Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la fin de la session parlementaire ordinaire 2005-2006, au Sénat le 27 juin 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Il m'est très agréable de sacrifier, une nouvelle fois, à ce rituel républicain que constitue cette allocution annonçant la fin de notre session ordinaire annuelle. Ce discours estival revêt en outre cette année une signification particulière puisqu'il vient clore nos derniers travaux avant une nouvelle année parlementaire - la dernière de la législature, la dernière aussi du premier quinquennat...- riche d'échéances électorales dont nous mesurons, les uns et les autres, pleinement l'importance.
Au terme d'une année parlementaire dense, riche, et parfois exceptionnelle, je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui ont permis au Sénat de tenir pleinement et constamment son rôle, quelles que puissent être les circonstances, au coeur de nos institutions. Je veux dire simplement à chacune et à chacun d'entre vous mes plus chaleureux remerciements.
Permettez-moi d'abord, Monsieur le Ministre, de vous remercier très sincèrement pour votre disponibilité, toujours teintée d'humour, et pour la courtoisie républicaine que vous savez manifester en toutes circonstances.
Mais il va de soi que si le Sénat a rempli sa mission de législateur pondéré et avisé tout au long de l'année parlementaire écoulée, fût-ce au prix de quelques cadences infernales, il le doit à tous les acteurs de l'institution sénatoriale et d'abord, mes chers collègues, à chacune et à chacun d'entre vous, quels que soient les bancs où vous siégez.
C'est, je le sais, en votre nom que je peux exprimer aujourd'hui ma plus vive gratitude à chacun des présidents de groupes, responsables politiques majeurs qui jouent un rôle déterminant dans l'expression de toutes les sensibilités au sein de notre assemblée.
Je veux naturellement associer à ces remerciements les vice-Présidents du Sénat, ces chefs d'orchestre d'une symphonie sénatoriale par nature inachevée, mais presque toujours harmonieuse.
Je pense bien sûr aussi à tous les présidents des commissions permanentes, véritables orfèvres législatifs qui améliorent inlassablement les textes qui leur sont soumis et développent les activités de contrôle de l'action gouvernementale, donnant ainsi tout son sens aux travaux de notre institution.
Mes remerciements vont également aux Questeurs du Sénat qui permettent à chacun d'entre nous de travailler dans les meilleures conditions possibles. Je sais que je peux compter sur leur appui constant et ils savent que je leur en suis reconnaissant.
Je pense plus généralement à tous les membres du Bureau du Sénat qui ne ménagent pas leur soutien dans l'effort constant de modernisation du Sénat que nous avons entrepris ensemble.
Mes chaleureux remerciements, mes sincères félicitations et ma vive gratitude vont aussi naturellement à l'ensemble de nos collaborateurs. Les fonctionnaires du Sénat, quels que soient leur cadre et leur grade, font preuve d'une compétence, d'un dévouement et d'un attachement à notre institution, sans lesquels le Sénat ne serait pas lui-même.
Les collaborateurs des groupes politiques et les assistants des sénateurs remplissent aussi une lourde tâche qui s'apparente parfois à un sacerdoce. Mais ils savent que nous en sommes conscients et qu'ils peuvent compter sur notre gratitude.
Mes remerciements iront encore à la chaîne parlementaire Public Sénat, à son Président dont le talent et le professionnalisme n'ont plus à être vantés, et à chacune et à chacun de ses collaborateurs dont la compétence et le dynamisme permettent d'élargir sans cesse l'audience du Sénat. Et je remercie enfin tous les journalistes qui suivent et rendent compte des travaux de notre institution ; mon seul souhait est qu'ils soient toujours plus nombreux et aussi soucieux de contribuer au débat démocratique.
Ce rendez-vous annuel de fin de session est aussi l'occasion de dresser un premier bilan des travaux accomplis et d'en tirer quelques enseignements pour l'avenir.
Je le redis avec clarté, avec fermeté, et non sans une certaine fierté : le Sénat a tenu pleinement son rôle au coeur des institutions tout au long de l'année écoulée.
Quelles qu'aient pu être les circonstances, quelles qu'aient pu être, nous nous en souvenons, les pressions du moment, le Sénat a conforté sa réputation de législateur attentif et rigoureux. Il a illustré, si besoin était, la nécessité d'un bicamérisme équilibré mais différencié. Une nouvelle fois, le taux de reprise par l'Assemblée nationale des amendements adoptés par le Sénat a dépassé les 93% : ce chiffre me dispense de tout commentaire et devrait, me semble-t-il, satisfaire les contempteurs les plus exigeants de notre assemblée...
