Texte intégral
Ce matin, nous avons tout d'abord parlé du Kosovo et des conditions nécessaires à la tenue d'élections. Le projet de conclusions du Conseil reprend bien nos idées. Ce n'est pas l'Union européenne qui décide mais l'Union européenne reste importante en tant que telle par rapport à une décision qui est formellement celle du Conseil de sécurité, et les Quinze doivent avoir un échange sur ce point. Dans cette affaire du Kosovo, il est normal qu'il y ait des élections générales, mais il est également indispensable qu'elles se fassent dans des conditions clarifiées (sécurité, participation des minorités, compétences des organismes qui en découleront). Nous estimons que le nouveau représentant Hans Haekkerup travaille bien et sérieusement. Nous sommes satisfaits des premiers échanges avec lui. Par ailleurs, nous sommes attentifs à la bonne complémentarité des rôles entre d'une part les observateurs de l'Union européenne et ceux qui relèvent de la KFOR.
Nous avons eu un échange sur la question du Proche-Orient.
Il y a deux points importants dans la déclaration : l'aide à l'autorité palestinienne et l'appel à la levée du blocage du territoire par Israël dans des termes qui sont très proches de ceux qui ont été employés par Colin Powell au cours de sa tournée.
Nous avons eu un échange à propos de la situation dans la République démocratique du Congo évoquée par le ministre belge, Louis Michel. Nous sommes tout à fait sur la même ligne. J'ai soutenu ce qu'il a dit à savoir que, pour la première fois depuis le début de la guerre en République démocratique du Congo, il y a une chance réaliste de voir l'ensemble des protagonistes internes et externes de ce conflit être obligés d'appliquer leurs engagements. Par conséquent, il est très important que les Quinze, tous les membres du Conseil de sécurité, tous les pays d'Afrique concernés fassent tous pression en même temps sur tous les protagonistes pour qu'ils mettent en uvre ce mécanisme qui amènera à une sorte d'engrenage positif. Pour que cela marche bien il faut naturellement que l'ONU en accélère la mise au point.
Nous avons eu des échanges, mais très ponctuels, sur le Zimbabwe et le Salvador.
J'en viens à la question des concessions commerciales aux Pays les moins avancés (PMA). C'était un sujet plus sensible. A cet égard, la France avait un certain nombre de réserves que j'ai rappelées. Il y avait une interrogation sur le fait de savoir si l'ouverture programmée du marché communautaire pour les trois produits en question (sucre, banane, riz) était dans l'intérêt des pays les moins avancés. Il y a une analyse plus fine à faire sur les conséquences que cela aura sur l'économie de chacun d'eux, sur le rapport entre économie d'exportation et satisfaction des besoins.
Plus important, il y a la question de nos engagements en tant qu'Européens à l'égard des pays ACP qui ne sont pas des PMA. Autre remarque, qui, je crois, était de bon sens, ce n'est pas évident de préjuger 5 ans à l'avance du sort des trois organisations communes de marché concernées, compte tenu de tout ce qui peut se passer d'ici là, quand on sait que l'élargissement aura des répercussions sur l'ensemble des marchés agricoles. Nous pensons, d'autre part, que la Commission sous-évalue les risques de transferts massifs des produits sensibles des PMA vers l'Union européenne. Et enfin nous avons souligné qu'il fallait tenir compte des conséquences budgétaires de ces décisions en faveur des PMA.
Pour toutes ces raisons, que certains partagent et d'autres pas du tout, nous avons eu l'impression qu'il fallait un vrai rendez-vous en 2005, que la mise en uvre de la décision devait être subordonnée à ce rendez-vous de 2005. Une nette majorité de pays s'est dégagée pour accepter la proposition de la Commission. Elle a donc été acceptée après les différentes adaptations que Pascal Lamy avait introduites dans sa proposition. Il reste un rendez-vous en 2005 mais il ne remet pas en cause les mécanismes et le calendrier. Il n'y a pas eu de vote formel en fait mais il était clair que les réserves en question n'étaient pas partagées par un nombre suffisant de pays pour remettre en cause la proposition de la Commission.
