Tribunes de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, dans « Lutte ouvrière » des 2, 9, 16, 23 et 30 juin 2006, sur le rejet de la Constitution européenne un an après le référendum, sur la commémoration de juin 1936 par le PS, sur le projet électoral du PS intitulé "Réussir ensemble le changement", sur le manque de contrôle sur la gestion économique des grandes entreprises privées.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

Lutte Ouvrière n°1974 du 2 juin 2006
Un an après le référendum sur la Constitution européenne : Les illusionnistes
Lundi 29 mai 2006, anniversaire du référendum sur le projet de Constitution européenne et de son rejet, ceux qui avaient appelé à voter «oui» déplorent un vote qui serait responsable de l'enlisement de l'Europe. Ceux qui, à gauche, avaient appelé à voter «non» se félicitent, au contraire, du coup porté à la «dérive libérale de l'Europe», quand ils n'y voient pas, à l'instar de Marie-George Buffet, le lancement d'une «dynamique unitaire à gauche, rassemblée sur une volonté claire de rupture». Ce qui s'est passé le 29 mai 2005 ne mérite cependant ni cet excès d'honneur ni cet excès d'indignité.
La Constitution européenne a été rejetée, et c'est tant mieux! Elle n'aurait rien apporté de bon pour les travailleurs, comme elle n'aurait rien apporté aux peuples de la partie pauvre de l'Europe à qui elle aurait imposé, en plus de la dictature économique des trusts d'Europe occidentale, la dictature politique des pays les plus riches. Les électeurs des classes populaires avaient des raisons de se réjouir du désaveu infligé aussi bien à la majorité de la droite gouvernementale qu'au PS, dont la direction s'est retrouvée, une fois de plus, à la remorque de Chirac. Mais la joie s'arrêtait là.
Pour notre part nous avons dit, au lendemain du référendum, que ce désaveu n'allait pas changer en lui-même la situation sociale. Les licenciements et les fermetures d'entreprises allaient continuer tant que les possesseurs de capitaux ont des raisons de penser que c'est un moyen d'augmenter leurs profits. Le pouvoir d'achat des salariés allait continuer à baisser, et la précarité à s'aggraver.
C'était une évidence car la responsabilité des licenciements, des bas salaires et des multiples attaques contre les travailleurs n'incombait pas à une Constitution européenne qui n'existait pas, ni même aux institutions européennes, mais à la course au profit et à l'avidité du patronat bien français favorisé par tous les gouvernements. Et ce n'est pas le «non» au référendum qui pouvait arrêter la course au profit.
Les Chirac, Sarkozy ou Hollande, avant le référendum, nous présentaient l'Europe du projet de Constitution de Giscard comme une promesse de paix et de prospérité pour tous. Ils mentaient, bien sûr.
Mais ceux qui, à gauche, promettaient alors un «ébranlement», si le «non» l'emportait, et des changements majeurs pour les classes populaires, nous mentaient aussi. Ils sont responsables du désenchantement de ceux qui, un an après, ne peuvent que constater que la victoire du «non» n'a rien changé, si ce n'est le remplacement de Raffarin par Villepin. Comme avancée sociale, on fait mieux! La seule fois où le gouvernement a été obligé de reculer sur une mesure antiouvrière, ce n'est pas à cause de la victoire du «non» mais devant la mobilisation de la jeunesse scolaire contre le CPE.
Les faiseurs d'illusions à gauche expliquent aujourd'hui que, si rien n'a changé au lendemain du référendum, c'est la faute de Chirac qui ne respecte pas la volonté populaire. Quelle grande découverte! Leur obstination à se cramponner aujourd'hui encore à la fiction de la «dynamique du non» n'a d'autre raison d'être que de préparer les élections de 2007.
Mais le changement du rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement, d'un côté, et le monde du travail, de l'autre, ne viendra pas plus du résultat des élections de 2007 qu'il n'est venu du référendum de 2005. Tous ceux qui présentent les élections à venir comme une source d'espoir pour les travailleurs leur préparent de nouvelles désillusions.
