Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur la publication de décrets concernant l'organisation des services d'urgences dans le cadre du "Plan urgences 2005-2008", Paris le 23 mai 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Chaque année, 15 millions de nos concitoyens - dont 1 million pour des urgences vitales - sont pris en charge dans les services d'urgence publics et privés.
En matière d'urgences, il existe un modèle français original, examiné avec beaucoup d'intérêt par d'autres pays : il repose sur la prise en charge par des médecins désormais spécialistes en médecine d'urgences, sur une régulation des appels par des médecins, et sur la médicalisation des interventions sur le terrain.
Ce modèle, nous devons le conserver, tout en l'améliorant et le modernisant.
C'est tout le sens de la concertation que nous avons engagée dès septembre 2002, qui a abouti au Plan Urgences présenté en Septembre 2003 et qui connaît aujourd'hui une étape importante avec la publication des nouveaux décrets aujourd'hui.

I. Ces décrets organisant les structures d'urgences et les services mobiles d'urgences et de réanimation (SMUR)
Ces décrets marquent une évolution significative. Ce ne sont plus les urgences seules qui accueillent les patients, mais bien l'établissement dans son ensemble, et au-delà le réseau du territoire.
(a) En effet, grâce à ces nouveaux textes, la coordination de l'ensemble de la chaîne des urgences bénéficie enfin d'un cadre réglementaire. Cette organisation repose sur trois grands principes indispensables à une prise en charge rapide et de qualité : proximité d'accès, qualité de la prise en charge, coopération et coordination
La proximité d'accès, tout d'abord. Aujourd'hui, 631 structures et 435 SMUR sont autorisés ; le décret permettra non seulement de maintenir, mais aussi de consolider ce maillage.
Afin de garantir la qualité des soins, le décret prévoit une obligation pour les équipes médicales appartenant à des structures d'accueil à faible activité (moins de 8 000 passages par an soit 21 par jour) d'exercer dans des structure plus importantes, de manière à entretenir leurs compétences techniques en particulier pour les détresses vitales qu'elles peuvent rencontrer moins souvent (2 à 3% des passages).
Par ailleurs, la reconnaissance du rôle des médecins correspondants du SAMU permet de mettre en place, dans les zones particulièrement isolées, des relais efficaces pour la prise en charge des urgences vitales.
Les décrets visent également à une meilleure coopération et coordination de toutes les structures au sein de la chaîne des urgences.
Ils prévoient la mise en place d'un « réseau » d'urgences entre les établissements dans chaque territoire de santé. Les coopérations entre tous les hôpitaux et cliniques d'un territoire seront désormais formalisées dans une convention approuvée par l'Agence Régionale de l'Hospitalisation.
Cela permettra notamment, pour des urgences vitales ou très graves - Accidents Vasculaires Cérébraux, infarctus du myocarde, traumatologie lourde-, un accès direct du patient au plateau technique spécialisé le plus compétent sans passage par les structures d'urgences.
De même, des filières de soins spécialisées seront organisées pour certaines populations (enfants, personnes âgées, patients nécessitant des soins de psychiatrie).
Ces décrets garantissent ensuite la qualité de la prise en charge.
Tout d'abord, en assurant la qualification des professionnels qui exercent aux urgences
Toutes les structures d'urgences ont dorénavant l'obligation de répondre aux mêmes exigences de qualité, notamment en termes d'effectifs et de compétences médicales et paramédicales. Les médecins exerçant dans les structures d'urgence auront l'obligation d'avoir la spécialité de médecine d'urgence ou une formation universitaire et 3 ans d'expériences dans ces services.
Au-delà, il nous faut engager, compte tenu des perspectives démographiques et des conditions d'exercice, une réflexion approfondie et concertée sur l'avenir des métiers qui interviennent dans les services d'urgences. Le ministère de la santé animera un groupe de travail sur le sujet dans le prolongement des travaux que j'ai confiés au Professeur Berland.
Ensuite la qualité est garantie par une plus grande transparence et un meilleur partage de l'information :
Un registre des ressources disponibles doit être créé pour informer en temps réels les professionnels des lits ou des ressources médicales disponibles ; il s'agit de savoir par exemple où pouvoir faire une endoscopie digestive en pleine nuit, ou avoir un avis spécialisé en neurologie, si l'hôpital ou la clinique n'en dispose pas.
une fiche de dysfonctionnement sera mise en place, afin de repérer et d'analyser, tant au sein des établissements que des réseaux, les dysfonctionnements : transferts inappropriés, délais d'attente importants dans l'accès aux examens complémentaires, retards à l'admission, non suivi de protocoles ou de procédures, carences dans l'organisation extra hospitalière d'amont (permanence de soins, transports sanitaires...), refus d'hospitalisation itératifs dans des établissements territoriaux ou régionaux. Ces fiches, intégrées à la démarche globale de gestion des risques, alimenteront un rapport annuel qui sera transmis aux agences régionales de l'hospitalisation et examiné par la commission régionale des urgences.