Encore une fois, nous sommes tous favorables au fait d'aider les PMA et nous le faisons beaucoup dans la politique française de développement sous formes variées, que ce soit par l'aide ou par des remises de dettes ou d'autres mesures. Les PMA ont toujours été les premiers bénéficiaires. Le débat ne portait pas sur le principe mais sur les moyens et la façon d'aider les PMA.
Au déjeuner nous avons fait le point sur la nouvelle politique américaine avec les ministres qui avaient déjà eu des contacts comme MM. Fischer et Cook. Interrogations sur les questions que vous connaissez, NMD, défense européenne : il n'y a pas d'éléments nouveaux que l'on ne connaisse déjà. C'était intéressant sur le plan du climat.
Demain nous avons cette réunion à l'OTAN avec beaucoup de contacts, j'y verrai Colin Powell. C'est dans un peu plus de 3 semaines que j'irai à Washington pour un voyage plus long avec plus de contacts. Mes impressions sur Colin Powell sont bonnes. C'est quelqu'un avec qui il est facile de travailler.
Nous avons ensuite écouté Anna Lindh nous présenter les conceptions suédoises sur le débat concernant l'avenir de l'Europe. La Suède est chargée de nous faire des propositions à la fin de sa Présidence sur la façon dont les débats doivent se développer. Elle a souligné le fait que les débats doivent être nationaux durant l'année 2001 sans que cela empêche un débat général. Mais en terme d'initiatives, d'organisation, d'impulsion, chaque pays s'organise comme il l'entend et on verra plus tard tel qu'on l'a prévu à Nice, à la conclusion de la Présidence suédoise mais surtout lors de la conclusion de la Présidence belge, quel dispositif nous acceptons pour la suite. Ce qu'elle a dit sur le débat a été approuvé par tout le monde et convient à tous les participants. Chaque pays pourra donc organiser le débat, durant l'année 2001, comme il l'entend.
Nous avons eu un échange sur les méthodes et l'efficacité du Conseil Affaires générales et ce que l'on pouvait faire pour le renforcer.
Lors du Gymnich (qui sera prolongé jusqu'au déjeuner inclus), il y aura un tour de table sur l'avenir de l'Europe.
Il y a eu un certain nombre de points d'information par Javier Solana sur quelques sujets dont l'Ukraine et le Caucase.
Q - Etes-vous favorable à une Convention pour conduire le débat sur l'avenir de l'Union européenne ?
R - Nous prenons notre temps. Nous n'avons pas à régler cela maintenant. D'ailleurs Anna Lindh a souligné que la conception suédoise était de ne pas prendre de décisions prématurées sur des problèmes qui se régleront le moment venu.
Q - Sur le NMD, quelles sont vos réactions aux intentions américaines ?
R - C'est très tôt. Nous avons fait connaître les interrogations que nous pouvions ressentir par rapport à cela. Les projets américains ne sont pas tellement plus précis en réalité. Le projet russe ne l'est pas tellement non plus. Nous ne savons pas si cela a un contenu. Là encore il ne faut pas se prononcer dans la précipitation. Nous verrons demain si à l'OTAN cela se clarifie un peu.
Q - Que les Américains puissent utiliser des équipements britanniques cela serait contradictoire avec la politique européenne de défense ?
R - Nous n'en savons rien. A ce stade nous connaissons les intentions américaines par rapport au projet mais qui, lui-même, n'est pas toujours défini de la même façon. Nous avons exprimé des interrogations, nous avons posé des questions. MM. Fischer et Cook ont déjà eu des discussions à Washington qui n'éclairent pas tout à fait notre réflexion parce que la nouvelle administration américaine n'a pas encore tranché par rapport à cela. Donc nous verrons bien.
