Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors de la conférence de presse pour la campagne de soutien à l'initiative UNITAID/FIAM, sur les objectifs et le fonctionnement de la centrale d'achat de médicaments UNITAID à destination des pays pauvres, et sur les soutiens des fédérations sportives et culturelles à la promotion de cette campagne auprès du public, Paris le 7 juin 2006.

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Circonstance : Campagne de soutien à l'initiative UNITAID/FIAM à Paris le 7 juin 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Je voudrais d'abord vous remercier pour votre présence ici aujourd'hui et vous dire que, si nous nous trouvons au Quai d'Orsay, c'est parce que nous allons parler d'un grand sujet de politique étrangère, de politique internationale. Parmi les grands sujets de politique internationale qui aujourd'hui menacent le monde, il y a, tout le monde le sait, la montée des intégrismes religieux, nous le voyons tous les jours. Il y a la prolifération nucléaire, on le voit avec l'affaire iranienne. Il y a les problèmes d'accès aux ressources énergétiques, la question : "que se passera-t-il après le pétrole, après le gaz ?"
Enfin, il y a un sujet dont on ne parle pratiquement jamais et qui est peut-être le plus important, parce que le plus sournois et le plus dur, le plus humiliant pour des centaines de millions de personnes : c'est la grande pauvreté qui existe de plus en plus dans les pays du Sud.
Les pays riches deviennent de plus en plus riches, les pays pauvres stagnent et ce fossé augmente. C'est l'un des plus grands sujets de la planète. Or, la première condition, la première conséquence pour un pays pauvre - Xavier Bertrand, que je salue ici, le sait, comme Bernard Kouchner ou Michèle Barzach, ou tous ceux qui ont eu à faire, également Monsieur le Directeur général de l'OMS, à la santé publique le savent - lorsqu'un pays est pauvre, il le paie en termes de santé publique. En effet, immédiatement, les grandes maladies surviennent, les pandémies, bien sûr le sida, la tuberculose, le paludisme pour ne citer que ces maladies, mais il y en a bien d'autres.
Pour vous donner un exemple, sur la planète, sur 6 millions de personnes qui auront besoin d'un médicament, pour ne pas mourir dans les 3 mois, un million seulement parmi elles auront droit à ces médicaments, et 5 millions n'y auront jamais droit.
Un enfant meurt toutes les 30 secondes en Afrique, tout le monde le sait, on l'écrit partout et il y a beaucoup de compassion, mais ce que l'on oublie - et que ce soit Michèle, Bernard Kouchner, moi ou d'autres, comme des ONG, nous avons souvent dit cela ; on nous a pris pour des techniciens, pour des médecins au mieux, mais personne n'a jamais pris cela comme une fracture politique. Pourtant ce n'est pas seulement une fracture sanitaire, c'est une fracture politique, ce n'est pas juste un problème éthique ou moral, c'est un problème politique.
En effet, vous n'empêcherez jamais quelqu'un qui voit son fils ou sa fille mourir à l'âge de 10 ans de tuberculose alors que, de l'autre côté de la frontière, il y a les médicaments pour le soigner, vous ne les empêcherez pas de faire le chemin pour aller les chercher. Cela s'appelle l'immigration.
Nous n'en sommes qu'au tout début, ce ne sont pas des lois, ni des mitraillettes ou des armées qui régleront ce problème, ceci s'appelle l'instinct de conservation et nous ne sommes qu'au début de ce phénomène qui est, je le rappelle, un sujet politique. Je ne parle pas de ceux qui voudront faire de la politique avec le désespoir des hommes et des femmes et qui voudront mener des actions terroristes. Nous risquons donc de plus en plus d'une déstabilisation de l'Occident si nous ne nous occupons pas de cela. Si nous ne le faisions pas pour des raisons éthiques ou car nous serions trop égoïstes ou trop bêtes pour le faire, il faudrait au moins s'en occuper pour une raison politique.
Voilà ce qui aujourd'hui nous réunit. Le sida aujourd'hui, c'est 40 millions de personnes touchées, c'est une infection toutes les 6 secondes et ce sont 12 millions d'enfants qui ont perdu l'un de leurs parents en Afrique.
