Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
J'ai souhaité inviter les principaux responsables du mouvement sportif intéressés, à prendre connaissance des conclusions de l'étude que j'ai confiée à Maître Jean-Baptiste GUILLOT sur les outils juridiques mis à la disposition des clubs sportifs professionnels français afin d'optimiser leur compétitivité.
Lors des Etats Généraux du Sport, fin 2002, nous avions ensemble fait le constat de la situation très insatisfaisante du sport professionnel.
Nos clubs sportifs professionnels souffraient de handicaps freinant leur compétitivité par rapport à leurs homologues étrangers - notamment européens - et le sport professionnel était arrivé à une étape charnière de son développement.
Il était urgent d'encourager la modernisation du sport professionnel en tenant compte de sa réalité économique. A défaut, il était à craindre que l'écart constaté au niveau européen se creuserait.
J'ai alors décidé, en concertation avec le mouvement sportif, d'agir dans trois directions complémentaires.
En premier lieu, il fallait réaffirmer que le sport n'est pas une activité économique ordinaire et que, s'il existe en France un service public visant à promouvoir le sport, c'est en raison des valeurs éducatives et sociales dont il est porteur. Or, le respect de ces valeurs est étroitement lié à la préservation des principes d'unité au sein des fédérations et de solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel.
Force est de constater qu'à chaque fois que le sport professionnel s'est complètement détaché du sport amateur, il s'est produit des dérives, en particulier sur le plan de l'éthique.
Ces principes réaffirmés, il convenait ensuite de répondre à la nécessité de combler le fossé, en terme de compétitivité, séparant les clubs français des clubs européens.
La loi du 1er août 2003 et ses textes d'application ainsi que la loi du 15 décembre 2004 constituent, à cet égard, des avancées extrêmement significatives, qui n'avaient eu aucun précédent en 20 ans.
La situation des clubs professionnels en 2006 s'est très sensiblement améliorée en comparaison de celle de 2002.
Le rapport que m'a remis Maître Jean-Baptiste Guillot nous a permis de le constater.
Enfin, troisième axe directeur : il faut aujourd'hui réfléchir - ces marges de compétitivité ayant été retrouvées - à une véritable stratégie économique de développement du sport professionnel français, sans rompre le lien avec un mode d'organisation auquel nous restons attachés.
Cette stratégie passe par une plus grande diversification des recettes des sociétés sportives, par une consolidation de leurs actifs ainsi que par une réflexion sur leurs sources de financement.
En ce qui me concerne, j'ai toujours considéré que les deux sujets les plus importants, pour nos clubs professionnels, étaient la diversification de leurs recettes et la consolidation de leurs actifs.
C'est le sens de la formule que j'ai employée à plusieurs reprises à propos de la cotation en Bourse, en indiquant qu'il s'agissait d'un sujet « second et secondaire » ou encore qu'il s'agissait pour moi d'une question « accessoire ».
J'ai, en tout état de cause, toujours eu à c?ur de ne pas adopter de posture idéologique dans ce débat.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Maître Guillot de faire, sur ces sujets, un point objectif de la situation des clubs, plus d'un an après le vote de la loi de décembre 2004. Son rapport fait suite, en quelque sorte, à celui de Jean-Pierre Denis qui a précédé cette importante réforme.
La première question - et c'est à mon sens la plus importante - que l'on doit se poser après les lois de 2003 et de 2004 peut se résumer ainsi :
Quelles sont les pistes de réflexions que nous devons approfondir afin d'accroître encore la compétitivité de nos clubs sans remettre en cause l'organisation du sport en France à laquelle, vous le savez, nous sommes profondément attachés ?
La deuxième question est à mes yeux moins essentielle mais l'actualité contraint le Gouvernement français à se positionner de manière immédiate.
Elle nous est posée par la Commission Européenne qui souhaite que la France modifie sa législation pour lever l'interdiction absolue faite aux clubs sportifs d'avoir recours à l'épargne publique.
Pour éclairer les réponses à apporter à ces questions, je voudrais vous livrer les principales réflexions que m'inspire le rapport de Maître Guillot.
