Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'action gouvernementale pour l'emploi, les résultats du contrat nouvelles embauches (CNE) et des mesures en faveur de l'apprentissage dans le secteur des PME du bâtiment, Paris le 28 avril 2006.

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Circonstance : 3ème édition des Journées de la Construction, organisées par la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB), à Paris le 28 avril 2006

Texte intégral

Cher Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre, cher Renaud,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Permettez moi d'abord de vous dire combien je suis heureux de me retrouver parmi vous pour célébrer le soixantième anniversaire de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Avant toute chose, permettez moi également de vous faire part d'une autre bonne nouvelle : au mois de mars, il y a eu 31 000 demandeurs d'emploi en moins. C'est le meilleur chiffre pour notre pays depuis cinq ans. Au total, depuis juin 2005, ce sont près de 200 000 chômeurs qui ont retrouvé un emploi ou une formation dans notre pays. Dans le grand combat que nous menons, dans cette priorité que constitue la lutte contre le chômage, c'est une étape importante.
Or ces résultats, ce n'est certainement pas le fruit du hasard, comme toujours dans la vie.
C'est le fruit de la mobilisation sans précédent du gouvernement. La rénovation des contrats aidés, la modernisation du service public de l'emploi, avec l'accompagnement personnalisé des chômeurs, la mise en place d'incitations à reprendre une activité, la création du Contrat nouvelles embauches : tout cela marche. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : nous n'avons pas tout essayé contre le chômage. Et quand nous essayons, cela donne des résultats.
Cette nouvelle baisse du chômage, c'est aussi la conséquence du retour de la croissance, une croissance qui avance maintenant à un rythme supérieur à 2%. Mais là encore, la croissance, cela ne tombe pas du ciel, cela se construit. Les mesures fiscales, le soutien à l'innovation, la relance de l'investissement public, c'est cela qui crée un environnement favorable et qui donne aux entreprises l'envie d'investir et d'embaucher.
La baisse du chômage, c'est enfin le fruit de l'engagement, de l'esprit d'initiative et du goût du défi de tous les entrepreneurs de notre pays. Ce résultat, c'est bien votre résultat. Je le dis devant vous parce que le secteur du bâtiment est exemplaire. Vous êtes aujourd'hui les premiers recruteurs de France. Avec 12 000 nouveaux postes au quatrième trimestre 2005 et 37 000 sur l'ensemble de l'année, la construction a joué un rôle majeur que je veux saluer, pour relancer l'emploi. Grâce à votre amour du travail bien fait, grâce à vos efforts constants pour améliorer la formation professionnelle et répondre aux attentes des clients, vous avez su faire du bâtiment un des secteurs économiques dans notre pays, les plus performants.
Je sais que je peux compter sur vous, comme vous pouvez compter sur moi. Je veux continuer à encourager votre dynamisme en vous donnant les moyens de vous développer et de recruter toujours davantage.
1. Depuis onze mois, nous avons pris des mesures fortes pour favoriser votre croissance.
Le Contrat Nouvelles Embauches, d'abord, dont je viens de parler. Ce contrat, je l'ai voulu pour vous : pour vous, artisans, pour vous dirigeants de petites entreprises, pour vous qui avez besoin de souplesse pour pouvoir recruter.
Pour une petite entreprise, embaucher est une décision importante et difficile. C'est un engagement que vous prenez à l'égard d'une femme ou d'un homme. C'est aussi un véritable investissement pour votre société. Si vous êtes soumis à des formalités complexes et à des risques juridiques et financiers importants en cas de rupture, vous ne franchirez pas le pas, nous le savons tous. Aujourd'hui, le Contrat Nouvelles Embauches répond à ces préoccupations. Il offre plus de souplesse aux employeurs tout en donnant des garanties fortes aux salariés.
Et c'est bien cela, la solution d'avenir.
C'est cela qui nous permettra de passer d'un niveau de chômage qui oscille entre 9% quand les choses vont bien et 12 % quand les choses vont mal à un taux de chômage beaucoup plus bas, proche du plein emploi. C'est cela que nous devons viser. C'est cela qui donnera véritablement confiance à nos compatriotes.
