Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec le journal croate "Vjesnik" du 2 juin 2006, sur les relations franco-croates et la perspective d'une adhésion de la Croatie à l'Union européenne.

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Circonstance : Déplacement en Croatie, les 1er et 2 juin 2006

Média : Vjesnik

Texte intégral


Q - How would you describe the bilateral relationship with Croatia, political and economical ? (Comment décririez-vous les relations bilatérales avec la Croatie sur le plan politique et économique ?)
R - Les relations entre la France et la Croatie sont excellentes, à tous points de vue. Politiquement d'abord, car la Croatie joue un rôle exemplaire pour la stabilité de la région. Nous connaissons depuis longtemps et apprécions beaucoup le président Mesic et je me souviens avec émotion de ma dernière visite à Zagreb, en novembre 2000 avec le président Jacques Chirac. En novembre dernier, votre Premier ministre est venu en France et sa visite a été très convaincante. Je suis donc heureuse d'effectuer cette visite aujourd'hui à Zagreb qui confirmera la qualité de nos relations. Ces dernières se développent aussi dans le domaine économique et humain. Il y a aujourd'hui 51 filiales françaises implantées en Croatie. Une délégation d'hommes d'affaires français est aussi venue en février confirmer la volonté des entreprises françaises de participer au développement du pays. Les investissements français, par exemple dans le secteur bancaire, sont en hausse et c'est une preuve de la confiance des entreprises françaises dans l'avenir politique, économique, européen et régional du pays. Il ne s'agit pas simplement de commerce, mais d'un partenariat beaucoup plus large qui concerne toute l'économie croate. Parallèlement, la communauté française en Croatie augmente régulièrement et c'est un signe qui ne trompe pas. 800 Français sont recensés par notre consulat. Par ailleurs, les écoles française et allemande à Zagreb sont installées dans le même espace, "l'eurocampus", ce dont nous sommes très heureux. J'ajouterais aussi que la Croatie est devenue l'une des destinations touristiques préférées des Français : 600.000 Français y ont passé des vacances l'an dernier. La France et la Croatie ont également des affinités plus larges, par exemple sur le terrain de la diversité culturelle. Votre pays a ainsi contribué très positivement à l'élaboration de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle que vous venez de ratifier ce qui, pour nous, est un geste important. Elle est membre observateur de la Francophonie, ce qui est aussi une façon de contribuer au plurilinguisme et à la diversité dont l'Europe a besoin. Bref, je dirais que la France et la Croatie se ressemblent ! Ce sont, en effet, deux pays où se mélangent plusieurs influences, du nord, du sud, et méditerranéennes.
Q - Is France supportive of croatian membership in the EU ? In which way France supports Croatia with the negociation process ? (Est-ce que la France soutient l'adhésion croate à l'Union européenne ? Dans quelle mesure la France soutient-elle la Croatie dans le processus de négociation ?)
R - Vous savez que la France a toujours soutenu la perspective européenne pour les pays de la région. C'est sous présidence française de l'Union européenne et à son initiative que s'est tenu le Sommet de Zagreb en 2000. Cette perspective a été confirmée au Conseil européen de Thessalonique de 2003. Mon pays a également appuyé la Croatie pour qu'elle obtienne le statut d'Etat candidat à l'Union européenne en 2004. Et, le 3 octobre 2005, après le rapport de Mme Carla Del Ponte et parce que la Croatie y était prête, nous avons soutenu l'ouverture de la négociation d'adhésion. Au-delà de ce soutien politique constant, il y a la coopération technique bilatérale. Elle représente environ 600 000 euros par an pour des actions notamment destinées à aider à la consolidation de l'Etat de droit, par exemple dans le domaine de la justice. Dans un autre domaine, nous sommes heureux de la présence, aux côtés des autorités croates, de M. Legras, qui est l'un des meilleurs spécialistes français de la Politique agricole européenne. J'ajouterai que la France est chef de file pour des actions financées sur des crédits européens. Nous aidons ainsi, depuis le début de l'année, à la formation des procureurs ainsi que le ministère de l'intérieur pour la gestion des frontières. Je voudrais insister sur un point à ce propos. Il ne s'agit pas pour nous de nous poser en modèle, nous souhaitons simplement apporter notre expérience et notre aide. Et nous sommes ouverts à toute demande croate. Plus largement, je voudrais souligner que lorsque la France plaide à Bruxelles pour que l'Europe avance, qu'elle ait un contenu concret, en particulier pour les nouveaux Etats membres, il s'agit de positions qui vont aussi dans le sens des préoccupations croates. Lors des derniers débats sur le budget européen pour la période 2007-2013, nous avons plaidé avec d'autres dans ce sens.
Q - Frenchmen voted against EU constitution. Are they against Europe ? (Les Français ont voté contre la Constitution de l'Union européenne. Sont-ils contre l'Europe ?)
R - En rejetant la Constitution européenne, les Français n'ont pas dit non à l'Europe mais plutôt à une certaine façon de la faire. Les raisons de ce vote sont par ailleurs multiples. Il est absolument certain que les Français continuent à se sentir très européens. Je dirais plutôt qu'ils sont à la fois intéressés par l'Europe et insatisfaits des réponses qu'elle apporte sur certains sujets. Ils demandent qu'elle réponde à leurs préoccupations de manière plus concrète. Par ailleurs, ils souhaitent être mieux associés à la construction européenne. C'est ce à quoi le gouvernement travaille depuis maintenant près d'une année.
Q - There are fears in Croatia that France would try to slow down the negociation process because of the euro-scepticism in France. Is that the fact ? (En Croatie on craint que la France essaie de ralentir le processus de négociation à cause de l'euro-scepticisme en France. Est-ce le cas ?)
R - En réalité il vaudrait mieux parler du "processus d'adhésion" de la Croatie. Ce processus implique la reprise de l'acquis communautaire, c'est-à-dire de toutes les règles européennes. Ce n'est donc pas une ''négociation'' au sens que l'on donne le plus souvent à ce terme. Autrement dit, le rythme des discussions à Bruxelles dépendra de la Croatie elle-même, de sa préparation et de ses efforts. La Croatie, comme tous les autres pays qui ont été candidats, sera jugée sur ses propres mérites et nous souhaitons que tout se passe bien. Je suis sûre que cela sera le cas.
Q - Can you please comment on the problem of absortion capacity ? (Pourriez-vous, s'il vous plaît, commenter le problème de la capacité d'assimilation ?)
R - Ce n'est pas une idée nouvelle, car la capacité d'assimilation fait partie des critères dits de Copenhague qui doivent être respectés lorsqu'un pays souhaite rejoindre l'Union européenne. Et c'est aussi une idée de bon sens : la construction européenne et l'arrivée de nouveaux pays réussiront d'autant mieux que l'Europe est capable de les accueillir dans les meilleures conditions. C'est notre intérêt à tous. La Croatie se prépare et l'Europe de son côté doit aussi se préparer à l'accueillir. Je suis sûre qu'elle y parviendra.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2006