Premièrement, le sport professionnel doit disposer des moyens permettant - pour reprendre l'expression employée par l'UEFA - de faire en sorte que les sociétés sportives, en d'autres termes les clubs, puissent devenir de véritables « centres de vie et de profits ».
Si l'on compare nos sociétés sportives avec leurs homologues européennes, deux constatations s'imposent à nous :
- 1ère constatation : les recettes des clubs français sont infiniment moins diversifiées que celles des clubs étrangers.
Il faut donc que nos clubs soient particulièrement attentifs à ne pas être dépendants d'un seul type de recettes - en l'occurrence les droits télé - dont le montant est lié à la valeur des championnats, mais aussi aux conditions du marché et aux stratégies des diffuseurs susceptibles de faire l'acquisition de tels droits. Or, aujourd'hui, ce paysage, vous le savez, est en plein bouleversement.
Il me paraît impératif de favoriser l'émergence ou l'augmentation d'autres recettes, préoccupation justement mise en lumière par Maître Guillot.
- 2ème constatation : nos clubs disposent d'actifs beaucoup plus faibles que les autres clubs européens.
Ces deux constatations amènent à la conclusion qu'il faut privilégier un nouveau modèle économique pour diversifier à la fois les recettes et les actifs des clubs.
Une des clés permettant d'y arriver réside dans la propriété des enceintes sportives.
Il ne s'agit pas d'imposer des investissements supplémentaires aux collectivités locales mais de réfléchir à de nouveaux modèles de construction et d'exploitation des équipements sportifs.
Cette question essentielle a été bien perçue par la Ligue Nationale de Basket-ball et relayée par sa fédération. Certains clubs de football ont également commencé à prendre des initiatives concernant les stades qu'ils utilisent.
A la lumière de ces constatations, permettez-moi d'apporter des éléments de réponse aux deux questions que j'ai évoquées.
Premier point : je souhaite que nous avancions encore sur certaines pistes, qui avaient été explorées par les groupes de travail que j'ai mis en place en 2004, afin que des propositions concrètes soient formalisées. Elles seront présentées en arbitrage interministériel dès lors qu'elles peuvent encore accroître la compétitivité du sport professionnel français.
Je pense, en particulier, à l'élaboration d'un dispositif d'épargne salariale adapté, qui s'inscrira dans le cadre plus large des réflexions relatives à l'aide à la retraite et à la reconversion des sportifs de haut niveau, qu'ils soient salariés ou non.
Je présenterai mes conclusions définitives à ce sujet, dans le courant de ce semestre.
Je suis également favorable à ce que soient poursuivis les travaux intéressant la fiscalité locale. Je pense à la question de la taxe sur les spectacles mais aussi à celle de l'exonération de l'assiette de la taxe professionnelle pour les investissements dans les infrastructures sportives.
Enfin, j'ai pris connaissance avec intérêt des recommandations du rapport sur le statut des sociétés sportives.
Je souhaite que soit étudiée la possibilité de faire évoluer par décret le statut juridique des Sociétés Anonymes Sportives Professionnelles (SASP) pour le rendre moins rigide, à la condition, toutefois, que ne soit pas rompu le lien conventionnel entre la société sportive et l'association support.
Il y a donc encore des pistes de réformes à faire avancer en ouvrant, pour résumer, une corbeille sociale, une corbeille fiscale et une corbeille statutaire, sur lesquelles je souhaite déboucher rapidement.
Comme ce fut le cas pour la loi de décembre 2004, je mettrai en place des groupes de travail dans les prochains jours pour concerter et évaluer ces mesures.
Venons en maintenant au second point qui concerne la question de la cotation en Bourse des clubs.
J'ai été particulièrement attentif à ce que dit l'avis motivé de la Commission européenne. Après analyse, j'en retiens qu'il soulève l'existence d'une contradiction entre :
- d'une part, un but d'intérêt général, qui se traduit par le refus de considérer le sport comme une activité économique banale,
- et d'autre part, le principe de la libre circulation des capitaux auquel les dispositions de la loi française contreviendraient.
