Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur le rôle de l'innovation dans l'avenir de l'automobile, et notamment en matière de réponse aux dépenses énergétique, Paris La Défense le 12 juin 2006.

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Circonstance : Ouverture de la 8e édition du challenge Bibendum 2006 à Paris La Défense, le 12 juin 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Cette dernière journée du Challenge Bibendum - le « Forum International » - est véritablement un moment unique. Il n'existe à ma connaissance aucun événement de cette envergure qui allie ses trois caractéristiques : une enceinte réellement internationale ; une réflexion sur l'innovation ; une mixité et un échange authentiques entre toutes les parties prenantes concernées - société, industriels, pouvoirs publics.
La qualité des débats et des interventions permettra, j'en suis convaincu, d'atteindre l'objectif fixé à ce forum, pour reprendre les termes du site officiel du Challenge : « construire une vision de synthèse des enjeux et des évolutions prévisibles de la mobilité routière et illustrer la nécessité de convergence entre des orientations stratégiques fortes - choix énergétiques, choix technologiques, réglementations pertinentes - et leur adoption par le public. »
Je suis très fier que cet échange ait lieu cette année en France, et surtout très fier, et reconnaissant envers Michelin, que ce soit une entreprise française qui soit à l'origine de cet événement exceptionnel.
Reconnaissants, nous devons l'être plus particulièrement au regretté Edouard Michelin, dont la disparition tragique et brutale nous prive d'un capitaine d'industrie visionnaire, talentueux et profondément humain.
Ce Challenge, Edouard Michelin l'a soutenu et renouvelé tous les ans depuis qu'il a pris les rênes de l'entreprise, et il lui a imprimé sa marque. Celle d'un chef d'entreprise convaincu que c'est en axant sa stratégie sur la R&D et l'innovation que l'industrie peut répondre aux attentes de la société tout en étant profitable. Celle d'un leader d'opinion visionnaire qui a conduit son entreprise à travailler sur les grands défis de l'avenir, notamment le défi énergétique. Celle aussi d'un homme de dialogue et d'échange qui a su allier la préservation des secrets industriels avec l'organisation pour le public d'événements comme le Challenge Bibendum.
Mes remerciements, et mes encouragements vont aussi à M. Rollier, dont je suis convaincu qu'il poursuivra avec détermination l'action d'Edouard Michelin, et qui a fait en sorte, malgré les circonstances difficiles que ce Challenge 2006 soit un succès, et donc un hommage au disparu.
Les thèmes que vous avez choisis pour ce forum correspondent parfaitement aux préoccupations que partagent aujourd'hui tous les pays représentés. Je note d'ailleurs qu'ils se recoupent avec ceux du groupe de haut niveau européen qu'a institué en 2005 la Commission européenne et auquel je participe, CARS21.
Les questions posées portent sur le défi énergétique, la sécurité routière, et la place des transports dans nos sociétés et dans nos villes.
En fil conducteur de ces travaux, la R&D et l'innovation sont les leviers qui permettent de trouver des solutions à ces différents défis.
Dans ce domaine, mon ambition pour l'industrie française de l'automobile est bien d'être à l'avant poste de la recherche, de la technologique, avec une base industrielle forte et des partenariats internationaux.
C'est à la fois un enjeu économique - l'innovation est le facteur clé pour consolider notre filière automobile, qui représente 1,4 millions d'emplois en France avec les services - et un enjeu sociétal -dans le cadre de la politique globale des transports, il faut trouver des solutions aux problèmes d'environnement, de bruit, de consommation énergétique, de « mobilitié urbaine »...
Le Gouvernement français a donc engagé depuis 2002 une politique industrielle résolument tournée vers l'innovation.
Le crédit impôt recherche est le principal outil de soutien à la R et D des entreprises a été renforcé, à 10%, dans la loi de Finances pour 2006.
Nous avons complété ce dispositif notamment par la mise en place d'agences de moyens :
- L'Agence de l'Innovation Industrielle, qui va financer les grands projets industriels; elle interviendra aux côtés des grands groupes et leurs sous-traitants en co-financement. Le secteur des transports est dans le champ technologique de l'AII, qui a annoncé une première vague de projets financés en avril, et examinera bientôt un projet sur le véhicule hybride diesel porté par PSA.
- Oséo, est au service des PME, de leur création à leur transmission, avec une politique résolue de soutien de l'innovation.
- l'Agence Nationale de la Recherche oriente la recherche fondamentale et appliquée vers les projets qu'elle juge les plus prometteurs, en accordant aux laboratoires qui les présentent des financements supplémentaires.
Au-delà de l'augmentation de l'effort de R&D dans l'absolu, nous encourageons également la R&D coopérative. Parce qu'on innove moins bien tout seul, nous souhaitons encourager la coopération interentreprises, et la coopération entre la recherche publique et la recherche des entreprises.
C'est pourquoi nous avons mis en place les pôles de compétitivité, élément stratégique de la mise en réseau des acteurs de l'économie industrielle de demain et que l'Etat accompagne résolument : 1.5Md euros sur trois ans.
Les instruments sont en place : nous avons labellisé 66 pôles, dont 5 sont consacrés à l'automobile.