Je sais bien que c'est un changement important, important sur le terrain, important dans nos esprits. Je sais bien que nous devons avancer avec pragmatisme et avec pédagogie, en commençant par renforcer les garanties offertes aux salariés. Nous ne pouvons pas nous résigner. Il n'y a pas de fatalité à un taux de chômage élevé.
Et vous êtes au rendez-vous. Près de 500 000 Contrats Nouvelles Embauches ont déjà été signés. 20% environ ont été conclus dans le secteur du bâtiment soit près de 100 000. Vous êtes aujourd'hui les premiers à utiliser ce contrat. Je tiens à vous en féliciter. Au total, selon l'INSEE, le Contrat Nouvelles Embauches permettra de créer entre 40 000 et 80 000 emplois nouveaux chaque année.
Alors oui, il y a des inquiétudes, parce que c'est quelque chose de nouveau, quelque chose qui change nos habitudes.
Mais d'abord, il y a de vraies sécurités. Avec ce contrat, les règles sont claires, qu'il s'agisse de la protection des femmes enceintes, de l'interdiction des discriminations ou encore de la sanction en cas « d'abus de droit ». Si l'employeur les respecte, comme il le fait aujourd'hui pour les contrats à durée indéterminée, il n'y a aucune raison pour qu'il s'expose à des poursuites. D'ailleurs, sur les 500 000 Contrats Nouvelles Embauches signés à ce jour, très peu donnent lieu à des contentieux.
Ensuite, la grande majorité des chefs d'entreprise sont animés, je le sais, par un esprit de responsabilité. C'est particulièrement vrai dans le bâtiment. Je sais que vous êtes nombreux à avoir débuté comme salariés avant de vous mettre à votre compte. Je sais aussi que dans votre secteur, le chef d'entreprise est constamment sur les chantiers aux côtés de ses ouvriers. Il partage leurs conditions de travail, il veille en permanence à assurer leur formation et leur évolution professionnelle.
Si pour surmonter les inquiétudes, il faut une évaluation régulière des contrats, j'y suis prêt. Plutôt que de détruire ce qui crée de l'emploi, ayons une vision pragmatique, une approche positive. Regardons vers l'avenir et améliorons ce qui marche.
Le deuxième combat que nous avons mené et vous l'avez rappelé Monsieur le Président, c'est celui de la TVA à 5,5 %.
Si la France s'est battue pour obtenir la reconduction de ce taux réduit, c'est parce qu'il avait fait ses preuves en matière de créations d'emplois : au moins 40 000 selon les estimations disponibles. C'est un combat qui n'était pas gagné d'avance. Grâce à la mobilisation de chacun, grâce à la relation de confiance que nous avons su établir avec les organisations professionnelles intéressées, nous sommes parvenus à surmonter les réticences de nos partenaires.
Je demande à Renaud DUTREIL, en liaison avec Jean-François COPE de veiller à ce que la rédaction du décret d'application que vous avez évoquée dans votre discours, Monsieur le Président, réponde bien à vos attentes.
Enfin, nous avons mis en oeuvre des réformes ambitieuses pour créer un environnement fiscal plus favorable à la croissance et à la transmission des entreprises.
Je pense notamment à la réduction des charges sociales, avec un effort supplémentaire de près d'1,8 milliard d'euros en 2006.
Comme vous l'avez souligné, et comme l'a souhaité le Président de la République, nous réfléchissons d'ores et déjà à un autre mode de calcul pour les cotisations employeurs avec trois objectifs : améliorer la compétitivité de notre pays, favoriser l'emploi et préserver notre modèle social en l'aidant à s'adapter aux nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés. Le travail d'expertise est actuellement en cours de finalisation. Les conclusions seront soumises à la concertation dans les prochaines semaines.