La Constitution européenne aurait permis d'avancer dans ce débat car elle reconnaissait la spécificité de l'activité sportive. Malheureusement son rejet ne nous permet pas, dans l'immédiat, de nous appuyer sur cet argument.
Pour dépasser cette contradiction, il convient donc de s'en remettre à la jurisprudence du droit communautaire sur les possibilités de dérogations à une règle communautaire, en l'occurrence celle de la libre circulation des capitaux.
Une telle dérogation n'est possible qu'à une triple condition :
- il faut qu'un but d'intérêt général soit poursuivi. C'est le cas en ce qui concerne notre dossier : la Commission le reconnaît,
- la dérogation doit être proportionnée au but d'intérêt général : c'est ce point que conteste la Commission en considérant que l'interdiction absolue de la cotation posée par la loi française est disproportionnée,
- enfin, la mesure dérogatoire ne doit pas être discriminatoire au regard d'un pays ou d'un investisseur, en raison de sa nationalité, au sein de l'espace européen : cet argument n'a pas été soulevé par la Commission.
Ce que la Commission considère comme condamnable - sous réserve d'une appréciation éventuelle par la Cour de Justice européenne - c'est la disproportion entre l'interdiction absolue de la cotation et le but d'intérêt général poursuivi.
Or, quels sont les motifs d'intérêt général qui ont conduit la France à interdire le recours à l'épargne publique pour les sociétés sportives ? Il me semble utile de les rappeler aujourd'hui :
- le premier motif d'intérêt général réside, en particulier, dans le lien conventionnel fondamental existant entre la société sportive et l'association support. Il s'agit de préserver l'unité au sein des fédérations entre sport amateur et sport professionnel, et les liens de solidarité volontaire qui les unissent.
Une simple logique d'actionnariat constituerait un risque certain de rupture de ce lien. Les actionnaires détenteurs d'un droit de vote poursuivront légitimement un intérêt de maximisation financière de leur investissement.
- le second motif d'intérêt général tient à l'importance de ne pas rompre les liens d'histoire et de culture que peuvent avoir un club et son territoire.
La banalisation de l'activité sportive pourrait conduire - à l'extrême - à ce que des clubs estimant que leurs conditions d'accueil régionales ne correspondent plus à leur notoriété, prennent la décision de se délocaliser.
- le troisième motif d'intérêt général vise à la protection de l'épargnant. Il s'agit d'éviter que des passionnés, pour de simples raisons affectives, n'engagent leur épargne dans des investissements hasardeux, dont la valorisation dépend d'un aléa sportif par nature imprévisible sur le long terme.
Comme le montrent les exemples étrangers, la valorisation des titres des sociétés sportives serait extrêmement volatile et favoriserait l'activité des spéculateurs professionnels au détriment des petits épargnants.
- enfin, le quatrième motif d'intérêt général consiste à se prémunir du risque très fort d'une atteinte à l'équité des compétitions sportives, précisément pour réduire cet aléa.
La cotation des clubs en bourse augmenterait la disparité au sein des ligues professionnelles entre les plus grands clubs qui auraient accès à toutes les ressources du marché financier, et les clubs plus modestes qui se heurteraient à un handicap accru en terme de budget.
Au final, le risque me paraît très grand de voir se constituer des championnats fermés, qui constituent pour moi la remise en cause profonde du modèle européen d'organisation des compétitions sportives.
C'est l'ensemble de cette analyse qui me conduira à rechercher une solution conciliant la levée de l'interdiction absolue souhaitée par la Commission avec la préservation des quatre volets d'intérêt général que je viens d'évoquer.
La proposition dont je souhaite débattre avec la Commission prend en compte les éléments apportés par le rapport de Maître GUILLOT, qui tendent à inciter les clubs professionnels à davantage investir dans leur outil de travail - l'enceinte sportive - pour asseoir leur développement économique.
L'interdiction absolue d'appel public à l'épargne sera levée. Le gouvernement français fera part à la Commission européenne de son intention de modifier en ce sens la loi française.
Il importe cependant d'encadrer cette possibilité, de façon proportionnée, aux buts d'intérêt général poursuivis.
Des contacts seront pris avec les services de la Commission et notamment avec la Direction Générale du Marché Intérieur pour trouver une solution conforme à la jurisprudence communautaire.
