Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Vice-Président de la FIFA,
Monsieur George Weah,
Mesdames, Messieurs,
Avant d'en venir à la conférence de presse et parce que je sais que M. Kofi Annan doit nous quitter très vite, je vous propose que nous commencions tout de suite par la signature du ballon qui marque un double événement : d'abord l'acte fondateur de la Facilité Internationale d'Achat de Médicaments (UNITAID) qui est portée par le Brésil, le Chili, la Norvège et la France, et puis également la signature du partenariat avec la FIFA qui a accepté d'assurer la promotion d'UNITAID durant toute la prochaine Coupe du Monde de football qui débute dans quelques jours. Je vous invite, Monsieur Hayatou, au nom de la FIFA, à proposer à la signature du Secrétaire général et de nos collègues ministres le ballon de la prochaine Coupe du Monde.
(Signatures)
UNITAID, cette Facilité Internationale d'Achat de Médicaments, ce sont deux idées qui s'entrecroisent. La première idée, c'est celle que le Secrétaire général des Nations unies, que le président Chirac, le président Lula, le président Lagos, ont eue il y a deux ans et demi, trois ans environ pour trouver de nouveaux financements, pour ne pas attendre que les budgets des pays chaque année disent "oui" ou "non" sur l'aide au développement, mais au contraire pour trouver de nouveaux financements. Une première expérience est faite avec les billets d'avions : la contribution de solidarité sur les billets d'avions. La deuxième idée est qu'il n'y a pas d'accessibilité aux médicaments pour tous. Les médicaments sont au Nord et les malades au Sud. Ce qui manque, c'est l'accès aux médicaments.
Et donc ces deux idées aboutissent à cette Facilité Internationale d'Achat de Médicaments, cette centrale d'achats qui permettra, en raison du volume d'achats qu'elle pourra créer vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, de baisser les prix des médicaments et donc, avec la même enveloppe financière, de trouver plus de médicaments et de soigner plus de personnes, en particulier des jeunes.
Je terminerai par là, Monsieur le Secrétaire général, aujourd'hui il y a des médicaments qui n'existent pas parce qu'ils ne sont pas rentables. Il y a des formes pédiatriques qui n'existent pas parce que dans les pays du Nord, il n'y a pas suffisamment d'enfants infectés pour que les médicaments soient fabriqués. Ceci n'est pas normal. Et donc, grâce à cette contribution sur les billets d'avions qui va commencer le 1er juillet, grâce à UNITAID, ce volume d'achats qui, rien que pour la France, représentera 300 millions de dollars - nous avons maintenant 43 pays derrière nous, cela pourra représenter 800 millions, 1 milliard, 1 milliard et demi de dollars - à ce moment là nous pourrons, avec la même enveloppe, acheter plus de médicaments et permettre à l'industrie pharmaceutique de réaliser ces formes pédiatriques.
Voilà une des idées que nous avons, associés à l'OMS, à l'UNICEF, au Fonds mondial, et je remercie le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Il ne s'agit pas de faire un doublon, il ne s'agit pas de créer une nouvelle bureaucratie, une nouvelle technocratie, il s'agit tout simplement d'être complémentaires et d'avoir cette centrale d'achats de médicaments que le monde attendait. C'est grâce à vous tous qu'on le fera et merci à la Coupe du Monde, merci à la FIFA, de permettre de dire à l'opinion publique ce que nous voulons faire, c'est-à-dire pousser les gouvernements qui n'ont pas encore pris la décision, à faire des lois sur les initiatives de solidarité sur les billets d'avions.
Je vous remercie.
Q - Etant donné que c'est une idée française et que seulement 14 pays sont d'accord, que les Etats-unis n'apprécient pas l'idée de taxation, une fois que ces maladies seront vaincues cette taxe sera-t-elle annulée ? Avez-vous prévu l'extinction automatique de cette taxe ?
R - Malheureusement quand on connaît les chiffres, on ne peut pas croire au miracle.
Quand on sait qu'il y a deux millions de morts par tuberculose aujourd'hui, deux millions par paludisme, que la rifampicine a été découverte en 1954 et qu'il n 'y a toujours pas de rifampicine dans de nombreux pays du Sud, il va falloir beaucoup d'argent avant de penser à dire que ce sera réglé. Je ne parle pas du sida pour lequel toutes les six secondes quelqu'un est infecté.
Par contre, je souligne que ce n'est pas l'idée de la France seule. C'est l'idée du Brésil, du Chili et du Secrétaire général des Nations unies avec la Norvège. Cette idée commune, c'était pour les recettes à trouver, pour une contribution de solidarité. Une expérience est faite sur les billets d'avion. Ce n'est rien d'autre qu'une expérience. Et, en effet, avec les gouvernements à cette table, nous avons sauté le pas, mais d'autres le feront.
Vous dites 14, mais là, on trouve la deuxième idée, celle du médicament. Je salue ici les ONG qui sont sur le terrain et qui nous disent par exemple : "on ne vous demande pas de faire une facilité d'achat mais surtout de ne pas faire une difficulté d'achat". Aujourd'hui, il y a tellement de difficultés qu'il n'y a pas suffisamment d'efficacité. Notre idée, c'est une centrale d'achats surtout dans les niches qui ne sont pas occupées ou pas véritablement travaillées. J'ai parlé de la forme pédiatrique de certains médicaments, je pourrais parler de la forme combinée.
Il y a aussi un travail à faire à l'OMC sur la propriété intellectuelle. UNITAID peut s'occuper de tous ces sujets parce que, en complément de l'OMS, de l'UNICEF, d'ONUSIDA, il faut avoir une unité qui ne s'occupe que de médicaments.