La tuberculose, à ce sujet, j'ai envie de dire c'est inouïe, c'est 9 millions de nouveaux cas par an et une maladie que nous savons pourtant totalement prévenir avec le BCG, c'est le vaccin. Nous pensions que les choses seraient réglées, eh bien non. 9 millions de nouveaux cas et 2 millions de décès par an.
Quant au paludisme, il est la cause de 2 millions de décès par an. Avec un médicament, nous parviendrions à diviser ces cas par deux.
Tout ceci est effrayant lorsque l'on sait que 90 % de ces infections surviennent au Sud et essentiellement en Afrique. Il y a là un sujet politique.
Je voudrais rendre hommage ici avec force aux présidents Chirac et Lula, deux chefs d'Etats qui se sont retrouvés à Genève, il y a moins de 2 ans, pour dire que ce sujet n'est pas uniquement médical, mais qu'il est également politique. Il faut donc trouver de nouveaux financements, pas des financements qui risqueraient d'être remis en cause chaque année par les gouvernements de la planète, mais des financements prévus par des gens qui, au contraire, tentent de proposer en plus - et je le dis ici aux ONG ainsi qu'aux associations qui le souhaitent, oui, c'est en plus - des financements nouveaux, massifs et durables qui ne soient pas remis en cause. C'est une démarche citoyenne mondiale.
Nous avons demandé un rapport qui prévoyait l'idée de la contribution sur les billets d'avion. Une contribution de solidarité sur les billets d'avion. Ce n'est pas grand chose, cela représente 1 euro chaque fois que l'on prend l'avion pour la France ou pour n'importe quelle destination européenne et 4 euros pour les vols internationaux. Si l'on achète un billet de première classe, cela représente quatre fois plus évidemment mais ce n'est rien 1 ou 4 euro, lorsque l'on entend ce que je viens de dire. Rien que cela, à partir du 1er juillet pour la France, puisque c'est la date d'entrée en vigueur de la loi, cela va représenter 200 millions d'euros, 300 millions de dollars.
Il y a maintenant une course contre la montre pour deux choses : maintenant que nous avons les recettes, que faisons-nous avec l'argent ? Nous avons tellement vu de choses catastrophiques. La première chose que les gens demandent, et c'est normal, lorsqu'on leur demande de l'argent, c'est : "où va cet argent ? Comment pourrions-nous suivre cet argent exactement ?" Nous avons une proposition à faire, nous avons fait une proposition dans cette maison, ici, au Quai d'Orsay, au monde entier. Nous leur avons dit : créons avec cela une sorte de caisse mondiale pour acheter des médicaments car la plupart des pays du Sud n'ont pas de médicaments parce qu'ils ne peuvent pas les payer, tout simplement. Cela s'appelle : Unitaid, tous unis pour aider. Et que ce soit en France, au Nord, au Sud, à l'Est ou à l'Ouest du monde, Unitaid veut dire maintenant quelque chose. C'est une Facilité Internationale d'Achat de Médicaments.
D'abord, je voudrais saluer les industries pharmaceutiques, car on leur demande souvent d'être rentables ; ce sont des sociétés privées. Je souhaite rendre hommage à un certain nombre de personnes dans l'industrie pharmaceutique.
Il y a Jean-François Dehecq qui est ici et qui est le président d'Aventis. Il faut que nous parvenions à "casser les prix" des médicaments pour le Sud ; continuons à vendre aux pays du Nord au prix du marché car il y a beaucoup de recherches à mener, mais donnons à prix coûtant les médicaments aux pays du Sud, nous n'avons pas le droit de ne pas le faire ! Pour la tuberculose en particulier, la rifampicine a été découverte en 1954, mais il n'y en a toujours pas dans les pays du Sud, c'est honteux ! Et puis, il y a des médicaments que nous devons fabriquer. Je pense à ceux destinés aux enfants ; il y a aujourd'hui, dans le Nord, des enfants qui sont infectés par le virus du sida, mais il y en a très peu, beaucoup trop, mais très peu. Le résultat est que les industries pharmaceutiques, nous, les gouvernements, les ministres de la Santé, nous n'avons pas créé de comprimés pour les enfants qui sont atteints du sida.
Il y a 2.000 enfants qui sont contaminés par jour en Afrique et ces enfants, si nous ne les soignons pas, si nous les soignons avec des antirétroviraux dosés pour les adultes, cela comporte des risques d'effets secondaires.
