Texte intégral
Messieurs les Présidents du Club d'Affaires franco-égyptien,
Monsieur le Ministre
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers Amis,
C'est un très grand plaisir d'être avec vous ce soir au Caire au terme d'une visite qui fut pour moi très instructive et profitable. Je tiens à vous remercier, Messieurs les Présidents, d'avoir organisé en si peu de temps cette rencontre avec la communauté d'affaires franco-égyptienne à laquelle je tiens beaucoup. Je voudrais également remercier infiniment les membres du gouvernement, et tout particulièrement les deux ministres ici présents.
La relation franco-égyptienne est excellente et stratégique comme l'ont encore rappelé ensemble il y a quinze jours les présidents Chirac et Moubarak. Nos relations sont les meilleures. La présence française en Egypte est forte, avec 2 milliards d'euros d'investissements et une part de marché de 5 %. Et pourtant, c'est peu. Mais cela va s'améliorer avec la livraison prochaine de gaz pour équilibrer nos échanges au bénéfice de l'Egypte.
Mon propos n'est cependant pas, ce soir, et vous m'en excuserez, de faire devant vous un nouveau tableau des relations franco-égyptiennes. Notre ambassadeur s'en chargera, je crois, lors de votre prochaine réunion. Je souhaite surtout vous parler d'un sujet particulier qui a été au centre de mes conversations avec le Premier ministre, M. Nazif et vous-même, M. Rashid, c'est-à-dire vous présenter mon analyse du résultat des négociations qui se sont tenues en décembre dernier à Hong Kong dans le cadre de l'OMC et de leurs enjeux.
Je me limiterai donc à trois observations.
1. Les pays émergents, dont l'Egypte, sont devenus, avec l'Europe et les Etats-Unis, les principaux acteurs de l'OMC.
De nouveaux groupes sont apparus, qui sont devenus des acteurs incontournables.
Les rapports de forces révélés à Cancun en 2003 ont été confirmés, voire amplifiés à Hong Kong.
Les grands pays émergents, largement majoritaire dans les réunions de négociations à Hong Kong, et plus généralement les pays exportateurs agricoles, ont joué un rôle déterminant. L'Egypte en particulier a eu un rôle particulièrement influent en tant que membre du G20 et de président en exercice du groupe africain.
Les pays en développement les plus pauvres, après des prises de position déterminées au départ, ont montré leur attitude constructive en acceptant un paquet développement réduit à la fin et malgré l'absence de mouvement significatif des Etats-Unis sur le coton.
La France se félicite de cet élargissement du cercle des négociations. Depuis la création de l'OMC la France a constamment cherché à favoriser l'implication et l'influence des pays en développement dans les négociations commerciales. En effet, seule une négociation inclusive et ouverte permettra d'atteindre le résultat équilibré et global souhaité à Doha. La France continuera à ?uvrer pour assurer que la diversité d'intérêts qui existe au sein des pays en développement soit reflétée dans les négociations. En effet, il importe qu'un juste équilibre soit trouvé entre la position des quelques pays agro-exportateurs qui cherchent uniquement à dominer les marchés agricoles mondiaux, et celle de la grande majorité des pays en développement qui souhaitent maintenir une agriculture locale.
2. La conférence ministérielle a réussi à trouver un compromis
La déclaration ministérielle est un accord de compromis :
La conférence de Hong Kong a tout d'abord permis d'adopter un paquet développement cher à la France et à l'Europe. L'initiative "tout sauf les armes" est étendue aux pays développés et aux pays émergents qui le peuvent. Un accès en franchise de droits sera donc possible pour les produits des pays les moins avancés, mais sur 97 % de leurs exportations et non 100 %. Cette réserve de 3 % couvre les lignes tarifaires qui correspondent aux domaines à risque. Elle permet aux Etats-Unis d'exclure le textile du Bangladesh et au Japon d'exclure le riz. Le paquet coton en faveur des pays producteurs est minimal. Il prévoit l'élimination des subventions aux exportations et des droits de douane pour le coton. Nous voulons apporter notre soutien aux pays africains producteurs de coton.
Le volet export agricole a également progressé, ce qui répond aux demandes de l'Egypte. Grâce à une concession européenne, une date d'élimination de toutes les formes de soutien à l'export (2013) a pu être décidée, ainsi que le renforcement du parallélisme entre les subventions aux exportations et les autres formes de soutien. Le système de subventions aux exportations sera éliminé en 2013. L'accès au marché agricole n'a cependant que peu évolué, à l'exception du parallélisme des ambitions entre les volets industrie et agriculture.
