Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les principaux axes de la politique de l'eau, au Sénat le 4 avril 2006.

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Circonstance : Ouverture du colloque parlementaire intitulé "Les nouveaux enjeux de l'eau : quelle gestion durable d'une ressource rare ?", au Sénat le 4 avril 2006

Texte intégral

Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier Bruno SIDO pour l'organisation de ce colloque. C'est l'occasion de débattre une nouvelle fois entre acteurs de l'eau des réformes à apporter à notre politique de l'eau avant que les députés ne légifèrent, j'espère courant mai.
Je voudrais aussi remercier Bruno SIDO et tous les sénateurs ayant participé à la première lecture du projet de loi il y a un an, pour les améliorations significatives apportées au texte.
L'adoption définitive de celui-ci d'ici l'été constitue ma priorité absolue en matière de politique de l'eau.
Cette loi a été longuement concertée et négociée. Elle doit maintenant voir le jour, pour apporter une réponse concrète à la question posée par les organisateurs de ce colloque : « Quelle gestion durable d'une ressource rare ? ».
La gestion d'une telle ressource demande des moyens. Aussi le projet de loi a-t-il pour ambition de sécuriser le dispositif des agences de l'eau en donnant un cadre constitutionnel aux redevances qu'elles prélèvent, et qui permettront de financer, dans le cadre des 9èmes programmes d'actions, environ 2 milliards d'euros par an.
A ce propos, la Charte de l'Environnement offre peut-être des voies nouvelles pour justifier ces redevances. Je ne pense pas, à ce stade, que cela dispense de les asseoir sur l'article 34 de la Constitution qui confie au seul Parlement l'encadrement de leur assiette et de leur taux, étant donné la nature de ce prélèvement public.
Etant donnés les enjeux financiers et notre responsabilité, éventuellement pécuniaire, en matière de respect des directives européennes, il me paraît important que le Parlement se prononce sur les grandes orientations des agences de l'eau. Parallèlement, le rôle des Comités de bassin sera renforcé puisque le projet de loi prévoit que ces instances devront approuver les programmes d'actions des agences.
Cette réforme organisationnelle, nous permettra également de nous adapter aux nouveaux enjeux de la directive cadre, tout en répondant à l'impératif de solidarité envers le monde rural pour lequel, comme cela a été voté par la Haute Assemblée, une dotation de 150 millions d'euros par an sera réservée.
Un office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, dans une relation que je souhaite forte avec mon ministère, apportera l'appui technique nécessaire à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat par les services mis à ma disposition, en complément du rôle joué par les agences de l'eau. Dès sa création, il jouera un rôle moteur dans le réseau de surveillance du bon état des milieux aquatiques.
Les résultats seront mis à la disposition du grand public, afin que cessent les approximations, les discours alarmistes ou trop lénifiants qui ne rendent pas compte de la réalité de la situation de l'eau en France.
Cet établissement aura également une mission en matière de bonne gouvernance des services publics d'eau et d'assainissement. Il s'agit d'un sujet sur lequel les associations de consommateurs sont très attentives à la transparence.
Notre exemplarité dans ce domaine sera la meilleure manière de faire valoir à l'international le savoir-faire important des collectivités locales et des entreprises françaises dans le domaine de l'eau.
L'ONEMA recueillera, analysera et diffusera les données sur les caractéristiques, les performances et les prix des services publics d'eau et d'assainissement. Il donnera les repères souhaités par les collectivités, les consommateurs ou les gestionnaires de ces services.
Son analyse s'appuiera sur les « rapports des maires sur le prix et la qualité du service », dont le contenu sera modifié pour y intégrer des indicateurs de performance rendant compte de la qualité du service à l'usager, de la gestion patrimoniale et des performances environnementales des services.
Les trois dimensions du développement durable seront ainsi prises en compte.
Ceci nous amène à la question sociale. Il s'agit notamment d'assurer l'accès à l'eau pour tous. A cet égard, la loi du 13 août 2004 a mis en place les outils permettant de remplir cet objectif, avec l'intervention du Fond Social au Logement en matière de factures d'eau impayées.
Le projet de loi sur l'eau, qui prévoit l'interdiction des dépôts de garantie et autres cautions, facilitera l'accès à l'eau des foyers les plus modestes. Enfin, le projet de loi « engagement national pour le logement », porté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et auquel j'ai contribué dans mes fonctions antérieures, interdira les coupures en période hivernale pour les plus démunis.
S'agissant de la mise en oeuvre de la directive cadre, le Sénat a, à mon sens, dégagé un bon compromis dans le texte du projet de loi qu'il a voté, entre la nécessité de valoriser le potentiel énergétique dans l'objectif de lutte contre l'effet de serre et celui de maintenir les continuités écologiques et les débits d'eau nécessaires pour atteindre le bon état écologique.
Le projet de loi renforcera également notre capacité à lutter contre les pollutions diffuses, avec la mise en place d'actions par bassins versants.
Le contexte du changement climatique nous donne obligation de nous préparer structurellement aux phénomènes extrêmes qui pourraient se développer dans les décennies futures. Je pense en particulier aux sécheresses et aux inondations.