D'un simple point de vue quantitatif, ce ne sont pas moins de 45 lois et plus de 2.500 amendements (soit près d'un tiers des amendements déposés) qui auront été adoptés au cours de la session ordinaire qui s'achève.
Plus remarquable encore - je ne suis pas sûr qu'il faille s'en réjouir- nous aurons siégé plus de 900 heures en séance publique, ce qui constitue notre record absolu depuis les débuts de la Ve République. Nous aurons atteint pour la première fois depuis la révision de 1995 le plafond de 120 jours qu'elle avait institué. Je soulignerai enfin que nous avons siégé 9 jours de séance de plus que l'Assemblée Nationale, ce qui est aussi sans précédent.
Si ces données chiffrées peuvent être mises au crédit d'un Sénat tolérant, nous ne devons pas pour autant mesurer l'efficacité du Parlement à la seule aune de son temps de délibération. Nous avons, dans plusieurs circonstances, atteint les limites de l'exercice de la navette. Lors de l'examen du projet de loi portant engagement national en faveur du logement, nous avons ainsi examiné en deuxième lecture plus d'amendements qu'en première et ce, au moment même où le Conseil constitutionnel nous rappelait les vertus de « l'entonnoir », c'est-à-dire du rapprochement progressif des points de vue entre les deux assemblées.
Ceci ne doit pas dissimuler l'efficacité indubitable et incontestable des travaux sénatoriaux :
- 7 propositions de loi, parmi les 12 qui sont ou seront devenues lois de la République, sont d'origine sénatoriale. Plus important encore à mes yeux, elles reflètent politiquement la diversité des capacités d'initiative existant au sein de notre assemblée, pour peu que chacun entende les saisir ;
- nos séances mensuelles réservées nous ont également permis également, cette année, la tenue de quatre débats de contrôle budgétaire, ainsi que d'une dizaine de débats à la suite de questions orales. Le débat initié par la commission des affaires économiques sur l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux me semble ainsi avoir illustré une démarche tout à fait judicieuse ;
- je me réjouis également du travail remarquable effectué sur plusieurs projets de loi importants - sur la recherche, le logement, ou la fonction publique territoriale- qui ont été soumis en premier examen au Sénat. Il m'est même arrivé de penser que le gouvernement aurait pu recourir plus fréquemment à cette faculté qui aurait pu - me semble-t-il - lui éviter certains désagréments à l'occasion de premières lectures à l'Assemblée nationale...
Plus généralement, sur tous les textes, souvent majeurs, qui lui ont été soumis - recherche, droits d'auteur, ou égalité des chances... -, le Sénat a su jouer pleinement son rôle de législateur tempéré et pondéré, et confirmer sa place centrale dans nos institutions ;
- notre assemblée a enfin conforté, tout au long de l'année écoulée, et parallèlement à son travail législatif, son rôle de contrôleur vigilant. De nouvelles avancées ont été réalisées sur ce front essentiel :
* Le Sénat a d'abord brillamment réussi l'examen de passage de la première loi de finances « lolfienne ». La commission des finances est même allée plus loin en mettant en oeuvre des modalités judicieuses de débat du projet de loi de règlement permettant un meilleur contrôle sur l'exécution du budget.
* La commission des affaires sociales a de son côté fait prendre un tour nouveau à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui s'installe désormais sur une semaine entière, et créé en son sein une « mission d'évaluation et de contrôle » pour rendre son contrôle plus efficient et plus lisible.
Ces initiatives sénatoriales constituent de puissants moteurs de la réforme de l'Etat et de la dépense publique. Il nous appartient de les utiliser à bon escient dans le cadre de notre « devoir » de contrôle. C'est ainsi, c'est ma conviction, que le Sénat sera encore plus utile, apprécié et respecté !
Pour satisfaisant qu'il soit, ce bilan d'ensemble n'en reste pas moins, à mes yeux, largement perfectible. Il nous reste encore beaucoup à faire sur le chemin de la rénovation et de l'adaptation nécessaires de nos méthodes de travail.
Les travaux que j'ai souhaité entreprendre à ce sujet, avec l'ensemble des sénateurs membres de la conférence des présidents, parallèlement aux études conduites par notre commission des Lois et notre délégation pour l'Union européenne, nous ont déjà permis d'ouvrir des voies de réflexion nouvelles, dans la nécessaire concertation.
