Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur France info le 10 février 2006, sur l'adoption du projet de loi sur l'égalité des chances par l'Assemblée nationale et les premiers résultats du contrat nouvelles embauches.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- N'y avait-il pas d'autre moyen que ce passage en force, cette utilisation du 49-3 pour faire passer cette loi ?
R- Tout d'abord, pendant 44 heures de débat à l'Assemblée nationale, nous avons largement débattu, et de l'apprentissage, et de la création de ce contrat dit contrat "première embauche". Pourquoi ?
Q- L'amendement avait même été adopté...
R- Bien sûr.
Q- Ça avançait, donc.
R- Donc, nous avancions et nous avancions pourquoi ? Parce que nous sommes face à une situation d'un taux de chômage depuis 25 ans, de 23 % aujourd'hui, des jeunes, deux fois et demi de plus que le taux de chômage moyen national. Nous avons des jeunes qui galèrent, qui rentrent en CDD, dont la moitié est inférieure à un mois, qui passent par de l'intérim - moyenne quinze jours. Donc, la volonté du gouvernement, c'est d'en finir avec cette galère des jeunes. Voilà pourquoi, à côté des mesures portant contrat sur l'emploi, il y a des mesures sur le logement, sur l'accompagnement personnalisé vers l'emploi. L'ensemble de dispositifs, pour en finir avec la galère.
Q- Mais justement, vous dites que cela dure depuis 25 ans, cela pouvait encore attendre dix jours. ! Cela donne l'impression que vous méprisez un peu le Parlement.
R- Ecoutez, au contraire. Je me suis tenu 44 heures à la disposition du Parlement mais on a constaté hier matin, reprenant les travaux après le vote de l'amendement portant création du contrat "première embauche", auquel on avait consacré 11 heures, et nous avions d'ailleurs adopté les amendements Verts, amendements de l'UMP, amendements de l'UDF, et, hier matin, blocage pendant deux heures, de motion en motion, j'allais dire de demande de suspension de séance en rappel au règlement... Eh bien nous avons constaté que, manifestement, l'opposition ne souhaitait pas poursuivre le débat, alors qu'il y avait des sujets majeurs : haute autorité de lutte contre les discriminations, élargissement des zones franches urbaines. N'oublions pas que le texte d'égalité des chances se situe aussi dans une volonté d'en finir avec le chômage des jeunes dans un certain nombre de quartiers de ce pays où le chômage des jeunes est de 40, voire de 50 %. Je crois que la politique, quelque part, de la part de l'opposition, l'a emporté sur le débat, et des sujets qui nous attendent et que nous retrouverons au Sénat.
Q- Est-ce que vous, finalement, vous ne faites pas un coup politique ? Est-ce que le Premier ministre n'avait pas envie, finalement, de défier la gauche, de montrer ses gros bras ?
R- Si le Premier ministre avait souhaité défier, il aurait choisi d'autres voies. Il nous avait demandé, notamment aux ministres du pôle de Cohésion sociale, d'être à la disposition de l'Assemblée nationale, nous l'avons été, nous avons répondu point par point. D'ailleurs, le débat a permis d'enrichir un certain nombre de sujets, notamment la protection des jeunes femmes enceintes, c'est un débat dans lequel nous avons pu apporter un certain nombre de précisions. Donc, faire jouer au débat démocratique pleinement son rôle, ça a été le cas. Cela a été le cas parce que le contrat "première embauche" a été adopté par l'Assemblée nationale.
Q- Finalement, est-ce qu'il n'y a pas trop de choses dans votre projet de loi sur l'égalité des chances ? Le contrat "première embauche", c'est une mesure très importante : est-ce qu'elle ne méritait pas, à elle seule, une loi ? Est-ce que vous n'avez pas un CPE un peu honteux, de le faire passer par un amendement, comme ça ?
R- Non, je crois que le CPE trouvait pleinement sa place parce qu'il est un outil pour l'égalité des chances, il est un outil pour en finir avec cette entrée par CDD successifs, par intérim successif, par petits contrats. N'oublions pas la reconnaissance des stages, l'intégration dans le contrat de la formation par alternance. Nous avons notamment prévu d'obliger, d'obliger les entreprises à accueillir, fin 2006, au minimum 1 % de leurs effectifs de jeunes en contrat de formation et d'apprentissage, 2 % fin 2007, 3 % fin 2008. Voilà des objectifs précis que nous fixons, qui sont des exigences pour les entreprises, qui sont autant d'emplois et d'entrées dans l'emploi pour les jeunes.
Q- Il n'y aura pas de débat à l'Assemblée, il n'y a pas eu de négociations avec les syndicats. Sur la méthode, cela veut dire que les négociations avec les partenaires sociaux...
R- Attendez ! Le débat à l'Assemblée sur le contrat "première embauche" ou l'apprentissage - sur l'apprentissage, nous nous sommes beaucoup concertés - : 11 heures de débat sur le seul contrat "première embauche" avec les députés, un vote. Donc le sujet a été très largement abordé, et de manière approfondie, à l'Assemblée nationale. Ça va être maintenant au tour du Sénat et je ne doute pas que les cinq rapporteurs - car le Sénat a mobilisé de nombreuses commissions - entendront les partenaires sociaux.
Q- Vous attendez à un bénéfice, en termes d'emploi, de combien grâce au CPE ?
R- Si vous voulez, sur le contrat nouvelle embauche, quand on regarde l'enquête qui a été faite par les experts-comptables, 30 % des chefs 'entreprises disent qu'ils n'auraient pas créé d'emplois s'ils n'avaient pas eu le contrat "nouvelles embauches", c'est-à-dire quand on regarde sur près de 300.000 contrats, cela fait plus de 80 000 emplois qui on été créés.
Q- On verra aussi les licenciements dans quelques mois...
R- Aujourd'hui, le nombre de licenciements est extrêmement modeste, le directeur général de l'ANPE le situait à moins de 1 000. Mais naturellement qu'il faut se donner du temps, et d'ailleurs, nous avons prévu l'évaluation et c'est un rapport du Parlement - pour le contrat "première embauche", comme pour le contrat "nouvelles embauches" - au cours de l'année 2008. Mais ce que nous souhaitons créer, ce sont les conditions d'un nouveau compromis social, un vrai compromis social entre la souplesse du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels : droit individuel à la formation, création d'une allocation forfaitaire de chômage car plus de 55 % des jeunes n'ont jamais accès au régime d'assurance chômage. Donc la dimension de sécurisation des parcours par la formation, par le Loca-Pass pour l'accès au logement, voilà les priorités que le Gouvernement a voulu affirmer. La priorité c'est l'emploi des jeunes.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2006