Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les relations franco-estoniennes et l'Union européenne, à Tallinn le 31 mars 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement en Lettonie et en Estonie, les 30 et 31 mars-point de presse conjoint avec M. Urmas Paet, ministre estonien des affaires étrangères, à Tallinn (Estonie) le 31 mars 2006

Texte intégral

Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. Je m'exprimerai en français avec votre permission. Je vous remercie, avant tout, de votre présence. La première chose que je souhaite faire devant vous, c'est de m'associer à l'hommage qui a été rendu par votre pays au président Meri. Il se trouve que la dernière fois que je me suis trouvée ici à Tallinn, c'était à la fin du mois de juillet 2001, à l'occasion de la visite d'Etat du président de la République française en Estonie. Je me souviens que le président Meri l'avait reçu ainsi que sa délégation dans sa résidence au bord de la mer. Il faisait d'ailleurs très beau ce jour-là et ce fut, pour nos deux pays, un moment politique important, dix ans après l'indépendance retrouvée de l'Estonie et aussi un moment d'amitié, dont je garde un souvenir particulièrement chaleureux. Je tenais donc, Monsieur le Ministre, à saluer publiquement sa mémoire, la mémoire d'un grand patriote, d'une figure majeure de l'histoire de votre pays, d'un homme qui connaissait et appréciait aussi la France, un ami de notre pays qui a joué un rôle unique dans votre histoire et je tiens à lui rendre hommage. J'ai choisi de le faire en vous offrant une photo du président de la République française et du président Meri, prise à l'occasion d'un des séjours de celui-ci à Paris. Je me permets de vous la donner en présence de nos amis.
J'en viens à ma visite proprement dite. Le ministre vous a fait un récit déjà assez complet, mais je vais m'efforcer de le compléter encore. D'abord, pour le remercier et pour remercier l'ensemble des autorités d'Estonie, de la réception qu'elles m'ont réservée et l'honneur d'être reçue par le Premier ministre ce matin. J'ai également pu aller au Parlement, voir les Commissions des Affaires étrangères et européennes. J'ai eu un entretien avec le ministre de l'économie et bien sûr avec le ministre (des Affaires étrangères) et, cet après-midi, je me rendrai à l'Université Technologique, et en particulier au Technopark pour visiter quelques-uns des projets que vous développez et qui sont particulièrement remarquables.
Nous avons parlé des questions bilatérales et, bien sûr, des principales questions européennes : l'avenir de l'Europe, la question des institutions, celle de l'élargissement - un accent particulier a été mis sur la nécessité de mettre en place progressivement une politique commune de l'énergie - et puis, d'une façon générale, sur la nécessité de faire avancer ce que nous appelons, en France, l'Europe des projets, c'est-à-dire des politiques concrètes et efficaces qui répondent le mieux possible aux attentes des citoyens européens. J'ai transmis à tous mes interlocuteurs un message particulièrement appuyé sur la qualité de nos relations et le souhait qui est le nôtre qu'elles se développent davantage encore dans l'Europe élargie et avec un pays qui réussit particulièrement bien son entrée dans l'Union européenne. Sur le plan politique, nos relations sont fréquentes et étroites, nous nous voyons de plus ailleurs qu'à Tallinn ou à Paris, mais il faut encore les resserrer et donc nous avons prévu deux échanges importants que le ministre vous a rappelés. D'abord le Premier ministre français, qui se réjouit de pouvoir rencontrer son homologue à Paris le 29 mai et puis Philippe Douste-Blazy, qui a été invité ici par M. Paet, espère pouvoir se rendre à Tallinn au mois de juin.