Ce n'est pas possible, Unitaid va permettre la création de médicaments pour ces enfants-là, nous le ferons bien évidemment avec l'accord de tous.
Je voudrais ajouter que nous étions deux, le Brésil et la France, le président Chirac et le président Lula, avec Kofi Annan le Secrétaire général des Nations unies auquel je veux rendre hommage. Puis, il y a eu le président Lagos, l'ancien président du Chili, et puis la Norvège, Monsieur le Ministre, Cher Erik, merci d'être là, vous qui êtes ministre de la Paix et du Développement international en Norvège. La Norvège nous a rejoints. Je voudrais saluer l'ambassadeur du Brésil qui est également ici et qui nous dira un mot pour son ministre des Affaires étrangères, M. Celso Amorim, mon ami, avec lequel nous montons tout ça.
Puis, il y a eu 14 pays, en particulier des pays du Sud, Madagascar, Maurice, la Côte d'Ivoire, bref, le grand avantage d'Unitaid, c'est que ce n'est pas uniquement les pays du Nord qui donnent pour les pays du Sud, ce sont aussi les pays du Sud qui s'en sortent eux-mêmes, à parité, en partenariat et non pas en assistanat.
Enfin, je voudrais saluer ici Xavier Bertrand qui est en charge de la politique de la Santé de notre pays, qui sait mieux que personne aujourd'hui que ces maladies sont internationales. L'époque où les maladies s'arrêtaient à un pays ou à un continent est révolue. Je salue Bernard Kouchner dont nous connaissons le rôle sur ces questions, notamment avec l'appel lancé à Abidjan en 1997. Nous comptons beaucoup sur Bernard Kouchner pour nous aider à distribuer ensuite ces médicaments, pour faire en sorte que l'on traite ces malades avec une certaine dignité et également pour utiliser les systèmes de santé publique, car déposer des médicaments sur un tarmac d'aéroport ne suffit pas ; il faut ensuite décliner des formules utilisables par tous, il nous le dira tout à l'heure, et les distribuer.
Comment Unitaid fonctionnera-t-elle ?
Ce sera un outil complémentaire des grandes organisations, il ne s'agit pas de faire une duplication, de créer une nouvelle bureaucratie ou technocratie, il faut que l'argent aille aux médicaments et aux malades. C'est la raison pour laquelle nous le faisons en accord avec l'OMS, merci Monsieur le Directeur général de l'OMS d'être présent ici.
Au moment où je parle, nous avons une pensée pour le docteur Lee avec lequel vous avez beaucoup travaillé, qui nous a beaucoup aidé. Unitaid ne serait pas lancé s'il n'y avait pas eu le docteur Lee et je tiens à saluer ce grand médecin de santé publique qu'il était.
Merci Tohr Nordstrom d'être là. Je voudrais également saluer l'ONUSIDA. Tout ceci se fait avec le Fond mondial de lutte contre le sida, je salue Michèle Barzach qui joue un rôle très important dans ce fonds mondial et qui a été l'une des premières, sinon la première dans notre pays, à sensibiliser l'opinion publique sans avoir peur à l'époque car cela représentait beaucoup de choses et il y avait beaucoup de tabous et beaucoup de non-dits sur le sida.
Je voudrais aussi saluer Michel Kazatchkine, ambassadeur chargé de la lutte contre le sida. Et l'UNICEF, Monsieur le Président, Jacques Hintzy, merci de votre présence, le dernier rapport de cette Organisation sur la distribution des médicaments dans le monde est effrayant. Ce rapport montre que nous ne sommes pas dignes, aujourd'hui. C'est la grande question, comment distribuer ces médicaments.
Et puis, je voudrais saluer les ONG qui ont une action irremplaçable sur le terrain, et pour un certain nombre d'entre eux, pratiquement tous, une action de vigie. Je souhaite qu'ils fassent partie intégrante du Conseil d'administration d'Unitaid. Des ONG du Sud comme des ONG du Nord et puis des associations. Il y a ici Pierre Bergé, Luc Barruet, j'ai vu qu'il y avait beaucoup d'associations, nous sommes là aussi pour vous écouter et pour vous aider.
