Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
La loi du 18 juillet 1985 a instauré le principe des " Espaces Naturels Sensibles " et offert aux départements la possibilité de percevoir une taxe pour en financer l'achat et l'entretien.
Une taxe départementale affectée, nous dit la loi, " à la préservation de la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels ". C'est donc, a priori, plus au titre de l'Environnement qu'à celui de l'Aménagement du Territoire, que j'ai le plaisir d'intervenir aujourd'hui devant vous.
Toutefois, outre que les deux sont étroitement liés, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour saluer le travail accompli dans le cadre du 12ème contrat de plan Etat-Région, et les dispositions qui concernent plus directement ce Département. Elles illustrent, me semble-t-il, une certaine inflexion dans le sens des orientations que défend mon Ministère : priorité budgétaire aux transports collectifs, lutte contre le bruit sur les axes A6 et RN20, projet de tramway Villejuif-Juvisy...
Les opérations de sensibilisation menées par le Conseil Général (" Essonne Verte ", " Essonne Propre ", Journées de l'Environnement) attestent également de l'attention portée à la notion de développement durable du côté de l'Orge et de la Juine....tant il reste vrai que la prise de conscience des citoyens de la nécessité de répondre aux problèmes d'aujourd'hui sans amputer les marges de manoeuvre pour l'avenir, constitue pour nous tous un aiguillon précieux.
Ce n'est donc pas totalement une surprise si les Premières Assises Nationales sur les Espaces Naturels Sensibles se tiennent ici, et maintenant.
Je vous remercie de m'y avoir invitée et de m'offrir l'occasion de vous présenter ma position sur un dispositif qui souffre, malgré d'indéniables réussites, d'un manque de mobilisation des conseils généraux dans certaines parties du territoire français. Les Espaces Naturels Sensibles représentent un enjeu important, j'en suis convaincue. Certaines améliorations réglementaires méritent sans doute d'être apportées pour faciliter l'action des départements, et pour qu'à votre image, les acteurs locaux se saisissent vraiment de cet outil toujours pertinent.
SI LA POLITIQUE DES " ESPACES NATURELS SENSIBLES " A DE BELLES REUSSITES A SON ACTIF, SON APPLICATION EST INEGALE AU PLAN NATIONAL.
Les Espaces Naturels Sensibles représentent un dispositif important au niveau national. Plus de 500 MF sont perçus chaque année au titre de la Taxe Départementale sur les Espaces Naturels Sensibles (TDENS), 18.000 ha de zones sensibles ont été acquis entre 1990 et 1998, grâce au dispositif de préemption prévu par la loi, 78.000 ha ont été aménagés... les chiffres sont éloquents. L'exemple du département de l'Essonne ne l'est pas moins.
Grâce au premier levier du dispositif, l'acquisition foncière, l'Essonne peut faire état de 750 hectares de bois, marais, prairies, landes et sites fossilifères, achetés par le département, l'agence des espaces verts ou les collectivités locales. Toutefois, des surfaces dix fois plus importantes (près de 9.000 ha) sont gérées au titre des Espaces Naturels Sensibles par le biais de partenariats, élément crucial du dispositif, j'y reviendrai. Tout ceci en dépit de contraintes fortes comme le mitage et une pression urbaine constante. Les acquisitions comprennent notamment de très beaux espaces dans un domaine qui me tient particulièrement à cur sur le plan écologique : les zone humides. Je citerais les marais de Fontenay-le-Vicomte, de Misery, de la Grande-Ile (votre première acquisition, la " Venise essonnienne " m'a-t-on dit) qui ont fait l'objet d'un partenariat avec l'Union Européenne dans le cadre du programme LIFE (15,5 MF).
Concernant la gestion des espaces, l'Essonne a fait le choix de la création de vrais emplois : 5 gardes animateurs (dont 4 emplois-jeunes) dont la mission est d'accueillir le grand public et les scolaires et de surveiller et prévenir les dégradations.
