Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur le bilan de la politique culturelle pour 2000 et le calendrier des dossiers pour l'année 2001, Paris le 10 janvier 2001.

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Circonstance : Présentation des voeux à la presse à Paris le 10 janvier 2001

Texte intégral

C'est le premier nouvel an que nous fêtons ensemble depuis que Michel Duffour et moi-même avons succédé à Catherine Trautmann, dont je tiens à saluer l'action menée pendant trois ans.
Je voudrais donc très sincèrement vous présenter mes vux de bonheur et de réussite pour cette année 2001 dans votre vie professionnelle comme dans votre vie personnelle. Je passe maintenant la parole à Michel Duffour.
Un siècle se termine un autre commence, vous ne serez donc pas surpris que j'accompagne mes vux d'une esquisse de bilan et de perspectives.
I - Le bilan 2000
Au bilan de l'année 2000 je retiendrai essentiellement l'adoption d'importants textes de loi, les résultats obtenus par la Présidence française de l'Union européenne et le règlement de quelques dossiers que vous qualifiez volontiers d'épineux.
1. Nous avons fait adopter en 2000 quatre textes de loi particulièrement importants. La loi sur l'audiovisuel bien entendu, qui avait été préparée par Catherine Trautmann. Elle établit un meilleur équilibre entre les opérateurs privés et France Télévision, en confortant les structures et le financement de l'audiovisuel public. Elle va permettre la mise en uvre du numérique hertzien qui répond à des besoins nouveaux du public.
La loi sur l'archéologie préventive que Michel Duffour a défendue devant le Parlement. Elle donne enfin à cette activité scientifique essentielle un cadre légal qui lui faisait défaut.
La loi sur la protection des trésors nationaux qui facilite l'exercice du droit de préemption de l'Etat.
La loi sur les enchères publiques qui modernise les règles d'exercice des commissaires priseurs et des ventes publiques, ce qui permettra un nouveau dynamisme du marché de l'art en France.
Nous avons également mis au point le projet de loi sur les musées qui est actuellement à l'examen du Conseil d'Etat. Il donnera un cadre nouveau aux très importants efforts de modernisation des musées que nous avons entrepris. Il permettra de placer le public au cur de la vocation des musées.
2. L'Europe
Autre point important de notre bilan, l'avancée de la construction de l'Europe culturelle.
L'Europe se construit depuis plus de 50 ans. Trop vite pour les uns, trop lentement pour d'autres, elle avance cependant sûrement. Après avoir harmonisé ses règles économiques, elle entend aujourd'hui préserver sa diversité culturelle. Elle le fait en reconnaissant que les activités culturelles et les industries qui leur sont liées ne sont pas un secteur marchand comme les autres et que par conséquent leur préservation et leur renforcement légitiment des règles particulières, d'autant plus nécessaires qu'il ne s'agit pas d'instituer un " conservatoire " pour protéger un patrimoine mais bien de développer nos capacités créatrices.
Dans ce but, nous avons fait adopter, au cours de la Présidence française, plusieurs dispositions fondamentales pour l'avenir.
Je pense en premier lieu à l'adoption du plan Média Plus après un parcours difficile où il nous a fallu faire preuve de beaucoup de persuasion pour convaincre certains de nos voisins. Mais je pense aussi à la résolution sur l'économie du livre et à celle sur les aides nationales au cinéma.
Au terme de cette présidence une évidence s'impose : aux yeux des 15 pays de l'Union, la défense de la diversité culturelle et le développement de créations originales sont bien des enjeux essentiels pour la réussite de l'Europe.
3. Le rôle de l'Etat
Face à la mondialisation, face à la marchandisation d'un champ croissant de la vie culturelle, un doute s'est levé sur la légitimité du rôle de l'Etat et sur sa capacité à agir dans l'intérêt général. Il nous revient de réaffirmer avec force par le choix de nos priorités et par la qualité de nos actions, la pertinence et la modernité d'un service public culturel.
Je prendrai simplement l'exemple de deux vraies questions qui ont fait l'an passé l'objet d'un large débat. Celle du droit de prêt du livre et celle des cartes d'abonnement illimité pour le cinéma.
Dans les deux cas, j'ai fixé à l'action de mon ministère des objectifs clairs.