Sur le fond, de quoi s'agit-il ? Il y a, à l'heure actuelle, dans les politiques de défense, des grands pays occidentaux, en tous cas les principaux. Vous avez une certaine combinaison entre les systèmes offensifs, les systèmes défensifs et des systèmes dissuasifs (dissuasion nucléaire). Les Américains disent avoir une idée qui modifie cet équilibre, qui répartit les choses autrement mais en gardant les 3 éléments. Aucun responsable américain n'a annoncé qu'il voulait mettre fin à la dissuasion. Alors ils ont donc à l'esprit une autre répartition entre offensif, défensif et dissuasif, ce qui n'est pas le même chose. Ce sont trois choses bien distinctes. Mais quelle sera la répartition ? Je ne peux pas vous répondre à ce stade. C'est trop tôt. Tout dépend du type de système envisagé. Il est donc difficile d'en dire plus.
Q - Mais sur le principe : qu'un Etat membre puisse être intégré dans un système dont le chef de file est un pays tiers cela vous semble correspondre à la vision que vous avez de la politique étrangère qui doit fonctionner ?
R - Je ne crois pas que cela se pose comme ça. Il n'y a pas un problème d'incompatibilité théorique ou juridique. C'est trop vague. Il faudra en parler après, quand les projets seront plus précis. Le Royaume-Uni est déjà dans une situation "entre les deux". Il existe déjà toutes sortes d'accords entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis y compris sur le plan de la dissuasion nucléaire, ils auraient donc des accords sur le plan d'un "système défensif complémentaire" ? Ce n'est pas en soit un problème, ni tellement différent de la situation d'aujourd'hui. Mais est-ce que le projet, en soit, est utile ? Il faut que nous attendions encore un peu. On ne peut pas aller plus vite que la musique.
Q - On a l'impression qu'il y a un petit différend sur l'appréciation à porter ?
R - J'ai toujours énuméré les questions qui se posent, et nous n'avons pas plus de réponses qu'avant. Alors, que voulez-vous que l'on dise de plus ?
Q - Cela semblait il y a quelques semaines plus agressif. Maintenant que les Américains ont plus ou moins décidé de lancer ce programme vous semblez moins critique.
R - Non. Nous n'avons tout simplement pas de projet précis en face de nous. Les choses ne sont pas tranchées. Les Américains ne savent pas ce qui fonctionne ou pas dans leur éventuel système.
Je ne peux pas répondre à ce stade. Cela dépend de ce qu'ils vont faire.
Tout cela ne me paraît pas insurmontable. On sait très bien que lorsqu'on fait la défense européenne, il y a des pays qui ont des vues différentes, qui sont en situation différente, qui n'ont pas la même vision de l'avenir, ceux qui sont pour la dissuasion, ceux qui sont contre, etc Donc, ce qui s'est dit ces derniers jours à ce sujet là ne m'inquiète pas. On verra quand on en saura plus.
Q - François Hollande a évoqué la possibilité de crise franco-allemande sur l'agriculture. Pourtant à Blaesheim on a parlé de relance du moteur franco-allemand. On s'y perd un peu. On se réconcilie ou on évoque de nouveau une crise ? J'ai un peu de mal à intégrer ce qui se passe dans l'important volet agricole aux vues des relations que vous avez en ce moment avec M. Joschka Fischer ?
R - Il y a deux choses différentes. D'abord il y a un travail dont j'ai été chargé avec Joschka Fischer, par le président Jacques Chirac, par le Premier ministre Lionel Jospin et par le chancelier Gerhard Schroeder qui consiste à mettre à plat tous les dossiers franco-allemands du moment pour faire le point exactement, pour voir quelle est notre approche, pour bien noter les cas où nous pourrions avoir une approche divergente, simplement différente, et pour régler à notre niveau les problèmes, que ce soient des malentendus linguistiques ou des choses qui peuvent s'arbitrer pour ensuite reporter à leur niveau des sujets sur lesquels il y a des divergences plus sérieuses. Si nous avons entrepris ce travail c'est précisément parce qu'il y a un peu plus que d'habitude des sujets sur lesquels les approches ne sont pas spontanément les mêmes.