Le changement ne peut se produire que par l'action collective, grèves et manifestations, de tous les travailleurs déterminés à imposer des objectifs qui, seuls, arrêteront la dégradation de leurs conditions d'existence. Pour mettre fin au chômage et à la précarité, il faut imposer que l'on prenne sur les profits patronaux gigantesques de quoi financer le maintien de tous les emplois existants et la création d'emplois nouveaux, en répartissant le travail entre tous. Il faut l'augmentation générale des salaires et des retraites.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 21 juin 2006
Lutte Ouvrière n°1975 du 9 juin 2006
L'exemple de Juin 36
Depuis un quart de siècle, la classe capitaliste fait payer aux classes populaires la crise de son économie. Et les gouvernements ont beau changer, la gauche et la droite alterner au pouvoir, leur orientation reste la même. Car le problème fondamental, c'est que les grandes sociétés capitalistes détiennent tous les leviers de l'économie et exercent sur la société une dictature absolue.
On convie périodiquement la population à élire des représentants dans une multitude d'institutions, des municipalités à la présidence de la République. Mais toutes ces institutions n'ont aucune prise sur le droit des grandes sociétés capitalistes de faire ce qu'elles veulent dans les secteurs économiques qu'elles contrôlent, de fermer des entreprises ou de menacer de le faire simplement pour augmenter la valeur de leurs actions en Bourse. Ce sont les Bouygues, Lagardère, Dassault ou Arnault qui détiennent le véritable pouvoir.
Les autres, ceux qu'on élit, ne sont là que pour faire croire que nous sommes en démocratie, que c'est le peuple qui décide, et pour justifier avec des arguments politiques les mesures prises en faveur des capitalistes.
Voilà pourquoi ceux qui nous disent qu'il suffira de bien voter en 2007 pour changer notre sort se moquent de nous.
Bien sûr, devant les attaques répétées du gouvernement actuel, nombre de travailleurs se disent qu'avec la gauche, cela ne peut pas être pire. Mais la seule façon d'arrêter la dégradation des conditions d'existence du monde du travail, c'est de s'en prendre au grand patronat, c'est de répartir autrement la richesse produite. Et cela, la gauche au gouvernement ne le fera pas plus que la droite!
Le PS a été, au cours du quart de siècle écoulé, plus longtemps au pouvoir que la droite, sans que son passage ait marqué un recul dans l'aggravation de la condition des travailleurs.
Les échanges de propos au sommet du PS, suite aux déclarations quasi sarkozystes de Ségolène Royal, sont révélateurs. Même ceux qui, comme Martine Aubry, Jack Lang, Strauss-Kahn, ont pris quelques distances avec le langage de Ségolène Royal (et cela d'autant plus facilement qu'ils sont en compétition avec elle pour la présidentielle), discutent uniquement de la forme de ses prises de position.
En fait Ségolène Royal s'inscrit dans la lignée des dirigeants de la SFIO de triste mémoire: de Jules Moch, ministre socialiste de l'Intérieur, qui en 1948 envoya l'armée contre les mineurs en grève; de Guy Mollet, chef du gouvernement en 1956, qui rappela les jeunes libérés du service militaire pour les renvoyer faire la guerre en Algérie.
Le PC critique aujourd'hui certaines prises de position du PS. Mais il n'a pas d'autre perspective politique que de participer au gouvernement. Et l'éventuel gouvernement socialiste de 2007, quel qu'en soit le chef, se refusera à toucher aux profits capitalistes. Alors, malgré les discours actuels de ses dirigeants, si le PC revient au gouvernement, c'est le PS qui décidera. Il en a été ainsi avec la participation communiste aux gouvernements Mauroy et Jospin.
Aussi loin qu'on remonte dans le passé, les travailleurs n'ont obtenu quelques avancées qu'en se faisant craindre. Et en cette année où l'on commémore juin 36, il est utile de rappeler que ce qui a fait reculer à l'époque le grand patronat, c'était la grève générale, les occupations d'usines, la trouille profonde des bourgeois que la montée de la révolte ouvrière leur fasse perdre tout: leurs usines, leurs propriétés, leurs capitaux et jusqu'au droit de continuer à prospérer par l'exploitation. Et si le gouvernement socialiste de l'époque a fait quelques concessions aux travailleurs, les congés payés, les quarante heures et une augmentation des salaires, ce n'était pas par générosité, mais pour sauver la mise aux possédants!
