Extraits de la déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les suites à donner au protocole de Kyoto et à la réunion de Montréal pour agir dans le domaine des émissions de gaz à effet de serre après la publication du rapport de Mme Elyane Bressol "Les enjeux de l'après Kyoto", Paris le 26 avril 2006.

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Circonstance : Publication du rapport de Elyane Bressol au Conseil économique et social : "Les enjeux de l'après Kyoto"

Texte intégral

« Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour le travail effectué qui est très important. Vous proposez des pistes qui me paraissent extrêmement intéressantes. Votre travail complète utilement celui mené par la mission parlementaire sur l'effet de serre, qui vient de rendre son rapport. Nous avons ainsi un ensemble de propositions, qui nous seront utiles dans l'élaboration du plan climat actualisé 2006, que je présenterai avant l'été.
Comme vous le savez, l'action pour développer un habitat plus écologique fait partie de mes priorités. Je plaide pour une politique de logement social vraiment exemplaire, généralisant l'approche HQE et la haute performance énergétique. J'ai ainsi récemment inauguré un collège réalisé selon l'approche Haute qualité environnementale (HQE) à Vigny, dans le Val d'Oise. Ce projet a été réalisé sans surcoût par rapport à un projet classique. Le HQE couvre quatorze critères environnementaux, dont l'énergie. Il ne fixe pas en lui-même d'objectif chiffré en matière d'énergie. C'est pourquoi il faut exiger aussi des objectifs de haute performance énergétique ou de très haute performance énergétique. Nous devons progresser en matière de normalisation, pour faire entrer le HQE dans les normes AFNOR, afin que les projets puissent faire l'objet d'une certification.
Je me réjouis que les travaux aient bien avancé dans ce domaine, puisque l'AFNOR vient de créer une norme « NF bâtiments tertiaires - démarche HQE », et qu'une norme HQE logement est en préparation. J'ai récemment rencontré Philippe Van de Maele, le directeur général de l'ANRU, pour qu'il se fixe des objectifs de plus en plus ambitieux en matière de haute performance énergétique dans le plan de construction et de rénovation du logement social. La Caisse des dépôts et consignations est également en train de mettre en place un prêt bonifié pour les constructions et rénovations de logements sociaux réalisés en très haute performance énergétique. C'est très important pour l'écologie, c'est également très important pour les ménages modestes qui pourront ainsi réaliser des économies importantes sur leurs factures.
Vous soulignez, dans votre projet d'avis, que pour agir efficacement dans le domaine des émissions de l'effet de serre dans l'habitat, le gouvernement doit consacrer sur 5 ans un effort budgétaire conséquent. Je ne peux que souscrire à cette proposition. Sachez que je défendrai avec vigueur le budget de l'environnement pour l'exercice 2007. Je vous ferai néanmoins remarquer que l'?tat consacre déjà un effort budgétaire important à travers le crédit d'impôt, qui représente une non-recette fiscale de 450 millions d'euros annuels. Cet effort va augmenter, grâce aux nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre, comme l'augmentation du tarif de rachat du photovoltaïque de 50 %. Enfin, même si des ressources budgétaires supplémentaires sont souhaitables, nous pouvons aussi trouver des mécanismes permettant d'agir à budget constant : ainsi vous proposez dans votre projet d'avis de cibler le crédit hypothécaire rechargeable sur les dépenses d'amélioration énergétique. Je pense que c'est une excellente idée et je demande à mes services de l'étudier.
Vous insistez également sur le rôle des nouveaux outils économiques, tels que les marchés de quotas de CO 2, les certificats d'économie d'énergie, et la nécessité de mobiliser le secteur bancaire pour mettre en place des prêts « verts ». Je soutiens complètement cette proposition. L'ADEME et le ministère de l'écologie sont en train de travailler à la mise en place des certificats d'économie d'énergie, et des relations avec les acteurs bancaires sont en cours. J'ai également mis en place, avec le ministre de l'économie Thierry Breton, la Commission sur les outils économiques au service du développement durable, dirigée par Jean-Pierre Landau, qui nous remettra un rapport d'étape en juillet avec des propositions en matière de fiscalité environnementale pour le PLF 2007. Nous nous appuierons aussi beaucoup sur les diagnostics de performance énergétique, qui entrent en vigueur en juillet prochain et qui seront un outil très important pour inciter les propriétaires à réaliser des travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique de leurs logements. La généralisation de l'« étiquette-énergie », qui figurera dans les diagnostics énergétiques sur les logements à partir de juillet, et qui figure aussi sur les voitures à la vente, est un outil efficace d'information et de sensibilisation de nos concitoyens. Enfin, la campagne de communication « Faisons vite, ça chauffe ! » continue sur les télévisions et les radios. Le changement climatique reste une de nos priorités d'action et de communication.
Je terminerai par évoquer les pistes concernant le problème de l'étalement urbain. J'ai trouvé cette partie de votre rapport particulièrement percutante. C'est d'autant plus le cas que vous mettez là le doigt sur une question peu traitée ou souvent mal traitée, notamment parce qu'elle est - il faut bien l'avouer - difficile. Mais, elle est néanmoins essentielle. La politique de l'habitat pour être efficace, comme vous le soulignez, doit être cohérente avec celle de l'urbanisme. Or, donner de la cohérence à ces deux politiques passe inévitablement par le traitement de la question délicate du foncier. Un étalement urbain inconsidéré a un double coût : d'abord, toutes les études montrent que plus les villes sont étalées, plus grandes sont les consommations d'énergie ; ensuite parce que l'urbanisme étalé est plus difficile à restructurer.