2. Au-delà de ces initiatives, nous devons redoubler d'efforts pour former davantage de jeunes aux métiers du bâtiment.
Je sais que vous avez beaucoup fait pour renforcer l'attractivité de vos métiers, notamment auprès des femmes, qu'il s'agisse, comme vous l'avez dit Monsieur le Président, de la revalorisation des salaires ou du développement de l'intéressement. Je sais aussi qu'avec les nouvelles technologies et les exigences accrues en matière de normes environnementales, votre secteur a profondément évolué. Vous avez su faire de vos métiers, des métiers d'excellence et d'avenir.
Partout, vous avez encore des difficultés à recruter. Dans le même temps, de très nombreux jeunes peinent à trouver un emploi, soit parce qu'ils sont sortis du système scolaire sans diplômes ni qualifications, soit parce qu'ils se sont orientés vers des filières qui offrent peu de débouchés. Face à cette situation, nous devons trouver ensemble des solutions.
Parmi ces solutions, il y en a une particulièrement efficace à laquelle nous somme tous, je le sais, profondément attachés : l'apprentissage. C'est une voie d'excellence, fondée sur des valeurs essentielles : l'amour du travail bien fait, la précision du geste et des connaissances, le goût du métier. Lors de mes déplacements, j'ai rencontré de très nombreux apprentis qui tous m'ont dit combien leur formation leur était précieuse. Pour certains, c'est l'occasion d'accomplir une véritable vocation. Pour d'autres, c'est l'opportunité de saisir une seconde chance, de découvrir un métier qui les amène vers la réussite. Pour tous, c'est la possibilité de s'insérer rapidement et durablement dans l'emploi avec toujours le regard bienveillant de l'ancien, de celui qui connaît, qui connaît les gestes à accomplir ; et cette main amie, c'est bien la marque de cet enchaînement, de ce lien de solidarité qui se crée dans vos métiers entre les générations.
Depuis deux ans, le Gouvernement a pris des mesures importantes pour atteindre l'objectif de 500 000 apprentis. Je pense au crédit d'impôt de 1 600 euros par apprenti. Je pense aussi à la refonte de la taxe d'apprentissage, pour améliorer le financement des centres de formation d'apprentis. Je pense enfin à la création d'une prime de 1 000 euros versée aux salariés qui acceptent de prendre un poste dans un secteur qui connaît des difficultés de recrutement, dont celui du bâtiment. Aujourd'hui, ces mesures commencent, les unes et les autres, à porter leurs fruits : nous devrions franchir le cap des 400 000 apprentis dès la rentrée prochaine.
Pour aller plus loin, nous venons d'adopter dans la loi "Egalité des Chances" de nouvelles dispositions en faveur de l'apprentissage. Désormais, les grandes entreprises qui ne recourent pas suffisamment à l'apprentissage seront taxées davantage. Nous avons aussi créé "l'apprentissage junior" pour permettre aux jeunes qui ne s'épanouissent pas dans le système scolaire classique de s'engager plus tôt dans des parcours différents. Je demande à Renaud DUTREIL, en collaboration avec Gilles de ROBIEN ainsi qu'avec Gérard LARCHER, de mettre rapidement en oeuvre les modalités pratiques de cet apprentissage junior avec les organisations professionnelles, avec les Chambres consulaires. Je souhaite que les premières classes d'apprentissage junior puissent ouvrir dès septembre 2006.
Là aussi, c'est un changement important et il faut prévoir les encouragements nécessaires. J'ai donc demandé que les apprentis juniors soient les premiers à bénéficier du droit universel à la formation. Ils y auront droit dès la rentrée 2006. Ils sont entrés plus tôt dans la vie active. Ils ont droit à plus de formation que les autres pour préparer leur avenir.
Les jeunes ont de l'énergie, ils ont du talent, ils ont de l'enthousiasme. Beaucoup d'entre eux ont aussi de l'ambition : ils veulent travailler, s'investir dans un projet professionnel, ils veulent construire leur avenir. Ne décevons pas leurs attentes. Aidons-les à trouver leur voie, accompagnons-les au cours de leur formation, dans leur recherche d'emploi, à tous ces moments-clés où se font les choix importants. C'est notre responsabilité. Je sais que je peux compter sur vous.
