Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le bilan de la consultation du public réalisée par les comités de bassin au titre de la directive cadre sur l'eau, Paris le 13 juin 2006.

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Circonstance : Présentation du bilan de la consultation du public réalisé dans l'Union européenne au titre de la directive cadre sur l'eau le 13 juin 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
La présence de représentants de nombreux pays de l'Union Européenne ce matin témoigne de l'intérêt suscité par le bilan de cette première consultation du public réalisée dans l'Union Européenne en application de la directive cadre sur l'eau.
Une forme de consultation permanente a été instaurée en France, il y a un peu plus de 40 ans, avec la création dans chacun des six grands bassins hydrographiques d'un Comité rassemblant les représentants des collectivités locales, des usagers de l'eau et des services de l'Etat. Nous pouvons saluer nos prédécesseurs pour cette clairvoyance.
Les Comités de bassin et leurs commissions locales permettent ainsi aux acteurs de l'eau, collectivités locales, représentants des usages économiques, des associations de consommateurs, de protection de la nature, ou encore de pêcheurs, de partager leur analyse, et d'élaborer ensemble les objectifs d'une gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques.
A ce titre, je tiens à préciser que je suis très attachée au principe d'une parité de représentation des collectivités locales et des usagers au sein de ces comités.
La loi sur l'eau de 1992 a élargi l'association des différents acteurs de l'eau avec la création des Commissions locales de l'eau chargées d'élaborer les SAGE, ou celle du Comité national de l'eau où se retrouvent à nouveaux élus, usagers et représentants de l'Etat.
Mais aujourd'hui, les questions d'environnement doivent être plus largement partagées.
Il s'agit tout d'abord d'une demande forte de nos concitoyens qui, de plus en plus sensibles aux questions environnementales, veulent être acteur des politiques mises en oeuvre dans ce domaine. Lors de cette consultation très large du public l'occasion leur a été donnée de faire valoir leur position, d'attirer l'attention sur les sujets qui leurs paraissent être prioritaires.
Cela me semble essentiel pour répondre au mieux, dans nos programmes d'actions, à leurs préoccupations.
L'association du public est également nécessaire pour une politique environnementale efficace. Il y a 20 ou 30 ans, les priorités du moment étaient souvent concentrées sur des sujets bien spécifiques, des situations critiques de forte pollution, par exemple dans le domaine industriel.
Il était plus facile de travailler en cercle restreint.
Aujourd'hui, les questions auxquelles nous devons faire face portent davantage sur des pollutions plus insidieuses, plus diffuses, qu'elles qu'en soit leur origine.
Le changement de nos pratiques, professionnelles ou domestiques, est alors la condition sine qua non d'une meilleure préservation de l'environnement. Sans la participation de chacun d'entre nous, nous ne réussirons pas à relever les défis environnementaux du moment.
La directive cadre promulguée en 2000 prend bien sûr en compte ce besoin de participation du public, en rendant obligatoire la consultation de celui-ci sur les étapes clefs de sa mise en oeuvre.
Les Comités de bassin, responsables de l'élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, qui constituent en France les plans de gestion demandés par la directive cadre, ont donc réalisé cette consultation du public.
Il s'agit d'une première de part son ampleur et des moyens qui lui ont été consacrés.
Je tiens à saluer à ce titre le travail remarquable accompli par les Comités de bassin. Je voudrais associer à ces remerciements, les agents du ministère et de ses établissements publics, qui ont contribué à ce travail.
Je voudrais dire enfin, le relais extrêmement important qu'ont représenté les multiples initiatives des collectivités locales et des associations. Sans votre implication la consultation serait restée administrative.
Grâce aux personnes que vous avez su mobiliser dans vos réseaux elle fut vivante et citoyenne. Je vous en remercie.
Cette consultation a permis de solliciter l'avis du public sur la synthèse des questions importantes identifiées au niveau des grands bassins hydrographiques, ainsi que sur le programme de travail prévisionnel pour la révision des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.
En effet, dès la fin 2004, les Comités de bassin avaient publié un état des lieux précisant les principaux enjeux de chaque bassin.
Il convenait de soumettre ces documents à la consultation, afin de pouvoir poursuivre l'application de la directive cadre en tenant compte des avis qui se sont exprimés.
Il ne s'agit pas de préparer des solutions et de procéder ensuite pour la forme à une consultation « alibi ».
Le souhait du Ministère de l'Ecologie et des Comités de bassin était d'enrichir la démarche par une véritable association du public. Ce message a été entendu étant donné la participation massive de celui-ci.
Organisée sur le territoire métropolitain au second semestre 2005 et un peu plus tard dans les départements d'Outre mer, cette consultation a donc anticipé les échéances de la directive.
Ceci donne le temps nécessaire aux Comités de bassin pour analyser les avis et permet de mieux les prendre en compte dans la définition des objectifs et des modes d'actions.
Il appartient maintenant aux Comités de bassin de faire largement connaître les suites données à cette première consultation du public et notamment les inflexions ou compléments pris en compte pour la suite des travaux.
A ce titre, je salue l'initiative prise par le Comité de bassin Seine-Normandie de présenter lors de la première journée de ce colloque, les résultats de la consultation dans son bassin.
Pour ma part, j'ai noté plusieurs points saillants qui ressortent de cette consultation.
Tout d'abord l'anticipation des sécheresses en relation avec le changement climatique. Il s'agit effectivement d'une problématique extrêmement importante.
L'été 2005 a été particulièrement difficile. Cette année encore, un déficit de pluie a été enregistré depuis septembre, même si la situation est moins préoccupante qu'il y a un an à la même période.