Ainsi, une hypothèse de travail pourrait consister à lever l'interdiction d'appel public à l'épargne de manière encadrée, en autorisant l'émission par les sociétés sportives d'obligations, voire même de titres participatifs, comme le suggère le rapport de Maître Guillot.
Les titres participatifs, comptabilisés comme des fonds propres de la société, ne donnent pas de droit de vote à l'assemblée générale. Leur rémunération comprend une part fixe et une part variable assise sur l'activité ou sur les résultats de la société.
En ce qui concerne les actions, leur émission dans le public pourrait être réservée aux sociétés sportives qui sont directement ou indirectement titulaires de droits réels sur l'équipement sportif dans lequel elles évoluent régulièrement.
En effet, l'existence d'un droit de propriété sur l'enceinte sportive me semble être une garantie quant à la solidité des actifs de la société et quant au lien qui l'unit à son territoire.
De plus, il est nécessaire d'offrir aux clubs qui souhaitent investir dans une infrastructure sportive, les moyens les plus étendus pour en assurer le financement.
En résumé, un club qui ne serait pas propriétaire de son équipement sportif pourrait émettre dans le public des obligations ou des titres participatifs. Un club qui serait propriétaire de son équipement sportif pourrait de surcroît émettre également des actions.
On peut d'ailleurs supposer qu'en toute hypothèse - si l'appel public à l'épargne était autorisé - l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) serait attentive à l'existence de tels actifs avant de donner son aval à la cotation en bourse de clubs professionnels.
Cet encadrement de la levée de l'interdiction d'appel public à l'épargne pour les sociétés sportives sera étudié en concertation étroite avec les services de la Commission. Elle me paraît tenir le plus grand compte des analyses que nous a livrées Maître Guillot.
Je souhaitais débattre de ces orientations avec les représentants du mouvement sportif, des fédérations, des ligues et des clubs professionnels.
Tel a été l'objet de nos échanges.
Je vous remercie.Source http://www.sports.gouv.fr, le 1 février 2006
J'ai souhaité inviter les principaux responsables du mouvement sportif intéressés, à prendre connaissance des conclusions de l'étude que j'ai confiée à Maître Jean-Baptiste GUILLOT sur les outils juridiques mis à la disposition des clubs sportifs professionnels français afin d'optimiser leur compétitivité.
Lors des Etats Généraux du Sport, fin 2002, nous avions ensemble fait le constat de la situation très insatisfaisante du sport professionnel.
Nos clubs sportifs professionnels souffraient de handicaps freinant leur compétitivité par rapport à leurs homologues étrangers - notamment européens - et le sport professionnel était arrivé à une étape charnière de son développement.
Il était urgent d'encourager la modernisation du sport professionnel en tenant compte de sa réalité économique. A défaut, il était à craindre que l'écart constaté au niveau européen se creuserait.
J'ai alors décidé, en concertation avec le mouvement sportif, d'agir dans trois directions complémentaires.
En premier lieu, il fallait réaffirmer que le sport n'est pas une activité économique ordinaire et que, s'il existe en France un service public visant à promouvoir le sport, c'est en raison des valeurs éducatives et sociales dont il est porteur. Or, le respect de ces valeurs est étroitement lié à la préservation des principes d'unité au sein des fédérations et de solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel.
Force est de constater qu'à chaque fois que le sport professionnel s'est complètement détaché du sport amateur, il s'est produit des dérives, en particulier sur le plan de l'éthique.
Ces principes réaffirmés, il convenait ensuite de répondre à la nécessité de combler le fossé, en terme de compétitivité, séparant les clubs français des clubs européens.
La loi du 1er août 2003 et ses textes d'application ainsi que la loi du 15 décembre 2004 constituent, à cet égard, des avancées extrêmement significatives, qui n'avaient eu aucun précédent en 20 ans.
La situation des clubs professionnels en 2006 s'est très sensiblement améliorée en comparaison de celle de 2002.
Le rapport que m'a remis Maître Jean-Baptiste Guillot nous a permis de le constater.