Voilà je terminerai en disant qu'en réalité, Unitaid, au-delà de ce que je vous ai dit, c'est une démarche citoyenne mondiale, ce sont les premiers pas d'une mondialisation citoyenne solidaire et choisie. C'est cela l'idée, un homme ou une femme, dans le monde, sur la planète, aide un autre homme ou une autre femme. C'est ainsi, et ce n'est pas un Français qui aidera un Congolais, ce n'est pas un Allemand qui aidera quelqu'un en République démocratique du Congo, c'est un homme qui en aidera un autre. C'est là où, me semble-t-il, l'idée est forte et c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de l'opinion publique.
Pourquoi ? Parce que nous étions deux, quatre, puis 14 maintenant nous sommes 43 pays dans le groupe pilote, j'ai vu avec plaisir que le Royaume-Uni se joignait à nous. Pourtant, nous avons besoin de l'opinion publique. En France, je voudrais remercier ici un certain nombre de personnes qui nous ont beaucoup aidé pour cela, d'abord l'Association des Grandes Villes de France et son président M. Jean-Marie Bockel, le maire de Mulhouse, qui est ici. Nous étions ensemble à New York il y a 3 jours, pour la réunion de l'Assemblée générale des Nations unies sur la lutte contre le sida. Grâce à lui, aux maires de France - je salue un certain nombre de maires qui sont ici - également grâce à l'association "SMS+" regroupant les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile, il y a une opération totalement gratuite, une pétition nationale, une pétition citoyenne pour les Français qui ont envie d'aider Unitaid sans payer, de manière gratuite.
Il suffit d'écrire son prénom et son nom et de l'envoyer par SMS au : 3.33.33., Ainsi, on devient citoyen Unitaid. Nous n'avons rien à payer mais il me semble que c'est très important, lorsque l'on voit tous les problèmes franco-français, lorsque l'on voit ce que nous entendrons pendant un an, - et c'est normal - pour des sujets purement franco-français, il n'est pas anormal non plus de penser que l'on vit dans un monde assez dangereux où un enfant meurt toutes les 30 secondes en Afrique, il n'est pas possible de ne pas y penser.
Ces noms seront présents sur le site Internet d'Unitaid, Unitaid.eu, je vous invite à le consulter et en plus, vous verrez votre nom inscrit lorsque vous aurez envoyé votre SMS.
Grâce à Jean-Marie Bockel, dans toutes les grandes villes de France, les prénoms et les noms seront affichés sur toutes les grandes places de ces villes pour tous ceux qui seront devenus citoyens Unitaid.
La FIFA, son président M. Blatter et son secrétaire général M. Champagne, ont accepté que la Coupe du Monde, cette année, puisse se mettre aussi au service d'Unitaid. Il y aura, au début de chaque match, un ballon qui sera porté par des arbitres ou par des enfants, nous verrons cela dans quelques jours, un ballon aux couleurs d'Unitaid et je voudrais ici les remercier, en saluant Jean-François Lamour, je le remercie énormément de sa présence car tu fais partie de ceux qui pensent, depuis le début, que le sport, et tu l'as prouvé toute ta vie, ce n'est pas uniquement une question d'argent. C'est une question de langage mondial, une manière de faire passer des idées et à côté de toi il y a Samuel Eto'o, merci Samuel Eto'o d'être présent ; vous êtes l'une des stars mondiales du foot, vous êtes l'avant-centre du FC Barcelone, vous êtes camerounais, et je l'ai vu lorsque j'ai parlé avec vous dans mon bureau il y a quelques semaines, où vous étiez venu tout spécialement, j'en ai été très touché. Vous m'aviez dit que vous étiez vraiment au service des ces causes-là sur votre continent et dans votre pays. Merci de votre présence, j'étais là lorsque vous avez marqué un but, l'autre jour, au Stade de France !
Il me faut encore remercier M. Blatter parce que la Coupe du Monde 2010 sera en Afrique, ce n'est pas rien qu'elle sera jouée là-bas, peut-être signerons-nous une convention avec la FIFA pour que les 220 matchs de sélection entre la fin de celle-là et la prochaine soient également sous les couleurs de la solidarité internationale.
Je voudrais remercier la Ligue nationale de Rugby, avec la finale, et une petite surprise Unitaid à la finale samedi soir, où Toulouse jouera contre Biarritz. Je voudrais également remercier les artistes de toute la France qui ont accepté de s'unir pour aider, pour soigner. C'est une force d'entraînement extraordinaire, ils figureront dans un spot où Brigitte Huault-Delannoy les a fait tourner, je voudrais la remercier et les en remercier profondément.