Au grand regret de la France et de l'Union, ni l'ouverture des marchés industriels ni le volet service n'a connu d'avancées. Ces domaines sont encore du côté "offensif pour la France", mais l'ouverture des marchés se fera dans les semaines à venir. L'accord de Hong Kong reste donc déséquilibré et un chemin important reste à parcourir pour atteindre le résultat équilibré, global et ambitieux que se sont fixés les membres de l'OMC à Doha.
La phase la plus difficile des négociations reste à venir car aucun membre de l'OMC n'a réellement renoncé à ses ambitions.
L'accord conclu dimanche 18 décembre à Hong Kong permet de poursuivre les efforts engagés dans le cadre de l'OMC vers un accord global en faveur du développement d'ici fin 2006. On a pour le moment un accord d'étape, il n'est pas parfait, il n'est pas totalement équilibré, mais il préserve les intérêts de chacun des membres de l'OMC.
Dans les semaines à venir, un rééquilibrage des négociations est nécessaire et pour cela des progrès substantiels devront être constatés sur les volets industrie et services. L'essai reste en effet à transformer en matière de biens industriels et de services, pour lesquels les objectifs du cycle de Doha sont loin d'être atteints. Les pays émergents, au premier chef desquels le Brésil, doivent maintenant comprendre que l'Europe ne sera pas le banquier du cycle et qu'en l'absence d'offre sérieuse sur le volet industriel et services, les négociations ne feront pas de progrès, au risque de compromettre l'ensemble du cycle.
C'est d'autant plus important que le calendrier prévu pour la suite des négociations est très ambitieux. Les prochaines étapes qui auront lieu au premier semestre 2006 à Genève, seront cruciales.
3. Il faudra traiter la question agricole avec ambition et équilibre
Les exportateurs de produits agricoles annoncent que la libéralisation agricole bénéficiera aux pays en développement. Ce n'est pas exact. Les marchés agricoles mondiaux sont dominés par un petit nombre de pays exportateurs. La plupart d'entre eux sont des pays développés (Etats-Unis, Nouvelle Zélande, Australie) ou émergent (Brésil). La majorité des pays en développement ne sera pas suffisamment compétitive et perdra des parts de marché. Quant aux pays les moins avancés, ils seront durement touchés par l'érosion des préférences.
Sous ces réserves, l'Europe est résolument en faveur de la réduction des subventions internes et de la baisse des barrières tarifaires. Cet engagement n'est pas seulement rhétorique. L'Union européenne est la seule zone commerciale regroupant des pays développés qui ait réduit régulièrement sa production agricole depuis la réforme Mac Sharry en 1992. Depuis lors, et plus récemment en 2003, des mesures concrètes et difficiles ont été prises. L'offre déposée par la Commission européenne le 28 octobre dernier, et que le directeur général de l'OMC qualifie lui-même de sérieuse, proposait de réelles ouvertures de marchés au détriment des agriculteurs européens.
Encore à Hong Kong, c'est grâce à une concession de l'Union qu'une date pour la fin des restitutions a pu être obtenu.
Certains semblent considérer que l'agriculture européenne continue de poser un problème considérable dans le cadre de ces négociations. Selon eux, la France campe sur sa politique agricole commune et n'a pas envie de faire progresser la PAC, mais c'est faux. C'est vraiment le seul domaine de stratégie commune, domaine renforcé avec l'euro. Et si une partie importante du budget y est consacrée, c'est tout de même qu'elle est notre seule politique commune européenne. Alors, certains diront également que l'Europe est égoïste. Ils ont tort et les faits ne leur donnent pas raison. L'Europe est le premier importateur mondial de produits agricoles (60 milliards de dollars en 2001), devant les Etats-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada, tous réunis. Elle absorbe 85 % des exportations agricoles de l'Afrique, à quoi certains répliquent "oui, mais l'Afrique, c'est tout près de chez vous", mais l'Europe absorbe également 45 % de celles de l'Amérique latine, et l'Amérique latine, ce n'est pas tout près.