De la sensibilisation du public (également du ressort départemental) je ne dirai qu'une chose : l'annuaire illustré des ENS essonniens, invite superbement la randonneuse que je suis à la balade et à l'observation !
Enfin, votre département a entamé un important travail de hiérarchisation qualitative des sites. Je crois cette démarche utile, et vous invite à la partager largement.
Cependant, l'apparente simplicité du dispositif et les réussites enregistrées ici, ne sauraient masquer la disparité des situations. Au plan national, l'application est très inégale....
Les conclusions de la seule évaluation globale à notre disposition, le rapport de Michèle PRATS et Pierre RIMKINE, sont explicites sur ce point :
Selon ce rapport, 71 départements seulement ont voté la taxe , 10 de plus qu'en 1993. La moitié environ a choisi un taux de 1%, la loi autorisant un taux maximum de 2%. Nombreux sont encore les départements pas ou peu sensibilisés à l'existence de cette taxe. Les disparités sont criantes : près de 26 MF perçu dans les Bouches du Rhône en 1998 alors qu'une trentaine de collectivités ne perçoivent qu'entre 400.000 F et 500.000 F par an (398.550 F seulement dans le Jura, ça me coûte de le dire, pour un taux il est vrai limité à 0,1%). Point positif malgré tout, le recouvrement et l'emploi des fonds progressent l'un et l'autre de manière continue ces dernières années.
J'ajouterai quelques mots sur la fiscalité écologique, ne souhaitant pas apparaître comme une " maniaque " de la taxation ! En effet, la fiscalité affectée permet avant tout de décourager des comportements nuisibles à l'environnement, que ce soit sur le bruit des aéroports, la mise en décharge des ordures, les huiles automobiles... Cette fiscalité écologique dissuade le pollueur, permet de détaxer en parallèle le travail et dégage des marges pour réparer les dégâts sur l'environnement.
L'outil fiscal semble pertinent mais il est inégalement utilisé. A priori séduisant, le principe de la fiscalité affectée devait susciter la mise en place de politiques ad hoc, partout où elles n'existent pas. Les résultats ne semblent pas au rendez-vous : le rapport PRATS-RIMKINE souligne des cas de non respect de cette affectation obligatoire.
De plus, on peut s'interroger sur un éventuel effet pervers : les ressources de protection et de gestion des Espaces Naturels Sensibles sont proportionnelles au nombre de permis de construire délivrés. Ce qui veut dire que les moyens pour lutter contre les nuisances urbaines croissent avec les nouvelles constructions, ce qui est bien paradoxal.
Au-delà des questions fiscales, le cadre juridique général reste ambigu : la possibilité d'utiliser la taxe pour la gestion des espaces, et pas seulement pour l'investissement, ne fait pas encore l'unanimité.
Le constat est donc contrasté. Il pourrait conduire à mettre en cause l'outil lui-même : est-il vraiment pertinent ?
Comment expliquer que, 15 ans après sont instauration, le dispositif des ENS ne soit pas utilisé à plein ?
LES E.N.S. REPRESENTENT UN VERITABLE ENJEU, POURVU QUE SOIT REDYNAMISE LEUR CADRE FISCAL ET JURIDIQUE.
Au niveau environnemental d'abord. Ces sites représentent des milieux sensibles, pas forcément spectaculaires, mais néanmoins représentatifs d'un patrimoine écologique à préserver. Il peut être tentant de valoriser des espaces pour leur seul aspect visuel, de mettre en avant la majesté d'un littoral plutôt qu'une tourbière. Cette " esthétique de jardin " est respectable mais pas suffisante. Je voudrais ici insister sur la réflexion en terme de " corridors écologiques ", de maillage des espaces protégés, de restauration de milieux en déshérence.
Ce dernier point est important. A une démarche de protection il convient d'associer une démarche de réhabilitation des friches urbaines ou périurbaines. Leur proximité avec les habitations, est un moyen de toucher la population. La persistance d'espaces naturels vivants (et non de simples " espaces verts ") au sein de zones habitées, permet de sensibiliser tous les citoyens à l'environnement et pas seulement, celles et ceux qui pourront ou voudront, se déplacer vers des espaces spécifiques et parfois éloignés.