Nous souhaitons développer nos échanges dans tous les domaines. Nous venons de signer un accord qui concerne les jeunes professionnels, qui est un nouveau signal dans le sens de l'ouverture et du rapprochement de nos pays avec celui que nous avons donné le 13 mars dernier par la décision d'ouverture progressive et maîtrisée du marché du travail français. L'Estonie est un pays qui réussit, qui réussit même très bien. Pour ma part, je fais partie des responsables politiques qui pensent que l'élargissement, non seulement est une chose nécessaire, historiquement c'est un devoir, mais c'est aussi une réalité positive, une chance pour l'avenir et je n'hésite pas à le dire. C'est même en réalité un des accomplissements historiques majeurs de l'Union européenne que d'avoir progressivement réussi la réunification de la famille européenne sur un continent qui était si fréquemment divisé, et déchiré par les drames, les guerres et les inégalités. Quant à l'Estonie, son dynamisme remarquable, son taux de croissance qui nous fait rêver et puis les changements, Monsieur le Ministre, que je vois maintenant par rapport à ce que j'avais vu il y a quatre ans, nous montrent que votre pays a une pleine capacité de dynamisme, d'adaptation et d'ouverture, qui sans aucun doute, nous montre, à tous, la voie à suivre.
Avant de répondre à vos questions avec M. Paet, je voudrais encore souligner deux points : sur le plan économique nous pouvons et nous devons faire davantage. La France est insuffisamment présente dans ses échanges et dans ses investissements dans ce pays. Nous poursuivrons nos efforts pour y être plus présents. J'ai eu le sentiment que nous serons bien accueillis. A nous d'être compétitifs et de saisir les opportunités qui se présentent : elles existent, je crois que nous pourrons progresser dans les années qui viennent. Et puis sur la langue française qui m'est chère comme notre langue maternelle nous est chère à tous, j'ai eu l'occasion de saluer les efforts faits par ce pays grâce à notre ambassade mais aussi à votre ambassade, Monsieur le Ministre, et qui font que de très nombreuses personnalités estoniennes ont pu apprendre le français. Nous comptons poursuivre et nous avons décidé de nous donner comme objectif la conclusion d'un nouvel accord avec l'Organisation internationale de la Francophonie, si possible à l'été de cette année.
Q - Première question sur le Traité constitutionnel. L'Estonie est en train de ratifier le Traité constitutionnel, la France a rejeté ce traité. Ce que l'Estonie est en train de faire est-il totalement dépourvu de sens ? Comment voyez-vous l'avenir de ce texte ?
R - Non, ce n'est pas dépourvu de sens et le ministre s'est exprimé pour nous deux tout à l'heure et dans des termes auxquels je souscris pleinement. Il nous faudra 25 ratifications, en effet, pour que le Traité constitutionnel entre en vigueur. Cela ne m'empêche pas de dire, tout au contraire, que la décision qui a été prise au mois de juin dernier par les chefs d'Etat et de gouvernement de poursuivre le processus de ratification et, dans le même temps, d'engager une période de réflexion qui doit être propice à l'activité et à l'action et non pas à l'immobilisme, est une bonne décision, c'est même la décision la plus sage. Nous nous inscrivons donc tout à fait dans cette approche : poursuivre le processus, voir ce que pensent les différents pays européens d'une part, et puis, d'autre part, travailler pour rendre l'Europe plus efficace, plus concrète et pour redonner confiance en l'Europe de façon à aborder dans des termes peut-être différents, ou dans un contexte en tous cas amélioré, cette question institutionnelle qu'il nous faudra régler parce qu'il ne fait pas de doute que l'Europe élargie a besoin d'institutions rénovées pour fonctionner efficacement et pour être à la hauteur des enjeux qui l'attendent.
Q - Que veut dire ce changement de contexte ?
R - Cela veut dire qu'une Europe plus efficace sera mieux comprise des citoyens, et, si elle est mieux comprise des citoyens, nous aurons davantage de chances que la question institutionnelle se présente d'une façon améliorée par rapport à ce que nous avons connu.
Q - Je voudrais poser une question sur l'accord que vous venez de signer sur la mobilité, est-ce que cela concerne, par exemple, les jeunes jardiniers estoniens ?
R - Je vous répondrai dans l'état actuel de la situation. L'accord qui vient d'être signé appellera à être complété selon des modalités précises. Le plus rapidement cela pourra être fait le mieux, bien sûr, nous nous trouverons les uns les autres. Il concerne les jeunes professionnels et les échanges entre nous sont importants à tous niveaux. Je parlais de la politique, de l'économie, de la culture, mais aussi des échanges entre jeunes qui sont tout particulièrement à développer. Donc, dans le cadre d'une politique française d'ouverture progressive de son marché du travail, il nous a semblé intéressant, de part et d'autre, de permettre, à des jeunes et à des jeunes professionnels, de venir travailler en France s'ils le souhaitent dans des conditions, normales en fait, d'ouverture complète du marché du travail. Il reste à préciser les modalités de cet accord. Est-ce que les jardiniers feront partie des jeunes professionnels et s'ils souhaitent exercer leur talent en France, pourquoi pas ? Mais je ne veux pas préjuger de la réponse de la partie estonienne.
