Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, sur les grandes orientations du projet de loi réformant la fonction publique territoriale, au Sénat le 14 mars 2006.

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Circonstance : Présentation générale du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, au Sénat le 14 mars 2006

Texte intégral

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Voilà plus de trois ans que les élus, les représentants des personnels et les ministres successifs réfléchissaient à un projet global qui concernerait non seulement le quotidien, mais aussi l'avenir des 1 700 000 agents de la fonction publique territoriale et des quelque 55 000 employeurs, dont bon nombre d'entre vous font partie.
À l'évidence, ce texte arrive dans un contexte très favorable. Le salon de l'emploi public 2006, que j'ai inauguré la semaine dernière avec Christian Jacob, nous a permis de vérifier à quel point les Français étaient attachés à leur fonction publique. Un sondage effectué pour Le Monde et La Gazette des communes indique que 82 % des Français sont prêts à encourager leurs enfants à devenir fonctionnaire. (M. Paul Raoult s'esclaffe.) Certes, la sécurité de l'emploi constitue probablement une motivation forte mais je suis convaincu qu'elle n'est pas la seule. En effet, quand on interroge cette fois-ci les jeunes, apparaissent des motivations telles que le souhait d'être en contact avec le public, les possibilités d'évolution de carrière ou l'attrait de travailler au service de l'intérêt général et du service public.
De surcroît, le service public plébiscité par les jeunes Français est le service public de proximité. Selon une autre enquête d'opinion réalisée en juin 2004, 31 % des jeunes interrogés préféreraient la fonction publique territoriale, contre 27 % la fonction publique d'État et 23 % la fonction publique hospitalière.
Il est donc cohérent que la fonction publique territoriale soit la première à bénéficier d'avancées majeures. La présence de Christian Jacob, que je salue, le démontre et l'atteste.
La structuration de la fonction publique territoriale en métiers, déclinés en filières, et, au sein de ces filières, en cadres d'emplois, suscite un intérêt soutenu de la part de l'État employeur et constitue peut-être - Christian Jacob nous le dira tout à l'heure - une source d'inspiration.
Le contexte est donc favorable, mais les deux principaux défis qui se présentent aux collectivités territoriales se sont à l'évidence précisés depuis la préparation de ce projet de loi.
Le premier défi, vous le connaissez, est d'ordre démographique : d'ici à 2012, 38 % des fonctionnaires territoriaux - et, parmi ceux-ci, la moitié des cadres A - partiront à la retraite. Si nous n'y prenons pas garde, si nous n'anticipons pas ce mouvement, nos collectivités seront décapitées alors qu'elles ont déjà un taux d'encadrement bien inférieur à celui de l'État : 9 % pour la fonction publique territoriale, contre 18 % pour la fonction publique d'État.
Le second défi est celui de la performance et de l'efficacité accrue du service public de proximité face aux nouvelles étapes franchies par le processus de décentralisation.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales continue à produire ses effets. Il n'est pas opportun aujourd'hui de relancer un débat qui a déjà eu lieu, mais vous savez que, au total, 93 000 personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, et près de 130 000 postes d'agents de l'État sont en cours de transfert vers les collectivités. Chacun, quelle que soit sa conviction, s'accorde à reconnaître que cela modifiera en partie certaines règles de gestion des ressources humaines au sein de ces collectivités.
Mais avant de vous présenter les lignes de force de ce texte, je souhaite vous dire d'emblée, de manière à dissiper toute ambiguïté, que les ambitions du Gouvernement pour la fonction publique territoriale ne se limitent pas à ce seul projet de loi, comme je m'y étais clairement engagé devant les instances représentatives. Celui-ci s'accompagnera en effet d'un chantier réglementaire autonome très important pour les employeurs territoriaux comme pour les agents, chantier que je souhaite voir avancer très rapidement, en lien avec le protocole statutaire signé par trois fédérations de syndicats de fonctionnaires, en janvier dernier, dans le cadre des négociations salariales menées par mon collègue Christian Jacob, ministre de la fonction publique.
Ce chantier réglementaire est non seulement indépendant de celui des décrets d'application de la loi, mais il lui est même complémentaire.
Il porte, d'une part, sur l'importante question des seuils de création des emplois de grades. Les seuils de création des emplois fonctionnels relèvent de la loi - le projet de loi les aborde, j'y reviendrai. Mais il convient d'adapter aussi les seuils de création des emplois de grades, parallèlement aux dispositions législatives relatives à l'abaissement des seuils de création des emplois fonctionnels.
Est-il normal, comme le rappelait récemment le rapporteur Mme Jacqueline Gourault, qu'un excellent technicien supérieur qui obtient sa promotion dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux soit obligé de quitter sa commune d'emploi - qui l'aura aidé à réussir ses épreuves de concours - parce que celle-ci relève d'une strate démographique qui ne peut recruter d'ingénieur ? Quand il y a nécessité d'employer un ingénieur, pourquoi le refuser à une collectivité ? Nous apporterons ainsi des réponses positives à ces incohérences. En outre, afin de renforcer la professionnalisation de la fonction publique territoriale, les conditions d'occupation de ces emplois fonctionnels seront revues.
Ce chantier porte, d'autre part, sur la question des quotas d'avancement de grades. Il faut réfléchir à la question de la généralisation de la méthode du ratio promus/promouvables qui est actuellement en expérimentation.
Cette question, dont l'intérêt est bien évidemment commun aux trois fonctions publiques, est au nombre de celles qui figurent dans le protocole d'accord portant sur le volet statutaire signé au mois de janvier. Elle devra néanmoins tenir compte des spécificités de la fonction publique territoriale. Je sais que Christian Jacob a adopté la même position.