Ce n'est pas l'élection du Front populaire qui a changé la donne en juin 1936, c'est l'action collective de la classe ouvrière. C'est un exemple dont il faudra s'inspirer.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 21 juin 2006
Lutte Ouvrière n°1976 du 16 juin 2006
Le projet du PS: Le gouvernement changera peut-être, mais pas la vie des travailleurs
Réussir ensemble le changement, tel est le titre du projet de programme de la direction du PS pour les élections à venir.
Ce qui est présenté comme une «mesure phare» est le smic à 1500 euros -même pas net, mais brut-, non pas tout de suite, mais au terme de la législature, c'est-à-dire en 2012. Ce n'est pas plus que l'augmentation annuelle automatique du smic au fil de l'inflation!
Le projet affirme qu'«atteindre le plein emploi est possible à l'horizon 2012». Mais tous les nouveaux gouvernements promettent à leurs débuts d'enrayer le chômage. On voit le résultat: le chômage reste à un niveau catastrophique depuis plus de vingt-cinq ans. Le PS propose ce qu'ont proposé tous les gouvernements: des emplois dits aidés, qui n'aident pas les chômeurs mais les patrons, en réduisant les charges sociales ou fiscales.
Le projet annonce aussi sa volonté de «lutter contre la précarité». Mais la seule promesse concrète est de supprimer le «contrat nouvelles embauches». Ce serait déjà ça, si la promesse était réellement tenue et si le CNE n'est pas remplacé par un autre contrat du même genre, appelé autrement. Mais le CNE n'est qu'un contrat parmi une multitude d'autres et sa suppression ne mettra pas fin à la précarité.
Le PS promet l'abolition de l'apprentissage à 14 ans et du travail de nuit à 15 ans. C'est la moindre des choses, mais cela ne changera pas le sort des travailleurs!
Le projet annonce également l'abrogation de la loi Fillon sur les retraites. Pas un mot cependant sur la loi Balladur qui avait imposé aux travailleurs du privé la même chose que la loi Fillon aux travailleurs du public. Et surtout, si le projet utilise l'expression vague que «la retraite à 60 ans doit demeurer un droit», il n'affirme nullement qu'il faut en revenir aux 37 ans et demi de cotisations, en supprimant toutes les mesures prises contre les retraités depuis quinze ans. Quant aux montants des pensions, le projet se contente d'affirmer que la pension «devra s'approcher du smic». Tout est dans le mot «s'approcher»!
Et que signifie la promesse de rendre «obligatoire la scolarisation dès l'âge de trois ans» s'il n'y a pas le nombre d'instituteurs et les locaux nécessaires pour que les écoles maternelles ne soient pas de simples garderies surchargées comme actuellement? Pour changer réellement les choses dans ce domaine vital pour l'avenir qu'est l'éducation des enfants des classes populaires, il faudrait des moyens.
Financer ces moyens est possible, à condition de puiser dans les profits pharamineux des grandes entreprises et dans la fortune et les revenus de la grande bourgeoisie. Mais c'est dans ce domaine que le PS ne dit rien, ou reste tellement dans le vague que la classe riche n'a vraiment pas à trembler pour son superflu, quand bien même prendre dans ce superflu serait une mesure de première urgence pour soulager la situation des classes populaires.
Le PS annonce: «Nous modifierons le taux de l'impôt sur les sociétés.» Il dit modifier, et pas augmenter, alors que l'impôt sur les bénéfices est au taux de 33%, bien inférieur aux 50% appliqués sous des présidents de droite comme De Gaulle ou Giscard. Même pour les entreprises pétrolières, dont le projet constate les «super-profits», il n'est question que «d'un prélèvement exceptionnel».
Si le PS envisage à terme de fusionner l'impôt sur le revenu avec la CSG, il ne s'engage pas à rendre le nouvel impôt fortement progressif, de façon à ce que les plus riches paient bien plus, ni à supprimer tout plafonnement à la progressivité, ce cadeau pour les plus riches.