Je voudrais aussi dire que c'est la première démarche citoyenne mondiale. C'est la première fois qu'en achetant un billet d'avion, un citoyen du monde donne un euro pour un autre citoyen du monde qui est malade. C'est nouveau, c'est ce qu'ont voulu les présidents. C'est une nouvelle manière de voir la mondialisation. Nous allons ensuite travailler sur la gouvernance d'UNITAID. Il devra y avoir des pays du Nord et des pays du Sud, des organisations non gouvernementales du Nord et du Sud et également la présence de fondations privées.
Vous parlez des Etats-Unis. J'aimerais que les Etats-Unis puissent permettre une contribution volontaire. Peut-être pas obligatoire mais volontaire, pourquoi pas ? Pourquoi un citoyen ne choisirait pas de payer un peu plus s'il en a envie ?
Q - Au nom de l'Association des correspondants des Nations unies, je voudrais vous remercier et je voudrais vous demander comment les 200 millions d'euros pourront financer à la fois l'achat de médicaments et le système de santé en Afrique à plus long terme ?
R - Je pense qu'il y a plusieurs éléments. Tout d'abord, nous devons baisser le coût des médicaments. C'est l'idée de la centrale d'achats. Quand on ira devant l'industrie pharmaceutique avec 1 milliard de dollars à dépenser pendant 15 ans, ce ne sera pas la même chose qu'avec 200 millions pendant un an. C'est tout le problème du levier de la centrale d'achats. Il faut dire à l'industrie pharmaceutique qu'elle doit, pour les pays du Sud, baisser les prix.
Se posera ensuite la question des médicaments de deuxième génération. Mais il faut d'abord baisser le prix par le volume. Deuxièmement, il est évident que l'on ne peut pas penser qu'apporter des médicaments dans un pays sans renforcer le système de santé publique est crédible. C'est un travail à faire. D'ailleurs des organisations comme l'UNICEF et des ONG qui sont sur le terrain peuvent nous aider à distribuer les médicaments. Cela veut dire dispensaires, infirmières, médecins de brousse. Cela veut dire laboratoires, examens de laboratoire. Et enfin cela veut dire prévention. Il faudra alors s'associer aux ONG et aux systèmes de santé nationaux pour pouvoir développer la prévention. C'est un peu tout cela, fait en accord avec le Fonds mondial, l'OMS, l'UNICEF et ONUSIDA.
Q - J'aimerais savoir quels engagements ont été pris par l'industrie pharmaceutique?
R - UNITAID est une idée de financement, ciblée sur les médicaments. Maintenant commence la discussion avec l'industrie pharmaceutique ; nous devons "casser" les prix. Mais ce qui est vrai, c'est que si l'industrie pharmaceutique ne l'acceptait pas, alors il y aurait de l'autre côté les génériques. Et l'industrie pharmaceutique doit le savoir. Donc, il me semble que, pour des raisons d'image également et parce que je crois qu'il y a des professionnels de l'industrie pharmaceutique qui aiment leur métier, il est possible de "casser" les prix et de mettre en compétition des personnes qui font soit des produits princeps, soit des génériques.
Dès qu'il y aura des résultats sur les prix, nous nous engageons à venir vous voir pour dire les prix que nous avons obtenus et comment nous distribuons les médicaments. Tout cela, c'est le début, c'est une idée, puisqu'il n'y aura d'argent dans UNITAID qu'à partir du 1er juillet 2006. Après cela, l'argent commencera à arriver, les négociations pourront débuter. Le moment de vérité va arriver, mais les discussions que nous avons me poussent à croire que les résultats seront excellents.
Il faudra ensuite travailler sur les médicaments qui n'existent pas encore, les formules pédiatriques ou les combinés.
Q - Je suis le représentant d'Act Up. J'ai une question sur les laboratoires fabriquant les génériques. La Fondation Clinton a mis en place des accords avec des laboratoires fabriquant des médicaments génériques, dans lesquels ces derniers ont accepté de donner accès à leurs comptes à des auditeurs pour prouver qu'ils pratiquent les prix les plus bas. Ce type de pratique est mal perçu par les laboratoires détenteurs de brevets. Cette transparence sur les comptes et sur les marges vous semble t-elle devoir être poursuivie ?
R - D'abord je voudrais relever le travail fait avec les ONG. Cette idée, nous en avons beaucoup parlé au départ. Il est vrai que la Fondation Clinton a été la première à mettre en place une centrale d'achats. Je voudrais rendre hommage à Ira Magaziner et au président Clinton qui ont montré l'exemple les premiers de ce type de mécanisme. Il est évident que nous ne pouvons pas faire moins : nous ne pouvons pas accepter que l'argent donné ne puisse pas être discuté à l'euro près, au dollar près, pour être le plus efficace. Je crois que nous devons le plus possible nous rapprocher de ce que fait la Fondation Clinton, mais à un niveau plus élevé puisqu'il est mondial.
Q - Lors d'une réunion en début de semaine, le Fonds mondial pour le sida a dit qu'il ne fournirait plus de services ni en Birmanie ni en Corée du Nord. Que ferez-vous pour ces deux pays ? Et pour d'autres dans le même cas ?
R - Connaissant le mode de fonctionnement du Fonds mondial de lutte contre le sida, si des décisions comme cela ont été prises, c'est sans doute qu'il y avait de bonnes raisons dues à la coopération avec les systèmes de santé publique. Encore une fois, notre objectif n'est pas de créer une nouvelle bureaucratie. Sans nous fondre dans des institutions comme le Fonds mondial, nous devons nous y adosser.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juin 2006