Je souhaite également que l'on progresse sur la question des quotas de promotion interne, permettant l'accès des fonctionnaires territoriaux aux cadres d'emplois supérieurs. Ces taux sont aujourd'hui trop faibles et insatisfaisants en termes d'évolution de carrière et de promotion sociale.
Ainsi, sur 100 agents, moins de 4 % ont été recrutés par cette voie. La proportion est un peu plus élevée en catégorie A - de l'ordre de 6 % - et en catégorie B - près de 5 %. Elle est en revanche plus faible en catégorie C, puisqu'elle est à peine supérieure à 3 %.
Est-il normal, madame Michèle André, que, dans une commune comme la ville d'Issoire - elle compte 13 000 à 14 000 habitants et est représentative -, un agent administratif recruté au plus bas de l'échelle indiciaire doive en pratique attendre trente-deux à trente-trois ans pour atteindre le grade ultime d'adjoint administratif principal de première classe et, de surcroît, évoluer dans un vivier de trente-deux agents administratifs homologues, vivier d'ailleurs inexistant dans une collectivité de cette strate ?
Dans un contexte de restructuration des cadres d'emplois de catégorie C et de forts assouplissements, voire de suppression d'un certain nombre de quotas d'avancement, on pourrait permettre à cet agent, bien entendu jugé compétent par son employeur, d'atteindre ce grade ultime en vingt-trois ou vingt-quatre ans - un gain de près de dix ans n'est tout de même pas négligeable - tout en le faisant évoluer dans un vivier qui serait limité à sept agents. Certaines promotions seraient ainsi, à juste titre, simplifiées et accélérées.
Enfin, la formation initiale des fonctionnaires territoriaux doit être réexaminée dans son ensemble, dans l'objectif, partagé par tous, de la réduction de la durée de la formation initiale au profit de la formation tout au long de la vie, sans pour autant négliger la nécessité d'une formation initiale minimale pour une catégorie de fonctionnaires territoriaux qui, aujourd'hui, n'en bénéficient que très partiellement : les agents de catégorie C, qui représentent 70 % de la fonction publique territoriale.
Il va donc de soi, j'insiste sur ce point, que le Sénat sera prioritairement associé à toutes ces évolutions. J'ai d'ores et déjà remis à la commission des lois une présentation de ces propositions réglementaires.
Je voudrais maintenant revenir à ce projet de loi, qui s'articulera avec toutes ces dispositions réglementaires pour apporter à la fonction publique territoriale des avancées majeures dans le cadre d'un dispositif global ambitieux.
Ce projet de loi a connu une trop longue gestation, tout le monde en conviendra, qui a duré trois années pleines.
Les groupes de travail, les études et les rapports qui se sont succédé ces derniers mois convergent sur la nécessité d'une réforme clairement affichée de la fonction publique territoriale. Je citerai, sans être exhaustif : les rapports des groupes de travail constitués au sein de la Haute Assemblée - et d'abord celui de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois -, le rapport de M. Courtial sur les institutions de la fonction publique territoriale, ainsi que le rapport de M. Dreyfus, administrateur territorial.
Monsieur le président du Sénat, je sais le rôle que vous avez joué pour initier ce projet. La réflexion a été alimentée par les rapports du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale Prévoir la mutation de la fonction publique territoriale vingt ans après sa création et Les diplômes de la vie -, mais aussi du groupe de travail « Fonction publique territoriale » de l'Association des maires de France - Mme Gourault ne me contredira pas - : Moderniser la fonction publique territoriale pour valoriser nos territoires.
Au lieu d'être empilés dans un coin et de rester lettre morte, ces rapports ont été utilisés. Nous y avons en effet puisé un certain nombre d'idées et de propositions grâce à un effort d'analyse, de compréhension et de compilation.
Permettez-moi tout de même de distinguer, dans cette constellation « l'étoile polaire » : le rapport du Sénat rédigé à la demande de son président sous l'autorité de M. Hyest Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation. Ce rapport est remarquable et très utile. Il s'agit non pas de compliments d'usage, mais bien d'une réalité : sur les trente-quatre propositions du groupe de travail, les deux tiers seront reprises dans la loi ou les décrets l'accompagnant.
Des mesures aussi essentielles que la reconnaissance du droit à la formation tout au long de la vie, le développement de la validation des acquis de l'expérience ou le renforcement de la mobilité entre les fonctions publiques d'une part, et avec le secteur privé d'autre part, sont clairement préconisées. Dont acte, monsieur Hyest...
Je le rappelle à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, ce projet de loi que j'ai présenté avec Christian Jacob a fait l'objet, le 16 novembre dernier, d'un avis favorable très largement consensuel du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Cet avis favorable a été donné à près de 70 % des voix, aucune voix ne s'y opposant du côté du collège des employeurs, et trois organisations syndicales sur six lui apportant leur soutien.
Pour être tout à fait précis, cela signifie que, pour le collège des élus, les représentants au Conseil supérieur provenant de l'UMP, de l'UDF, du parti socialiste et du parti communiste s'y sont associés ou, en tout cas, ne s'y sont pas opposés. Et je citerai, par honnêteté, la position du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Bernard Derosier, également député, qui a lui-même approuvé ce projet.
Le projet que j'ai présenté au Conseil supérieur de la fonction publique (Ah ! sur les travées du groupe socialiste), vous avez raison de le souligner, monsieur Mahéas, car cela mérite quelques précisions.
Ce résultat a été le fruit d'une vaste concertation avec les associations d'élus - l'Association des maires de France, l'AMF, l'Association des départements de France, l'ADF, et l'Association des régions de France, l'ARF - qui ont toutes apporté leur soutien au projet et ont manifesté leur assentiment.
Ce texte a ensuite été soumis à l'avis du Conseil d'État.
