Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur le bilan de la politique de l'emploi menée par le gouvernement et sur les mesures prises en faveur de l'innovation industrielle et de l'aide apportée aux petites entreprises innovantes, Paris le 11 mai 2006.

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Circonstance : Rencontre avec des PME à forte croissance, à Paris le 11 mai 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
cher Pierre SIMON,
Messieurs les Ministres, cher Thierry,
cher Renaud,
mesdames,
messieurs,
chers amis,
Permettez-moi d'abord de vous dire combien je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui. Tous ici nous partageons un même objectif, créer davantage de croissance et créer davantage d'emplois. C'est bien sûr la mission que m'a confiée le président de la République et pour laquelle avec l'ensemble du gouvernement nous nous battons chaque jour depuis plus de 11 mois. C'est aussi l'ambition que vous avez pour vos entreprises qui sont et je suis fier de le dire ici devant vous, parmi les plus dynamiques de notre pays, et c'est grâce à vous, grâce à votre esprit d'initiative, à votre audace et à votre envie de réussir que la France parvient à tenir son rang dans la compétition économique mondiale.
Aujourd'hui nous voyons le fruit de nos efforts. Cela fait un an que le chômage baisse dans notre pays. Depuis le mois de juin près de 200.000 personnes ont retrouvé un emploi, ou une formation. Sur le seul mois de mars, il y a eu 31.000 demandeurs d'emplois en moins. C'est le meilleur chiffre atteint depuis cinq ans. La croissance avance maintenant sur un rythme supérieur à 2%. L'investissement industriel repart avec une hausse anticipée de 5%, soit la plus forte augmentation depuis 2000, et ne l'oublions pas le climat des affaires atteint son meilleur niveau depuis 2001. Ces résultats, ils ne tombent pas du ciel, vous le savez mieux que quiconque. Ils sont le fruit de mesures fortes, et d'une mobilisation forte dans notre pays. Des mesures d'abord sans précédent en faveur de l'emploi, et notamment le Contrat Nouvelles Embauches qui connaît un succès remarquable avec près d'un demi million d'intentions d'embauches. Dans le même temps, nous modernisons le service public de l'emploi afin que les chômeurs soient mieux accompagnés et davantage incités à reprendre une activité. Enfin nous faisons des efforts inédits en faveur de la formation et en faveur de l'apprentissage. Pour que les entreprises puissent embaucher des jeunes mieux formés et mieux préparés. Tout cela marche, tout cela vous permet de recruter et donne de l'espoir à des millions de Français. Nous avons ensuite pris des mesures pour renforcer la compétitivité des entreprises. L'impôt sur les sociétés a été baissé, la taxe professionnelle allégée, les charges sociales au niveau du smig diminuées, le droit économique simplifié, et la transmission facilitée. Aujourd'hui, je ne dis pas que c'est le meilleur des mondes, mais vous bénéficiez d'un environnement fiscal et réglementaire plus favorable et plus encourageant. Nous avons enfin fait des efforts massifs en faveur de la recherche et de l'innovation. Notre pays ne manque certes ni de talent ni d'intelligence, ni d'énergie, mais nos atouts et nos compétences doivent être davantage rassemblés si nous voulons tenir notre rang dans la mondialisation et c'est à cela que nous avons voulu remédier avec les pôles de compétitivité, avec les agences d'innovation ou encore la loi sur la recherche préparée par Gilles de ROBIEN et François GOULARD. Désormais, nos universités, nos laboratoires de recherche, nos instituts, nos grandes écoles, nos entreprises vont pouvoir regrouper, rassembler leurs forces et travailler ensemble autour de projets ambitieux. L'agence de l'innovation industrielle a choisi fin avril six projets de portée internationale qui bénéficieront d'un financement de près de 250 millions d'euros dans des domaines aussi variés que l'énergie et l'environnement, ou les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les premiers grands projets des pôles de compétitivité viennent d'être sélectionnés. Plus de 70 actions ont ainsi été identifiés représentant un investissement total de 600 millions d'euros.