Enfin, troisième axe directeur : il faut aujourd'hui réfléchir - ces marges de compétitivité ayant été retrouvées - à une véritable stratégie économique de développement du sport professionnel français, sans rompre le lien avec un mode d'organisation auquel nous restons attachés.
Cette stratégie passe par une plus grande diversification des recettes des sociétés sportives, par une consolidation de leurs actifs ainsi que par une réflexion sur leurs sources de financement.
En ce qui me concerne, j'ai toujours considéré que les deux sujets les plus importants, pour nos clubs professionnels, étaient la diversification de leurs recettes et la consolidation de leurs actifs.
C'est le sens de la formule que j'ai employée à plusieurs reprises à propos de la cotation en Bourse, en indiquant qu'il s'agissait d'un sujet « second et secondaire » ou encore qu'il s'agissait pour moi d'une question « accessoire ».
J'ai, en tout état de cause, toujours eu à c?ur de ne pas adopter de posture idéologique dans ce débat.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Maître Guillot de faire, sur ces sujets, un point objectif de la situation des clubs, plus d'un an après le vote de la loi de décembre 2004. Son rapport fait suite, en quelque sorte, à celui de Jean-Pierre Denis qui a précédé cette importante réforme.
La première question - et c'est à mon sens la plus importante - que l'on doit se poser après les lois de 2003 et de 2004 peut se résumer ainsi :
Quelles sont les pistes de réflexions que nous devons approfondir afin d'accroître encore la compétitivité de nos clubs sans remettre en cause l'organisation du sport en France à laquelle, vous le savez, nous sommes profondément attachés ?
La deuxième question est à mes yeux moins essentielle mais l'actualité contraint le Gouvernement français à se positionner de manière immédiate.
Elle nous est posée par la Commission Européenne qui souhaite que la France modifie sa législation pour lever l'interdiction absolue faite aux clubs sportifs d'avoir recours à l'épargne publique.
Pour éclairer les réponses à apporter à ces questions, je voudrais vous livrer les principales réflexions que m'inspire le rapport de Maître Guillot.
Premièrement, le sport professionnel doit disposer des moyens permettant - pour reprendre l'expression employée par l'UEFA - de faire en sorte que les sociétés sportives, en d'autres termes les clubs, puissent devenir de véritables « centres de vie et de profits ».
Si l'on compare nos sociétés sportives avec leurs homologues européennes, deux constatations s'imposent à nous :
- 1ère constatation : les recettes des clubs français sont infiniment moins diversifiées que celles des clubs étrangers.
Il faut donc que nos clubs soient particulièrement attentifs à ne pas être dépendants d'un seul type de recettes - en l'occurrence les droits télé - dont le montant est lié à la valeur des championnats, mais aussi aux conditions du marché et aux stratégies des diffuseurs susceptibles de faire l'acquisition de tels droits. Or, aujourd'hui, ce paysage, vous le savez, est en plein bouleversement.
Il me paraît impératif de favoriser l'émergence ou l'augmentation d'autres recettes, préoccupation justement mise en lumière par Maître Guillot.
- 2ème constatation : nos clubs disposent d'actifs beaucoup plus faibles que les autres clubs européens.
Ces deux constatations amènent à la conclusion qu'il faut privilégier un nouveau modèle économique pour diversifier à la fois les recettes et les actifs des clubs.
Une des clés permettant d'y arriver réside dans la propriété des enceintes sportives.
Il ne s'agit pas d'imposer des investissements supplémentaires aux collectivités locales mais de réfléchir à de nouveaux modèles de construction et d'exploitation des équipements sportifs.
Cette question essentielle a été bien perçue par la Ligue Nationale de Basket-ball et relayée par sa fédération. Certains clubs de football ont également commencé à prendre des initiatives concernant les stades qu'ils utilisent.
A la lumière de ces constatations, permettez-moi d'apporter des éléments de réponse aux deux questions que j'ai évoquées.
Premier point : je souhaite que nous avancions encore sur certaines pistes, qui avaient été explorées par les groupes de travail que j'ai mis en place en 2004, afin que des propositions concrètes soient formalisées. Elles seront présentées en arbitrage interministériel dès lors qu'elles peuvent encore accroître la compétitivité du sport professionnel français.