J'ai entendu un certain nombre de réactions à l'issue de cet examen, portant sur la version finalement retenue par le Gouvernement et adoptée, sur notre rapport, cher Christian Jacob, par le conseil des ministres du 11 janvier 2006.
Je voudrais faire quelques remarques sur ce point.
À mon sens, le Conseil d'État a pleinement rempli son rôle lors de cet examen. Le travail d'instruction et l'examen par la section compétente et l'assemblée générale ont été de très grande qualité. Sur le plan formel, le texte qu'il a proposé au Gouvernement d'adopter était fortement amélioré - c'est normal - par rapport au texte soumis à son examen. L'essentiel des modifications qu'il a apportées est d'ordre purement juridique et concerne le partage entre la loi et le règlement, le Conseil veillant à purger le texte issu de la consultation du CSFPT de ses dispositions de nature réglementaire.
Je le dis aujourd'hui, comme je l'ai dit au Conseil supérieur, ces dispositions réglementaires seront reprises par le Gouvernement dans les décrets d'application. Certaines dispositions sont, à cet égard, annoncées par l'exposé des motifs du projet de loi, comme le livret de formation. La ligne de fond, mesdames, messieurs les sénateurs, n'a donc pas varié ; c'est seulement le vecteur juridique qui a changé.
Le Conseil d'État - c'est aussi son rôle - a par ailleurs veillé à la cohérence d'ensemble du dispositif, notamment institutionnel, à l'équilibre et à la lisibilité de la répartition des compétences dans le nouveau paysage que porte ce projet de loi, s'agissant de la gestion et de la formation des personnels territoriaux. Il a souhaité, dans ce cadre, ajuster les compétences de chacune de ces institutions, celles qui existent - le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT - ou celles qui devront être créées éventuellement - le Centre national de coordination des centres de gestion -, précisément pour les mettre en cohérence.
Le Gouvernement a pris en compte ces éléments d'ordre institutionnel, qui améliorent le dispositif présenté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Cela étant dit, le Gouvernement ne renonce à rien de ce qui lui paraît fondamental.
D'une part, le principe de parité, qui est au coeur de la fonction publique territoriale, est confirmé. Il n'est pas question de dépouiller le CSFPT de son rôle, et le texte déposé sur le bureau du Sénat, dont je reconnais bien volontiers qu'il peut être, sur ce plan, complété ou précisé, madame le rapporteur, ne porte en rien atteinte à ce principe fondamental.
Je souhaite, d'autre part, que les conférences régionales annuelles relatives à l'emploi public territorial soient ouvertes aux délégations régionales du CNFPT et aux organisations syndicales - ces dernières s'intéressant aux questions de la formation -, et que soit ainsi réaffirmé, sur ce sujet, le principe de parité.
Je suis par ailleurs favorable à ce que le rôle du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale soit renforcé sur un point essentiel, à savoir son rôle de représentation des employeurs territoriaux vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment dans le domaine de la négociation salariale.
Les employeurs territoriaux - vous le savez, car très nombreux sont parmi vous ceux qui vivent cette situation au quotidien - sont aujourd'hui, institutionnellement, exclus de ce débat. Lorsqu'on emploie 1,7 million de salariés, cela ne me semble pas normal. Je ne verrais donc que des avantages, monsieur le président Hyest, madame le rapporteur, à ce qu'un collègue employeur, interlocuteur des pouvoirs publics, soit identifié au sein du Conseil supérieur.
Enfin, il est indispensable de donner aux exécutifs territoriaux - surtout aux maires des petites communes qui ont aujourd'hui un besoin de renforcement des compétences de leur encadrement supérieur - les moyens d'exercer les responsabilités qui sont les leurs. C'est tout l'objet de l'abaissement du seuil de la création des emplois fonctionnels.
Il ne s'agit nullement de politiser l'encadrement supérieur, contrairement à ce que j'ai entendu dire ou plutôt chuchoter... Les fonctionnaires déchargés de fonction sont extrêmement peu nombreux, et il n'y a aucune raison que cet abaissement du seuil de création modifie cette situation.
De 1988 à 2002, seulement 67 agents ont été pris en charge par le CNFPT à la suite d'une décharge de fonction. Il s'agit donc d'un faux débat. En revanche, instaurer ce rapport de confiance entre le maire et son principal collaborateur, lui permettre de s'appuyer sur des cadres formés et compétents, est une vraie nécessité. C'est l'objet de l'abaissement des seuils de création des emplois fonctionnels.

C'est vous dire que le Gouvernement a pleinement assumé ses responsabilités lorsqu'il a rétabli les dispositions qui avaient été supprimées lors de la phase consultative, mais qui lui paraissent essentielles.
Ainsi replacé dans ce contexte d'échanges nourris et approfondis entre tous les acteurs territoriaux depuis de longs mois, ce projet de loi relatif à la fonction publique territoriale répond à trois grandes ambitions.
Il faut, d'abord, donner plus de liberté aux élus locaux dans la gestion des ressources humaines. Il est temps de faciliter la tâche des 55 000 employeurs territoriaux et de leur donner de nouveaux moyens.
Il faut, ensuite, et c'est impératif, rendre la fonction publique territoriale plus attractive, plus efficace et plus adaptée à ce que l'on attend d'elle aujourd'hui.
Il faut, enfin, clarifier le paysage institutionnel de la fonction publique territoriale pour le rendre plus lisible, plus rationnel, et donc plus efficace.
Donner plus de liberté et de sécurité aux élus locaux, cela signifie donner plus de responsabilités aux collectivités en leur qualité d'employeurs, et leur permettre, et nous serons sans doute tous d'accord sur ce point, de recruter, au-delà des seuils actuels, des collaborateurs sur des emplois fonctionnels.