Et je vous fais grâce du couplet que l'on fait d'habitude, rappelant qu'il y a toujours eu des désaccords à tous moments. Joschka Fischer et moi, nous nous sommes vus plusieurs fois. Depuis Blaesheim, nous avons prévu un programme de travail qui va jusqu'au mois de juin, un programme assez intense avec 4 heures de discussion à chaque fois sur l'élargissement, la PAC, la question des langues, toute la méthodologie du débat sur l'avenir de l'Europe et son contenu, la question des relations avec la Russie, la question des relations avec les Etats-Unis, la question NMD, la question des Balkans, etc Ayez un peu de patience et ne tirez pas les conséquences après une séance qui ne prétend pas avoir fait disparaître des sujets sur lesquels nous savons que nous n'avons pas les mêmes approches. Sur l'affaire de la PAC, l'approche n'est pas la même, nous l'avons bien vu durant la Présidence allemande. Nous savons que les différences de conception n'ont pas disparu pour autant. Nous savons aussi que toutes les agricultures en Europe sont malmenées par ce qui arrive aujourd'hui.
Alors ne mettez pas sur le même plan ce travail de fond de plusieurs mois, sur lequel nous ne pouvons pas encore porter une évaluation et le fait qu'à chaud, brusquement, alors que se tient une réunion cet après-midi, la France soutient les propositions de la Commission que l'Allemagne ne soutient pas pour d'autres raisons.
Q - Lorsque le ministre français de l'Agriculture dit que l'Europe doit payer sinon des aides nationales seront mises en place, il est porteur d'un message singulièrement peu européen
R - Je ne sais pas si vous avez remarqué mais cela ne concerne pas seulement la France et l'Allemagne, ni les questions agricoles. Sur les questions agricoles, le ton est assez musclé et pas seulement en France. Sur beaucoup d'autres sujets, dès que cela devient important, que l'opinion nationale s'en mêle, il y a souvent de telles prises de positions. Nous l'avons vu avant Nice. Avant Nice le climat était comme cela dans presque tous les pays. C'est pour cela que la suite était prévisible. Il y avait un climat assez remonté sur les intérêts essentiels dans chaque pays. Nous ne pouvons pas voir en cela le signe que nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord. Donc j'en appelle à votre sens des proportions.
Q - Ne redoutez-vous pas que la difficulté de l'affaire agricole ne porte préjudice à ce travail d'ensemble dont vous parliez tout à l'heure ?
R - Bien sûr que cela ne tourne pas bien. Je n'ai pas dit que c'était une aubaine pour le travail que j'ai entrepris avec Joschka Fischer. J'ai trouvé la première séance avec Joschka Fischer très bien, très intéressante, très utile sur l'élargissement et sur 2004. Ces questions agricoles sont horriblement compliquées, comme pour tout le monde, pour toutes les agricultures en Europe. Il y a la crainte des producteurs et des opinions à gérer. On ne peut pas faire disparaître pour autant les différences de conception sur l'avenir de l'agriculture en Europe, différences qui ne sont pas que franco-allemandes, elles sont plus larges. Il y a eu des débats à l'intérieur de chaque pays. Je ne vais pas dire pour autant que le travail que nous avons entrepris ne peut plus être tenté à cause de cela. Certainement pas. Donc pour moi, cela justifie plutôt l'intensification du travail bilatéral franco-allemand.
Nous sommes face à des échéances difficiles mais nous ferons quand même notre travail de fond qui est également attendu. Mais entre temps il y aura eu plusieurs dîners à 5 et à chaque fois, nous pourrons dire que nous nous sommes mis d'accord sur tel point et qu'il n'y a pas de nouvelle contradiction sur tel sujet (je pense à l'élargissement notamment) et qu'il y en aura de moins en moins. En revanche, la question agricole est plus compliquée, c'est vrai.