Q - I would like to ask a question in English. I am going to ask you about the situation in France and the labour law that is causing such unrest. Your president has two choices, he can either accept the law as it is, or he can send it back at the Parliament for further consideration. Which of these choices would you like to see him make?
(J'aimerais poser une question en anglais. Je vais vous interroger à propos de la situation en France et de la loi sur le travail qui est en train de causer de tels troubles. Votre président a deux choix, il peut soit accepter la loi telle qu'elle est, ou il peut la renvoyer au Parlement pour une étude supplémentaire. Lequel de ces choix voudriez-vous le voir faire ?)
R - Vous savez que les usages diplomatiques nous conduisent à ne pas commenter des situations internes, parce que nous sommes en déplacement à l'extérieur de notre pays. C'est vrai pour chacun d'entre nous. De plus, si les usages diplomatiques n'existaient pas, la simple ressource du bon sens conduirait à la même prudence. Donc, je vous répondrai simplement que, dans les démocraties, c'est le Parlement qui élabore et qui fait la loi. C'est même, me semble-t-il, l'une des caractéristiques des démocraties et ce rappel étant fait, j'en ferai seulement un second : le gouvernement n'a eu de cesse que de prôner le dialogue le plus large possible et a renouvelé, il y a encore très peu de temps, la main qu'il tendait aux partenaires sociaux et aux étudiants. Je n'ai rien à ajouter aujourd'hui avant que le président de la République ne s'exprime.
Q - Madame la Ministre, vous avez discuté avec votre homologue des questions de l'ouverture du marché de la main d'oeuvre en France, alors est-ce que vous pourriez dire quelle est la position du gouvernement français sur cette question, à quel moment la France est-elle disposée à ouvrir son marché de la main d'oeuvre et quelles sont les problèmes qui se posent par rapport à cette question ?
R - Je vous le disais tout à l'heure, le gouvernement français a pris la décision de principe le 13 mars dernier, d'une ouverture progressive de son marché du travail. La liberté de circulation des personnes fait partie de la liberté fondamentale de l'Europe depuis les origines, depuis le Traité de Rome. Mais les choses se sont souvent faites progressivement dans chaque traité d'adhésion et cela a été le cas dans ce cas particulier puisque nous avons fait usage, comme beaucoup d'autres pays membres, comme la plupart en réalité de nos partenaires, de la possibilité prévue par les traités d'adhésion de ne pas ouvrir immédiatement, totalement, notre marché du travail. Mais je dois bien sûr réaffirmer que l'objectif est celui d'une ouverture pleine et entière dans les délais fixés par les traités de notre marché du travail et de celui d'ailleurs de tous les partenaires. Cela dit, l'élément nouveau est le suivant : une période transitoire de deux ans prévue par le traité qui avait été signé le 1er mai 2004 et qui donc se termine le 1er mai 2006. Nous avons décidé de faire des pas en avant en ouvrant un certain nombre de métiers à nos partenaires européens venant de huit pays pour lesquels la pleine liberté ne s'applique pas encore complètement. Et, il nous faut donc maintenant avant le 1er mai définir plus précisément quels sont les métiers et les secteurs concernés. Nous le ferons en concertation interministérielle bien sûr, mais, aussi et surtout, avec les organisations syndicales concernées. Mes collègues, membres du gouvernement, ministres des Affaires sociales et de l'Emploi, ont déjà engagé cette concertation avec les partenaires sociaux. Et les premières conversations qui ont été engagés avec les partenaires sociaux se sont déroulées dans une atmosphère très positive, qui me fait penser que nous n'aurons pas de grandes difficultés pour identifier, dans les délais que nous nous sommes donnés, les secteurs qui pourront être ouverts pour nos huit partenaires.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 avril 2006