Comme vous le proposez, il convient d'encourager la densification de certains espaces par l'augmentation des COS ; d'agir sur la fiscalité locale à la fois pour favoriser la HPE, la HQE, la densification et la sauvegarde d'espaces naturels ; de fixer et rendre obligatoire l'élaboration des Plans locaux d'urbanisme (PLU) en cohérence avec les SCOT respectant les critères d'objectifs en termes d'enjeu environnemental ; enfin de favoriser l'implantation de services de proximité marchands et non marchands pour les banlieues pavillonnaires existantes.
La lutte contre le changement climatique requiert une plus grande cohérence des différentes politiques publiques. Comme vous l'écrivez, cette lutte est « liée aux stratégies d'économies qui peuvent être conduites par les politiques d'urbanisme, des transports, de l'habitat et donc de la qualification des sols ». Votre rapport de par ses recommandations contribue à donner cette cohérence.
Madame la rapporteure, je souhaite vous redire combien j'ai apprécié la qualité de votre rapport, et suis heureuse que le Conseil économique et social se soit investi dans ce sujet majeur. Le protocole de Kyoto n'est qu'une première étape. Son but est de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. En la matière, la France n'a pas à rougir car nous avons effectivement fait des efforts. Pour autant, il ne faut surtout pas baisser les bras.
Le premier problème du Protocole de Kyoto est que les pays industrialisés ont pris des engagements, tandis que les pays émergents comme la Chine ou l'Inde n'en ont toujours pas pris. Les États-Unis n'ont pas non plus ratifié le protocole : tous ces pays doivent prendre des engagements.
Le deuxième problème du Protocole de Kyoto est qu'il ne concerne que le court terme, c'est-à-dire 2012. Au-delà de cette date, nous n'avons pas d'engagements chiffrés. Or, c'est une division par deux des émissions au niveau mondial qu'il faut assurer d'ici à 2050, et par quatre pour les pays industrialisés. Pour l'instant, le Protocole de Kyoto ne tient pas compte de cette nécessité. Alors plutôt que de parler d'après-Kyoto, je préfère parler de l'après 2012. En effet, le Protocole de Kyoto est entré en vigueur début 2005 grâce à la ratification de la Russie, après des années d'efforts, alors que beaucoup n'y croyaient plus. Nous ne devons pas enterrer le protocole alors qu'il vient juste d'entrer en vigueur. Par contre, il faut que nous donnions un avenir après 2012 au dit protocole.
Le Protocole de Kyoto est très utile, et nous avons considérablement progressé dans son application. Nous avons lancé à Montréal, en décembre dernier, un processus de discussion alors que les Américains s'y opposaient. La conférence de Montréal a été à tous égards une étape très importante dans la concertation internationale pour la lutte contre le changement climatique, car il s'agissait non seulement de la onzième conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, mais aussi et surtout de la première conférence des parties au Protocole de Kyoto.
La France avait trois objectifs principaux à Montréal.
Le premier était d'assurer la mise en oeuvre effective du Protocole de Kyoto en approuvant les accords de Marrakech qui visent à assurer un marché du carbone durable et efficace. Ces accords ont été approuvés sans réserve.
Le second objectif était d'assurer le démarrage du mécanisme de développement propre (MDP) qui permet à un pays industrialisé de bénéficier de « crédits carbone » en réalisant un investissement en technologie propre dans un pays en voie de développement. Ce second objectif a également été atteint. Les pays développés, la France en tête, se sont enfin engagés à financer le fonctionnement du MDP à hauteur de treize millions de dollars entre 2006 et 2016.
Le troisième objectif de Montréal, enfin, était d'engager un processus pour évoquer les objectifs des pays après 2012. Un accord a pu être trouvé dans la dernière nuit de la dernière journée de la conférence, malgré des négociations extrêmement dures avec les Américains. Cet accord, dans le cadre de la convention cadre, demande notamment d'engager un dialogue sur les approches stratégiques dans le cadre d'une collaboration mondiale à long terme. Une série d'ateliers est donc prévue pour permettre de recenser la gamme des solutions proposées par les différents pays pour lutter contre les changements climatiques.
Certes, il faut aller encore plus loin. Les travaux du Conseil économique et social nous seront très utiles et nous tiendrons compte de vos propositions. Je crois qu'il faut mobiliser tous les acteurs de la société civile, et je tiens enfin à souligner que la France hébergera en janvier 2007 la réunion du GIEC. Ce sera un événement important pour avancer dans la connaissance scientifique sur le changement climatique et pour la sensibilisation du public à celui-ci.
Pour répondre à un sujet que vous avez évoqué, madame la rapporteure, je souhaite vous indiquer que la France a lancé il y a maintenant plusieurs mois l'idée d'une Organisation des Nations unies de l'environnement (ONUE) puisque nous nous apercevons que c'est un des seuls thèmes qui n'est pas défendu au niveau des Nations Unies. Nous sommes partis seuls, puis avons été rejoints très vite par l'Allemagne. Nous ne sommes pas encore arrivés au bout du chemin, mais j'ai le plaisir de vous dire qu'aujourd'hui quatre-vingt-dix-neuf pays y ont adhéré. Nous allons donc continuer à nous battre.
Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, messieurs et mesdames les conseillers, merci pour votre attention et pour le travail effectué. » source http://www.ces.fr, le 10 mai 2006