L'emploi fonctionnel, c'est la garantie, pour le maire, le président de conseil général ou de conseil régional, de pouvoir recruter un collaborateur sur lequel il puisse s'appuyer en toute confiance, sans préjudice des garanties dont bénéficient déjà les agents intéressés en cas de perte d'emploi. J'ai souhaité personnellement que cette possibilité de recrutement soit élargie.
C'est ainsi que le projet de loi permet aux communes de 2 000 habitants au moins, contre 3 500 aujourd'hui, de créer un emploi fonctionnel de directeur général des services. Cela signifie que 2 000 petites communes sont concernées par cet abaissement du seuil. De la même façon, les communes de plus de 10 000 habitants pourraient créer des emplois fonctionnels de directeur des services techniques, alors que le seuil est aujourd'hui de 20 000 habitants.
Les établissements publics intercommunaux à fiscalité propre bénéficieront également d'une plus grande souplesse dans la création des emplois fonctionnels. Le seuil de création de l'emploi de directeur général des services sera abaissé de 20 000 à 10 000 habitants, et celui de l'emploi fonctionnel technique, de 80 000 à 10 000 habitants. Le débat n'est pas clos, je le sais, et je suis très ouvert à une discussion avec vous sur le niveau approprié des seuils.
Je le dis solennellement : l'emploi fonctionnel, ce n'est pas la politisation et il n'a absolument rien à voir avec les prémisses du spoil system. L'emploi fonctionnel, c'est le rapport de confiance, indispensable, entre l'exécutif territorial et les cadres de direction de l'administration centrale.
Aujourd'hui, - et là encore, je suis sûr de ne pas être contredit - les maires des petites communes sont condamnés à recruter des attachés débutants, dont ils assurent en réalité la formation, pour les voir, ensuite, quitter la commune pour un poste de débouché.
Cette situation n'est pas satisfaisante ; il faut donc la corriger, et c'est ce que prévoit le projet de loi.
Ensuite, donner plus de sécurité aux élus locaux dans la gestion des ressources humaines, c'est renforcer les mécanismes de régulation.
Il faut d'abord régler la question irritante des mutations d'agents qui viennent d'être titularisés. Je suis de ceux qui estiment illogique de voir une collectivité qui a financé la formation initiale d'un fonctionnaire territorial faire ensuite les frais d'une mutation intervenant aussitôt après la titularisation.
C'est d'ailleurs une réflexion qui m'a été soufflée par un membre de la Haute Assemblée, dont je tairai cependant le nom pour l'instant puisqu'il n'est pas actuellement dans l'hémicycle.
Cette collectivité a ainsi « investi » pour un agent, et elle n'a aucun « retour sur investissement ». Elle a en quelque sorte formé pour le compte d'un autre employeur.
Pour lutter contre ce phénomène, sans que l'on puisse l'interdire complètement, sauf à porter atteinte à des garanties statutaires majeures, le projet de loi prévoit une clause de remboursement par la collectivité qui « débauche » ainsi un fonctionnaire formé sur le budget du premier employeur, dès lors que la mutation intervient dans les trois ans suivant la titularisation. Cette indemnité correspond au coût direct de la rémunération versée à l'agent pendant sa période de formation initiale, ainsi que le coût des formations complémentaires éventuellement réalisées. J'ai confiance en ce mécanisme de régulation pour mettre un terme à quelques abus, très pénalisants pour les petites collectivités, qui, je le rappelle, constituent le coeur de cible de ce projet de loi.
Enfin, réguler la gestion des ressources humaines, c'est permettre aux régions et aux départements qui le souhaiteraient de s'affilier aux centres de gestion pour la gestion des agents de l'État transférés aux collectivités locales à la suite de la loi du 13 août 2004.
Ce sont principalement les 93 000 personnels TOS qui sont concernés, eux qui forment le gros bataillon des agents mis à disposition.
Je veux ensuite insister sur la nécessité de rendre la fonction publique territoriale plus attractive.
Comme je l'ai dit, me semble-t-il, à l'occasion d'une réponse à une question d'actualité, les collectivités locales offrent une palette exceptionnelle d'activités, avec leurs 253 métiers, dans les filières techniques, sociales, administratives ou culturelles. Des métiers passionnants, comme ceux qui sont liés à la petite enfance, au secteur du patrimoine, à l'encadrement, aux contrôles des travaux, manquent de « bras ». Il importe de trouver ces personnels d'ici à 2012, date à laquelle 38 % des effectifs seront partis à la retraite.
Je souhaite aussi renforcer l'attractivité et l'exemplarité de la fonction publique territoriale. J'ai dit tout à l'heure que je voulais qu'elle devienne pionnière, et nous n'y parviendrons qu'avec le soutien de votre assemblée.
La rendre plus attractive, cela suppose, en premier lieu, de prendre en compte l'expérience déjà acquise par les agents territoriaux, comme par les candidats à l'entrée dans la fonction publique territoriale. Mon collègue Christian Jacob vous en parlera plus précisément tout à l'heure.
Quel est le but ?
Il s'agit, d'abord, de faire de l'expérience professionnelle un équivalent de la formation statutaire obligatoire ou de dispenser certains candidats au recrutement par concours interne ou troisième concours, d'épreuves correspondant à cette expérience. C'est tout l'objet de la reconnaissance de l'expérience professionnelle.
Il s'agit, ensuite, de faciliter l'entrée dans la fonction publique territoriale de personnes venant du secteur privé, avec un mécanisme de reconnaissance de l'ancienneté. Tel est notamment l'objet des troisièmes concours.