Ce nouvel élan, il n'est pas pour demain. Il s'incarne aujourd'hui dans le retour de la croissance et la baisse du chômage, mais je suis convaincu que nous pouvons encore faire beaucoup mieux en développant l'esprit d'entreprise et d'innovation dans notre pays. L'innovation, ce n'est pas seulement l'affaire de nos grands groupes industriels. L'innovation doit irriguer l'ensemble de notre tissu économique. Depuis les années 70, notre politique industrielle a favorisé l'émergence de champions industriels capables de rivaliser chacun dans son secteur avec les meilleurs mondiaux. Cette politique est bien sûr un succès. Aujourd'hui les grandes entreprises françaises font partie des leaders européens et mondiaux dans leurs activités et structurent des filières entières. Sur les 100 premières entreprises mondiales, 11 sont françaises. Nous allons bien sûr continuer de défendre nos grands groupes car ils sont au coeur du patriotisme économique français et européen, patriotisme que le gouvernement entend défendre. L'Etat est intervenu directement pour sauver ALSTOM, pour construire un champion de l'énergie avec le rapprochement de GAZ DE FRANCE et de SUEZ, pour constituer un leader européen dans le domaine des satellites avec le rapprochement ALCATEL THALES. Nous donnerons enfin à nos champions les moyens de poursuivre leur développement grâce à la création de l'agence pour l'innovation industrielle, ils disposent d'un soutien à l'innovation performant, compléter par le crédit d'impôt recherche que nous avons augmenté. Mais si nous voulons, si nous voulons ensemble que l'économie française devienne une véritable économie de l'innovation, créatrice de croissance, et capable d'offrir à tous des emplois de qualité, nous ne pouvons pas compter sur les seules 40 premières entreprises françaises aussi performantes soient-elles. Nous devons soutenir toutes nos entreprises. Je pense en particulier aux très petites entreprises car vous le savez mieux que quiconque, c'est bien par là que tout commence, par une idée dans laquelle on croit, un rêve que l'on veut réaliser. Vous savez aussi combien les premiers obstacles sont difficiles à surmonter, combien les risques pris dans les deux premières années sont importants et peuvent dissuader ô combien d'entreprendre.
Les efforts que nous avons faits depuis trois ans en faveur de la création d'entreprise ont porté leurs fruits grâce à l'action énergique de Renaud DUTREIL que je veux saluer. En 2005, 231.000 ont été créées contre 170.000 en 2001. L'engagement pris par le président de la République, d'un million d'entreprises nouvelles sur l'ensemble du quinquennat sera donc tenu et vraisemblablement dépassé. Mais nous le savons ces efforts doivent s'accompagner d'un soutien accru au développement de ces entreprises. C'est la mission d'OSEO dont le budget d'intervention est doublé, c'est l'objet des cinq programmes nationaux de développement des PME, lancé en février dernier par Renaud DUTREIL. Ces programmes permettront de conforter les nouvelles entreprises, de faciliter l'accès aux nouvelles technologies, de favoriser la présence de jeunes diplômés aux côtés du chef d'entreprise, et de mieux protéger les innovations par des dépôts de brevets. Pour renforcer notre croissance, nous avons besoin d'une nouvelle génération d'entreprises porteuses de nouveaux projets, de nouvelles innovations et capables d'exporter et d'embaucher en nombre. Dans un contexte de compétition internationale de plus en plus intense, nous devons êtes capables de produire des biens de plus en plus pointus et d'offrir des services de plus en plus personnalisés. Nous savons tous que cela nécessite des investissements lourds auxquels seules les entreprises d'une certaine taille peuvent faire face. Notre pays a besoin d'un tissu économique plus dense, plus riche en entreprises de taille moyenne. C'est indispensable si nous voulons atteindre le rythme d'innovation et d'exportation qui nous permettra de nous maintenir à la pointe de l'économie mondiale. C'est indispensable si nous voulons multiplier l'activité dans notre pays.
Je rappelle le constat que font Jean-Paul BETBEZE et Christian SAINT-ETIENNE dans le rapport qu'ils ont écrit pour le Conseil d'analyse économique, 97% des petites entreprises françaises ont moins de 20 salariés, et 99% moins de 50 salariés. Il n'y a pas de secret. La clef c'est la croissance de nos très petites entreprises. Aujourd'hui, celles-ci sont confrontées à un environnement complexe qui les pousse parfois à geler leur croissance, plutôt qu'à prendre le risque de l'investissement et de l'emploi. Seules 2000 entreprises de moins de 250 salariés connaissent une croissance de leur chiffre d'affaires supérieure à 33% deux années de suite. A peine une centaine parviennent à tenir ce rythme de croissance quatre années de suite. Tout se passe comme si ces entreprises se heurtaient à une sorte de plafond de verre qui les oblige à faire une longue pause dans leur croissance.