Toujours sur un plan social, la philosophie des Espaces Naturels Sensibles est celle d'un accès facilité pour tous. Vous avez débattu en atelier, de l'accueil des personnes à mobilité réduite. Il me paraît fondamental que l'accès à la nature soit pensé dans ce sens, et qu'il ne génère pas de nouvelles exclusions, déjà trop nombreuses en ville. Ici, malheureusement, les actes ne suivent pas assez les discours.
Autre point, une analyse en termes d'emploi montre qu'il existe, au travers de ces politiques, des " gisements " d'emplois qu'il serait dommage de ne pas exploiter. Deux études de la coordination " N.A.T.U.R.E. " l'ont établi. D'autant qu'il s'agit de répondre à des besoins nouveaux, de remplir des tâches utiles à la société et d'offrir aux jeunes qui en ont la vocation, une belle occasion de s'insérer sur le marché du travail. L'exemple essonnien est prometteur. Suivons-le.
Concernant les données institutionnelles, les Espaces Naturels Sensibles impliquent véritablement les collectivités territoriales vis à vis de l'environnement et invite à la coopération interdépartementale.
Qu'y-a-t-il de plus indifférent au découpage administratif, que le parcours d'une loutre ou d'un coléoptère !
Plus sérieusement, la continuité paysagère, la réalisation de couloirs écologiques, impliquent nécessairement la concertation entre voisins. La politique de préservation des zones humides de la Bièvre engagée par le Conseil Général des Hauts-de-Seine, en concertation avec celui de l'Essonne, suffit à démontrer que la protection d'un bassin, dépend rarement d'une seule collectivité, et qu'accessoirement, un promeneur (à deux ou quatre pattes) suit son chemin sans tenir compte des abstraites limites départementales.
A l'image du marais donc, la politique des Espaces Naturels Sensibles peut sembler avoir des contours flous, mais sa richesse et son potentiel sont importants. Pour pallier la sous-utilisation du dispositif par ses acteurs, je voudrais avancer quelques propositions.
En premier lieu, il faut amplifier la mise en relation des acteurs. La gestion des Espaces Naturels Sensibles s'appuie dans les faits, sur de nombreux partenaires. C'est une richesse que le travail en réseau. Mes services et moi-même, ne pouvons qu'approuver cette orientation, et pour cause, nous la pratiquons à grande échelle ! Je voudrais souligner combien, la collaboration entre les départements et les autres acteurs, est nécessaire. Pourquoi ne pas s'inspirer, à cet égard, des expériences réussies telles que les Conservatoires d'Espaces Naturels de France, la politique des Grands Sites (je pense à l'exemple récent du Canigou), la gestion des Parcs Naturels Régionaux... ? Une méthodologie pourrait être élaborée à partir de vos expériences respectives dans les départements. Une sensibilisation de vos collègues élu(e)s, encore insuffisamment mobilisé(e)s, me paraît impérative.
En second lieu, il convient d'adapter les dispositions fiscales existantes. La TDENS est un outil particulièrement intéressant, car elle rend financièrement possible l'acquisition des terrains à protéger. Cependant, ses critères d'utilisation gagneraient à être clarifiés. En particulier, au-delà de l'acquisition, la TDENS doit pouvoir clairement servir à la gestion des sites : un décret en Conseil d'Etat pourrait préciser ses modalités de mise en uvre. J'envisage aussi, par une circulaire, de demander aux Préfets un contrôle du recouvrement et de la liquidation de la taxe, un contrôle de légalité et un contrôle budgétaire a posteriori sur son utilisation.
Quelques soient les perfectionnements qui lui seraient apportés, la TDENS ne doit pas, de toute façon, être une alternative à l'engagement de l'Etat et de l'Union Européenne. Les départements gardent un droit au triple échelon de financement : départemental par la taxe, européen via le programme LIFE et étatique pour des financements d'appoint.