Je pense, en particulier, à l'élaboration d'un dispositif d'épargne salariale adapté, qui s'inscrira dans le cadre plus large des réflexions relatives à l'aide à la retraite et à la reconversion des sportifs de haut niveau, qu'ils soient salariés ou non.
Je présenterai mes conclusions définitives à ce sujet, dans le courant de ce semestre.
Je suis également favorable à ce que soient poursuivis les travaux intéressant la fiscalité locale. Je pense à la question de la taxe sur les spectacles mais aussi à celle de l'exonération de l'assiette de la taxe professionnelle pour les investissements dans les infrastructures sportives.
Enfin, j'ai pris connaissance avec intérêt des recommandations du rapport sur le statut des sociétés sportives.
Je souhaite que soit étudiée la possibilité de faire évoluer par décret le statut juridique des Sociétés Anonymes Sportives Professionnelles (SASP) pour le rendre moins rigide, à la condition, toutefois, que ne soit pas rompu le lien conventionnel entre la société sportive et l'association support.
Il y a donc encore des pistes de réformes à faire avancer en ouvrant, pour résumer, une corbeille sociale, une corbeille fiscale et une corbeille statutaire, sur lesquelles je souhaite déboucher rapidement.
Comme ce fut le cas pour la loi de décembre 2004, je mettrai en place des groupes de travail dans les prochains jours pour concerter et évaluer ces mesures.
Venons en maintenant au second point qui concerne la question de la cotation en Bourse des clubs.
J'ai été particulièrement attentif à ce que dit l'avis motivé de la Commission européenne. Après analyse, j'en retiens qu'il soulève l'existence d'une contradiction entre :
- d'une part, un but d'intérêt général, qui se traduit par le refus de considérer le sport comme une activité économique banale,
- et d'autre part, le principe de la libre circulation des capitaux auquel les dispositions de la loi française contreviendraient.
La Constitution européenne aurait permis d'avancer dans ce débat car elle reconnaissait la spécificité de l'activité sportive. Malheureusement son rejet ne nous permet pas, dans l'immédiat, de nous appuyer sur cet argument.
Pour dépasser cette contradiction, il convient donc de s'en remettre à la jurisprudence du droit communautaire sur les possibilités de dérogations à une règle communautaire, en l'occurrence celle de la libre circulation des capitaux.
Une telle dérogation n'est possible qu'à une triple condition :
- il faut qu'un but d'intérêt général soit poursuivi. C'est le cas en ce qui concerne notre dossier : la Commission le reconnaît,
- la dérogation doit être proportionnée au but d'intérêt général : c'est ce point que conteste la Commission en considérant que l'interdiction absolue de la cotation posée par la loi française est disproportionnée,
- enfin, la mesure dérogatoire ne doit pas être discriminatoire au regard d'un pays ou d'un investisseur, en raison de sa nationalité, au sein de l'espace européen : cet argument n'a pas été soulevé par la Commission.
Ce que la Commission considère comme condamnable - sous réserve d'une appréciation éventuelle par la Cour de Justice européenne - c'est la disproportion entre l'interdiction absolue de la cotation et le but d'intérêt général poursuivi.
Or, quels sont les motifs d'intérêt général qui ont conduit la France à interdire le recours à l'épargne publique pour les sociétés sportives ? Il me semble utile de les rappeler aujourd'hui :
- le premier motif d'intérêt général réside, en particulier, dans le lien conventionnel fondamental existant entre la société sportive et l'association support. Il s'agit de préserver l'unité au sein des fédérations entre sport amateur et sport professionnel, et les liens de solidarité volontaire qui les unissent.
Une simple logique d'actionnariat constituerait un risque certain de rupture de ce lien. Les actionnaires détenteurs d'un droit de vote poursuivront légitimement un intérêt de maximisation financière de leur investissement.
- le second motif d'intérêt général tient à l'importance de ne pas rompre les liens d'histoire et de culture que peuvent avoir un club et son territoire.