L'Union européenne n'est donc pas dans une situation de protection absolue mais offre son aide et adapte sa demande aux pays les moins avancés. L'approche européenne en faveur d'une libéralisation modérée des échanges agricoles va également de pair avec des objectifs de développement. Comme l'ont récemment montré l'OMC et le PNUD, une libéralisation complète porterait préjudice aux pays les plus pauvres. D'après la publication de leur rapport, l'agriculture a besoin, pour des raisons vivrières, pour les populations, ainsi que pour le maintien des territoires, d'être protégée par des tarifs douaniers. Les bénéfices d'une remise en cause des tarifs et des préférences n'iront qu'aux pays très exportateurs de type latifundia tels que le Brésil, l'Australie, l'Argentine, qui ne se soucient pas du devenir de leurs paysans ou de la durabilité écologique de leur modèle de développement.
Cette analyse est largement partagée par les autres Etats membres de l'Union européenne comme l'a prouvé l'unité de l'Union européenne à Hong Kong.
4. Conclusion
Il est maintenant urgent de prendre un nouvel élan, de multiplier et d'accélérer les discussions, afin de saisir les occasions que nous offre cette année de négociations. Depuis le lancement des négociations, l'Europe a joué un rôle prépondérant dans la limite de ses possibilités ; aux autres maintenant de mettre carte sur table car l'Europe n'acceptera pas d'être le banquier du cycle.
Hong Kong a mis en évidence la nécessité de larges consultations, notamment avec l'Afrique, les Etats-Unis, l'Inde et la Chine afin d'assurer que les négociations soient équilibrées et répondent aux besoins de chacun et en premier lieu des pays en développement.
C'est l'une des raisons de ma présence en Egypte et je suis heureuse de commencer ces consultations par ce pays qui est au carrefour de l'Europe et de l'Afrique et qui sait mieux que quiconque que la meilleure façon de faire tenir une pyramide est de la faire reposer sur sa base et non sur la pointe: les bénéfices du cycle seront durables seulement s'ils profitent réellement à tous les membres de l'OMC et non à un petit nombre d'entre eux, tel est l'objectif que l'Union européenne et la France se sont fixés et souhaitent atteindre dans ces négociations.
Je terminerai en souhaitant que nos relations économiques aillent dans le même sens que les relations politiques qui existent déjà entre la France et l'Egypte, je souhaite donc qu'elles se passent dans l'excellence, aussi bien en volume que dans la durée.
Merci beaucoup de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 janvier 2006
Monsieur le Ministre
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers Amis,
C'est un très grand plaisir d'être avec vous ce soir au Caire au terme d'une visite qui fut pour moi très instructive et profitable. Je tiens à vous remercier, Messieurs les Présidents, d'avoir organisé en si peu de temps cette rencontre avec la communauté d'affaires franco-égyptienne à laquelle je tiens beaucoup. Je voudrais également remercier infiniment les membres du gouvernement, et tout particulièrement les deux ministres ici présents.
La relation franco-égyptienne est excellente et stratégique comme l'ont encore rappelé ensemble il y a quinze jours les présidents Chirac et Moubarak. Nos relations sont les meilleures. La présence française en Egypte est forte, avec 2 milliards d'euros d'investissements et une part de marché de 5 %. Et pourtant, c'est peu. Mais cela va s'améliorer avec la livraison prochaine de gaz pour équilibrer nos échanges au bénéfice de l'Egypte.
Mon propos n'est cependant pas, ce soir, et vous m'en excuserez, de faire devant vous un nouveau tableau des relations franco-égyptiennes. Notre ambassadeur s'en chargera, je crois, lors de votre prochaine réunion. Je souhaite surtout vous parler d'un sujet particulier qui a été au centre de mes conversations avec le Premier ministre, M. Nazif et vous-même, M. Rashid, c'est-à-dire vous présenter mon analyse du résultat des négociations qui se sont tenues en décembre dernier à Hong Kong dans le cadre de l'OMC et de leurs enjeux.
Je me limiterai donc à trois observations.
1. Les pays émergents, dont l'Egypte, sont devenus, avec l'Europe et les Etats-Unis, les principaux acteurs de l'OMC.
De nouveaux groupes sont apparus, qui sont devenus des acteurs incontournables.
Les rapports de forces révélés à Cancun en 2003 ont été confirmés, voire amplifiés à Hong Kong.
Les grands pays émergents, largement majoritaire dans les réunions de négociations à Hong Kong, et plus généralement les pays exportateurs agricoles, ont joué un rôle déterminant. L'Egypte en particulier a eu un rôle particulièrement influent en tant que membre du G20 et de président en exercice du groupe africain.