Je remercie la Fédération nationale du cinéma français puisque, pour la fête du cinéma dans quelques jours, il y aura systématiquement des spots pour Unitaid. Et, j'en terminerai par là, il faut remercier également toutes les personnes sans lesquelles tout cela n'aurait pas été possible, TF1 avec Etienne Mougeotte qui est ici, Jean-Paul Baudecroux de NRJ, la Fondation NRJ qui nous a beaucoup aidé avec en particulier Emmanuel Jayr que je salue et qui a été omniprésent dans l'équipe, avec des idées extraordinaires, L"Equipe", HFP, je ne peux pas tous les citer mais je souhaite remercier toutes ces personnes qui nous ont aidé, sans parler de Charles Villeneuve qui nous a beaucoup aidé aussi pour le foot.
J'ai été un peu long, mais merci à tous, et je veux dire avec beaucoup de sincérité car je crois que dans cette Maison, nous voyons de plus en plus que le monde est en danger, nous voyons aussi qu'il y faut beaucoup de diplomatie, mais nous voyons aussi qu'il faut cesser les belles paroles et la compassion. Bernard, tu le dis souvent : "il faut aussi aller sur le terrain". C'est une idée qui est concrète, des billets d'avion ou d'autres choses qui permettront d'acheminer des médicaments sur le terrain. Et après tout, qu'est-ce que les Droits de l'Homme ? C'est de savoir si, aujourd'hui, la petite fille ou le petit garçon qui vit en Afrique et qui est en train de mourir parce qu'il n'a pas de médicaments, a la même valeur que les nôtres. C'est une question concernant les Droits de l'Homme, et je suis assez heureux de voir qu'à partir de la France qui est la patrie des Droits de l'Homme, on lance une grande opération mondiale.
Merci à tous.

(Interventions)
Q - En visant les soins à donner pour plusieurs maladies, ne risquez-vous pas l'éparpillement de l'argent ?
Ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux de ne cerner qu'une maladie : le sida par exemple ?
R - Il faut savoir aujourd'hui que la première cause de mortalité des malades atteints du sida, c'est justement la tuberculose. Le sida diminue les défenses immunitaires de l'organisme, donc il rend sensible à de nombreux germes, en particulier à des bactéries comme le bacille de koch tuberculeux. Il est donc impossible de faire une différence entre ces deux maladies, le sida et la tuberculose aujourd'hui dans les pays du Sud, maladies que l'on croyait à jamais vaincues comme je l'indiquais tout à l'heure. M. Gentilini est là, il le sait mieux que personne, lui qui a si souvent travaillé sur le terrain. D'ailleurs, nous avons trop fréquemment baissé la garde, Jean-François Dehecq le dit souvent, et c'est vrai. Nous avons trop souvent baissé la garde sur les antibiotiques ; attention, ce n'est pas parce que les pays du Nord, très riches, ont été vacciné que les maladies bactériennes disparaissent. C'est tout le contraire que l'on observe aujourd'hui et ce sont les pays pauvres qui sont touchés. Plus un pays est pauvre, plus sa population souffre de la tuberculose et du sida.
Quant au paludisme, il est impossible de ne pas l'évoquer, sachant que 50 % des morts pourraient être évités avec des médicaments efficaces et rapides et 58 % aujourd'hui des décès dus au paludisme concernent les 20 % de personnes les plus pauvres. Pauvreté et mort sont directement liées.

Q - Quelles assurances avez-vous pour que ce système fonctionne et que d'autres pays se joignent à vous ?
R - Nous n'en avons aucune, si ce n'est la conviction, la foi, et "les tripes". Lorsque l'on prend la décision de montrer un ballon Unitaid pendant la Coupe du Monde, nous espérons que tous les journalistes du monde qui verront ce ballon racontent cet événement dans leur pays afin que leur gouvernement choisisse de participer à Unitaid. J'espère que les personnes qui entendront cela seront mécontentes si leur pays ne choisit pas de participer à Unitaid. C'est tout simple.

Q - Et le budget ?
R - Nous avons eu beaucoup de chance, notre ministre des Finances était d'accord et généralement, les ministres des Finances sont plutôt hostiles à ce type de contribution comme celle de la contribution de solidarité sur les billets d'avion.

