Interview de M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, à France 2 le 13 juillet 2006, sur l'application de l'accord sur les carrières et le pouvoir d'achat des fonctionnaires, les suppressions de postes dans l'Education nationale et l'échéance de l'élection présidentielle 2007.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- On parle des fonctionnaires dans un tout petit instant. Peut-être,
d'abord, quelques mots sur Zidane puisque tout le monde en parle. Il
s'est donc excusé hier, notamment auprès des jeunes et des éducateurs,
mais il ne regrette pas son coup de tête. Il dit, "il y a des mots qui
sont plus durs que des gestes". Etes-vous d'accord ? Le vous comprenez
?
R- Ce qui est important pour moi, c'est que Zidane reste sur l'image
d'un grand champion qui nous a tous fait rêver et encore pendant cette
Coupe du monde formidable, avec un geste malheureux, regrettable, qui
n'aurait pas du avoir lieu. Ceci étant, le geste a eu lieu, il s'en est
excusé, expliqué. Oublions-le et restons sur l'image de ce champion
extraordinaire.
Q- Cela bouge dans la fonction publique, avec un accord qui a été passé
avec trois syndicats et un projet de loi sur la modernisation de la
fonction publique. Concrètement qu'est-ce qui change ?
R- Ce qui change, d'abord, c'est que pour la première fois depuis huit
ans nous avons bouclé un accord sur le pouvoir d'achat dans la fonction
publique. Ce n'était pas arrivé, gouvernement de droite comme
gouvernement de gauche (sic). Cet accord a été signé le 25 janvier et
nous sommes maintenant en train de le mettre en application. On a fait
une première une réunion de point d'étape en quelque sorte.
Q- "Comité de suivi", comme on dit...
R- Voilà, comité de suivi, avec les organisations syndicales. Donc il y
a deux objectifs très forts : favoriser les déroulements de carrière,
c'est-à-dire assurer une progression plus rapide de carrière aux
fonctionnaires et reconnaître l'expérience acquise. Nous avons bien
souvent des fonctionnaires qui, au bout de dix ans ou de quinze ans
dans la fonction publique, se disent finalement,"moi, je suis au taquet
de ma carrière, je n'ai plus de perspectives de développement.
Q- Donc là, on leur redonne des perspectives ?
R- Là, on redonne des perspectives. C'est-à-dire qu'on a des concours
qui sont parfois trop académiques - c'est ce qu'avait souligné le
président de la République -, eh bien on va prendre en compte leur
expérience réelle. On va faciliter les passages d'un grade à un autre.
On fait bouger ce qu'on appelle "les grilles de salaire" pour les plus
bas salaires, entre autres pour la catégorie C. Très concrètement, cela
va se traduire par des augmentations en pied de grille de 18 euros par
mois jusque 100 euros par mois sur les plus bas salaires. Et puis, tout
cela s'accompagne également d'autres mesures de pouvoir d'achat tout à
fait importantes sur le volet social. Pour prendre, là aussi, un
exemple concret, les fonctionnaires à partir de septembre vont pouvoir
bénéficier du CESU pour les gardes d'enfants, le Chèque emploi service
universel. Cela veut dire très concrètement, la réduction entre 60 et
40 % du coût de garde d'un enfant pour les fonctionnaires, à partir du
mois de septembre.
Q- Sur le pouvoir d'achat, vous n'êtes quand même pas quitte puisqu'un
certain nombre de syndicats n'ont pas signé. Ils disent que le compte
n'y est pas. Il y a 5 %, dit Force ouvrière, de rattrapage à faire, et
ils vous demandent des négociations salariales à la rentrée. Est-ce que
vous êtes prêt à leur donner satisfaction ?
R- On a bouclé un accord qui est un accord pouvoir d'achat, avec...
Q- Il y avait trois syndicats minoritaires quand même, tous n'ont pas
signé.