Pour le droit de prêt mon objectif était de maintenir les fondements de la lecture publique, maillon de base de la démocratisation culturelle, tout en respectant les droits des auteurs et des éditeurs. Les solutions proposées semblent bien accueillies.
Pour les cartes d'abonnements, il s'agit de préserver la diversité culturelle et l'indépendance de la création. Nous avons donc élaboré des dispositions qui garantissent la rémunération des ayants droits. Aux distributeurs et aux autorités de la concurrence de juger si, dans ce cadre, l'abonnement illimité demeure un système économiquement viable et ne relevant pas de la vente à perte.
Nous aurons au cours de l'année 2001 réponse à ces questions.
II - Les enjeux de l'année 2001
Le calendrier de cette nouvelle année nous ménage plusieurs rendez-vous qui permettront de préciser et de concrétiser notre politique.
1. Vous êtes journalistes et l'avenir de la presse vous concerne au premier chef. Deux dossiers importants nous attendent en 2001.
D'abord, celui de la distribution de la presse et plus particulièrement celui de la presse quotidienne nationale. Je me réjouis de la reprise du dialogue entre l'ensemble des partenaires des NMPP. Je suis sûre qu'il permettra de déboucher sur un véritable plan de relance et de modernisation permettant d'exposer, l'ensemble des titres dans des conditions d'égale concurrence et d'égale accessibilité pour les lecteurs.
Le second dossier est celui de la publicité télévisée pour les sites internet des secteurs interdits.
Il me paraît souhaitable que l'interdiction, qui découle de l'application de la loi, puisse commencer à évoluer. Il me paraît en effet possible d'étudier, avec les secteurs concernés, comment cette publicité pourrait être autorisée sur les télévisions locales ou sur les chaînes thématiques du futur réseau numérique hertzien. Je serai amenée prochainement à faire des propositions à ce sujet.
2. L'année 2001 sera marquée par plusieurs événements saillants et en premier lieu les élections municipales et cantonales.
Vous savez le rôle important que tiennent les municipalités dans l'orientation et le financement de la vie culturelle. Pour notre ministère, les municipalités sont des partenaires de premier rang et de notre bonne coopération dépend le dynamisme et la bonne santé de milliers de théâtres, musées, conservatoires ou monuments. Je suis sûre que les questions culturelles seront présentes dans les débats de campagne.
Je forme donc le vu que les électeurs choisissent, pour diriger leur ville, des femmes et des hommes soucieux de soutenir la liberté de création et désireux de faciliter le développement culturel de leur territoire.
Trois autres événements marqueront l'année:
Le centenaire de la loi de 1901 sur la liberté d'association, tout d'abord. A côté des collectivités locales, les associations jouent un rôle important dans le développement de la vie culturelle. Nous profiterons donc du centenaire de cette loi pour mieux faire connaître leurs réalisations notamment dans la vie musicale ou dans le secteur de la sauvegarde et de la mise en valeur de notre patrimoine.
2001 verra aussi le lancement de l'année du cirque dont les manifestations se dérouleront de juin 2001 à juin 2002. J'ai demandé à Bernard Latarjet d'en présider le comité de pilotage. Elle nous permettra d'engager, sur le long terme, une politique volontariste pour soutenir le développement d'un secteur très représentatif des arts populaires et qui fait preuve d'une grande créativité.
Un autre anniversaire sera pour nous l'occasion d'une actualisation de notre réflexion sur les enjeux du service public de la culture. En 2001 nous fêterons, en effet, le centième anniversaire de la naissance d'André Malraux.
André Malraux est un immense écrivain et nous lui rendrons hommage en tant que tel. C'est également le fondateur du ministère de la Culture, ministère longtemps isolé en Europe, mais aujourd'hui rejoint par la quasi totalité des pays de l'Union.
Les missions qu'André Malraux avait fixées à ce ministère restent pleinement valides, parce qu'il s'agit d'exigences permanentes.
En revanche, les conditions de leur mise en uvre connaissent de profondes mutations. Aujourd'hui l'offre culturelle dans sa quantité et dans sa diversité dépasse très largement le temps que chacun d'entre nous peut y consacrer.
Nous avons depuis 20 ans accru cette offre en multipliant les lieux de diffusion et de production.
Dans le même temps la multiplication des chaînes de télévision et l'internet apportent au domicile même un flot permanent d'images.
La concurrence entre les offres culturelles est donc devenue plus forte et conduit nécessairement chaque discipline artistique à se repositionner.