II. J'ai également souhaité vous présenter l'état d'avancement du plan urgences 2003 - 2008
Ce bilan est détaillé dans le dossier de presse qui vous a été remis ; il est tout à fait significatif. Sur les deux premières années du plan (2004 et 2005), 330 millions d'euros ont été engagés pour le plan « urgences », permettant la création pour les services d'aval de 2369 postes dont 259 postes médicaux, et pour les urgences de 2322 postes, dont 451 postes médicaux.
Non seulement les engagements pris ont été tenus, mais en plus, sur de très nombreux sites, la situation s'est améliorée de façon tangible. J'insiste auprès de vous sur la nécessité d'une approche globale : traiter la question des urgences, c'est en réalité aborder l'hôpital, voire le territoire de santé dans son ensemble et vous constaterez que les crédits du plan ne concernent pas seulement les services d'urgence eux-mêmes, mais aussi les structures d'amont et d'aval. Ce point est fondamental.
J'ai décidé de lancer une évaluation à mi parcours du plan urgences, afin de savoir dans quelle mesure les sommes très importantes engagées par la collectivité ont répondu aux attentes des patients et des professionnels et de m'indiquer les difficultés qui demeurent irrésolues. Cette évaluation sera confiée à deux conseillers généraux des établissements de santé.
Nous savons d'ores et déjà que la question de l'impact du vieillissement de la population et de l'hospitalisation des personnes âgées après un passage aux urgences fait partie de ces difficultés.
Souvent, l'arrivée d'une personne âgée aux urgences est le résultat de l'échec d'un suivi global et adapté de leurs problèmes de santé. Du maintien à domicile à la création d'une filière « gériatrique » spécifique, nous devons éviter de telles situations.
Déjà, dans le cadre du plan « urgences » ont été créé 7363 lits et places de soins de suite, de courts séjours gériatriques, d'hospitalisation à domicile, ainsi que 259 postes de médecins, et 2072 postes de soignants dans 207 nouveaux services de court séjour gériatriques et 134 équipes mobiles de gériatrie.
Nous devons aller encore plus loin. C'est pour cette raison que, sur la base d'un rapport que nous ont récemment remis MM. JEANDEL, VIGOUROUX et PFIZENMEYER, nous avons décidé, avec Philippe Bas, de mettre en oeuvre dès 2007 des mesures nouvelles fondées sur 6 objectifs :
Le maintien à domicile des patients par le développement des alternatives à la prise en charge hospitalière.
La création d'un label « filière gériatrique » pour chaque territoire de santé à partir d'un établissement « pivot » siège d'une structure d'urgences.
Une contractualisation entre tous les partenaires de la filière gériatrique, avec les établissements et structures associées au sein des territoires de santé (services de psychiatrie, HAD, EHPAD, SSIAD)
La prise en compte du vieillissement des patients dans les services non gériatriques (comme la chirurgie et la cancérologie) afin de mettre à leur disposition les ressources et compétences de la filière « labellisée ».
Le développement de la coordination entre tous les partenaires tout au long du parcours du patient, grâce aux CLIC et aux réseaux de proximité des territoires de santé.

III. Mais le renforcement des moyens n'est pas tout ; sans action déterminée sur l'organisation, la situation ne saurait s'améliorer durablement
Je voudrais à cet égard citer quatre actions que nous avons entreprises et que j'entends amplifier ou accélérer :
- un effort massif d'informatisation, tout d'abord.
Cet effort, les structures d'urgence l'ont déjà entrepris, puisque aujourd'hui 45% des passages sont informatisés, contre moins de 10% des passages au lancement du plan. Je suis donc confiant dans le respect de notre objectif de 85% de passages informatisés pour fin 2007.
Je veux aller au-delà, et couvrir 100% des passages en 2008. L'effort que nous réaliserons pour l'informatisation de l'hôpital, avec la volonté de faire passer la part des dépenses hospitalières qui y sont consacrées de 1,7 % aujourd'hui à 3% en 2012, concernera en premier lieu l'informatisation des structures d'urgence. L'informatisation des structures d'urgence permettra ainsi de mieux coordonner la prise en charge, de contribuer à la veille sanitaire, et d'alimenter le DMP.
En effet, l'accès quotidien des pouvoirs publics et des professionnels à des informations objectives sur les situations de tension tant locales que nationales renforcera tant l'organisation des urgences que la veille sanitaire. Cela sera possible grâce à la remontée du nombre de passages aux urgences et du nombre de lits disponibles vers les régions [les serveurs régionaux des ARH sont tous opérationnels à ce jour] et vers l'InVS et la DHOS. Ce système, en cours de déploiement depuis plusieurs mois, sera totalement opérationnel dès juin 2006.
- il nous faut également apporter une aide concrète aux structures d'urgences pour améliorer leur organisation et ainsi réduire les délais d'attente et les temps de passage.
Les travaux de la Mission d'Expertise et d'Audit Hospitalier (MEAH), menées dans la concertation avec les professionnels, ont montré l'efficacité des méthodes modernes de gestion des délais d'attente. Ainsi dans un établissement de l'AP-HP (Ambroise Paré), une baisse de 23 % des temps de passage, tout type de patient confondu, a pu être obtenue.
Sur la base de ces résultats encourageants obtenus auprès de quelques sites pilotes, 41 établissements ont sollicité l'appui de la MEAH pour 2006.
Je souhaite que 100% des structures se soient dotés de tels outils de pilotage, soit par la MEAH, soit par eux-même, dans les trois ans qui viennent. Cette action doit être étendue aux SAMU.
- par ailleurs, avec les organisations professionnelles, nous avons décidé de définir des indicateurs permettant d'évaluer la qualité des prises en charge aux urgences. Ils constitueront des outils incontournables d'évaluation et d'adaptation continue des services d'urgence.
- enfin, il est clair que les efforts de réorganisation et de mutualisation des moyens SAMU SMUR urgences sont souvent contrariés par une architecture inadaptée. 127 structures (pour un montant de 440 Millions d'euros) ont été rénovées dans le cadre du plan Hôpital 2007.J'ai décidé que le volet immobilier du plan Hôpital 2012 puisse permettre d'achever cet effort de modernisation de l'immobilier pour tous les services d'urgences, sur la base d'un bilan que je demande à la AMINH et aux ARH d'établir pour l'automne prochain.