Pour souligner sa volonté «d'agir à gauche», le projet affirme vouloir «réguler le capitalisme et cantonner le marché à la sphère économique». Si le PS voulait «cantonner le marché à la sphère économique», il devrait commencer par supprimer les dizaines de milliards d'aides et de subventions que l'État verse aux entreprises capitalistes, au détriment des services publics. Il n'en est, bien entendu, pas question dans le projet du PS, car son ambition n'est pas de «réguler le capitalisme» mais de le gérer loyalement, comme il l'a fait, dans le passé, chaque fois qu'il a dirigé le gouvernement.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 21 juin 2006

Lutte Ouvrière n°1977 du 23 juin 2006
Ce n'est pas le ballon mais leur monde qui ne tourne pas rond
Le Mondial de football était censé fournir à l'opinion publique sa dose d'ecstasy et les exploits de l'équipe de France faire passer à l'arrière-plan les scandales et les mauvais coups du gouvernement. Malgré les doses massives administrées par la télévision et les journaux, la drogue a du mal à produire son effet, et ce n'est pas seulement à cause du jeu incertain et des résultats hasardeux de l'équipe de France.
Pendant la Coupe du monde, les coups contre les classes populaires continuent. 15000 suppressions de postes dans la Fonction publique, dont plus de la moitié à l'Éducation nationale! Voilà la dernière trouvaille du gouvernement pour faire des économies sur le budget de l'État. Pendant que ce budget et celui de la Sécurité sociale prodiguent au grand patronat des cadeaux se chiffrant en dizaines de milliards d'euros rien qu'en abattements fiscaux ou en exonérations de charges sociales, c'est sur le personnel des écoles que l'État fait des économies. L'Éducation nationale manque déjà d'enseignants en nombre suffisant pour prendre en charge correctement l'éducation des enfants des classes populaires. Eh bien, ce sera encore pire.
On se prépare aussi à faire des économies au détriment des soins. Une troisième vague de déremboursements de médicaments est en préparation. Chaque déremboursement aggrave le fossé entre ceux qui ont de l'argent et qui peuvent se soigner comme ils veulent, et ceux qui n'en ont pas et qui n'ont qu'à se faire une raison de se soigner plus mal ou de ne plus se soigner du tout.
Et puis, il y a cette affaire de Gaz de France que le gouvernement veut à tout prix fusionner avec le groupe financier Suez. Il y a à peine deux ans, le gouvernement a changé le statut de EDF-GDF pour faire de ce service public deux groupes qu'on pouvait livrer à la convoitise du privé. Voilà qu'il fait mine de découvrir que, seul, GDF est trop petit pour jouer un rôle sur le marché énergétique mondial. La fusion avec Suez mettra GDF entièrement sous la coupe de ce groupe privé. Le groupe propriétaire de l'entreprise cherchera à rendre son profit maximum. Cela se traduira par une nouvelle hausse du prix du gaz, déjà augmenté de manière dramatique pour les usagers aux revenus les plus faibles.
Les travailleurs de GDF ont toutes les raisons de craindre des réductions d'effectifs. Tant pis pour les uns comme pour les autres, la fusion est souhaitée par le PDG et les actionnaires de Suez, et le gouvernement se prépare à s'exécuter dès lors qu'il aura trouvé l'astuce lui permettant de contourner sa propre majorité, qui craint des réactions de ses électeurs.
On dirait que le gouvernement fait tout pour que les électeurs se disent: avec la gauche, cela ne pourra être que «moins pire». Du coup, le PS peut se contenter d'attendre que la déception à l'égard de la droite se traduise dans les urnes en votes en sa faveur. Son programme récemment publié, intitulé «Réussir ensemble le changement», est un tissu de phrases creuses. Un texte fait pour ne déplaire à aucun des candidats possibles du PS pour la présidentielle, ni à aucun des futurs alliés d'une éventuelle gauche unie. Mais il n'y a rien qui puisse changer le sort des travailleurs.
La musique du programme du PS et quelques fortes paroles en faveur des services publics sonnent certes mieux que le langage réactionnaire et antiouvrier de la droite. Les rares mesures concrètes proposées sont cependant soigneusement étudiées pour ne rien coûter au patronat.
Mais on ne peut donner aux services publics, aux écoles, aux hôpitaux, les moyens qui leur manquent sans diminuer les subventions et les aides que l'État verse aux entreprises capitalistes. On ne peut diminuer le chômage sans prendre sur les bénéfices énormes des entreprises de quoi financer le maintien de tous les emplois sans diminuer le salaire de personne.