R- Il y avait trois volets dedans, donc nous nous sommes mis d'accord
sur le volet social, sur le volet statutaire. Auparavant, il n'y avait
jamais eu d'accord. Et ce qui est important, c'est que quand on a une
approche "pouvoir d'achat", tous les éléments doivent être pris en
compte. Bien sûr le salaire, et il va y avoir des augmentations : une
première au 1er juillet de 0,5 %, une nouvelle augmentation en
novembre, et encore une en février prochain. Donc il y a des
augmentations salariales de prévu. Mais approcher les choses par le
pouvoir d'achat, lorsqu'on réduit le coût de garde d'enfant, lorsqu'on
met une aide, une prime à l'installation pour des jeunes fonctionnaires
- qui va aussi démarrer en septembre...
Q- Cela rentre en compte également.
R- Il faut le prendre en compte, donc c'est un tout.
Q- Mais est-ce qu'il y aura, est-ce que vous allez les revoir à la
rentrée pour discuter ?
R- On se revoit en permanence.
Q- Pour l'instant, il n'y a pas de négociations prévues ?
R- Non, pour une raison simple, c'est que la négociation qui a été
bouclée, on l'a bouclée, disons concrètement, du 1er février au 1er
février prochain. Je pense qu'il n'est pas sérieux, à la veille des
échéances aussi majeures que les échéances législatives et l'élection
présidentielle, d'entamer des négociations en février.
Q- D'accord, donc pas de négociation avant l'élection présidentielle,
pas de nouvelle négociation. Autre point de désaccord, c'est ce qui
concerne l'emploi. Le Gouvernement a annoncé pour le prochain budget 15
000 postes de fonctionnaires en moins dont la moitié...
R- ...Non renouvellement.
Q- Cela en fait enfin 15.000 de moins, dont 8.000 de moins dans l'
Education nationale. Ils disent, qu'ils servent de variable d'
ajustement, que ce n'est pas justifié.
R- Non, c'est au contraire une nouvelle approche qui a été mise en
place, qui est très pragmatique. C'est-à-dire qu'on ne raisonne pas sur
des variables d'ajustement mais on travaille secteur par secteur. Ce
qui est important dans la fonction publique, c'est le service qui est
rendu, le service public, le service rendu par rapport au service
attendu par nos concitoyens.
Q- Et on peut supprimer des postes dans l'enseignement par exemple ?
R- Il y a des secteurs où il y a besoin de plus d'agents pour apporter
la même qualité de service. D'autres où l'on pourra apporter le même
service avec moins d'agents. Prenons l'exemple de l'Education nationale
: dans le secteur du primaire, par exemple, on crée des effectifs, il y
aura des effectifs supplémentaires parce qu'il y a une augmentation d'
élèves. Dans l'enseignement supérieur et la recherche, il y aura aussi
création de postes. En revanche, dans le second degré, il y a 60.000
élèves de moins donc il y aura moins de renouvellement de départs à la
retraite. Voilà comment les choses se font. D'autres secteurs
prioritaires, par exemple dans la sécurité, dans la justice, on va, là
aussi, renforcer les effectifs. Donc toute l'approche que nous avons
eue, elle s'est faite ministère par ministère en disant, que ce qui
compte c'est le service qui est rendu à nos concitoyens. Et comment,
dans certains cas, je peux apporter la même qualité de service avec
moins d'agents ou plus d'agents. La télé déclaration, par exemple, que
vous avez peut-être faite pour vos feuilles d'impôt, est un énorme
succès. On voit bien qu'aujourd'hui, on peut effectivement le faire
avec moins d'agents pour la même qualité de service.
Q- On sait que vous êtes un chiraquien, J. Chirac intervient demain
pour son 14 juillet : que faut t-il en attendre ? Il y a, semble-t-il,
les deux tiers des Français qui n'en attendent pas grand-chose. Et
vous-même ?
R- Je crois qu'on attend... Vous savez l'intervention du président de
la République...
Q- Qu'est-ce qu'on attend ?
