Texte intégral
Q - Nous allons faire tout de suite un gros plan de ce ballon que des centaines de millions de gens voient tous les jours, c'est le ballon de la Coupe du monde avec le logo UNITAID. J'estime que c'est une grande fierté pour vous qui avez lancé cette opération, à l'initiative au début de Jacques Chirac et du président du Brésil, le président Lula, d'avoir lancé cette association au moment de la coupe du monde, car vous ne pouviez pas trouver une meilleure caisse de résonance.
R - Je crois qu'en terme de diplomatie aujourd'hui, si on regarde bien les grands sujets qui peuvent déstabiliser le monde : il y a la prolifération nucléaire - dont on entend beaucoup parler au sujet de l'Iran -, il y a les intégrismes religieux, mais il y a aussi la grande pauvreté qui est en train de gagner énormément les pays du Sud, au moment où la mondialisation aboutit à plus de richesse dans les pays riches.
Et ce fossé devient de plus en plus inadmissible. Il est d'ailleurs source d'immigration et nous ne sommes qu'au début d'un mouvement d'immigration absolument massive de centaines de milliers, voire de millions de personnes, en particulier vers l'Union européenne. Il est également source de terrorisme en alimentant des foyers d'intégrisme, des foyers de radicalisme, qui peuvent émerger de la désespérance de centaine de milliers de gens.
La première conséquence de la pauvreté, c'est l'absence de santé publique et des médicaments capables de soigner des maladies qu'on croyait à jamais vaincues comme la tuberculose ; Une personne meurt toutes les trois secondes en Afrique parce qu'il n'y a pas de médicament contre la tuberculose, médicament que l'on connaît depuis 1954.
Q - Ils ne peuvent pas l'acheter, en fait, ils n'ont pas les moyens d'acheter ce médicament, c'est ça ? UNITAID est là, non pas pour régler le problème global évidemment, mais commencer à aider. Alors comment ça fonctionne ?
R - L'idée, c'est de se dire : trouvons un moyen pour que les pays riches, mais aussi les pays du Sud, puissent contribuer à régler ce problème de pauvreté et de santé publique. L'idée du président Chirac et du président Lula, au début - mais ensuite c'est devenu plus important, maintenant il y a 43 pays qui participent au Groupe pilote -, c'est de prendre un euro ou un dollar - cela dépend du continent où on est - par billet d'avion. Après tout, quand on prend un billet d'avion, on peut dépenser un dollar de plus ou un euro de plus. La question, c'est qu'on veut bien donner, mais on ne sait pas à qui et comment ; il y a le problème de la corruption, en particulier dans certains pays.
La diplomatie française a inventé l'idée d'une sorte de centrale d'achat, une caisse mondiale destinée uniquement à l'achat des médicaments. Je suis allé voir les vingt plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde et je leur ai dit qu'il était normal que le coût des médicaments soit plus élevé dans les pays développés parce qu'il s'agit de financer la recherche, mais qu'ils devaient casser les prix pour ceux destinés aux pays du Sud.
Aujourd'hui, on peut dire que le coût d'un malade du sida aux Etats-Unis ou en Europe représente 13 000 dollars par an contre 150 dollars dans un pays du Sud.
Cependant, il va falloir maintenant les distribuer et on travaille aujourd'hui avec l'UNICEF, avec l'Organisation mondiale de la Santé, avec des gens comme Bernard Kouchner, qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets.
Q - Donc il y a un consensus au-delà des clivages politiques.
R - Evidemment, ce n'est pas un sujet politicien.
Q - Et tous les laboratoires ont dit oui, se sont accordés à dire....
R - Pas encore, les trois quarts des laboratoires ont dit oui. Je pense que c'est un sujet majeur pour tous les pays. Je fais le tour du monde pour que tous les pays adhèrent à ce fameux euro, ou ce dollar..
Q - Cette taxe...
R - C'est une contribution de solidarité.
Q - Un euro par billet d'avion, cela va faire beaucoup.
R - Pour la France, par exemple, nous avons décidé de mettre en place cette contribution à partir du 1er juillet ; cela représente 200 millions d'euros. On pense que cela peut représenter beaucoup plus avec tous les pays que nous avons sollicités. Hier, par exemple, j'étais au Qatar et ils ont dit "oui" ; la Qatari Airways est une compagnie très importante. L'Angleterre, le Brésil, le Chili, la Norvège viennent également de dire "oui"...
Q - Qui va gérer ça ? Qui va gérer tout ce pactole ?
R - Nous avons créé UNITAID en essayant de trouver un nom évocateur dans tous les continents.
Q - C'est presque un nom de compagnie aérienne.