Q - La question de la fragilité de la Turquie n'a jamais été évoquée aujourd'hui ?
R - Non. Personne ne veut laisser la fragilité turque s'installer mais cela ne relève pas du Conseil Affaires générales. Une simple communication liée à la Turquie : dans toutes les réunions où nous aurons l'occasion d'inviter les pays candidats, nous avons pris la décision d'inviter la Turquie.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2001)
Nous avons eu un échange sur la question du Proche-Orient.
Il y a deux points importants dans la déclaration : l'aide à l'autorité palestinienne et l'appel à la levée du blocage du territoire par Israël dans des termes qui sont très proches de ceux qui ont été employés par Colin Powell au cours de sa tournée.
Nous avons eu un échange à propos de la situation dans la République démocratique du Congo évoquée par le ministre belge, Louis Michel. Nous sommes tout à fait sur la même ligne. J'ai soutenu ce qu'il a dit à savoir que, pour la première fois depuis le début de la guerre en République démocratique du Congo, il y a une chance réaliste de voir l'ensemble des protagonistes internes et externes de ce conflit être obligés d'appliquer leurs engagements. Par conséquent, il est très important que les Quinze, tous les membres du Conseil de sécurité, tous les pays d'Afrique concernés fassent tous pression en même temps sur tous les protagonistes pour qu'ils mettent en uvre ce mécanisme qui amènera à une sorte d'engrenage positif. Pour que cela marche bien il faut naturellement que l'ONU en accélère la mise au point.
Nous avons eu des échanges, mais très ponctuels, sur le Zimbabwe et le Salvador.
J'en viens à la question des concessions commerciales aux Pays les moins avancés (PMA). C'était un sujet plus sensible. A cet égard, la France avait un certain nombre de réserves que j'ai rappelées. Il y avait une interrogation sur le fait de savoir si l'ouverture programmée du marché communautaire pour les trois produits en question (sucre, banane, riz) était dans l'intérêt des pays les moins avancés. Il y a une analyse plus fine à faire sur les conséquences que cela aura sur l'économie de chacun d'eux, sur le rapport entre économie d'exportation et satisfaction des besoins.
Plus important, il y a la question de nos engagements en tant qu'Européens à l'égard des pays ACP qui ne sont pas des PMA. Autre remarque, qui, je crois, était de bon sens, ce n'est pas évident de préjuger 5 ans à l'avance du sort des trois organisations communes de marché concernées, compte tenu de tout ce qui peut se passer d'ici là, quand on sait que l'élargissement aura des répercussions sur l'ensemble des marchés agricoles. Nous pensons, d'autre part, que la Commission sous-évalue les risques de transferts massifs des produits sensibles des PMA vers l'Union européenne. Et enfin nous avons souligné qu'il fallait tenir compte des conséquences budgétaires de ces décisions en faveur des PMA.
Pour toutes ces raisons, que certains partagent et d'autres pas du tout, nous avons eu l'impression qu'il fallait un vrai rendez-vous en 2005, que la mise en uvre de la décision devait être subordonnée à ce rendez-vous de 2005. Une nette majorité de pays s'est dégagée pour accepter la proposition de la Commission. Elle a donc été acceptée après les différentes adaptations que Pascal Lamy avait introduites dans sa proposition. Il reste un rendez-vous en 2005 mais il ne remet pas en cause les mécanismes et le calendrier. Il n'y a pas eu de vote formel en fait mais il était clair que les réserves en question n'étaient pas partagées par un nombre suffisant de pays pour remettre en cause la proposition de la Commission.
Encore une fois, nous sommes tous favorables au fait d'aider les PMA et nous le faisons beaucoup dans la politique française de développement sous formes variées, que ce soit par l'aide ou par des remises de dettes ou d'autres mesures. Les PMA ont toujours été les premiers bénéficiaires. Le débat ne portait pas sur le principe mais sur les moyens et la façon d'aider les PMA.