Il me semble, pour conclure, qu'il y a urgence à protéger nos sites. Et cela nous interdit de négliger cet outil au motif que tous les départements ne l'ont pas instauré.
C'est un enjeu important que l'aménagement et la gestion d'espaces naturels ouverts au public. Les Français, en particulier ceux qui habitent en ville, sont de plus en plus demandeurs d'espaces de nature préservés et vivants. Ils veulent pouvoir s'y promener, observer la faune et la flore, mais aussi y pratiquer toutes sortes de sports et d'activités. Dans le même temps, nombre de régions font face à une déprise agricole, au manque de bras pour reprendre les exploitations, à la dégradation des milieux faute d'entretien ou du fait d'infrastructures mal pensées et mal intégrées.
Nous devons, à la charnière de ces évolutions de la société, faire preuve d'imagination et de créativité pour concilier aménagement, libre accès, et préservation écologique.
Résoudre cette équation n'est pas simple. Nous aurons besoin (comme vous l'avez fait pendant ces deux jours), que les échanges d'expériences se multiplient et que les acteurs se fédèrent en un véritable réseau. Mon département ministériel est prêt à soutenir une initiative dans ce sens.
Je citerai comme exemple de partenariat concret l'entrée en vigueur prochaine d'un agrément national des Conservatoires d'Espaces Naturels, qui permettra l'utilisation optimale et transparente des fonds publics.
La cohérence des différentes politiques publiques, est à mes yeux l'autre condition de la réussite. L'Etat, agit sur tout le territoire pour mettre en uvre Natura 2000. Il est inconcevable que cette action ne soit pas harmonisée avec celle des départements. L'observation des milieux vivants nous enseigne l'importance des continuités. Sachons construire, ensemble, un maillage cohérent de ces espaces naturels sensibles.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 janvier 2001)
Mesdames et Messieurs,
La loi du 18 juillet 1985 a instauré le principe des " Espaces Naturels Sensibles " et offert aux départements la possibilité de percevoir une taxe pour en financer l'achat et l'entretien.
Une taxe départementale affectée, nous dit la loi, " à la préservation de la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels ". C'est donc, a priori, plus au titre de l'Environnement qu'à celui de l'Aménagement du Territoire, que j'ai le plaisir d'intervenir aujourd'hui devant vous.
Toutefois, outre que les deux sont étroitement liés, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour saluer le travail accompli dans le cadre du 12ème contrat de plan Etat-Région, et les dispositions qui concernent plus directement ce Département. Elles illustrent, me semble-t-il, une certaine inflexion dans le sens des orientations que défend mon Ministère : priorité budgétaire aux transports collectifs, lutte contre le bruit sur les axes A6 et RN20, projet de tramway Villejuif-Juvisy...
Les opérations de sensibilisation menées par le Conseil Général (" Essonne Verte ", " Essonne Propre ", Journées de l'Environnement) attestent également de l'attention portée à la notion de développement durable du côté de l'Orge et de la Juine....tant il reste vrai que la prise de conscience des citoyens de la nécessité de répondre aux problèmes d'aujourd'hui sans amputer les marges de manoeuvre pour l'avenir, constitue pour nous tous un aiguillon précieux.
Ce n'est donc pas totalement une surprise si les Premières Assises Nationales sur les Espaces Naturels Sensibles se tiennent ici, et maintenant.
Je vous remercie de m'y avoir invitée et de m'offrir l'occasion de vous présenter ma position sur un dispositif qui souffre, malgré d'indéniables réussites, d'un manque de mobilisation des conseils généraux dans certaines parties du territoire français. Les Espaces Naturels Sensibles représentent un enjeu important, j'en suis convaincue. Certaines améliorations réglementaires méritent sans doute d'être apportées pour faciliter l'action des départements, et pour qu'à votre image, les acteurs locaux se saisissent vraiment de cet outil toujours pertinent.