Les pays en développement les plus pauvres, après des prises de position déterminées au départ, ont montré leur attitude constructive en acceptant un paquet développement réduit à la fin et malgré l'absence de mouvement significatif des Etats-Unis sur le coton.
La France se félicite de cet élargissement du cercle des négociations. Depuis la création de l'OMC la France a constamment cherché à favoriser l'implication et l'influence des pays en développement dans les négociations commerciales. En effet, seule une négociation inclusive et ouverte permettra d'atteindre le résultat équilibré et global souhaité à Doha. La France continuera à ?uvrer pour assurer que la diversité d'intérêts qui existe au sein des pays en développement soit reflétée dans les négociations. En effet, il importe qu'un juste équilibre soit trouvé entre la position des quelques pays agro-exportateurs qui cherchent uniquement à dominer les marchés agricoles mondiaux, et celle de la grande majorité des pays en développement qui souhaitent maintenir une agriculture locale.
2. La conférence ministérielle a réussi à trouver un compromis
La déclaration ministérielle est un accord de compromis :
La conférence de Hong Kong a tout d'abord permis d'adopter un paquet développement cher à la France et à l'Europe. L'initiative "tout sauf les armes" est étendue aux pays développés et aux pays émergents qui le peuvent. Un accès en franchise de droits sera donc possible pour les produits des pays les moins avancés, mais sur 97 % de leurs exportations et non 100 %. Cette réserve de 3 % couvre les lignes tarifaires qui correspondent aux domaines à risque. Elle permet aux Etats-Unis d'exclure le textile du Bangladesh et au Japon d'exclure le riz. Le paquet coton en faveur des pays producteurs est minimal. Il prévoit l'élimination des subventions aux exportations et des droits de douane pour le coton. Nous voulons apporter notre soutien aux pays africains producteurs de coton.
Le volet export agricole a également progressé, ce qui répond aux demandes de l'Egypte. Grâce à une concession européenne, une date d'élimination de toutes les formes de soutien à l'export (2013) a pu être décidée, ainsi que le renforcement du parallélisme entre les subventions aux exportations et les autres formes de soutien. Le système de subventions aux exportations sera éliminé en 2013. L'accès au marché agricole n'a cependant que peu évolué, à l'exception du parallélisme des ambitions entre les volets industrie et agriculture.
Au grand regret de la France et de l'Union, ni l'ouverture des marchés industriels ni le volet service n'a connu d'avancées. Ces domaines sont encore du côté "offensif pour la France", mais l'ouverture des marchés se fera dans les semaines à venir. L'accord de Hong Kong reste donc déséquilibré et un chemin important reste à parcourir pour atteindre le résultat équilibré, global et ambitieux que se sont fixés les membres de l'OMC à Doha.
La phase la plus difficile des négociations reste à venir car aucun membre de l'OMC n'a réellement renoncé à ses ambitions.
L'accord conclu dimanche 18 décembre à Hong Kong permet de poursuivre les efforts engagés dans le cadre de l'OMC vers un accord global en faveur du développement d'ici fin 2006. On a pour le moment un accord d'étape, il n'est pas parfait, il n'est pas totalement équilibré, mais il préserve les intérêts de chacun des membres de l'OMC.
Dans les semaines à venir, un rééquilibrage des négociations est nécessaire et pour cela des progrès substantiels devront être constatés sur les volets industrie et services. L'essai reste en effet à transformer en matière de biens industriels et de services, pour lesquels les objectifs du cycle de Doha sont loin d'être atteints. Les pays émergents, au premier chef desquels le Brésil, doivent maintenant comprendre que l'Europe ne sera pas le banquier du cycle et qu'en l'absence d'offre sérieuse sur le volet industriel et services, les négociations ne feront pas de progrès, au risque de compromettre l'ensemble du cycle.
C'est d'autant plus important que le calendrier prévu pour la suite des négociations est très ambitieux. Les prochaines étapes qui auront lieu au premier semestre 2006 à Genève, seront cruciales.
3. Il faudra traiter la question agricole avec ambition et équilibre
Les exportateurs de produits agricoles annoncent que la libéralisation agricole bénéficiera aux pays en développement. Ce n'est pas exact. Les marchés agricoles mondiaux sont dominés par un petit nombre de pays exportateurs. La plupart d'entre eux sont des pays développés (Etats-Unis, Nouvelle Zélande, Australie) ou émergent (Brésil). La majorité des pays en développement ne sera pas suffisamment compétitive et perdra des parts de marché. Quant aux pays les moins avancés, ils seront durement touchés par l'érosion des préférences.