Au déjeuner nous avons fait le point sur la nouvelle politique américaine avec les ministres qui avaient déjà eu des contacts comme MM. Fischer et Cook. Interrogations sur les questions que vous connaissez, NMD, défense européenne : il n'y a pas d'éléments nouveaux que l'on ne connaisse déjà. C'était intéressant sur le plan du climat.
Demain nous avons cette réunion à l'OTAN avec beaucoup de contacts, j'y verrai Colin Powell. C'est dans un peu plus de 3 semaines que j'irai à Washington pour un voyage plus long avec plus de contacts. Mes impressions sur Colin Powell sont bonnes. C'est quelqu'un avec qui il est facile de travailler.
Nous avons ensuite écouté Anna Lindh nous présenter les conceptions suédoises sur le débat concernant l'avenir de l'Europe. La Suède est chargée de nous faire des propositions à la fin de sa Présidence sur la façon dont les débats doivent se développer. Elle a souligné le fait que les débats doivent être nationaux durant l'année 2001 sans que cela empêche un débat général. Mais en terme d'initiatives, d'organisation, d'impulsion, chaque pays s'organise comme il l'entend et on verra plus tard tel qu'on l'a prévu à Nice, à la conclusion de la Présidence suédoise mais surtout lors de la conclusion de la Présidence belge, quel dispositif nous acceptons pour la suite. Ce qu'elle a dit sur le débat a été approuvé par tout le monde et convient à tous les participants. Chaque pays pourra donc organiser le débat, durant l'année 2001, comme il l'entend.
Nous avons eu un échange sur les méthodes et l'efficacité du Conseil Affaires générales et ce que l'on pouvait faire pour le renforcer.
Lors du Gymnich (qui sera prolongé jusqu'au déjeuner inclus), il y aura un tour de table sur l'avenir de l'Europe.
Il y a eu un certain nombre de points d'information par Javier Solana sur quelques sujets dont l'Ukraine et le Caucase.
Q - Etes-vous favorable à une Convention pour conduire le débat sur l'avenir de l'Union européenne ?
R - Nous prenons notre temps. Nous n'avons pas à régler cela maintenant. D'ailleurs Anna Lindh a souligné que la conception suédoise était de ne pas prendre de décisions prématurées sur des problèmes qui se régleront le moment venu.
Q - Sur le NMD, quelles sont vos réactions aux intentions américaines ?
R - C'est très tôt. Nous avons fait connaître les interrogations que nous pouvions ressentir par rapport à cela. Les projets américains ne sont pas tellement plus précis en réalité. Le projet russe ne l'est pas tellement non plus. Nous ne savons pas si cela a un contenu. Là encore il ne faut pas se prononcer dans la précipitation. Nous verrons demain si à l'OTAN cela se clarifie un peu.
Q - Que les Américains puissent utiliser des équipements britanniques cela serait contradictoire avec la politique européenne de défense ?
R - Nous n'en savons rien. A ce stade nous connaissons les intentions américaines par rapport au projet mais qui, lui-même, n'est pas toujours défini de la même façon. Nous avons exprimé des interrogations, nous avons posé des questions. MM. Fischer et Cook ont déjà eu des discussions à Washington qui n'éclairent pas tout à fait notre réflexion parce que la nouvelle administration américaine n'a pas encore tranché par rapport à cela. Donc nous verrons bien.
Sur le fond, de quoi s'agit-il ? Il y a, à l'heure actuelle, dans les politiques de défense, des grands pays occidentaux, en tous cas les principaux. Vous avez une certaine combinaison entre les systèmes offensifs, les systèmes défensifs et des systèmes dissuasifs (dissuasion nucléaire). Les Américains disent avoir une idée qui modifie cet équilibre, qui répartit les choses autrement mais en gardant les 3 éléments. Aucun responsable américain n'a annoncé qu'il voulait mettre fin à la dissuasion. Alors ils ont donc à l'esprit une autre répartition entre offensif, défensif et dissuasif, ce qui n'est pas le même chose. Ce sont trois choses bien distinctes. Mais quelle sera la répartition ? Je ne peux pas vous répondre à ce stade. C'est trop tôt. Tout dépend du type de système envisagé. Il est donc difficile d'en dire plus.
