Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les greffes d'organes et les mesures prises pour augmenter le nombre potentiel de donneurs, Paris le 29 mars 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 20ème anniversaire de la course du coeur à Paris le 29 mars 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Chère Marie Berry,
Mesdames et Messieurs,
Célébrer le vingtième anniversaire de la Course du Coeur, c'est saluer les 20 années d'efforts de l'association Trans-Forme au service des transplantés, c'est rendre hommage à l'amélioration de la prise en charge des greffés. Cette course, c'est la preuve même que les greffés peuvent retrouver une vie entièrement normale, c'est en même temps la démonstration de la profonde utilité pour les familles d'autoriser le prélèvement du don d'organes sur leurs proches décédés.
Je veux tout particulièrement saluer aujourd'hui les efforts d'Olivier Coustère, le Président de Trans-Forme et l'organisateur de cette belle course. Lorsqu'il y a 20 ans vous mettiez en avant les nombreux bénéfices de la pratique du sport pour les personnes transplantées, vous étiez un avant-gardiste. Aujourd'hui, accomplir une activité physique est reconnu pour tous les patients greffés comme un facteur de bien-être tant physique que psychologique. Et même certains vont jusqu'à dire que c'est un facteur positif pour la réussite d'une greffe. Vous avez ainsi contribué à faire changer le regard sur ces patients, vous leur avez permis de recouvrer un équilibre personnel, et je vous en remercie.
Je veux rendre aussi hommage au Professeur Christian Cabrol, pionnier de la transplantation cardiaque en France, au Professeur Jean Dausset, prix Nobel de Médecine, qui a mis en évidence les groupes de compatibilité tissulaire expliquant les rejets de greffe, aux Professeurs Henri Bismuth et Didier Houssin, tous deux spécialistes de la transplantation hépatique, et enfin au Professeur Jean Hamburger, le père de la greffe en France, qui a réalisé la première transplantation rénale au monde. Je voudrais encore remercier l'ensemble des professionnels de santé qui, au quotidien, transforment la vie de ces patients, comme le Professeur Bruno Hurault de Ligny. Enfin, je n'oublie pas toutes ces centaines de donneurs anonymes et de familles qui, dans l'épreuve, n'hésitent pas à dépasser leur chagrin en faisant qu'une vie perdue en sauve une autre.
Mais c'est aujourd'hui le courage, la détermination et l'ardeur de ces coureurs qui nous donnent le plus grand des espoirs : celui de voir des femmes et des hommes retrouver leur forme physique, celui de voir des femmes et des hommes conscients de la nécessité de donner à sa famille un avis clair sur la délicate question du prélèvement d'organes, celui de voir des femmes et des hommes disposés à donner un organe de leur vivant à des proches - au don de soi - comme l'a si joliment écrit Marie Berry en racontant son histoire et sa double greffe après le don d'un rein de sa maman et de son frère Richard que je salue même s'il est actuellement sur les planches et n'a pu se joindre à nous. Je le remercie de mettre sa notoriété au service d'une noble cause.
I- Le Gouvernement s'est engagé dans une politique résolue en faveur de l'augmentation des greffes.
- En France, ce sont 12 000 patients qui chaque année ont besoin d'une greffe d'organe, alors qu'un tiers de ces patients seulement sont effectivement transplantés chaque année.
- Nous avons déjà obtenu une réelle progression du nombre de greffes. Ainsi, entre 2003 et 2005, les prélèvements d'organes ont augmenté de près de 23 %. Pour la première fois en France, l'activité de greffes d'organes a franchi le seuil des 4000 greffes annuelles. Mais ce n'est pas suffisant et je ne m'en contente pas.
- Nous nous heurtons le plus souvent à une difficulté majeure : l'absence d'avis clairement formulé en faveur du prélèvement d'organes d'une personne décédée. Cette situation est surprenante : alors que 74 % des Français se déclarent favorables au don de leurs propres organes, seuls 40 % d'entre eux font part de leur position à leurs proches. C'est pourquoi dans le doute, les professionnels de santé et les familles préfèrent souvent interpréter le silence de ces personnes qui n'ont pas exprimé d'avis comme un refus.
