une lourde charge. Je veux assumer mes responsabilités complètement et je n'ai pas d'autres ambitions.
Q - (Sur l'importance des principes ou des résultats en politique)
R - Dans un pays comme la France qui est nourrie à la fois par une histoire et une expérience historique qui a parfois été dramatique, nous avons appris que les principes étaient fondateurs de la vie démocratique, et nous sommes convaincus de l'importance constante de ces principes. Et ce que j'ai vécu à travers l'expérience de mon pays et la connaissance de l'histoire de mon pays a été confirmé par l'expérience qui a été la mienne comme ministre des Affaires étrangères pendant plusieurs années. Parce que j'ai constaté que chaque fois que l'on voulait être compris, chaque fois que l'on voulait avancer, il fallait s'appuyer sur des principes simples. Prenons quelques principes. L'exigence de justice - rien n'est possible dans le monde d'aujourd'hui si on n'est pas soucieux de justice. On ne peut pas avoir deux poids deux mesures, on ne peut pas faire ici quelque chose et autre chose là parce que les peuples regardent, les peuples comparent et ils ont besoin de savoir que l'engagement de la communauté internationale est juste. Cela vaut pour nous méditation et réflexion. Dans la crise irakienne, dans la crise iranienne, au Proche-Orient, partout où il y a d'autant plus d'identités qui sont blessées. Parce qu'aujourd'hui dans notre monde, les identités nationales, les identités religieuses sont blessées, les identités sont meurtries. Si l'on veut agir efficacement il faut prendre en compte ces situations. Donc, les grands principes : la justice, la liberté, l'égalité. La France est un pays historiquement, traditionnellement attaché à cette exigence d'égalité. Il faut prendre en compte cela si l'on veut avancer et marquer des points.
Q - (Sur le dialogue énergétique)
R - Nous avons beaucoup parlé du dialogue énergétique, souligné l'importance de cet enjeu pour l'Europe, pour l'ensemble du monde d'aujourd'hui. Et cela implique de prendre en compte toute la complexité de l'énergie aujourd'hui. Bien sûr, le problème de la sécurité des approvisionnements, c'est un élément-clé et, je crois que de part et d'autre on est soucieux d'avancer dans ce sens, de prendre en compte les exigences du développement durable, la diversification des approvisionnements. La France a remis un mémorandum à ses partenaires européens. Elle a souligné deux choses : l'importance dans l'équilibre des approvisionnements et aussi l'importance de la diversité des ces approvisionnements et en particulier l'accent qui doit être mis sur des sources d'énergie comme le nucléaire pour la France, ou les énergies renouvelables. Donc c'est un grand enjeu dans le monde d'aujourd'hui et il est important aussi que par la concertation, par le rassemblement, la communauté internationale puisse trouver les solutions à ces grands problèmes énergétiques. Ce sera, vous le savez, l'un des grands enjeux du sommet du G8 à Saint-Pétersbourg au mois de juillet où le président Poutine recevra l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement du G8.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2006