SI LA POLITIQUE DES " ESPACES NATURELS SENSIBLES " A DE BELLES REUSSITES A SON ACTIF, SON APPLICATION EST INEGALE AU PLAN NATIONAL.
Les Espaces Naturels Sensibles représentent un dispositif important au niveau national. Plus de 500 MF sont perçus chaque année au titre de la Taxe Départementale sur les Espaces Naturels Sensibles (TDENS), 18.000 ha de zones sensibles ont été acquis entre 1990 et 1998, grâce au dispositif de préemption prévu par la loi, 78.000 ha ont été aménagés... les chiffres sont éloquents. L'exemple du département de l'Essonne ne l'est pas moins.
Grâce au premier levier du dispositif, l'acquisition foncière, l'Essonne peut faire état de 750 hectares de bois, marais, prairies, landes et sites fossilifères, achetés par le département, l'agence des espaces verts ou les collectivités locales. Toutefois, des surfaces dix fois plus importantes (près de 9.000 ha) sont gérées au titre des Espaces Naturels Sensibles par le biais de partenariats, élément crucial du dispositif, j'y reviendrai. Tout ceci en dépit de contraintes fortes comme le mitage et une pression urbaine constante. Les acquisitions comprennent notamment de très beaux espaces dans un domaine qui me tient particulièrement à cur sur le plan écologique : les zone humides. Je citerais les marais de Fontenay-le-Vicomte, de Misery, de la Grande-Ile (votre première acquisition, la " Venise essonnienne " m'a-t-on dit) qui ont fait l'objet d'un partenariat avec l'Union Européenne dans le cadre du programme LIFE (15,5 MF).
Concernant la gestion des espaces, l'Essonne a fait le choix de la création de vrais emplois : 5 gardes animateurs (dont 4 emplois-jeunes) dont la mission est d'accueillir le grand public et les scolaires et de surveiller et prévenir les dégradations.
De la sensibilisation du public (également du ressort départemental) je ne dirai qu'une chose : l'annuaire illustré des ENS essonniens, invite superbement la randonneuse que je suis à la balade et à l'observation !
Enfin, votre département a entamé un important travail de hiérarchisation qualitative des sites. Je crois cette démarche utile, et vous invite à la partager largement.
Cependant, l'apparente simplicité du dispositif et les réussites enregistrées ici, ne sauraient masquer la disparité des situations. Au plan national, l'application est très inégale....
Les conclusions de la seule évaluation globale à notre disposition, le rapport de Michèle PRATS et Pierre RIMKINE, sont explicites sur ce point :
Selon ce rapport, 71 départements seulement ont voté la taxe , 10 de plus qu'en 1993. La moitié environ a choisi un taux de 1%, la loi autorisant un taux maximum de 2%. Nombreux sont encore les départements pas ou peu sensibilisés à l'existence de cette taxe. Les disparités sont criantes : près de 26 MF perçu dans les Bouches du Rhône en 1998 alors qu'une trentaine de collectivités ne perçoivent qu'entre 400.000 F et 500.000 F par an (398.550 F seulement dans le Jura, ça me coûte de le dire, pour un taux il est vrai limité à 0,1%). Point positif malgré tout, le recouvrement et l'emploi des fonds progressent l'un et l'autre de manière continue ces dernières années.
J'ajouterai quelques mots sur la fiscalité écologique, ne souhaitant pas apparaître comme une " maniaque " de la taxation ! En effet, la fiscalité affectée permet avant tout de décourager des comportements nuisibles à l'environnement, que ce soit sur le bruit des aéroports, la mise en décharge des ordures, les huiles automobiles... Cette fiscalité écologique dissuade le pollueur, permet de détaxer en parallèle le travail et dégage des marges pour réparer les dégâts sur l'environnement.