R - UNITAID : tous unis pour aider. Je suis allé voir l'Organisation mondiale de la santé pour qu'ils puissent gérer le fond fiduciaire. Je n'avais pas envie de créer une nouvelle bureaucratie. La distribution sera réalisée par l'UNICEF et les ONG, en collaboration avec tous les pays concernés.
Q - Vous avez le soutien aussi de célébrités, ce qui est toujours un peu nécessaire. Il y a les vedettes du football...
R - Il n'y avait rien de mieux que la Coupe du monde pour expliquer ce qu'était UNITAID en sensibilisant les opinions publiques. Il y a des centaines de millions de gens qui voient le ballon UNITAID lorsque les capitaines d'équipe échangent de ballon au début de chaque match et que le journaliste sportif explique ce qu'est UNITAID.
Q - C'est un ballon qui rentre parfois dans les filets, on l'a vu hier. Avec marqué UNITAID dessus ?
R - Non, UNITAID n'est pas marqué sur le ballon avec lequel on joue.
Q - Monsieur Philippe Douste-Blazy, la santé c'est votre premier métier, vous êtes médecin, vous étiez médecin à Lourdes. On a l'impression que l'humanitaire c'est plus votre terrain de prédilection que tout autre chose, que la politique peut-être.
R - Pour moi, ce n'est pas uniquement de l'humanitaire ; c'est de la politique, au sens étymologique du terme. Il s'agit là, évidemment, d'une question éthique et morale. En définitive, est-ce que ces enfants qui meurent en Afrique ont la même valeur que les nôtres ? La communauté internationale répond "non" aujourd'hui. On s'en occuperait plus s'ils avaient la même valeur. J'en avais assez : cela fait dix ans, quinze ans, qu'on me dit qu'on appartient tous à une ONG. A présent je suis ministre des Affaires étrangères français et j'en profite pour faire quelque chose de concret.
Aujourd'hui les chefs d'Etat et de gouvernement doivent régler ce type de problèmes parce que sinon on n'en est qu'au début de la guerre de civilisation. On peut faire faire n'importe quoi à un homme qui se sent humilié.
Q - Le petit ruban, c'est un symbole comme quoi on est sympathisant, mais on peut donner de l'argent...
R - L'idée du SMS 3 33 33, c'est simplement une pétition nationale ; on ne demande absolument pas d'argent.
La plupart des maires de grandes villes ont accepté l'idée de projeter sur les places publiques le nom et le prénom de tous ceux qui ont adressé des SMS en les associant à UNITAID. On va essayer de faire une opération dans toutes les villes de France.
Q - Vous avez regardé les matchs de la France ?
R - J'ai vu le premier mais je n'ai pas pu voir celui d'hier parce que j'étais au Qatar. J'espère qu'on va gagner cette coupe
(...) .Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2006
R - Je crois qu'en terme de diplomatie aujourd'hui, si on regarde bien les grands sujets qui peuvent déstabiliser le monde : il y a la prolifération nucléaire - dont on entend beaucoup parler au sujet de l'Iran -, il y a les intégrismes religieux, mais il y a aussi la grande pauvreté qui est en train de gagner énormément les pays du Sud, au moment où la mondialisation aboutit à plus de richesse dans les pays riches.
Et ce fossé devient de plus en plus inadmissible. Il est d'ailleurs source d'immigration et nous ne sommes qu'au début d'un mouvement d'immigration absolument massive de centaines de milliers, voire de millions de personnes, en particulier vers l'Union européenne. Il est également source de terrorisme en alimentant des foyers d'intégrisme, des foyers de radicalisme, qui peuvent émerger de la désespérance de centaine de milliers de gens.
La première conséquence de la pauvreté, c'est l'absence de santé publique et des médicaments capables de soigner des maladies qu'on croyait à jamais vaincues comme la tuberculose ; Une personne meurt toutes les trois secondes en Afrique parce qu'il n'y a pas de médicament contre la tuberculose, médicament que l'on connaît depuis 1954.
Q - Ils ne peuvent pas l'acheter, en fait, ils n'ont pas les moyens d'acheter ce médicament, c'est ça ? UNITAID est là, non pas pour régler le problème global évidemment, mais commencer à aider. Alors comment ça fonctionne ?
R - L'idée, c'est de se dire : trouvons un moyen pour que les pays riches, mais aussi les pays du Sud, puissent contribuer à régler ce problème de pauvreté et de santé publique. L'idée du président Chirac et du président Lula, au début - mais ensuite c'est devenu plus important, maintenant il y a 43 pays qui participent au Groupe pilote -, c'est de prendre un euro ou un dollar - cela dépend du continent où on est - par billet d'avion. Après tout, quand on prend un billet d'avion, on peut dépenser un dollar de plus ou un euro de plus. La question, c'est qu'on veut bien donner, mais on ne sait pas à qui et comment ; il y a le problème de la corruption, en particulier dans certains pays.
