Texte intégral
Q - Alors, dès demain, M. Douste-Blazy, les billets d'avions coûteront un peu plus cher, pas à cause du pétrole, mais plutôt pour "la bonne cause" comme l'on dit, celle de l'aide aux pays du tiers-monde. C'est le projet UNITAID, est-il beaucoup plus cher ?
R - Un euro ; lorsque vous dites : "un peu plus cher", c'est vrai, ce n'est qu'un tout petit euro.
Q - Mais pour des billets ordinaires seulement ?
R - Oui, en effet, lorsque l'on se déplacera en France ou dans l'Union européenne. Et, lorsque l'on visitera un autre continent, en empruntant des vols internationaux, le montant de l'aide sera de 4 euros. Personne ne peut remettre cela en cause, à une condition, c'est que cet euro, ces euros, soient parfaitement utilisés.
C'est une idée du président Lula et du président Chirac qui date de septembre 2004. Ils se sont dit qu'il n'était pas possible de laisser la grande pauvreté augmenter dans les pays du Sud sans réagir.
Les impôts, toujours les impôts, en réalité, cela ne peut pas fonctionner car il faut augmenter l'aide publique au développement de façon significative. L'idée est de se demander pourquoi ne pas créer une contribution de solidarité à partir d'un produit de la mondialisation comme le billet d'avion afin de réguler cette mondialisation. Aujourd'hui, la mondialisation, c'est plus de richesse pour les pays riches et plus de pauvreté pour les pays pauvres. Maintenant, 43 pays ont accepté de s'associer à UNITAID; c'est la première contribution mondiale, citoyenne qui existe.
Q - Quel rendement espérez-vous à terme ? Combien d'argent, dans quel délai ?
R - Pour la France, cela représente 200 millions d'euros par an. Le Brésil, le Royaume-Uni, la Norvège, le Chili et également les pays du sud comme la Côte d'Ivoire, Madagascar ou Maurice, vont mettre en place UNITAID et nous pourrions, me semble-t-il, parvenir à un milliard de dollars par an.
Si nous ne faisons pas cela, deux phénomènes vont se développer dans les pays du Sud : d'une part, une humiliation qui va grandissante, avec tout le cortège de désespoir qui peut en découler, y compris le terrorisme ; d'autre part, l'immigration qui ne fait que commencer.
L'idée que nous avons eue avec UNITAID, c'est d'acheter des médicaments. Aujourd'hui, il y a 2000 enfants contaminés par jour par le sida en Afrique. Nous ne sommes même pas capables de produire des médicaments pour les enfants atteints du sida car nous ne recueillons pas suffisamment d'argent pour que nos industries pharmaceutiques développent des médicaments adaptés. Le résultat, c'est que nous ne faisons rien.
Aujourd'hui, nous traitons ces enfants avec des médicaments prescrits habituellement aux adultes avec des effets secondaires terribles et négatifs pour eux. Avec UNITAID, nous allons créer ces formes pédiatriques.
Nous travaillons également avec l'OMS car avec ces euros, nous ne pourrons pas créer des emplois de bureaucratie.
Q - C'est justement la question que j'allais vous poser, êtes-vous sûr que 100 % de l'argent servira bien, on sait très bien que sur 1'euro, il y a 70 centimes qui partent en bureaucratie généralement ?
R - C'est justement la raison pour laquelle je suis allé voir l'OMS. Durant le mois de juillet, nous obtiendrons la finalisation d'une convention entre les Etats fondateurs et l'OMS, le Fonds mondial de lutte contre le sida, l'Unicef et la Fondation Clinton. Ce sont des organisations internationales qui existent déjà. Nous ne prendrons pas d'experts ou de fonctionnaires pour faire fonctionner UNITAID ; nous dirons simplement : vous avez à votre disposition un milliard de dollars par an.
Avec un marché d'un milliard de dollars par an durant 20 ans, nous exercerons une pression sur l'industrie pharmaceutique pour qu'elle casse les prix. L'avantage sera que les ministres du Budget, les uns à la suite des autres ne remettront pas en cause la pérennité du financement.
Aujourd'hui, aux Etats-Unis et dans l'Union européenne, le coût d'un malade du sida représente 13000 dollars par malade et par an. Nous sommes passés à 150 dollars pour les malades des pays du Sud. C'est majeur pour l'avenir de notre planète, nous ne pouvons pas demeurer aussi égoïste que nous le sommes aujourd'hui.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juillet 2006