Certaines se transforment du dedans. D'autres révisent leur rapport avec le public.
3. Je tire de ce constat évident deux principes qui guident mes projets pour l'avenir.
Il faut poursuivre et amplifier le travail de rénovation et de modernisation de nos institutions culturelles, pour leur permettre de relever les défis d'une nouvelle concurrence, et surtout des attentes nouvelles des créateurs et des publics.
Dans quelques jours nous inaugurerons le Musée Guimet rénové où viendra, j'en suis sûre un plus large public. Je vous confirme que le projet de Bercy, consacré au cinéma, se réalise bien dans les délais prévus.
La cinémathèque française, la bibliothèque du film, des services patrimoniaux du CNC y trouveront place. Les travaux vont commencer très prochainement.
Deux autres projets d'ampleur poursuivent également leur chemin : la création à Marseille d'un musée des civilisations européennes et méditerranéennes, et la création à Chaillot de la cité de l'Architecture et du Patrimoine. L'ensemble de ces institutions forme dans tous les domaines de la culture un réseau très dense qui constitue un formidable point d'appui pour notre politique.
De nombreux changements vont s'opérer, cette année, à la tête de ces institutions. Je veillerai à ce que ce mouvement prenne en compte les impératifs de transmission de leur histoire, tout en offrant la possibilité à de nouvelles équipes de relever le défi de l'institution.
Mais moderniser et développer nos institutions ne suffit pas, notre ambition est de gagner un public renouvelé. Si la fréquentation des uvres dépend bien du désir de chacun, il est de notre responsabilité de créer les conditions qui font naître ce désir.
Il faut développer, entre l'uvre et les publics, de nombreuses et modernes médiations. La télévision, et la télévision publique en premier lieu, a un rôle important à y jouer.
C'est pourquoi notre Gouvernement a considérablement renforcé l'organisation et les moyens de l'audiovisuel public et c'est l'un des sujets importants des discussions actuelles autour des contrats d'objectifs et de moyens.
Renforcer les médiations culturelles, c'est également la finalité de la nouvelle politique d'éducation artistique que nous allons conduire avec le ministère de l'Education nationale et que nous avons exposé avec Jack Lang, le 14 décembre dernier.
Le gouvernement de Lionel Jospin a placé au cur de son projet l 'égalité des chances. C'est pour notre ministère un objectif fondamental. Sa réussite dépend de notre capacité à intervenir dans le cadre scolaire mais aussi de notre capacité d'accueil des jeunes dans nos établissements.
Pour moi il n'y a pas de confusion entre la responsabilité pédagogique et la création artistique mais addition des compétences et fécondation réciproque. Tout cela nécessite, des moyens supplémentaires. Depuis 1997 le budget du ministère de la Culture progresse à un rythme très supérieur à celui des dépenses moyennes de l'Etat. Je remercie Lionel Jospin d'avoir effectué ce choix politique fondamental. Nous devons poursuivre en ce sens.
Depuis André Malraux, notre politique culturelle repose sur deux piliers. La conservation et la valorisation du patrimoine d'une part et, d'autre part, le soutien à la création.
Tout en poursuivant la mise en valeur de notre patrimoine, il me paraît tout à fait nécessaire de renforcer nos actions pour le soutien à la création et aux créateurs.
Dans tous les domaines, la France dispose de créateurs de talent, et notre vie artistique est particulièrement riche à Paris comme en régions.
Nous sommes un pays de création, d'aventure artistique et de perspectives nouvelles. Je serai tout particulièrement attentive à susciter et à soutenir les initiatives susceptibles de mettre en valeur nos créateurs et faire de notre pays un lieu de rencontres et de séjour pour tous ceux qui innovent.
En 2001, l'ouverture, au Palais de Tokyo, du Centre national de la jeune création y contribuera et notre travail avec l'AFAA et le ministère des Affaires étrangères sera naturellement orienté dans ce sens.
Voilà, Mesdames Messieurs, l'essentiel des messages que je voulais vous adresser en cette nouvelle année. Dans trop de pays la paix est un vain mot.
Dans trop de pays encore les libertés d'information, d'expression ou de création sont sans cesse bafouées.
Alors mon dernier vu sera qu'en 2001 la paix et les libertés progressent.
Encore une fois, bonne et heureuse année.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 11 janvier 2001)