Il s'agit, enfin, d'adapter le régime des concours pour qu'ils soient moins académiques - nous avons tous des expériences à cet égard -, qu'ils deviennent plus performants en termes de recherche des compétences et de la motivation des candidats. C'est l'ambition des concours sur titre, qui existent déjà dans la fonction publique territoriale, mais dont je souhaite un renforcement très significatif.
Cette prise en compte de l'expérience déjà acquise doit se faire en premier lieu lors de l'entrée dans la fonction publique territoriale. Sur ce plan, les évolutions relèvent tant de la loi que du domaine réglementaire.
Je souhaite, sur le plan réglementaire, que les troisièmes concours se développent. Aujourd'hui, une vingtaine de cadres d'emplois, sur près de soixante, sont déjà accessibles par un troisième concours qui s'adresse principalement à des candidats issus du secteur privé. Je souhaite donc une généralisation de cette troisième voie d'accès à la fonction publique territoriale, sans que les statuts particuliers constituent un frein, soit du fait de la nature des épreuves de ces concours, soit du fait des conditions de reclassement des lauréats des concours. Il faut regarder de près comment on peut prendre en compte l'ancienneté, c'est-à-dire l'expérience acquise par des candidats venant du secteur privé, lors de leur intégration dans la fonction publique territoriale.
Dans cet esprit, je rappelle que, pour les agents de catégorie C, des dispositions ont été publiées et permettent une reprise d'ancienneté compte tenu des services accomplis antérieurement dans le secteur privé, pour ceux qui sont entrés dans la fonction publique territoriale soit par la voie du troisième concours, soit par la voie du concours externe. Des dispositions analogues seront prises prochainement à l'égard des agents des catégories A et B.
Je souhaite aussi qu'un véritable changement intervienne dans la culture administrative, et j'oeuvrerai pour que la fonction publique territoriale en soit le laboratoire. Les concours de la fonction publique sont aujourd'hui principalement des concours sur épreuves. J'entends faire en sorte que, dans la fonction publique territoriale, les concours sur épreuve soient progressivement remplacés par des concours sur titre avec épreuves. Ce n'est pas la même chose : le concours sur épreuve est trop souvent académique ou universitaire, trop théorique.
Le concours sur titre avec une ou deux épreuves, c'est au minimum un entretien qui permet de mesurer la motivation et de cerner la personnalité du candidat, avec la vérification de l'existence du titre et les garanties de neutralité du concours.
Il n'est pas normal de devoir refaire passer à un candidat pourvu d'un diplôme d'État, comme une puéricultrice, des épreuves académiques qu'il a déjà passées avec succès pour son diplôme.
Quant à ce titre, il peut résulter du diplôme, mais aussi - et c'est là un point très important - de la validation des acquis de l'expérience, la VAE, à l'issue d'une analyse du parcours professionnel des candidats et de la labellisation de ce parcours par la reconnaissance d'une équivalence de diplôme. C'est cela aussi la reconnaissance de l'expérience professionnelle.
Je vous le dis très clairement et sincèrement : il n'y a pas, en la matière, de position doctrinale ni de ma part ni de celle des autres membres du Gouvernement. Notre approche est pragmatique. Le concours sur titre permet le choix de candidats précisément adaptés au poste, et motivés. C'est là l'essentiel.
Sans en être la justification première, la substitution progressive des concours sur titre aux concours sur épreuves présente également un intérêt économique et financier : les premiers ont pour conséquence d'alléger le coût des concours. Et si ce n'est pas le but, c'est une conséquence qui peut avoir son importance, dans l'équilibre financier des transferts de compétences entre le CNFPT et les centres de gestion, point sur lequel je reviendrai tout à l'heure.
Rendre la fonction publique plus attractive suppose, en deuxième lieu, de valoriser les efforts de formation individuelle faits par les agents territoriaux, et surtout de reconnaître ces efforts par des promotions internes.
L'objectif est clairement que les formations qualifiantes soient prises en compte lors de l'examen par les commissions administratives paritaires des dossiers individuels des agents « promouvables ». Il ne s'agit pas de faire des formations qui sont suivies un critère d'inscription sur les tableaux d'avancement en tant que tel - ce serait naturellement trop réducteur et porteur de dérives. Mais les efforts de formation doivent figurer dans le « faisceau d'indices » de l'évaluation de la valeur professionnelle, qui, elle, est prise en compte pour les promotions.
Le projet de loi structure ces parcours de formation et leur donne corps.
Le droit individuel à la formation, le DIF, est l'une des dispositions centrales du projet de loi, car, j'ose le dire, elle permet une des plus importantes avancées sociales de ces dernières décennies.
Le Gouvernement attache une importance particulière au rééquilibrage entre, d'une part, les formations initiales qu'il n'est pas question de négliger, mais qu'il importe de repenser dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une meilleure adaptation aux besoins des employeurs et, d'autre part, la formation tout au long de la vie, dont le premier jalon a été posé pour le secteur privé par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Il convient que la fonction publique s'engage fermement dans cette voie, et la fonction publique territoriale sera, à l'occasion de ce projet de loi, la première à voir inscrit dans son statut ce droit individuel à la formation. M. le ministre de la fonction publique m'a accompagné dans cet effort.
De quoi s'agit-il concrètement ? Il s'agit de donner à chaque agent de la fonction publique territoriale un droit à formation, droit qui ne restera pas théorique, puisqu'il est quantifié dans la limite de vingt heures par an, cumulable sur six ans et plafonné à cent vingt heures.
Soyons clairs : ce n'est pas une formation de « confort » ou d'intérêt personnel qui est visée. Il ne s'agit pas pour les agents publics de se « faire plaisir » en se formant. C'est pourquoi le DIF est centré sur les formations de perfectionnement et sur les actions de préparation aux concours et aux examens professionnels.