R- On va le voir demain, l'intervention du président de la République
au 14 juillet est toujours un rendez-vous important. Et je pense que
celui-la le sera aussi. Je n'ai pas de scoop à vous donner. On va tous
écouter ensemble le président de la République et puis on verra après.
Simplement, la logique du Président, c'est celle de l'année utile. On a
réduit le mandat présidentiel de sept ans à cinq ans. Donc à quatre
ans, on ne fait pas un bilan. On est aujourd'hui - ce concept de l'
année utile va nous amener jusqu'au 31 décembre - avec encore un
certain nombre d'actions importantes à mener, de continuer notamment la
lutte sur l'emploi.
Q- Est-ce que le gouvernement Villepin, compte tenu des échéances
présidentielles qui arrivent, compte tenu de sa très grande
impopularité parce que D. de Villepin bat des records d'impopularité,
est-ce que vous pouvez encore agir ?
R- Non seulement on peut encore agir et on agit. Très concrètement, l'
action que mène aujourd'hui D. de Villepin en matière d'emploi, quel
est le Premier ministre de la Vème République qui, aujourd'hui, peut
revendiquer de tels résultats ? Je ne pense pas qu'il y en ait
beaucoup.
Q- Il y a eu des baisses du chômage sous le gouvernement Jospin...
R- Non, pas de cet ordre la. Sur le logement, 400.000 créations de
logements, il n'y en a jamais eu autant de faits en 25 ans. Donc, d'une
part, il y a un formidable bilan et si ce bilan est formidable, c'est
parce qu'à la fois D. de Villepin et J. Chirac n'ont qu'une seule ligne
: celle de l'efficacité et de l'année utile. Donc on est au travail, on
continue à être au travail et à la fin de l'année, on parlera d'autre
chose.
Q- Alors vous savez que J.-L. Debré qui, lui aussi, est un chiraquien
ne veut pas entendre parler du dernier 14 juillet de J. Chirac. Il dit
que pour l'instant - comme au football, d'ailleurs, dit-t-il -, l'
avenir n'est écrit nulle part et que, après tout, on ne sait pas, J.
Chirac pourrait très bien être candidat. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Moi je considère qu'une élection présidentielle, c'est une élection
tout à fait particulière, que le jeu est toujours ouvert et que...
Q- Ce n'est pas bouclé, ce n'est pas verrouillé, ce ne sera pas
forcément N. Sarkozy comme seul candidat ?
R- Il n'y a absolument rien de verrouillé. L'histoire est là pour en
témoigner : regardez tous les candidats qui, à un moment ou à un autre,
ont été en tête des sondages un an avant l'élection présidentielle.
Rares d'entre eux ont été élus. Si cela avait été le cas, L. Jospin
aurait été président de la République, M. Rocard aurait été président
de la République et je pourrais en citer beaucoup d'autres. Donc le
moment de la campagne viendra lorsque le président de la République
aura annoncé en début d'année prochaine ce qu'il fait et à ce moment
là, on verra qui est le mieux placé.
Q- On ne peut pas écarter complètement sa candidature ?
R- Il n'y a rien à écarter, ni à droite ni à gauche.
Q- Ni celle de D. de Villepin ?
R- Il n'y a rien à écarter ni à droite ni à gauche. On n'est pas dans
le temps de la campagne. Aujourd'hui, on est dans le temps de l'
efficacité gouvernementale et il n'y a que ça qui compte : le travail
de l'équipe gouvernementale. Et pour nos couleurs, à l'UMP...
Q- Ce n'est pas forcément N. Sarkozy ?
R- ...notre candidat, quel qu'il soit, ne pourra gagner que parce que
ce gouvernement aura apporté des résultats concrets. C'est pour cela
que la seule chose qui compte aujourd'hui, c'est de se serrer les
coudes, de travailler. Et puis, en début d'année prochaine, lorsque
viendra le temps de la campagne présidentielle, on se posera la
question de savoir celui qui est le mieux placé.
Q- Il pourrait y avoir deux candidats ?
R- On n'en est pas là.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juillet 2006