Q - Depuis le début, Sidaction soutien cette initiative, je ne vois d'ailleurs pas comment l'on pourrait être contre l'idée de récolter plus de fonds pour se battre contre ces 3 maladies, surtout des fonds supplémentaires, additionnels et pérennes. C'est bien là tout l'intérêt de cette initiative.
Mais les progrès que l'on a pu constater ces dernières années dans l'accès au traitement dans les pays en voie de développement sont essentiellement dus à la baisse du coût de l'accès aux médicaments et cette baisse du coût de l'accès aux médicaments est essentiellement due à l'arrivée de médicaments génériques.
Unitaid travaillera-t-elle avec les producteurs de médicaments génériques pour que, notamment, les combinaisons qui n'existent pas ailleurs que par un accès générique puissent devenir disponibles dans tous les pays, y compris pour les formulations pédiatriques ?
R - Pour Unitaid, au niveau des finances, ne serait-ce qu'avec la France, nous aboutirions à 200 millions d'euros, 300 millions de dollars. Donc, on peut estimer qu'à 43 pays, nous puissions aboutir à un milliard de dollars.
Il est évident que nous aurons des appels d'offres et il est évident que nous mettrons en concurrence l'industrie pharmaceutique d'abord, dans les formes princeps, mais, si, en effet, elle ne répond ou s'il n'y a pas de prix suffisamment bas, nous pourrons très bien faire les choses avec les génériques.
Je me permets simplement de dire que ce qui est important, c'est le rapport qui existe entre efficacité assurée et prix. Il est évident qu'aujourd'hui, nous sommes déjà arrivés à des résultats sensibles, nous devons continuer à le faire, comme la Fondation Clinton l'a fait. C'est elle qui nous montre l'exemple, elle n'a pas peur de mettre en compétition différentes industries pharmaceutiques d'une part et aussi les médicaments génériques. Ceci ne peut se faire qu'à la condition que ce soit efficace et qu'il n'y ait pas, un jour, un problème avec un médicament.

Q - Unitaid est-ce une institution, est-ce juste un slogan, une association ou bien y a-t-il un Conseil d'Administration avec un président etc., pouvez-vous nous dire quelques mots de cette organisation ?
R - Je voudrais juste nous faire un peu plaisir, ce n'est pas United, c'est Unitaid ! Eventuellement, vous pouvez ajouter un "e" à la manière toulousaine, cela me ferait plaisir aussi. En effet, aujourd'hui, nous avons monté une association avec les pays qui ont accepté, à l'issu de la Conférence de Paris, qui a eu lieu il y a quelques mois, de monter une association avec les 42 ou 43 pays qui acceptent d'être membres d'Unitaid.
Maintenant, il faut passer à autre chose. Que faut-il ? il faut un fonds fiduciaire. Ce fonds, nous ne souhaitons pas le créer nous-mêmes, il y a déjà des fonds fiduciaires, l'Organisation mondiale de la Santé avec qui nous sommes en pourparlers, et je voudrais vraiment vous remercier, Monsieur le Directeur général, pour le travail que nous faisons ensemble afin de profiter du fonds fiduciaire qu'est l'OMS et qui est très sérieux, comme nous le savons tous.
Il y a ensuite, une autre partie qui est la partie distribution des médicaments, avec l'Unicef et son président ou beaucoup d'autres ONG qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays dans le monde.
Ce qui est sûr, comme nous le disions avec Robert Sebbag récemment, on ne peut pas aller contre tous les systèmes de santé publique nationaux, et c'est là où, j'espère, avec Bernard Kouchner, nous pourrons mettre en place un système qui se reposera à la fois sur des grandes organisations comme l'UNICEF, mais aussi sur des ONG, en accord avec les ministres de la Santé, des ministres de l'Economie et aussi des Finances des différents pays du sud. Et, c'est l'idée de Bernard et je pense que c'est très important, j'espère qu'il y aura des médecins de santé publique sans frontières. Parce que si vous n'avez pas un système de santé publique, comment pouvez-vous distribuer des médicaments ? Ce n'est pas possible. C'est donc tout un système qu'il faut mettre en place mais j'aurai l'occasion de faire évidemment très bientôt le point sur la structure juridique d'UNITAID.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2006