Pour consolider notre croissance nous voulons proposer un meilleur accompagnement à ces entreprises pour les aider à franchir chaque étape avec confiance. Je souhaite donc ouvrir la deuxième phase de l'action du gouvernement en faveur des petites et moyennes entreprises. Une fois surmontés les premiers obstacles, les entreprises qui veulent dépasser le cap des 20 salariés font face à de nouvelles difficultés. Elles sont confrontées à une trésorerie tendue, et à un manque de ressources humaines pour gérer les formalités administratives. Ces difficultés freinent leur dynamisme. L'Etat se doit donc bien d'être à leur côté. Pour les aider, pour vous aider nous allons définir avec Thierry BRETON et Renaud DUTREIL un statut d'entreprise de croissance au profit des petites entreprises qui connaissent deux années de suite une forte croissance de leur masse salariale. Ce statut leur permettra de bénéficier pendant au moins deux ans d'un soutien particulier avec un objectif, neutraliser les surcoûts liés à la croissance. Ce soutien, ce sont d'abord des aides au financement pour les fortes créations d'emplois et l'activité. Afin que les entreprises ne soient pas pénalisées alors même qu'elles doivent effectuer d'importants investissements, un nouveau mécanisme de gel de l'impôt sur les sociétés sera mis en place. Celui-ci permettra de neutraliser toute augmentation de cet impôt pendant la période de croissance. Les bénéfices pourront ainsi être réinvestis dans le développement de l'entreprise et dans les embauches de nouveaux salariés. Ce dispositif élaboré par Thierry BRETON et Renaud DUTREIL sera présenté en loi de finances.
Naturellement les gazelles bénéficieront pleinement des initiatives que nous avons prises en faveur du financement des PME. Pour que les entreprises puissent se financer plus facilement par des crédits bancaires les encours de crédits en faveur des PME seront rendus plus transparents. Pour améliorer le financement par fonds propres, qui reste souvent insuffisant, pour assumer des phases de croissance rapide, les marchés du capital risque et du capital développement seront renforcés par le programme de deux milliards d'euros annoncés par le président de la République en janvier dernier. Celui-ci sera opérationnel dès cet été. J'ai chargé Laurent FLEURIOT d'une mission de préfiguration sur ce sujet. Nous lèverons également un certain nombre d'obstacles liés aux différents seuils de développement des entreprises. Passé un certain stade de développement, vous devez recruter un grand nombre de collaborateurs. Or ces salariés mettent parfois un certain temps à trouver de nouveaux marchés et à générer du chiffre d'affaires. Pour éviter que ces nouvelles embauches ne pèsent sur la trésorerie de l'entreprise à un moment crucial, celle-ci pourra bénéficier si elle le souhaite d'un décalage de six mois du paiement des cotisations des salariés embauchés. Le paiement des cotisations sera alors étalé sur les années suivantes au moment où l'entreprise dégage des résultats suffisants.
Les entreprises de croissance manquent de personnel qualifié comme vous l'avez exprimé dans l'enquête réalisée par le ministère des PME. Pour que vous puissiez bénéficier de l'expérience des cadres des grandes entreprises, et de la fonction publique, des facilités juridiques permettront l'embauche des personnels selon des modalités qui seront définies après concertation avec les partenaires sociaux. Ces formules ont fait leurs preuves pour la création d'entreprise, notamment des jeunes entreprises innovantes et permettent à des cadres expérimentés de tenter une reconversion dans des jeunes PME en phase de démarrage. Je sais combien cet apport de compétence confirmée est important pour assurer le succès de votre développement tant vous éprouvez de difficulté dans vos recrutements. Je tiens également à souligner combien l'apprentissage que nous revalorisons peut constituer pour vous une solution pour recruter et former des jeunes, de tout niveau de qualification. Enfin, vous bénéficierez en tant qu'entreprise de croissance d'un suivi personnalisé qui sera mis en oeuvre par les différentes administrations économiques et sociales pour vous aider dans vos formalités. Afin que la totalité de votre temps reste disponible pour le développement de votre entreprise, je demande aussi à Renaud DUTREIL en collaboration avec Thierry BRETON, Jean-François COPE, Gérard LARCHER et Philippe BAS de me présenter d'ici l'été un plan ambitieux de simplification parce que je sais que c'est au coeur de vos préoccupations.
Mesdames, messieurs, chers amis, vous le voyez, le gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à vos entreprises de se développer et d'embaucher, car pour gagner la bataille de l'emploi, pour gagner la bataille de l'innovation, il n'y a pas de secrets. Nous avons besoin d'entreprises fortes capables d'innover, d'exporter, de conquérir des parts de marché dans le monde. Nous avons besoin d'entrepreneurs qui donnent le meilleur d'eux-mêmes et qui se battent pour construire un projet auquel ils croient, le talent, l'énergie, la motivation. Je sais qu'ils sont présents partout dans notre pays, et vous en êtes une belle incarnation. Ils n'ont souvent besoin que d'une étincelle pour prendre corps, d'un peu d'aide pour tenir la distance. Cette étincelle, cet accompagnement, c'est cela que nous voulons apporter à vos entreprises. Nous voulons lever les obstacles qui freinent votre développement. Nous voulons vous offrir le soutien et l'expertise indispensable à votre croissance. Nous voulons vous donner les moyens de vos ambitions parce que nous savons que c'est comme cela que nous construirons une économie forte, une véritable économie de la connaissance qui donne à chacun la possibilité de faire sa place, de réussir et d'atteindre son idéal.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 mai 2006