Q - Mais sur le principe : qu'un Etat membre puisse être intégré dans un système dont le chef de file est un pays tiers cela vous semble correspondre à la vision que vous avez de la politique étrangère qui doit fonctionner ?
R - Je ne crois pas que cela se pose comme ça. Il n'y a pas un problème d'incompatibilité théorique ou juridique. C'est trop vague. Il faudra en parler après, quand les projets seront plus précis. Le Royaume-Uni est déjà dans une situation "entre les deux". Il existe déjà toutes sortes d'accords entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis y compris sur le plan de la dissuasion nucléaire, ils auraient donc des accords sur le plan d'un "système défensif complémentaire" ? Ce n'est pas en soit un problème, ni tellement différent de la situation d'aujourd'hui. Mais est-ce que le projet, en soit, est utile ? Il faut que nous attendions encore un peu. On ne peut pas aller plus vite que la musique.
Q - On a l'impression qu'il y a un petit différend sur l'appréciation à porter ?
R - J'ai toujours énuméré les questions qui se posent, et nous n'avons pas plus de réponses qu'avant. Alors, que voulez-vous que l'on dise de plus ?
Q - Cela semblait il y a quelques semaines plus agressif. Maintenant que les Américains ont plus ou moins décidé de lancer ce programme vous semblez moins critique.
R - Non. Nous n'avons tout simplement pas de projet précis en face de nous. Les choses ne sont pas tranchées. Les Américains ne savent pas ce qui fonctionne ou pas dans leur éventuel système.
Je ne peux pas répondre à ce stade. Cela dépend de ce qu'ils vont faire.
Tout cela ne me paraît pas insurmontable. On sait très bien que lorsqu'on fait la défense européenne, il y a des pays qui ont des vues différentes, qui sont en situation différente, qui n'ont pas la même vision de l'avenir, ceux qui sont pour la dissuasion, ceux qui sont contre, etc Donc, ce qui s'est dit ces derniers jours à ce sujet là ne m'inquiète pas. On verra quand on en saura plus.
Q - François Hollande a évoqué la possibilité de crise franco-allemande sur l'agriculture. Pourtant à Blaesheim on a parlé de relance du moteur franco-allemand. On s'y perd un peu. On se réconcilie ou on évoque de nouveau une crise ? J'ai un peu de mal à intégrer ce qui se passe dans l'important volet agricole aux vues des relations que vous avez en ce moment avec M. Joschka Fischer ?
R - Il y a deux choses différentes. D'abord il y a un travail dont j'ai été chargé avec Joschka Fischer, par le président Jacques Chirac, par le Premier ministre Lionel Jospin et par le chancelier Gerhard Schroeder qui consiste à mettre à plat tous les dossiers franco-allemands du moment pour faire le point exactement, pour voir quelle est notre approche, pour bien noter les cas où nous pourrions avoir une approche divergente, simplement différente, et pour régler à notre niveau les problèmes, que ce soient des malentendus linguistiques ou des choses qui peuvent s'arbitrer pour ensuite reporter à leur niveau des sujets sur lesquels il y a des divergences plus sérieuses. Si nous avons entrepris ce travail c'est précisément parce qu'il y a un peu plus que d'habitude des sujets sur lesquels les approches ne sont pas spontanément les mêmes.