On ne peut rien pour les travailleurs en ambitionnant de gérer la société dans le respect de l'économie de marché, aussi stupide qu'injuste, et dans l'obéissance servile à la bourgeoisie.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 28 juin 2006
Lutte Ouvrière n°1978 du 30 juin 2006
Contre la dictature des intérêts privés, il faudra imposer le contrôle
de la société sur les grandes entreprises
Après plusieurs mois d'empoignades boursières, le conseil d'administration du trust Arcelor, numéro deux de la sidérurgie, vient d'accepter l'OPA, c'est-à-dire l'offre d'achat de Mittal Steel, numéro un mondial. Les affrontements avec leurs rebondissements ont mobilisé des milliards d'euros.
Cette affaire illustre, dans le domaine de la sidérurgie, ce qui se passe dans bien d'autres secteurs. Grâce aux profits gigantesques qu'ils réalisent sur le dos de leurs travailleurs, les grands groupes industriels ont de l'argent liquide à ne savoir qu'en faire. Comme il ne leur apparaît pas profitable d'investir dans la production en créant de nouvelles usines et des emplois supplémentaires, ils dépensent leur argent en se rachetant les uns les autres.
La fusion d'Arcelor et de Mittal Steel ne se traduira pas par des possibilités productives supérieures. Elle entraînera en revanche des restructurations avec des suppressions d'emplois et des licenciements.
Les actionnaires d'Arcelor peuvent se réjouir. Les surenchères ont fait que le prix des actions a presque doublé en quelque six mois. Les grands actionnaires ont augmenté leur fortune de centaines de millions d'euros.
Une fois de plus, c'est un conseil d'administration de quelques dizaines de personnes qui a décidé une fusion qui va affecter directement le sort des 320000 salariés que comptent les deux groupes, sans parler des travailleurs dépendant des sous-traitants. Et si les restructurations entraînent des fermetures d'usines, les conséquences néfastes se feront aussi sentir pour d'autres catégories sociales. Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons de se souvenir des restructurations du passé, qui ont conduit à l'émergence d'Arcelor au prix de licenciements et de fermetures d'usines qui ont transformé certaines régions de Lorraine en déserts industriels.
Tous les commentateurs soulignent que ce sont des considérations purement financières qui ont emporté la décision du conseil d'administration. Il en est ainsi dans cette société où l'économie est soumise à la dictature des grands groupes industriels et financiers: leurs conseils d'administration peuvent prendre n'importe quelle décision qui favorise les intérêts financiers de leurs principaux actionnaires, dussent les travailleurs de l'entreprise et toute la société en payer le prix.
On nous dit que le trust qui émergera de cette fusion, et qui sera de loin le premier dans son secteur, pourra ainsi mieux faire face à la compétition mondiale. Mais où est donc l'avantage pour la société? Si le nouveau groupe se retrouve en position plus forte en tant que monopole, il sera encore plus en situation d'augmenter ses prix et de faire payer ses superprofits à l'ensemble des consommateurs. Par exemple, les consommateurs n'ont aucune raison de se réjouir de la position de monopole des trusts pétroliers!
L'absence de contrôle sur la gestion économique des patrons privés, voilà la cause des gaspillages et des soubresauts anarchiques de l'économie. Voilà la cause des licenciements et du chômage. Voilà pourquoi il n'y a pas d'autre moyen pour combattre réellement le chômage que de soumettre les entreprises, leur fonctionnement, leurs décisions au contrôle des travailleurs, des consommateurs et de toute la population.
Les comptabilités, les opérations financières, tous les projets des dirigeants des entreprises devraient être rendus publics, pour être connus à l'avance et consultables par tout le monde.
Une économie dirigée en fonction des intérêts privés dans le secret des conseils d'administration conduit la société à la catastrophe. Il n'y a qu'une crise sociale exceptionnelle et la force de l'action collective de la classe ouvrière à un niveau élevé qui pourront briser cette dictature et faire reculer les intérêts privés au profit de l'intérêt de toute la société. Il faudra alors que les travailleurs mettent ce contrôle au centre de leurs exigences!
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 30 juin 2006