3. Je voudrais également aborder avec vous un autre défi majeur : celui de l'énergie.
Face à l'envolée des cours du pétrole, face au réchauffement climatique, nous devons dès aujourd'hui construire la politique énergétique de demain : une politique plus économe en ressources et plus respectueuse de l'environnement. Ce défi est essentiel pour l'avenir de notre pays comme pour celui de vos métiers.
D'abord parce qu'il représente pour vous une formidable opportunité. Les crédits d'impôt ont été considérablement augmentés dans deux domaines : les travaux d'isolation en cas d'achat d'un logement ancien, et les énergies renouvelables, qu'il s'agisse de l'installation de chauffe-eau solaires ou de pompes à chaleur. A partir du 1er juillet 2006, un diagnostic énergétique sera obligatoire pour toute vente.
Pour accompagner et accélérer ce mouvement, vous avez bien sûr tout votre rôle à jouer, en contribuant à une meilleure information de nos concitoyens sur les enjeux de l'amélioration énergétique de leur logement.
Cela suppose d'accroître votre effort de formation.
Je sais que la CAPEB est pleinement mobilisée en ce sens. Chacun d'entre vous, en plus de son savoir-faire artisanal, doit se former en permanence à l'utilisation de nouveaux matériaux, de produits moins polluants, moins dangereux pour les salariés, de nouvelles technologies de mesure ou de pose.
Je sais que le dispositif des fonds d'assurance formation ne répond pas à vos attentes. Renaud DUTREIL m'a fait part de son souhait de rouvrir ce dossier avec l'ensemble des partenaires intéressés. Je lui demande d'aboutir d'ici l'été.
Vous voyez, si on avait besoin de preuves, qu'il ne faut pas douter de la détermination de gouvernement à prendre les décisions nécessaires et à avancer dans la voie de la réponse à vos préoccupations comme dans la voie de la modernisation de notre pays.
Pour conclure, je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, d'avoir rappelé dans vos propos l'action du gouvernement en faveur de la création, du développement et de la transmission d'entreprises depuis 2002.
Comme vous l'avez souligné, Renaud DUTREIL a joué un rôle essentiel, pour définir et mettre en oeuvre cette politique. J'ai toute confiance en lui pour répondre à toutes les interrogations sur les sujets concernant la CAPEB que vous avez soulevées dans votre discours. Je lui demande de le faire dans les délais les plus brefs. C'est ce qu'on appelle en politique, la répartition des tâches.
Je voudrais simplement évoquer avec vous la question des conjoints-collaborateurs. Le décret d'application est au Conseil d'Etat et sera publié sous deux mois. Il n'est bien sûr pas question de faire payer deux fois les conjoints qui ont une activité principale salariée en dehors de l'entreprise. Il s'agit d'une réforme majeure pour l'artisanat, qui donnera un vrai statut social à tous ceux, et en premier lieu à toutes les femmes, qui s'investissent dans l'activité de l'entreprise aux côtés de leur conjoint. C'est grâce à leur engagement sans faille que de nombreuses petites entreprises parviennent à vivre et à se développer. Ils ont longtemps travaillé dans l'ombre. Il était temps que leur engagement soit officiellement reconnu.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers amis,
Aujourd'hui, c'est vrai, il y a des inquiétudes et des interrogations dans notre pays. Mais il y a aussi, et vous le savez peut-être mieux que quiconque, de vraies raisons d'espérer : le chômage qui baisse, la croissance qui revient, l'investissement qui repart. D'ailleurs, le moral des chefs d'entreprises n'a jamais été aussi élevé depuis cinq ans.
Le gouvernement est tout entier mobilisé pour renforcer la croissance et aider les entreprises à se développer et à embaucher. Je sais que je peux compter sur votre détermination, sur l'engagement de vos salariés pour nous aider à relever le défi du dynamisme et de l'emploi.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mai 2006