Ainsi, un technicien territorial en charge des installations électriques des bâtiments municipaux pourra suivre, dans le cadre du DIF, une formation de spécialisation aux nouvelles normes de sécurité, de plus en plus précises, et je n'ose dire tatillonnes...
Rendre la fonction publique territoriale plus attractive, c'est, en troisième lieu, permettre son accès par des passerelles entre les fonctions publiques.
Le projet de loi prévoit que les magistrats et les militaires pourront désormais se présenter aux concours internes de la fonction publique territoriale. Ils avaient été oubliés, à l'inverse de ce qui existe dans la fonction publique de l'État et dans la fonction publique hospitalière.
Dans le même esprit, le projet de loi prévoit la possibilité de détachements dans la fonction publique territoriale de fonctionnaires venant de la fonction publique hospitalière.
C'est dans le sens de l' « unicité » des fonctions publiques que s'inscrit ce projet de loi.
Je souhaite aussi - j'insiste sur ce point qui, pour de multiples raisons, me tient à coeur et que j'ai souligné lors de mon audition par la commission des lois - que l'on améliore les passerelles de la fonction publique territoriale vers la fonction publique de l'État. Celles-ci existent déjà, mais partiellement. Nul besoin de dispositions législatives à cet égard, mais il est nécessaire de se pencher sur ce dossier, qui concerne au premier chef l'adaptation des statuts particuliers des corps de l'État.
C'est un travail réglementaire important que le ministre de la fonction publique a entamé avec l'ouverture, et je l'en remercie, du corps des administrateurs civils aux administrateurs territoriaux et qui concernera l'ensemble des corps de l'Etat.
Enfin, la fonction publique territoriale doit aussi poursuivre son effort de professionnalisation. C'est en étant très professionnelle qu'elle saura attirer.
C'est pourquoi il est nécessaire, dans le cadre général du rééquilibrage que j'ai déjà évoqué entre la formation initiale et la formation permanente, de prévoir une formation initiale, uniquement là où elle est indispensable.
En prévoyant, dans son l'article 1er, qui modifie la loi du 12 juillet 1984 sur la formation des agents de la fonction publique territoriale, que la formation professionnelle consiste notamment en des actions de formation initiale d'intégration à l'emploi « dispensées aux agents de toutes catégories », le projet de loi fait de la formation initiale des agents de catégorie C, formation aujourd'hui partielle, une obligation statutaire. Cette disposition témoigne, une nouvelle fois, du caractère très social du texte qui vous est soumis.
Les décrets relatifs aux différents cadres d'emploi concernés en préciseront la portée. J'indique néanmoins, à ce stade, qu'il ne s'agit pas d'instaurer une formation longue. J'ai demandé que ce soit des formations courtes et centrées sur l'environnement de travail, parce qu'elles doivent être peu coûteuses et bien adaptées aux besoins des agents, sans être pénalisantes pour les employeurs territoriaux. Ces formations seront réservées aux agents de catégorie C, et complétées, le cas échéant, pour les emplois les plus spécifiques, par des formations spécialisées à caractère technique, afin de ne pas fermer la porte.
Apprécions les enjeux de cette mesure phare. En 2001, le nombre de jours de formation par an et par agent de catégorie C était de 1,9. L'objectif est de parvenir, à terme, à environ trois jours par an pour ces agents, qui, je le répète, constituent plus des trois quarts des fonctionnaires territoriaux. Ainsi, ils seront non pas les laissés-pour-compte, mais les grands bénéficiaires de la réforme.
Enfin, ce texte clarifie le paysage institutionnel de la fonction publique territoriale - cela me paraît indispensable ! - pour rendre plus efficaces les organes de formation et de gestion des personnels.
Des institutions existent, on les connaît : le Centre national de la fonction publique territoriale ? CNFPT - théoriquement chargé de la formation, mais dont le rôle s'étend aussi, aujourd'hui, à la gestion ; les centres de gestion départementaux ou interdépartementaux, qui ont une fonction de gestion, mais amputée de ce qui est assuré par le CNFPT ; enfin, bien sûr, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT. Il faut y ajouter les collectivités non affiliées.
Je le dis très clairement : je suis très ouvert au débat, car - je suis sûr que c'est l'un point sur lesquels nous nous rejoindrons - les institutions ne sont pas un but en elles-mêmes.
Elles ne sont utiles que par le rôle qu'elles peuvent remplir. Mais elles doivent s'articuler de manière cohérente. Or, chacun le reconnaît fort honnêtement, des améliorations doivent être apportées sur ce plan. Un rééquilibrage et des clarifications sont nécessaires, comme le soulignent d'ailleurs la plupart des rapports cités tout à l'heure. Le projet de loi s'y emploie.
Le CSFPT, tout d'abord, est la clef de voûte du dispositif institutionnel. Le Gouvernement avait accepté d'en rappeler les compétences éminentes en matière de représentation des exécutifs territoriaux et des agents territoriaux, soulignant par là même son caractère de lieu de dialogue social. L'avis du Conseil d'État nous a incité à supprimer quelques dispositions ; cependant, si la Haute Assemblée - et je m'adresse bien à l'ensemble de ses membres - estime que ce ne serait pas contrevenir à la délimitation du domaine législatif et du domaine réglementaire que d'inscrire dans la loi des dispositions relatives au rôle et aux compétences du Conseil supérieur, c'est bien volontiers que nous le ferons. C'est là un élément important que je tenais à signaler à l'attention de M. Mahéas, qui ne semble pourtant guère m'écouter ! (Si ! si ! sur les travées du groupe socialiste.) Comme c'était une bonne nouvelle, je souhaitais qu'il l'entende !