L'outil fiscal semble pertinent mais il est inégalement utilisé. A priori séduisant, le principe de la fiscalité affectée devait susciter la mise en place de politiques ad hoc, partout où elles n'existent pas. Les résultats ne semblent pas au rendez-vous : le rapport PRATS-RIMKINE souligne des cas de non respect de cette affectation obligatoire.
De plus, on peut s'interroger sur un éventuel effet pervers : les ressources de protection et de gestion des Espaces Naturels Sensibles sont proportionnelles au nombre de permis de construire délivrés. Ce qui veut dire que les moyens pour lutter contre les nuisances urbaines croissent avec les nouvelles constructions, ce qui est bien paradoxal.
Au-delà des questions fiscales, le cadre juridique général reste ambigu : la possibilité d'utiliser la taxe pour la gestion des espaces, et pas seulement pour l'investissement, ne fait pas encore l'unanimité.
Le constat est donc contrasté. Il pourrait conduire à mettre en cause l'outil lui-même : est-il vraiment pertinent ?
Comment expliquer que, 15 ans après sont instauration, le dispositif des ENS ne soit pas utilisé à plein ?
LES E.N.S. REPRESENTENT UN VERITABLE ENJEU, POURVU QUE SOIT REDYNAMISE LEUR CADRE FISCAL ET JURIDIQUE.
Au niveau environnemental d'abord. Ces sites représentent des milieux sensibles, pas forcément spectaculaires, mais néanmoins représentatifs d'un patrimoine écologique à préserver. Il peut être tentant de valoriser des espaces pour leur seul aspect visuel, de mettre en avant la majesté d'un littoral plutôt qu'une tourbière. Cette " esthétique de jardin " est respectable mais pas suffisante. Je voudrais ici insister sur la réflexion en terme de " corridors écologiques ", de maillage des espaces protégés, de restauration de milieux en déshérence.
Ce dernier point est important. A une démarche de protection il convient d'associer une démarche de réhabilitation des friches urbaines ou périurbaines. Leur proximité avec les habitations, est un moyen de toucher la population. La persistance d'espaces naturels vivants (et non de simples " espaces verts ") au sein de zones habitées, permet de sensibiliser tous les citoyens à l'environnement et pas seulement, celles et ceux qui pourront ou voudront, se déplacer vers des espaces spécifiques et parfois éloignés.
Toujours sur un plan social, la philosophie des Espaces Naturels Sensibles est celle d'un accès facilité pour tous. Vous avez débattu en atelier, de l'accueil des personnes à mobilité réduite. Il me paraît fondamental que l'accès à la nature soit pensé dans ce sens, et qu'il ne génère pas de nouvelles exclusions, déjà trop nombreuses en ville. Ici, malheureusement, les actes ne suivent pas assez les discours.
Autre point, une analyse en termes d'emploi montre qu'il existe, au travers de ces politiques, des " gisements " d'emplois qu'il serait dommage de ne pas exploiter. Deux études de la coordination " N.A.T.U.R.E. " l'ont établi. D'autant qu'il s'agit de répondre à des besoins nouveaux, de remplir des tâches utiles à la société et d'offrir aux jeunes qui en ont la vocation, une belle occasion de s'insérer sur le marché du travail. L'exemple essonnien est prometteur. Suivons-le.
Concernant les données institutionnelles, les Espaces Naturels Sensibles impliquent véritablement les collectivités territoriales vis à vis de l'environnement et invite à la coopération interdépartementale.
Qu'y-a-t-il de plus indifférent au découpage administratif, que le parcours d'une loutre ou d'un coléoptère !
Plus sérieusement, la continuité paysagère, la réalisation de couloirs écologiques, impliquent nécessairement la concertation entre voisins. La politique de préservation des zones humides de la Bièvre engagée par le Conseil Général des Hauts-de-Seine, en concertation avec celui de l'Essonne, suffit à démontrer que la protection d'un bassin, dépend rarement d'une seule collectivité, et qu'accessoirement, un promeneur (à deux ou quatre pattes) suit son chemin sans tenir compte des abstraites limites départementales.