La banalisation de l'activité sportive pourrait conduire - à l'extrême - à ce que des clubs estimant que leurs conditions d'accueil régionales ne correspondent plus à leur notoriété, prennent la décision de se délocaliser.
- le troisième motif d'intérêt général vise à la protection de l'épargnant. Il s'agit d'éviter que des passionnés, pour de simples raisons affectives, n'engagent leur épargne dans des investissements hasardeux, dont la valorisation dépend d'un aléa sportif par nature imprévisible sur le long terme.
Comme le montrent les exemples étrangers, la valorisation des titres des sociétés sportives serait extrêmement volatile et favoriserait l'activité des spéculateurs professionnels au détriment des petits épargnants.
- enfin, le quatrième motif d'intérêt général consiste à se prémunir du risque très fort d'une atteinte à l'équité des compétitions sportives, précisément pour réduire cet aléa.
La cotation des clubs en bourse augmenterait la disparité au sein des ligues professionnelles entre les plus grands clubs qui auraient accès à toutes les ressources du marché financier, et les clubs plus modestes qui se heurteraient à un handicap accru en terme de budget.
Au final, le risque me paraît très grand de voir se constituer des championnats fermés, qui constituent pour moi la remise en cause profonde du modèle européen d'organisation des compétitions sportives.
C'est l'ensemble de cette analyse qui me conduira à rechercher une solution conciliant la levée de l'interdiction absolue souhaitée par la Commission avec la préservation des quatre volets d'intérêt général que je viens d'évoquer.
La proposition dont je souhaite débattre avec la Commission prend en compte les éléments apportés par le rapport de Maître GUILLOT, qui tendent à inciter les clubs professionnels à davantage investir dans leur outil de travail - l'enceinte sportive - pour asseoir leur développement économique.
L'interdiction absolue d'appel public à l'épargne sera levée. Le gouvernement français fera part à la Commission européenne de son intention de modifier en ce sens la loi française.
Il importe cependant d'encadrer cette possibilité, de façon proportionnée, aux buts d'intérêt général poursuivis.
Des contacts seront pris avec les services de la Commission et notamment avec la Direction Générale du Marché Intérieur pour trouver une solution conforme à la jurisprudence communautaire.
Ainsi, une hypothèse de travail pourrait consister à lever l'interdiction d'appel public à l'épargne de manière encadrée, en autorisant l'émission par les sociétés sportives d'obligations, voire même de titres participatifs, comme le suggère le rapport de Maître Guillot.
Les titres participatifs, comptabilisés comme des fonds propres de la société, ne donnent pas de droit de vote à l'assemblée générale. Leur rémunération comprend une part fixe et une part variable assise sur l'activité ou sur les résultats de la société.
En ce qui concerne les actions, leur émission dans le public pourrait être réservée aux sociétés sportives qui sont directement ou indirectement titulaires de droits réels sur l'équipement sportif dans lequel elles évoluent régulièrement.
En effet, l'existence d'un droit de propriété sur l'enceinte sportive me semble être une garantie quant à la solidité des actifs de la société et quant au lien qui l'unit à son territoire.
De plus, il est nécessaire d'offrir aux clubs qui souhaitent investir dans une infrastructure sportive, les moyens les plus étendus pour en assurer le financement.
En résumé, un club qui ne serait pas propriétaire de son équipement sportif pourrait émettre dans le public des obligations ou des titres participatifs. Un club qui serait propriétaire de son équipement sportif pourrait de surcroît émettre également des actions.
On peut d'ailleurs supposer qu'en toute hypothèse - si l'appel public à l'épargne était autorisé - l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) serait attentive à l'existence de tels actifs avant de donner son aval à la cotation en bourse de clubs professionnels.
Cet encadrement de la levée de l'interdiction d'appel public à l'épargne pour les sociétés sportives sera étudié en concertation étroite avec les services de la Commission. Elle me paraît tenir le plus grand compte des analyses que nous a livrées Maître Guillot.
Je souhaitais débattre de ces orientations avec les représentants du mouvement sportif, des fédérations, des ligues et des clubs professionnels.
Tel a été l'objet de nos échanges.
Je vous remercie.Source http://www.sports.gouv.fr, le 1 février 2006