Il est en tout cas une disposition dont la portée est très forte : celle qui instaure le collège des élus comme interlocuteur du Gouvernement pour les négociations salariales qui sont régulièrement menées avec les syndicats de fonctionnaires. Ceux-ci étant 1,7 million, il est assez logique que les « patrons » des collectivités locales aient leur mot à dire quand il s'agit de discuter les augmentations du point d'indice concernant l'ensemble de la fonction publique territoriale !
Quant au CNFPT, dont la vocation est la formation, il assume aussi, de fait, des missions de gestion. Cela conduit à une confusion certaine, je le dis comme je le pense, non seulement dans la lisibilité des attributions, mais aussi dans le fonctionnement, car, autant le principe du paritarisme, que respecte pour partie le CNFPT, est pleinement justifié en matière de formation professionnelle, autant il n'a pas de raison d'être lorsqu'il s'agit de recrutements et d'organisation des concours.
Le projet de loi comporte des dispositions relatives à la formation tout au long de la vie, au DIF, au livret de formation, à la reconnaissance de l'expérience professionnelle, la REP, et à la validation des acquis de l'expérience, la VAE : pour qu'elles trouvent leur plein effet, il convient qu'une institution les fasse vivre. Cette institution, c'est le CNFPT, avec ses délégations régionales et ses écoles d'application. Il s'agit non seulement de le recentrer sur ses missions de formation, mais aussi de développer celles-ci. Je lui fais d'ailleurs totalement confiance à cet égard.
Ainsi, il lui reviendra d'abord de mettre en oeuvre concrètement les procédures de reconnaissance de l'expérience professionnelle.
C'est à lui également que doivent incomber l'analyse et l'accompagnement des demandes de validation des acquis de l'expérience. Il n'en a pas le monopole, certes, mais cela entre dans sa vocation naturelle.
C'est à lui enfin qu'il revient de faire en sorte que le droit individuel à la formation soit une réalité concrète, puisque les formations de perfectionnement en vue de développer la qualification des agents et les actions de préparation aux concours, qui constituent le coeur du DIF, pourront être et, dans la pratique, sont principalement organisées par le CNFPT.
Pour qu'il puisse se consacrer à ces tâches nouvelles, qui sont de première importance, le CNFPT doit être déchargé des tâches de gestion de proximité qui entrent à l'inverse dans la sphère de compétence des centres de gestion : c'est le cas, par exemple, de la prise en charge des personnels de catégorie A momentanément privés d'emplois et du reclassement des fonctionnaires de cette même catégorie devenus inaptes à leur emploi.
Dans notre esprit, ce rééquilibrage doit se faire à coût constant, conformément à la demande expresse, précise et constamment réaffirmée avec une grande force par le président du Sénat, M. Poncelet. C'est donc une règle que s'est fixée le Gouvernement.
Je voudrais insister sur un point : je ne pense pas que le projet de loi soit générateur de dépenses nettes nouvelles. Certes, de nouvelles formations sont mises en place, notamment la formation initiale pour les agents de la catégorie C, mais des économies vont par ailleurs être possibles, d'abord du fait de la pyramide des âges, qui entraînera le départ des agents les plus anciens, donc aux indices les plus élevés, ensuite parce que les formations initiales seront raccourcies, enfin grâce à la suppression de nombreuses épreuves aux concours.
J'ajoute que le CNFPT tirera nécessairement profit de la priorité que donne le projet de loi à la formation permanente : il me paraît clair que, sans en avoir le monopole, bien entendu, il en sera l'opérateur presque naturel, en tout cas privilégié, et qu'il en retirera les ressources correspondantes.
De la même façon, le CNFPT interviendra dans le processus de la validation des acquis de l'expérience, intervention qui sera bien sûr facturée.
Enfin, n'oublions pas que l'assiette du « 1 % formation » sera considérablement élargie par l'arrivée progressive des fonctionnaires de l'État qui intégreront la fonction publique territoriale dans le cadre du droit d'option, comme je l'ai déjà évoqué ; cela concerne 130 000 personnes.
Je suis donc porté à faire spontanément confiance au CNFPT et aux centres de gestion pour trouver ensemble, par le contrat, comme le prévoit le projet de loi, la voie d'un consensus.
Pour que rien ne soit laissé au hasard, j'indique que j'ai présenté aux organisations syndicales et aux associations d'élus un protocole d'accord, que l'on pourrait qualifier de « clause de revoyure », afin que l'ensemble des parties concernées se retrouvent autour d'une table, chiffres en main, une fois les dispositions de la loi entrées en vigueur et les bilans réalisés, authentifiés et vérifiés. Si cela conduit à proposer la modification des taux de cotisations, nous étudierons cette éventualité et le législateur, le cas échéant, en serait saisi. Mais, je le dis très clairement, ce n'est pas aujourd'hui mon hypothèse de travail.
Dans la perspective de cette clarification du paysage institutionnel, un certain nombre d'interlocuteurs m'avaient laissé entendre qu'il fallait absolument créer une structure nationale, sous forme d'un établissement public, qui soit en quelque sorte « tête de réseau » des centres de gestion : c'est le centre national de coordination des centres de gestion, prévu à l'actuel article 10 du projet de loi.
Cette structure aurait eu pour double objet de favoriser la nécessaire coopération entre les centres de gestion dans l'exercice de leurs nouvelles attributions et, par ailleurs, d'assumer des missions de gestion à l'attention des fonctionnaires de catégorie A.
Dans le cadre de ces dernières missions, elle aurait organisé pour toutes les collectivités, affiliées ou non, les examens professionnels de cette catégorie d'agents et aurait été chargée de la publicité des créations et vacances d'emplois de catégorie A ainsi que de la gestion de la bourse nationale des emplois, sans oublier la prise en charge des déchargés de fonctions ou le reclassement de ceux qui sont devenus inaptes à l'exercice de leur fonction.