IV. Je vous rappelle pour terminer les récentes décisions prises pour conforter la permanence des soins, sujet intimement lié à la question des urgences hospitalières. Ces décisions ont été prises après une large concertation avec les professionnels et au vu d'un rapport de l'IGAS que j'avais commandé.
En premier lieu, renforcer la régulation par les SAMU.
- C'est ce que nous avons entrepris en généralisant dans tous les départements la participation des médecins libéraux à la régulation ; dans les 24 départements où cette participation n'est pas effective, les préfets auront la responsabilité de l'organiser. Nous avons aussi souhaité préciser par une circulaire le statut et la protection juridique dont bénéficie le médecin régulateur, ainsi que mieux définir la possibilité de prescription par téléphone.
- Nous avons également décidé de renforcer les moyens humains. Ainsi, après la création, entre 2004 et 2005, de 59 postes de médecins de SAMU et 297 postes de permanenciers dans le cadre du plan urgences, je vous annonce mon intention, de créer dès 2007 100 nouveaux postes de permanenciers, ce qui n'était pas prévu dans le plan mais qui résulte des évaluations de terrain
Une campagne de communication sera engagée avant la fin de l'année pour sensibiliser nos concitoyens au bon usage du 15.
Par ailleurs, la réorganisation des secteurs en deuxième partie de nuit doit être poursuivie afin de faciliter l'organisation de la permanence des soins. Nous expertiserons la possibilité pour les préfets, au cas par cas et en l'absence de solution alternative, de confier à un ou plusieurs établissements hospitaliers l'organisation de la permanence des soins en deuxième partie de nuit, accompagnée bien entendu des moyens correspondant.
Enfin, je me réjouis d'avoir permis la reprise d'un dialogue serein et indispensable au plan national entre tous les acteurs de la permanence des soins et de la médecine d'urgence. Ce dialogue sera pérennisé dans le cadre d'un comité national de l'aide médicale d'urgence et de la permanence des soins qui sera installé à la rentrée.
C'est toute la chaîne des Urgences que nous souhaitons ainsi renforcer, en amont des structures d'accueil (en coordination avec la permanence des soins), au sein des structures d'urgences, et en aval des urgences, pour améliorer en termes de rapidité comme de qualité la prise en charge des patients.
Afin de poursuivre le suivi de ce plan, un conseiller général des hôpitaux sera nommé (probablement le Dr JY Graal, ARHIF) afin de prendre la suite du formidable travail réalisé par le Dr P. Mardegan qui a souhaité mettre fin à sa mission. Il m'est ainsi donné l'occasion de le remercier.
En conclusion, permettez moi d'évoquer avec vous l'organisation hospitalière pour l'été. Comme chaque année, une circulaire définit les priorités de maintien des disponibilités de lits dans les établissements de santé. Les Agences régionales d'hospitalisation doivent maintenant travailler avec la communauté hospitalière dans chaque région et plus particulièrement au sein de chaque territoire de santé. Comme l'an dernier, le gouvernement va déplafonner les heures supplémentaires des personnels soignants de juin à septembre. Cela permettra aux établissements de santé de maintenir leurs capacités, en particulier pour les activités sensibles que sont la réanimation adulte, pédiatrique et néonatale, les soins intensifs et la surveillance continue, les grands brûlés, les soins de suite et de réadaptation, et la médecine polyvalente ou gériatrique. Je serai attentif à ce que le processus de coordination entre établissements d'un même territoire de santé soit bien mis en place. Les agences régionales d'hospitalisation me rendront compte des résultats prévisionnels pour le 1er juin.

Source http://www.sante.gouv.fr, le 24 mai 2006