Ces pôles ont vocation à fédérer au niveau local mais aussi à rayonner et nouer des partenariats internationaux, ils sont ouverts sur l'extérieur. Là encore nous sommes tout à fait dans l'esprit de ce Challenge : rassembler les compétences pour développer des synergies, avec une vision internationale.
Parmi les sujets qui seront abordés aujourd'hui, je voudrais plus particulièrement insister sur le défi énergétique, qui est directement de ma compétence. Tout à l'heure s'exprimera sur ce sujet un parterre impressionnant de compétences, avec des intervenants américains, japonais, chinois, européen, et des industriels français parmi les leaders de leur secteur, Renault, PSA, Air liquide.
Ce défi énergétique, c'est l'adaptation à l'ère du pétrole cher, ère dans laquelle nous sommes entrés de façon durable, et même la préparation de l'après pétrole. Cet enjeu se double d'un enjeu environnemental, puisqu'il s'agit aussi de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Cette question est le principal enjeu environnemental aujourd'hui, et nous devons, au niveau européen, nous attaquer très sérieusement à cette question.
Cette préparation se traduira dans les dix - vingt prochaines années par une diversification de l'offre. Au fur et à mesure des développements de nouvelles technologies, de nouveaux choix apparaissent pour le consommateur désireux de réduire sa consommation en pétrole. Plutôt qu'un remplacement brutal d'une technologie par une autre, nous allons semble-t-il vers un modèle où cohabiteront de multiples types de motorisations et de carburants, laissant aux citoyens le choix de la solution la plus pertinente en fonction de ses besoins (circulation urbaine ou sur route ; particulier ou flotte de véhicules,).
Ces promesses technologiques - on pourrait dire aussi prouesses bien souvent ! - vous les connaissez, elles sont nombreuses.
Il y a d'abord les économies générées par le perfectionnement des motorisations diesel et essence existantes, mais aussi des équipements : Michelin, par exemple, y contribue en produisant des pneus qui diminuent le frottement et donc les pertes d'énergie.
Il y a aussi le développement des biocarburants, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain avec une recherche importante sur les biocarburants dits de 2nde génération à partir de la biomasse. Le gouvernement français s'est doté d'objectifs ambitieux en la matière, avec un objectif d'incorporation de 7% en 2010 et 10% en 2015.
Il y a enfin le développement de nouvelles motorisations, qu'il s'agisse du flex fuel - nous avons installé la semaine dernière un groupe de travail présidé par le champion automobile Alain Prost sur ce sujet afin de se mettre en ordre de marche pour permettre une montée en puissance de ce dispositif -, de l'hybride - l'agence de l'innovation industrielle travaille avec PSA et plusieurs partenaires sur un projet d'hybride diesel consommant mois de 3,5l/100 -, sans oublier bien sûr les recherches sur la pile à combustible et les recherches sur l'utilisation de l'hydrogène.
Ce foisonnement de solutions technologiques permet d'envisager avec sérénité cette ère du pétrole cher, et montre que le marché anticipe une forte demande pour les véhicules économes.
Comment cohabiteront entre elles ces technologies à horizon 10 ans ou 20 ans, lesquelles perceront le plus, quel mix énergétique en découlera-t-il ? Ce sont les forces du marché et de la science qui le détermineront, mais le rôle de l'Etat est de tout faire pour que les innovations en la matière aient la possibilité de se développer, au rythme le plus élevé. Pour cela nous utilisons plusieurs leviers :
- Les aides à la R&D : Le total des montants consacrés aux recherches sur les économies d'énergie dans l'automobile représente près de 150 M euros depuis 2002 et d'autres financements sont déjà prévus (AII : hybride diesel ; pôles de compétitivité).
- La stimulation de la demande par la commande publique, avec par exemple les expérimentations sur le flex fuel dans la Marne ou l'utilisation de flottes de véhicule électrique à la Poste
- L'élimination des obstacles réglementaires au développement de nouvelles technologies : par exemple nous travaillons sur les normes essence et diesel pour permettre une augmentation des taux d'incorporation de biocarburants
- La mise en relation de l'ensemble des acteurs concernés pour les inciter à trouver des solutions en commun : nous l'avons fait pour les biocarburants en 2005, sur le flex fuel en 2006, et c'est aussi le sens des pôles de compétitivité qui visent à exploiter les synergies entre compétences présentes sur un territoire
Au moment de conclure, je voudrais une nouvelle fois remercier toutes les personnalités, tous les invités étrangers en particulier, qui vont animer ce débat, et qui ont déjà ces trois derniers jours montré des réalisations concrètes sur la piste d'essai du Ceram.
Je veux répéter ma conviction que ce type d'événement est très utile : de la confrontation de ces points de vue, de ces cultures, de ces compétences, naîtront, j'en suis convaincu, des propositions et des idées qui éclaireront le débat public.
J'attends donc beaucoup de vos travaux ; bien que je ne puisse y assister dans leur intégralité, j'en prendrai connaissance avec attention à l'issue de cette 9ème session du Challenge Bibendum.
Je vous remercie.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 13 juin 2006