Il s'agissait donc de vraies compétences portées par une structure nouvelle, non coûteuse, qui, m'avait-on assuré, devait faire l'unanimité autour d'elle. Or le vote de la commission des lois a très clairement montré, si j'ai bien compris le message qu'elle nous a adressé, qu'il n'en était rien et que, s'il était certes nécessaire de faire exercer ces missions par le réseau des centres de gestion, un établissement public national, même doté de ressources limitées et fixées par le législateur, ne suscitait que méfiance et incompréhension.
Je vous indique donc que je suis ouvert à toute formule qui privilégierait le transfert des missions de gestion des ressources humaines actuellement exercées par le CNFPT au réseau des centres de gestion ou à un centre de gestion sans retenir la création d'une structure nationale nouvelle, tant il est vrai que certains précédents en la matière doivent inciter à une grande prudence. Car, dans ce rééquilibrage du paysage institutionnel, il ne faut pas oublier l'essentiel, qui consiste, au-delà de l'extension de leurs compétences de gestion, dans le renforcement du rôle des centres de gestion.
Je souhaite que ceux-ci se voient reconnaître une véritable mission de « centres d'information en matière de gestion des ressources humaines ». C'est pourquoi je souhaite également qu'ils soient « calés » sur l'échelon qui, en l'occurrence, me paraît être le plus pertinent : le niveau régional. Telle est la portée de l'identification des centres de gestion coordinateurs et des compétences qui leur sont reconnues à cet égard.
Dans mon esprit, les centres de gestion sont appelés à prendre le relais du CNFPT dans les tâches d'organisation de tous les concours, à l'exception des seuls concours de recrutement aux cadres d'emplois ouvrant sur une scolarité, qui doivent rester réservés au CNFPT : il s'agit des concours d'administrateurs territoriaux, de conservateurs du patrimoine, de conservateurs des bibliothèques et de lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels.
Sous cette réserve, ce sont les centres de gestion qui organiseront pour les collectivités et les établissements publics qui leur sont obligatoirement affiliés l'ensemble des concours et examens des catégories A, B et C.
Par ailleurs, toujours dans un souci de cohérence, les centres de gestion passeront entre eux des conventions, au moins au niveau régional, pour l'organisation des concours de catégorie A. Ils seront les organisateurs exclusifs des concours concernant les catégories A et B relevant des filières administrative, technique, culturelle, sportive et des polices municipales.
La fonction publique territoriale y gagnera en lisibilité, tout particulièrement s'agissant des calendriers des concours.
Les centres de gestion voient ainsi leurs missions développées non pas seulement dans le cadre d'un jeu de « vases communicants » avec le CNFPT, mais surtout dans un souci, encore une fois, de clarté et de cohérence. Les centres de gestion sont clairement identifiés comme les structures d'appui et de ressources de toutes les collectivités, de leurs agents et des candidats à un emploi public territorial. Ils ont pour vocation, je l'affirme, de devenir des pivots en matière d'emploi public territorial.
Les centres de gestion doivent aussi voir leur rôle de gestionnaires de proximité accentué. C'est ainsi qu'ils mutualiseront les opérations liées aux autorisations spéciales d'absence pour les collectivités employant moins de 50 agents.
Au-delà de ces compétences particulières, leur rôle sera renforcé en matière de gestion prévisionnelle des effectifs, d'emplois et des compétences. J'ai souhaité que cette dernière mission apparaisse nettement dans la loi. Elle prendra la forme de conférences annuelles régionales, suggérées par le Conseil d'État et acceptées par le Gouvernement, de préférence aux structures administratives lourdes et complexes qui figuraient initialement, sous l'appellation de « comités régionaux pour l'emploi public territorial », dans la version que j'avais présentée au CSFPT. Acceptant cette substitution, le Gouvernement n'a en rien abandonné l'objectif : les conférences régionales devront développer une approche fine de l'évolution de l'emploi public territorial.
Enfin, je n'oublie pas les organisations syndicales, qui font vivre le dialogue social dans les collectivités ou dans les centres de gestion qui gèrent pour le compte des collectivités. Des mesures significatives concernant les moyens mis à la disposition des organisations syndicales ou la reconnaissance d'un déroulement de carrière non pénalisant pour tout représentant syndical, sans compter la généralisation - à certaines conditions, je tiens à le rappeler - des autorisations spéciales d'absence, sont prévues dans ce projet de loi ; nous pourrons y revenir.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations et les lignes de force du projet de loi. La présentation que j'en ai faite n'est naturellement pas exhaustive, car je me suis attaché à des aspects très précis et très techniques. Je n'ai pas évoqué, par exemple, les avancées que contient le texte en matière d'hygiène et de sécurité, de médecine préventive, de recrutement des personnes handicapées.
Je pense néanmoins qu'avec ce projet de loi, et au bénéfice des améliorations que le Sénat voudra bien y apporter, la fonction publique territoriale franchira une étape très importante de son histoire qui permettra à chacun, employeurs ou fonctionnaires, de bénéficier d'avancées considérables au service des usagers.
Je forme donc le souhait ardent que le dialogue qui s'est instauré et le consensus qui s'est manifesté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale se renouvellent à l'occasion de notre débat, et je vous assure - j'espère que Christian Jacob et moi-même saurons vous le démontrer - qu'il s'agit non pas d'une formule, mais bien d'une réalité. Pour notre part, nous sommes ouverts à l'exploration de toutes les pistes, de toutes les suggestions, de toutes les propositions que vous serez susceptibles de présenter, dès lors qu'elles s'inscrivent dans les objectifs généraux de cette réforme sociale.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 21 mars 2006