- Nous devons aussi surmonter d'autres problèmes : il existe de fortes disparités sur le territoire auxquelles il nous faut remédier. Ainsi, le taux de prélèvement est particulièrement faible dans le Sud-Est, le Centre-Est et le Nord. De plus, alors qu'entre 3 300 et 3 500 morts encéphaliques ont lieu chaque années, seulement 2 800 sont effectivement recensées. Il existe donc un gisement de 1 400 donneurs de plus par an.
- Le Gouvernement a réaffirmé dans la loi de Bioéthique du 6 août 2004 que l'activité de greffe et de prélèvement était une mission des établissements de santé ; il a clarifié le principe du consentement présumé, élargi le cercle des donneurs vivants et mis en place avec la T2A une tarification incitative en matière de greffe et, pour la première fois, de prélèvement.
II- Trois mesures essentielles en 2005 ont permis d'augmenter le nombre de donneurs potentiels, que ce soit de leur vivant ou non.
- Nous avons élargi les conditions de possibilité de dons à partir de donneurs vivants : 8 comités d'experts indépendants, réunis par l'Agence de la Biomédecine (ABM), ont pour mission d'autoriser le don d'organe au-delà d'une parenté directe (père-mère à enfant) pour les parents au deuxième degré et les conjoints depuis le décret du 10 mai 2005. Ainsi, les greffes de rein de donneurs vivants ont augmenté de 20 % en 2005.
- Le prélèvement de certains organes chez une personne décédée par arrêt cardiaque est désormais autorisé depuis le décret du 2 août 2005. Sa mise en oeuvre dans les hôpitaux pilotes pour cette expérimentation débutera avant la fin du 1er semestre 2006.
- Le prélèvement des organes provenant de donneurs ayant été en contact avec les virus de l'hépatite, en les réservant à des patients dans le même état sérologique d'immunisation, est possible depuis le décret et l'arrêté du 21 décembre 2005. Cette disposition pourrait permettre de réaliser à terme 250 greffes supplémentaires par an.
III- Mais nous avons encore beaucoup à faire ; nous devons améliorer l'information sur le don d'organes. En effet, c'est la meilleure façon d'augmenter le nombre de greffes.
- Je suis favorable à ce que soit mentionné sur la carte vitale II, à titre facultatif, que le titulaire de la carte a bien été informé de la réglementation en vigueur sur le don d'organe. Je sais que cette formulation remporte l'assentiment de nombreuses associations de patients - et notamment de la vôtre, Cher Olivier, qui le demandait depuis près de 20 ans - ainsi que de l'ensemble de la communauté scientifique. Elle ne remet absolument pas en cause le principe du consentement présumé existant en France, mais permettrait le prélèvement lorsque le titulaire de la carte a fait préciser qu'il était informé sur le don d'organe et qu'il n'est pas inscrit sur le registre du refus. De plus, elle donnerait aussi aux familles un élément d'information précieux susceptible de les aider à mieux témoigner de la volonté de la personne décédée.
- Je veux par ailleurs mettre en place l'information systématique des jeunes de 16 à 25 ans comme la loi du 6 août 2004 nous y engage. Cette information pourrait passer par le médecin traitant, des campagnes d'information, ou encore être donnée lors de la Journée d'action et de préparation à la Défense.
- Je m'engage à vous faire d'autres propositions auxquelles nous sommes en train de travailler afin d'améliorer l'activité de greffe en France lors de la journée nationale du don d'organes du 22 juin.
Ce long chemin que vous allez parcourir aujourd'hui est à l'image de celui qu'a parcouru la greffe depuis sa naissance dans les années 60. C'est un formidable d??fi que vous vous lancez. J'y vois un immense espoir pour l'ensemble des personnes greffées, et, je l'espère, une incitation pour l'ensemble de nos concitoyens à se mobiliser et s'engager en adoptant sur ce sujet une position claire.
Je me réjouis que de nombreuses personnalités du monde sportif, médical, culturel, industriel et des médias unissent leurs efforts pour faire de cette manifestation une réussite totale et une prise de conscience pour tous nos concitoyens.
source http://www.sante.gouv.fr, le 3 avril 2006