Et je vous fais grâce du couplet que l'on fait d'habitude, rappelant qu'il y a toujours eu des désaccords à tous moments. Joschka Fischer et moi, nous nous sommes vus plusieurs fois. Depuis Blaesheim, nous avons prévu un programme de travail qui va jusqu'au mois de juin, un programme assez intense avec 4 heures de discussion à chaque fois sur l'élargissement, la PAC, la question des langues, toute la méthodologie du débat sur l'avenir de l'Europe et son contenu, la question des relations avec la Russie, la question des relations avec les Etats-Unis, la question NMD, la question des Balkans, etc Ayez un peu de patience et ne tirez pas les conséquences après une séance qui ne prétend pas avoir fait disparaître des sujets sur lesquels nous savons que nous n'avons pas les mêmes approches. Sur l'affaire de la PAC, l'approche n'est pas la même, nous l'avons bien vu durant la Présidence allemande. Nous savons que les différences de conception n'ont pas disparu pour autant. Nous savons aussi que toutes les agricultures en Europe sont malmenées par ce qui arrive aujourd'hui.
Alors ne mettez pas sur le même plan ce travail de fond de plusieurs mois, sur lequel nous ne pouvons pas encore porter une évaluation et le fait qu'à chaud, brusquement, alors que se tient une réunion cet après-midi, la France soutient les propositions de la Commission que l'Allemagne ne soutient pas pour d'autres raisons.
Q - Lorsque le ministre français de l'Agriculture dit que l'Europe doit payer sinon des aides nationales seront mises en place, il est porteur d'un message singulièrement peu européen
R - Je ne sais pas si vous avez remarqué mais cela ne concerne pas seulement la France et l'Allemagne, ni les questions agricoles. Sur les questions agricoles, le ton est assez musclé et pas seulement en France. Sur beaucoup d'autres sujets, dès que cela devient important, que l'opinion nationale s'en mêle, il y a souvent de telles prises de positions. Nous l'avons vu avant Nice. Avant Nice le climat était comme cela dans presque tous les pays. C'est pour cela que la suite était prévisible. Il y avait un climat assez remonté sur les intérêts essentiels dans chaque pays. Nous ne pouvons pas voir en cela le signe que nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord. Donc j'en appelle à votre sens des proportions.
Q - Ne redoutez-vous pas que la difficulté de l'affaire agricole ne porte préjudice à ce travail d'ensemble dont vous parliez tout à l'heure ?
R - Bien sûr que cela ne tourne pas bien. Je n'ai pas dit que c'était une aubaine pour le travail que j'ai entrepris avec Joschka Fischer. J'ai trouvé la première séance avec Joschka Fischer très bien, très intéressante, très utile sur l'élargissement et sur 2004. Ces questions agricoles sont horriblement compliquées, comme pour tout le monde, pour toutes les agricultures en Europe. Il y a la crainte des producteurs et des opinions à gérer. On ne peut pas faire disparaître pour autant les différences de conception sur l'avenir de l'agriculture en Europe, différences qui ne sont pas que franco-allemandes, elles sont plus larges. Il y a eu des débats à l'intérieur de chaque pays. Je ne vais pas dire pour autant que le travail que nous avons entrepris ne peut plus être tenté à cause de cela. Certainement pas. Donc pour moi, cela justifie plutôt l'intensification du travail bilatéral franco-allemand.
Nous sommes face à des échéances difficiles mais nous ferons quand même notre travail de fond qui est également attendu. Mais entre temps il y aura eu plusieurs dîners à 5 et à chaque fois, nous pourrons dire que nous nous sommes mis d'accord sur tel point et qu'il n'y a pas de nouvelle contradiction sur tel sujet (je pense à l'élargissement notamment) et qu'il y en aura de moins en moins. En revanche, la question agricole est plus compliquée, c'est vrai.
Q - La question de la fragilité de la Turquie n'a jamais été évoquée aujourd'hui ?
R - Non. Personne ne veut laisser la fragilité turque s'installer mais cela ne relève pas du Conseil Affaires générales. Une simple communication liée à la Turquie : dans toutes les réunions où nous aurons l'occasion d'inviter les pays candidats, nous avons pris la décision d'inviter la Turquie.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2001)