Sur proposition de la commission des Affaires étrangères et de la défense, la conférence des présidents a ainsi approuvé à l'unanimité le principe d'un examen simplifié des conventions internationales et de l'organisation de deux ou trois débats annuels dans les domaines des affaires étrangères et à la défense. C'est une avancée concrète.
Parmi les sujets auxquels nous aurons à réfléchir, l'un d'eux touche directement le droit d'amendement, cette pierre angulaire de notre mandat de parlementaire. La décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2006 rend susceptible de censure les amendements sans relation directe avec les dispositions restant en discussion après la première lecture. Nous devons prendre conscience de cette évolution qui s'impose à tous, mais qui peut avoir de profondes incidences sur le déroulement de nos débats.
La route reste longue, mais je ne doute pas que nous parviendrons, à partir des propositions qui me seront présentées, à de nouveaux progrès, à des conclusions communes et à des dispositions concrètes qui nous permettront d'améliorer tout à la fois la qualité du travail législatif et l'activité de contrôle de notre assemblée.
Excluant évidemment de procéder par voie autoritaire ou unilatérale, j'ai souhaité que notre processus de rénovation soit fait de concertation et de pluralisme des interventions et des propositions de réforme. C'est une voie plus longue, tournant le dos aux réformes précipitées ou imposées, qui restent textuelles, au profit d'un mûrissement progressif des pratiques. Favoriser ainsi l'évolution des idées et des usages me paraît plus conforme au tempérament profond de notre assemblée, toujours tournée vers le concret.
Le Sénat, assemblée de proximité, doit enfin poursuivre son ouverture sur la société telle qu'elle est et sous toutes ses formes. Il le fait d'abord en cultivant sans cesse les spécificités constitutionnelles qui sont les siennes :
- la représentation des collectivités locales, bien sûr, illustrée par les travaux de l'Observatoire de la décentralisation qui, je le souhaite, ne manqueront pas de se développer avec une participation de tous les groupes politiques, et par la poursuite des « Etats généraux des élus locaux », dont la vingtième étape se tiendra, dès cette semaine, en région Picardie ;
- il s'agit aussi, bien sûr, de la représentation des Français établis hors de France, illustrée par l'action inlassable de nos douze collègues représentant les Français de l'étranger, mais aussi, le 4 mars dernier, par la première « Journée des Français de l'étranger » dont le succès nous encourage à poursuivre et amplifier notre action.
Notre assemblée doit plus généralement poursuivre son ouverture, seule manière, c'est ma conviction, de lutter contre la « fracture » qui continue de séparer, dans de nombreux pays, les citoyens de leurs représentants.
Le Sénat a pris, vous avez pris, mes chers collègues, tout au long de ces dernières années, de nombreuses initiatives pour ouvrir notre assemblée sur le monde économique ; elles se sont notamment traduites par les stages accomplis d'ores et déjà par près de 200 d'entre vous dans des entreprises de toute taille. C'est, je crois, un exemple unique parmi les assemblées parlementaires : nous pouvons, nous aussi, parfois, donner l'exemple !
Ce succès a été étendu à l'ouverture de notre assemblée sur le monde judiciaire : plus de 120 stages en juridictions ont ainsi déjà été organisés. Les difficultés rencontrées au cours des derniers mois par l'institution judiciaire justifient, ô combien, cette nouvelle initiative ! Le Bureau du Sénat a enfin retenu, dans le même esprit, le principe de nouveaux stages, pour ceux d'entre vous qui le souhaiteront, au sein d'unités militaires. Ces déplacements vous seront proposés dès le début de la prochaine année parlementaire.
Monsieur le Ministre, mes chers collègues, je conclurai d'un mot en formant un seul voeu : celui que tous ensemble, de la majorité comme de l'opposition, nous unissions nos efforts, à l'approche des prochaines échéances électorales, pour promouvoir, dans les projets, mais plus encore dans nos actions, un bicamérisme pérennisé, un bicamérisme ressourcé, un bicamérisme équilibré, un bicamérisme différencié, bref un bicamérisme efficace au service de notre République et de notre démocratie.
C'est dans cet espoir que je souhaite très chaleureusement, à chacune et à chacun d'entre vous, un excellent été !Source http://www.senat.fr, le 29 juin 2006