S'agissant des inondations, je rappelle qu'il s'agit du risque naturel qui génère la plus grande dépense publique pour la réparation des dommages causés. Nous devons accorder plus d'importance à la prévention de ces phénomènes qui concernent 4,5 millions de personnes et 8000 communes. Le bénéfice collectif est évident et économiquement rentable. Aussi ai-je personnellement bataillé, le mot n'est pas trop fort, pour obtenir que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (le fonds Barnier) soit sollicité pour financer ce type d'actions. Mieux vaut prévenir que guérir.
La réorganisation des services de prévision des crues sera totalement achevée d'ici la fin de l'année, et une carte de vigilance qui intègre la pluie tombée mais aussi l'état des sols, sera opérationnelle à l'automne.
La préparation de la troisième phase du plan Loire va être mise en chantier. Une première phase du plan Rhône a été lancée lors du dernier Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires. En juillet dernier, nous avons lancé la préparation des autres plans « grands fleuves » sur la Seine et la Garonne. L'intégration de ces plans dans la préparation des futurs contrats d'objectifs Etat-Région est essentielle.
L'eau, parfois surabondante et destructrice, vient parfois à manquer. Nous améliorons la gestion de crise en période de sécheresse, et je souhaite notamment qu'une plus grande cohérence de la gestion interdépartementale soit la règle.
Dès le 5 janvier dernier, j'ai demandé aux préfets de sensibiliser les partenaires locaux pour prévoir très en amont les mesures qui pourraient être prises selon la situation. La plupart des départements ont un arrêté cadre.
Mais nous devons aller plus loin. C'est pourquoi j'ai présenté en Conseil des ministres, le 26 octobre dernier, un « plan de gestion de la rareté de l'eau ».
Celui-ci s'inscrit dans le moyen terme.
Il permettra de donner une nouvelle marge de sécurité à l'alimentation en eau potable et de concilier les différents usages de l'eau tout en préservant la qualité des milieux aquatiques.
Il s'articule autour de trois axes :
.- Donner la priorité à l'eau potable ;
.- Assurer une gestion économe de l'eau et un meilleur partage entre les différents usages ;
.- Mieux valoriser l'eau, notamment en facilitant la récupération et l'utilisation des eaux de pluie pour certains usages.
Au-delà des mesures existantes dans le projet de loi, notamment en matière de gestion des prélèvements collectifs, je souhaite donc que le texte soit renforcé sur ce sujet. Il s'agit par exemple de rendre obligatoire les compteurs d'eau dans les logements collectifs neufs pour que chacun puisse mesurer sa consommation.
Il s'agit également de donner de nouveaux outils aux collectivités pour protéger leur ressource en eau au niveau quantitatif, ou encore de les inciter à réduire les fuites dans les réseaux.
En matière agricole, je ne crois pas à une solution universelle.
Il s'agit de combiner différentes approches complémentaires qui, selon le cas, peuvent s'appuyer sur l'organisation collective des irrigants, la réduction des volumes d'eau lorsque le déficit en eau est particulièrement important, ou encore la création de retenues de substitutions, lorsque cela est écologiquement et économiquement fondé.
Nous expérimentons cette année dans 10 bassins versants cette approche, qui doit aussi nous faire réfléchir sur l'adéquation de nos systèmes de culture actuels aux ressources en eau disponibles. Je salue l'engagement des agriculteurs qui ont privilégié des cultures moins exigeantes en eau en été.
Pour conclure, je voudrais évoquer trois points, qui font de 2006 une année particulièrement importante pour l'eau.
Tout d'abord, et je l'appelle de mes voeux, le vote de la loi sur l'eau, ce qui permettra de clore un chantier législatif en cours depuis bientôt dix ans.
Ensuite, la préparation de plusieurs cadres structurants pour les prochaines années.
Il s'agit de la réalisation dans chaque bassin d'un avant projet de Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux d'une part, et de programme de mesures d'autres part.
Ces documents définissent respectivement les objectifs de gestion de l'eau par bassin et les mesures concrètes à prendre, il est donc indispensable d'assurer leur cohérence avec les 9èmes programmes des agences de l'eau.
Ces derniers, qui portent sur la période 2007-2012, seront prêts d'ici la fin de l'année.
En relation avec les instances de bassin, je souhaite que ces programmes soient orientés prioritairement vers le respect de nos engagements communautaires, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre de la directive cadre ou des directives antérieures à celle-ci, particulièrement en matière d'assainissement.
Avec 2 milliards d'euros par an environ, ces programmes auront un impact considérable pour la préservation de nos milieux aquatiques.
Le défi pour une gestion durable de l'eau dans notre pays est très important. Nous sommes là pour le relever, et nous avons des moyens importants à y consacrer.
Nos préoccupations de pays développé, ne doivent pas nous faire oublier que ce défi est encore plus prégnant dans de nombreuses régions du monde comme cela a été rappelé unanimement lors du Forum international de l'eau de Mexico.
Au cours de ce forum, la voix de la France et de ses collectivités locales a été entendue.
Il nous appartient de mettre en oeuvre les mesures de solidarité permises par la loi du 2 février 2005 à l'initiative de Jacques OUDIN et d'André SANTINI.
Les coopérations qu'elle permet sont importantes sur le plan financier, mais aussi et surtout pour créer un véritable échange entre collectivités locales, entre praticiens, et une solidarité entre citoyens du Nord et du Sud.
Aussi, j'appelle les collectivités françaises à la mettre en oeuvre.
Je souhaite plein succès aux travaux de cette journée.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 6 avril 2006