Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'initiative d'entreprise de télécommunications de recruter des jeunes issus de milieus défavorisés, Paris le 30 juin 2006.

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Circonstance : Lancement du Programme "Passeport Promotions Télécoms", à Paris le 30 juin 2006

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai de vous accueillir ici à l'hôtel Matignon, avec J.-L. Borloo et A. Begag, et remercier avant toute chose F. Esser pour sa présentation, remercier également le tuteur, Mourad, ainsi que Jennifer et Anis pour leurs témoignages si importants, et qui nous permettent de toucher du doigt la réalité et l'importance de ce programme.
Vos témoignages ont éclairé à quel point le projet « Passeport Promotions Télécoms » était un outil au service de l'égalité des chances dans notre pays. Et pour cela, je voudrais féliciter tous ceux qui ont rendu une telle réussite possible. Bien sûr les entreprises - SFR, Alcatel, Ericsson, Motorola, Nokia, Siemens - qui font preuve d'un engagement sans faille dans ce projet et sans qui rien ne serait possible. Je voudrais également remercier toux ceux parmi vous qui, tuteurs, donnent du temps, donnent de l'énergie, donnent de la confiance à ceux que vous accompagnez, et qui, grâce à vous, peuvent donner et épanouir le meilleur d'eux-mêmes.
Je voudrais également remercier les 50 chefs d'établissement, les lycées partenaires, les directeurs des écoles d'ingénieurs qui participent à ce projet, parce que c'est un très bon exemple de ce qu'ensemble peuvent faire l'école et l'entreprise pour favoriser la promotion sociale des jeunes, qui le méritent, et pour soutenir leurs efforts et leurs ambitions. Bravo surtout à vous tous qui êtes rassemblés, parce que je sais et nous savons combien il y a d'efforts, de sacrifices même, pour atteindre l'objectif qui est le vôtre. Et à travers votre courage, à travers votre détermination, vous donnez la preuve à notre pays, à la France, qu'à force de travail, on peut réussir. Et je tiens à vous en remercier parce que vous êtes un exemple pour la jeunesse de votre pays.
Alors, si un tel projet « Passeport Promotions Télécoms » connaît un tel succès, c'est parce que chacun ici est gagnant. Participant, acteur : gagnants ; les jeunes, vous tous qui bénéficiez d'une bourse, d'un accompagnement personnalisé, vous tous qui avez ainsi toutes les cartes en main pour décrocher un diplôme prestigieux, et de meilleures perspectives sur le marché du travail. Gagnantes aussi les entreprises car la diversité, nous le savons, c'est une richesse pour une entreprise, la possibilité, pour chacun de ceux qui y travaillent, de sentir qu'il y a un avenir pour lui, une place pour lui, et que, dès lors qu'il donne le meilleur de lui-même, il ne sera pas laissé au bord du chemin. Former des jeunes motivés, qui ont souvent dû franchir des obstacles plus importantes, plus difficiles que les autres, pour réussir, c'est la perspective de recruter des salariés combatifs et performants. C'est aussi l'opportunité d'engager l'entreprise toute entière dans une aventure collective, et je crois que, lorsque des salariés, lorsque des patrons se mobilisent pour aider des jeunes, lorsqu'ils savent qu'ils travaillent, oeuvrent au sein d'une entreprise responsable et citoyenne, eh bien cela donne un sens commun, un sens plus fort à leur travail, un nouvel esprit, un véritable enthousiasme.
Enfin, j'ai une conviction forte que je voudrais vous livrer : c'est que le dynamisme économique ne se construit pas sur des lignes de fracture ou des inégalités, mais au contraire sur un sentiment commun d'une justice et d'une véritable égalité des droits et des chances. Quand une entreprise s'investit pour donner sa chance à chacun, elle sait qu'elle contribue à construire une société plus unie, plus confiante, et elle sait qu'elle contribue à bâtir une croissance plus sociale. Tous, ici, nous partageons une même conviction : c'est que l'égalité des chances est un défi essentiel pour notre société. Alors, l'égalité des chances, c'est souvent un mot un peu abstrait, et ce sont des mots qui ont tellement été souvent utilisés dans notre République, qu'on a fini par en perdre le sens commun, le sens quotidien. On a perdu surtout le sens de sa déclinaison. Cela veut dire, comme Mourad, parce qu'on a soi-même, à un moment donné, eu le sentiment qu'on avait une chance, cela veut dire transmettre cette chance, passer ce témoin, parce que l'on connaît les difficultés que l'on a soi-même éprouvées, cela veut dire tirer les leçons et permettre à l'autre, celui dont on se sent proche, d'en tirer profit, d'en tirer les fruits et de donner le meilleur de lui-même. Cela veut dire aussi, pour vous tous, les jeunes, tout à coup, alors même que ce n'était pas dans votre logiciel de départ, ce n'était pas dans votre esprit de départ, vous n'y pensiez même pas, croire possible quelque chose que vous regardiez de l'extérieur, et que vous pensiez impossible, c'est imaginer une place, une carrière, un métier qui vous paraissait inaccessible. Ce sentiment du possible, eh bien, il faut pour cela des passeurs, il faut des donneurs de chance - ce sont les entreprises, ce sont des tuteurs. Et puis, tout à coup, ces donneurs de chance, vous le constatez, c'est vous-même. C'est vous-même qui découvrez en vous, qui sentez en vous, des possibilités, des talents, qui sentez que vous franchissez des murs qui paraissaient infranchissables. Et tout à coup, cette réalité de possibilités, de rêves, de réalisations, eh bien elles deviennent très concrètes et c'est alors qu'il faut ne pas s'arrêter là. Il faut vous-même vouloir la partager et c'est ainsi qu'on pourra espérer bâtir une société de l'égalité des chances, qui sera aussi une société de la main tendue.
Trop de mains se ferment, trop de regards se détournent alors même que chacune et chacun, au sein de nos sociétés, et souvent parmi ceux qui ont le plus de difficultés, recèlent en eux des richesses qui ne demandent qu'à s'épanouir, et qui parfois - richesses parce qu'elles ne sont pas découvertes, parce que personne ne vient frapper à la porte, parce que personne ne les sollicite - eh bien se transforment en énergie négative et parfois même en violence. Si l'on veut que notre société soit plus juste, plus ouverte, nous avons besoin de la réussite, de l'épanouissement, et je le dis à partir du sens le plus humain de ces mots, nous avons besoin que chacun trouve sa vraie place dans notre société, que chacun puisse revendiquer son rêve et le mener jusqu'à son terme.
Je suis très fier de participer aujourd'hui à cette rencontre, très fier de constater que chacun ici, à la place qui est la sienne, entreprises, tuteurs, jeunes, les ministres qui accompagnent à travers des politiques qui visent à maximiser les possibilités, les opportunités, eh bien tous ensemble, que nous écrivions un chemin, une page qui reste encore très blanche dans notre société française. C'est un domaine où beaucoup, beaucoup reste à faire, et je veux croire que vous êtes les pionniers d'une grande aventure et que chacun d'entre vous aura à coeur de tendre la main, une fois, deux fois, dix fois. Et si vous multipliez cela par le nombre de ceux qui bénéficient de cette chance, alors nous serons peut-être dans une société plus juste et plus fraternelle.
Merci.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 juillet 2006