La diplomatie française a inventé l'idée d'une sorte de centrale d'achat, une caisse mondiale destinée uniquement à l'achat des médicaments. Je suis allé voir les vingt plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde et je leur ai dit qu'il était normal que le coût des médicaments soit plus élevé dans les pays développés parce qu'il s'agit de financer la recherche, mais qu'ils devaient casser les prix pour ceux destinés aux pays du Sud.
Aujourd'hui, on peut dire que le coût d'un malade du sida aux Etats-Unis ou en Europe représente 13 000 dollars par an contre 150 dollars dans un pays du Sud.
Cependant, il va falloir maintenant les distribuer et on travaille aujourd'hui avec l'UNICEF, avec l'Organisation mondiale de la Santé, avec des gens comme Bernard Kouchner, qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets.
Q - Donc il y a un consensus au-delà des clivages politiques.
R - Evidemment, ce n'est pas un sujet politicien.
Q - Et tous les laboratoires ont dit oui, se sont accordés à dire....
R - Pas encore, les trois quarts des laboratoires ont dit oui. Je pense que c'est un sujet majeur pour tous les pays. Je fais le tour du monde pour que tous les pays adhèrent à ce fameux euro, ou ce dollar..
Q - Cette taxe...
R - C'est une contribution de solidarité.
Q - Un euro par billet d'avion, cela va faire beaucoup.
R - Pour la France, par exemple, nous avons décidé de mettre en place cette contribution à partir du 1er juillet ; cela représente 200 millions d'euros. On pense que cela peut représenter beaucoup plus avec tous les pays que nous avons sollicités. Hier, par exemple, j'étais au Qatar et ils ont dit "oui" ; la Qatari Airways est une compagnie très importante. L'Angleterre, le Brésil, le Chili, la Norvège viennent également de dire "oui"...
Q - Qui va gérer ça ? Qui va gérer tout ce pactole ?
R - Nous avons créé UNITAID en essayant de trouver un nom évocateur dans tous les continents.
Q - C'est presque un nom de compagnie aérienne.
R - UNITAID : tous unis pour aider. Je suis allé voir l'Organisation mondiale de la santé pour qu'ils puissent gérer le fond fiduciaire. Je n'avais pas envie de créer une nouvelle bureaucratie. La distribution sera réalisée par l'UNICEF et les ONG, en collaboration avec tous les pays concernés.
Q - Vous avez le soutien aussi de célébrités, ce qui est toujours un peu nécessaire. Il y a les vedettes du football...
R - Il n'y avait rien de mieux que la Coupe du monde pour expliquer ce qu'était UNITAID en sensibilisant les opinions publiques. Il y a des centaines de millions de gens qui voient le ballon UNITAID lorsque les capitaines d'équipe échangent de ballon au début de chaque match et que le journaliste sportif explique ce qu'est UNITAID.
Q - C'est un ballon qui rentre parfois dans les filets, on l'a vu hier. Avec marqué UNITAID dessus ?
R - Non, UNITAID n'est pas marqué sur le ballon avec lequel on joue.
Q - Monsieur Philippe Douste-Blazy, la santé c'est votre premier métier, vous êtes médecin, vous étiez médecin à Lourdes. On a l'impression que l'humanitaire c'est plus votre terrain de prédilection que tout autre chose, que la politique peut-être.
R - Pour moi, ce n'est pas uniquement de l'humanitaire ; c'est de la politique, au sens étymologique du terme. Il s'agit là, évidemment, d'une question éthique et morale. En définitive, est-ce que ces enfants qui meurent en Afrique ont la même valeur que les nôtres ? La communauté internationale répond "non" aujourd'hui. On s'en occuperait plus s'ils avaient la même valeur. J'en avais assez : cela fait dix ans, quinze ans, qu'on me dit qu'on appartient tous à une ONG. A présent je suis ministre des Affaires étrangères français et j'en profite pour faire quelque chose de concret.
Aujourd'hui les chefs d'Etat et de gouvernement doivent régler ce type de problèmes parce que sinon on n'en est qu'au début de la guerre de civilisation. On peut faire faire n'importe quoi à un homme qui se sent humilié.
Q - Le petit ruban, c'est un symbole comme quoi on est sympathisant, mais on peut donner de l'argent...
R - L'idée du SMS 3 33 33, c'est simplement une pétition nationale ; on ne demande absolument pas d'argent.
La plupart des maires de grandes villes ont accepté l'idée de projeter sur les places publiques le nom et le prénom de tous ceux qui ont adressé des SMS en les associant à UNITAID. On va essayer de faire une opération dans toutes les villes de France.
Q - Vous avez regardé les matchs de la France ?
R - J'ai vu le premier mais je n'ai pas pu voir celui d'hier parce que j'étais au Qatar. J'espère qu'on va gagner cette coupe
(...) .Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2006