Sous ces réserves, l'Europe est résolument en faveur de la réduction des subventions internes et de la baisse des barrières tarifaires. Cet engagement n'est pas seulement rhétorique. L'Union européenne est la seule zone commerciale regroupant des pays développés qui ait réduit régulièrement sa production agricole depuis la réforme Mac Sharry en 1992. Depuis lors, et plus récemment en 2003, des mesures concrètes et difficiles ont été prises. L'offre déposée par la Commission européenne le 28 octobre dernier, et que le directeur général de l'OMC qualifie lui-même de sérieuse, proposait de réelles ouvertures de marchés au détriment des agriculteurs européens.
Encore à Hong Kong, c'est grâce à une concession de l'Union qu'une date pour la fin des restitutions a pu être obtenu.
Certains semblent considérer que l'agriculture européenne continue de poser un problème considérable dans le cadre de ces négociations. Selon eux, la France campe sur sa politique agricole commune et n'a pas envie de faire progresser la PAC, mais c'est faux. C'est vraiment le seul domaine de stratégie commune, domaine renforcé avec l'euro. Et si une partie importante du budget y est consacrée, c'est tout de même qu'elle est notre seule politique commune européenne. Alors, certains diront également que l'Europe est égoïste. Ils ont tort et les faits ne leur donnent pas raison. L'Europe est le premier importateur mondial de produits agricoles (60 milliards de dollars en 2001), devant les Etats-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada, tous réunis. Elle absorbe 85 % des exportations agricoles de l'Afrique, à quoi certains répliquent "oui, mais l'Afrique, c'est tout près de chez vous", mais l'Europe absorbe également 45 % de celles de l'Amérique latine, et l'Amérique latine, ce n'est pas tout près.
L'Union européenne n'est donc pas dans une situation de protection absolue mais offre son aide et adapte sa demande aux pays les moins avancés. L'approche européenne en faveur d'une libéralisation modérée des échanges agricoles va également de pair avec des objectifs de développement. Comme l'ont récemment montré l'OMC et le PNUD, une libéralisation complète porterait préjudice aux pays les plus pauvres. D'après la publication de leur rapport, l'agriculture a besoin, pour des raisons vivrières, pour les populations, ainsi que pour le maintien des territoires, d'être protégée par des tarifs douaniers. Les bénéfices d'une remise en cause des tarifs et des préférences n'iront qu'aux pays très exportateurs de type latifundia tels que le Brésil, l'Australie, l'Argentine, qui ne se soucient pas du devenir de leurs paysans ou de la durabilité écologique de leur modèle de développement.
Cette analyse est largement partagée par les autres Etats membres de l'Union européenne comme l'a prouvé l'unité de l'Union européenne à Hong Kong.
4. Conclusion
Il est maintenant urgent de prendre un nouvel élan, de multiplier et d'accélérer les discussions, afin de saisir les occasions que nous offre cette année de négociations. Depuis le lancement des négociations, l'Europe a joué un rôle prépondérant dans la limite de ses possibilités ; aux autres maintenant de mettre carte sur table car l'Europe n'acceptera pas d'être le banquier du cycle.
Hong Kong a mis en évidence la nécessité de larges consultations, notamment avec l'Afrique, les Etats-Unis, l'Inde et la Chine afin d'assurer que les négociations soient équilibrées et répondent aux besoins de chacun et en premier lieu des pays en développement.
C'est l'une des raisons de ma présence en Egypte et je suis heureuse de commencer ces consultations par ce pays qui est au carrefour de l'Europe et de l'Afrique et qui sait mieux que quiconque que la meilleure façon de faire tenir une pyramide est de la faire reposer sur sa base et non sur la pointe: les bénéfices du cycle seront durables seulement s'ils profitent réellement à tous les membres de l'OMC et non à un petit nombre d'entre eux, tel est l'objectif que l'Union européenne et la France se sont fixés et souhaitent atteindre dans ces négociations.
Je terminerai en souhaitant que nos relations économiques aillent dans le même sens que les relations politiques qui existent déjà entre la France et l'Egypte, je souhaite donc qu'elles se passent dans l'excellence, aussi bien en volume que dans la durée.
Merci beaucoup de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 janvier 2006