Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, à Europe 1 le 24 janvier 2006, sur les cessions de l'immobilier de l'Etat, la négociation européenne sur la TVA restauration, et le contrat première embauche.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- D. de Villepin a donc dégainé le 49.3, arme fatale du Premier ministre, puisqu'elle permet d'adopter un texte sans vote, ni débat. Décision prise pour le projet de loi sur l'égalité des chances, qui contient notamment le CPE. Si l'article du CPE avait bien été débattu et adopté, pour le reste, et face aux nombreux amendements de la gauche, le chef du Gouvernement a donc décidé hier pour la première fois, de passer en force. J.-F. Copé, Porte parole du Gouvernement, était-ce vraiment nécessaire ?
R- Malheureusement, oui. Parce que, vous savez, le Gouvernement avait tout fait pour laisser le temps nécessaire à ce débat parlementaire, il y avait deux semaines complètes de débats qui étaient prévues, ce qui est un temps très long pour un débat comme celui-là, sans interruption par les vacances parlementaires. Bref, tout était parfaitement calé, on était même prêts à siéger jusqu'à dimanche. Et puis, alors, que s'est-il passé ? D'abord, premièrement, le CPE a été voté dans la nuit de mercredi à jeudi. Donc, en réalité, il ne restait à voter que des dispositions qui sont très importantes, notamment sur les quartiers, avec l'adoption des zones franches. Et voilà que la gauche s'est lancée dans une espèce de manoeuvre d'obstruction absolument folle, avec quatre heures de suspension de séance, 67 rappels au règlement ! Enfin...Bref, une situation qui était intenable. Vous savez, dans ces moments-là, le Parlement devient comme un théâtre d'ombres. Et donc, dans un contexte de blocage, en réalité, on n'avait pas d'autre solution que celui d'engager la responsabilité du Gouvernement.
Q- Il n'était pas envisageable de terminer le texte après les vacances parlementaires ?
R- Non, mais vous savez, on peut toujours passer six mois à faire les choses, mais c'est toute la contradiction de notre beau et grand pays. On ne peut pas, d'un côté, exiger d'aller vite parce que la situation est celle de l'urgence - et en l'occurrence, on a beaucoup de défis à relever : on a la lutte contre le chômage, on a "l'égalité des chances" -, on a des mesures qu'on s'est engagés à prendre à la suite des violences urbaines, d'où les zones franches ; on a tout un programme parlementaire lourd... Donc, on ne peut pas, d'un côté, vouloir apporter les réponses à tous ces problèmes, et puis de l'autre, être dans une logique, comme c'est malheureusement le cas à gauche, de vouloir bloquer les choses, uniquement pour de la politique politicienne, encore fois. Je crois que le débat démocratique en plus, a vraiment eu lieu, et beaucoup de choses ont été dites. Les ministres ont répondu longuement, matin, midi, soir, nuit, depuis plusieurs jours à toutes ces questions. Donc, derrière cela, je crois aussi, il faut se le dire, cela masque aussi le fait que du côté gauche, eh bien on a du mal à voir des solutions alternatives et tout cela est très regrettable.
Q- Alors justement, justement, la gauche parlons-en. On a entendu L. Jospin, estimer que "utiliser le 49-3, ce n'est pas un grand signe de confiance".
R- Non, mais ça aussi, cela fait partie du jeu traditionnel. Mais enfin, je suis quand même obligé de rappeler à L. Jospin qu'il avait appartenu à un gouvernement - je crois que c'était M. Rocard -, qui faisait des dizaines et des dizaines de 49. 3 pour pouvoir gouverner, tout le temps. Mais à cette époque-là, L. Jospin ne parlait pas de "confiance ou pas de confiance". Vous savez, je crois que tout cela, en réalité, nous écarte du vrai sujet. Le vrai sujet, c'est que les Français attendent de leur
Gouvernement qu'il agisse, et de leurs oppositions, qu'elles contestent, naturellement - ce qu'elles font -, mais aussi qu'elles proposent autre chose. Et quelle est la difficulté de notre débat aujourd'hui ? C'est que l'on est dans un débat politique sur cette question du chômage, dans lequel, la gauche critique beaucoup - très bien -, mais elle ne propose pas autre chose. Et pourquoi ? Parce que tout simplement, eh bien, là, aujourd'hui, nous essayons d'apporter des réponses sur des sujets qui n'ont jamais été essayés jusqu'à maintenant. Et c'est vrai que c'est ça qui est nouveau. Quand vous avez 23% de chômeurs, de jeunes au chômage, alors que la moyenne européenne est de 18%, vous avez l'obligation d'agir, les Français ne comprendraient pas que l'on n'agisse pas. Le débat n'est pas entre la droite et la gauche, il est entre ceux qui ont envie de faire bouger, de prendre les initiatives nouvelles, et ceux qui sont assis sur le conservatisme.
Q- Est-ce que vous ne craignez pas que ce 49-3, finalement, débouche sur un renforcement de la mobilisation des syndicats, de la gauche, des étudiants, notamment après les vacances ?
R- Je ne le souhaite pas, parce que ce n'est pas tout à fait le même sujet. Le débat parlementaire, il a eu lieu encore une fois. Le CPE a été voté sans 49.3, il a été voté la nuit dernière. Donc, en réalité, sur ce point précis de difficulté particulière, dans le sens où le débat a eu lieu, la majorité s'est exprimée, l'opposition s'est longuement exprimée, les ministres ont présenté toutes les dispositions. C'est cela qui était très particulier, c'est de voir la gauche en réalité faire de l'obstruction, après que le CPE ait été voté. Et en l'occurrence, sur un sujet capital qui est plutôt rassembleur, celui-là, qui est celui de mettre des zones franches dans les quartiers difficiles. C'est tout le paradoxe de cette histoire. C'est pour cela que je vous disais que c'est un peu un théâtre d'ombres.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2006