A l'image du marais donc, la politique des Espaces Naturels Sensibles peut sembler avoir des contours flous, mais sa richesse et son potentiel sont importants. Pour pallier la sous-utilisation du dispositif par ses acteurs, je voudrais avancer quelques propositions.
En premier lieu, il faut amplifier la mise en relation des acteurs. La gestion des Espaces Naturels Sensibles s'appuie dans les faits, sur de nombreux partenaires. C'est une richesse que le travail en réseau. Mes services et moi-même, ne pouvons qu'approuver cette orientation, et pour cause, nous la pratiquons à grande échelle ! Je voudrais souligner combien, la collaboration entre les départements et les autres acteurs, est nécessaire. Pourquoi ne pas s'inspirer, à cet égard, des expériences réussies telles que les Conservatoires d'Espaces Naturels de France, la politique des Grands Sites (je pense à l'exemple récent du Canigou), la gestion des Parcs Naturels Régionaux... ? Une méthodologie pourrait être élaborée à partir de vos expériences respectives dans les départements. Une sensibilisation de vos collègues élu(e)s, encore insuffisamment mobilisé(e)s, me paraît impérative.
En second lieu, il convient d'adapter les dispositions fiscales existantes. La TDENS est un outil particulièrement intéressant, car elle rend financièrement possible l'acquisition des terrains à protéger. Cependant, ses critères d'utilisation gagneraient à être clarifiés. En particulier, au-delà de l'acquisition, la TDENS doit pouvoir clairement servir à la gestion des sites : un décret en Conseil d'Etat pourrait préciser ses modalités de mise en uvre. J'envisage aussi, par une circulaire, de demander aux Préfets un contrôle du recouvrement et de la liquidation de la taxe, un contrôle de légalité et un contrôle budgétaire a posteriori sur son utilisation.
Quelques soient les perfectionnements qui lui seraient apportés, la TDENS ne doit pas, de toute façon, être une alternative à l'engagement de l'Etat et de l'Union Européenne. Les départements gardent un droit au triple échelon de financement : départemental par la taxe, européen via le programme LIFE et étatique pour des financements d'appoint.
Il me semble, pour conclure, qu'il y a urgence à protéger nos sites. Et cela nous interdit de négliger cet outil au motif que tous les départements ne l'ont pas instauré.
C'est un enjeu important que l'aménagement et la gestion d'espaces naturels ouverts au public. Les Français, en particulier ceux qui habitent en ville, sont de plus en plus demandeurs d'espaces de nature préservés et vivants. Ils veulent pouvoir s'y promener, observer la faune et la flore, mais aussi y pratiquer toutes sortes de sports et d'activités. Dans le même temps, nombre de régions font face à une déprise agricole, au manque de bras pour reprendre les exploitations, à la dégradation des milieux faute d'entretien ou du fait d'infrastructures mal pensées et mal intégrées.
Nous devons, à la charnière de ces évolutions de la société, faire preuve d'imagination et de créativité pour concilier aménagement, libre accès, et préservation écologique.
Résoudre cette équation n'est pas simple. Nous aurons besoin (comme vous l'avez fait pendant ces deux jours), que les échanges d'expériences se multiplient et que les acteurs se fédèrent en un véritable réseau. Mon département ministériel est prêt à soutenir une initiative dans ce sens.
Je citerai comme exemple de partenariat concret l'entrée en vigueur prochaine d'un agrément national des Conservatoires d'Espaces Naturels, qui permettra l'utilisation optimale et transparente des fonds publics.
La cohérence des différentes politiques publiques, est à mes yeux l'autre condition de la réussite. L'Etat, agit sur tout le territoire pour mettre en uvre Natura 2000. Il est inconcevable que cette action ne soit pas harmonisée avec celle des départements. L'observation des milieux vivants nous enseigne l'importance des continuités. Sachons construire, ensemble, un maillage cohérent de ces espaces naturels sensibles.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 janvier 2001)