Sur ce sujet, j'ai présenté en Conseil des ministres un plan national de gestion de la rareté de l'eau, le 26 octobre dernier. Son objectif est de réduire structurellement les situations où l'équilibre entre l'offre et la demande en eau n'est pas assuré, et de donner une nouvelle marge de manoeuvre en matière d'alimentation en eau potable.
De nombreuses actions, dont plusieurs associant les agences de l'eau, sont déjà engagées.
S'agissant d'une plus grande participation du public, une campagne de communication dans la presse écrite a été conduite au printemps, et une nouvelle opération cette fois télévisuelle sera lancée à l'été.
Un deuxième sujet de préoccupation qui a été souligné porte sur le développement des pollutions diffuses de toutes origines.
En ce qui concerne les pollutions diffuses d'origine agricole, le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques prévoit de renforcer l'action concernant les pesticides. Le transfert de la TGAP « phyto » au profit des agences, permettra à celles-ci de renforcer leur action dans ce domaine.
Nous devrons sur ce point assurer la cohérence entre la définition des priorités d'actions au niveau des bassins et le déploiement des mesures agro-environnementales.
Je sais que les services de la Commission suivront tout particulièrement les propositions faites en ce domaine.
Je sais aussi pouvoir compter sur l'appui de la profession agricole, attachée à rechercher la meilleure efficacité possible des actions, sur un sujet qui concerne l'environnement, mais aussi la santé des agriculteurs.
Par ailleurs, je présenterai prochainement en relation avec les ministères de l'agriculture, de la santé et de la consommation, un plan de lutte contre les pollutions par les produits phytosanitaires.
Celles-ci ne concernent pas seulement le monde agricole mais aussi, des utilisations domestiques ou encore dans le cadre de l'entretien de voiries.
Enfin, la consultation a montré une grande sensibilité sur un troisième sujet particulièrement important : le financement et le prix de l'eau.
Sur ce point nous devons disposer de données factuelles, et pouvoir en débattre dans un cadre serein et constructif.
Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi sur l'eau, j'ai présenté un amendement au nom du Gouvernement qui engage le Comité National de l'Eau à donner son avis sur le prix de l'eau facturé aux usagers et la qualité des services publics de distribution d'eau et d'assainissement.
Le Comité national de l'eau regroupe des élus, des usagers, des associations de protection de l'environnement ou de consommateurs, des techniciens. Il me semble être une instance appropriée pour avoir un échange fructueux et factuel.
Il s'appuiera pour cela sur le futur Office national de l'eau et des milieux aquatiques, qui jouera un rôle d'observatoire économique des services d'eau et d'assainissement.
Encore faut-il disposer de données fiables. Le contenu du rapport annuel du maire sur le prix et la qualité du service public de distribution d'eau et d'assainissement sera prochainement modifié pour inclure des indicateurs de performance du service.
Ce dispositif qui associera les différents acteurs de l'eau et se fondera sur des éléments factuels, nous permettra d'obtenir des analyses comparatives du prix de l'eau et des caractéristiques et des performances des services.
J'espère que cette démarche permettra de répondre aux questions que se posent les usagers des services d'eau et d'assainissement, contribuera à faciliter les choix de gestion des collectivités locales qui ont la responsabilité de ces services, et apaisera les débats parfois polémiques sur le sujet.
D'autres points ont bien sûr été évoqués lors de cette consultation. Il convient maintenant de les intégrer au mieux pour arrêter les objectifs de gestion des bassins.
La directive n'impose aux Etats qu'une définition de ces objectifs fin 2009.
Pour autant, nous ne devons pas attendre cette échéance pour engager l'action.
Je tiens à ce que le futur programme d'intervention des agences de l'eau entre en vigueur dès le début 2007 afin d'engager résolument l'action.
Comme vous le savez, je ne ménage pas mes efforts pour que le projet de l'eau puisse être adopté le plus rapidement possible et permette de définir un 9ème programme d'actions à la hauteur des défis que nous devons relever.
Les conclusions de vos travaux permettront de préciser les initiatives nécessaires pour favoriser l'expression du public lors de la prochaine consultation qui portera sur les objectifs souscrits pour 2015, mais aussi sur les actions à réaliser dans ce but.
Cette nouvelle consultation sera essentielle pour montrer comment chacun peut contribuer à la réalisation de l'objectif collectif. Elle sera aussi l'occasion de prendre un peu plus conscience des difficultés à surmonter et des solidarités nécessaires pour une gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques. L'information et la communication sur la gestion de l'eau constituent des outils essentiels pour l'action et non seulement un accompagnement de celle-ci.
Je souhaite que cette nouvelle consultation soit réalisée dès que possible, afin de permettre aux Comités de bassin d'analyser les résultats, d'infléchir le cas échéant leurs propositions, avant de saisir les assemblées locales sur les objectifs et les actions à réaliser.
Pour les districts internationaux, la directive demande de construire un plan de gestion commun et de coordonner les actions nécessaires. Il nous faudra donc préciser en liaison avec les différents pays concernés, les procédures d'information et de consultation du public adaptées.
La consultation réalisée en application de la directive cadre a souligné, s'il en était besoin, que la gestion de l'eau n'est pas un sujet réservé aux seuls spécialistes.
C'est non seulement une source d'enrichissement de la démarche, mais également un moment privilégié pour l'appropriation de l'action par le plus grand nombre de nos concitoyens.
C'est de ce fait un point de passage obligé pour appliquer au domaine de l'eau, les principes du développement durable.
Je vous remercie de votre attention.
source http://www.ecologie.gouv.fr, le 13 juin 2006