Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur l'aide apportée au développement de l'internationalisation des entreprises françaises et plus particulièrement des PME dans les pays émergents, Paris le 12 juin 2006.

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Circonstance : Séminaire d'appui aux projets de développement dans les pays émergents,à Paris 12 juin 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous cet après-midi pour ouvrir ce séminaire consacré à l'appui aux projets de développement dans les pays émergents. C'est aussi avec beaucoup de plaisir que je découvre une assistance nombreuse et diversifiée, je sais que plusieurs d'entre vous viennent parfois de loin, merci.
Vous le savez, les efforts que nous réalisons collectivement pour appuyer l'internationalisation des entreprises françaises accordent une attention toute particulière aux PME et notamment aux plus petites d'entre elles, qui connaissent moins bien les procédures qui sont à leur disposition.
Mes interlocuteurs à l'étranger me parlent souvent des projets que vous avez déjà réalisés, ou qu'ils aimeraient que vous mettiez en oeuvre dans leur pays, grâce à des prêts de la Réserve Pays Emergents ou des dons du FASEP-Etudes.
Il y a un mois, je suis ainsi allée défendre l'offre française pour le projet emblématique de ligne 3 du métro du Caire, pour lequel la France est disposée à mobiliser un financement important de la Réserve Pays Emergents.
Fin mai en Chine, nous avons signé un protocole financier destiné à aider la province du Sichuan à adapter son système de lutte contre l'incendie à ses villes en pleine croissance. Pierre (Moraillon), vous étiez avec moi. Je me réjouis, dans de telles occasions, de montrer que des technologies françaises, et pas seulement autrichiennes ou espagnoles, comme c'était le cas jusqu'à présent sur le marché chinois dans ce secteur, sont capables de répondre aux préoccupations des autorités locales.
Pourquoi est-ce important de vous parler de nos procédures d'appui aux projets de développement dans les pays émergents ? Pourquoi ce séminaire ?
1. Tout d'abord, parce que ces pays émergents sont une cible majeure de nos efforts à l'international.
Ils ont sans doute été un peu délaissés par les entreprises françaises au profit de marchés de proximité, notamment en Europe occidentale (qui représente plus de 65% de nos exportations). Il est exact que ces marchés sont plus difficiles, souvent plus concurrentiels et que l'exécution des contrats y présente plus d'aléas.
Mais comme vous le savez, les enjeux sont considérables. C'est pourquoi le gouvernement souhaite apporter un soutien particulier sur ces destinations, qui tout en prenant en compte les impératifs de développement de ces pays, est là pour aider les entreprises, les technologies et les savoir-faire français à s'y implanter.
L'ensemble des pays éligibles aux procédures FASEP et RPE représente 70% de la population de la planète et 23% des importations mondiales, avec une part dans ces flux commerciaux qui a augmenté de près de 10 points depuis le début des années 1990.
Mais on ne peut pas être partout et j'ai aussi souhaité concentrer nos moyens sur quelques priorités qui nous sont apparues comme essentielles, en raison de la taille et du dynamisme de leur marché. Sur les 5 pays pilotes identifiés dans le programme Cap-Export, il y a 3 grands pays émergents : l'Inde, la Russie et la Chine.
2. Ce séminaire nous donne aussi l'opportunité de rappeler que ces procédures, contrairement à l'image qu'elles ont pu avoir dans le passé, ne sont pas réservées aux grandes entreprises mais sont ouvertes à tous, y compris aux PME.
Il ne s'agit pas de pousser une PME non aguerrie à l'international à piloter seule un projet d'envergure dans un pays lointain et difficile. L'idée est de « jouer collectif à l'export », de jouer progressif aussi, et d'inciter des entreprises plus expérimentées à l'international à entraîner de plus petites entités sur des marchés porteurs.
Tout à l'heure, trois sociétés, réalisant moins de 100 Meuros de chiffre d'affaires (Sogreah, dont le siège est à Grenoble ; CLS à Toulouse ; Société du Canal de Provence, à Aix), présenteront leur expérience de réalisation de projets avec l'aide de la RPE ou du FASEP.
Elles vous montreront notamment comment elles ont réussi à emmener dans leurs sillons d'autres PME, sur des marchés complexes comme la Chine, le sous-continent indien ou l'Indonésie. Je tiens à les remercier personnellement car elles sont là pour témoigner que tout devient possible quand on sait mobiliser les bons partenariats.
Je sais aussi que, grâce au fonds du FASEP-Etudes, de petits bureaux d'ingénierie français ont réussi à se positionner à l'international, et parfois à y implanter des structures pérennes. J'ai notamment en tête un exemple où ils ont pu valoriser le savoir-faire français en aménagement urbain auprès des villes moyennes chinoises, en contribuant à faire émerger d'importants programmes environnementaux, de plusieurs centaines de millions de dollars, pilotés par la Banque Mondiale. C'est ce type d'expérience qu'il faut essayer de répliquer.
3. J'aimerais insister également sur le rôle d'influence fondamental que joue l'ingénierie française dans la promotion des innovations françaises, et comment des outils comme le FASEP-Etudes ou les Fonds fiduciaires auprès des banques multilatérales peuvent l'y aider.
On reproche souvent à notre ingénierie d'être de taille insuffisante, trop peu structurée, trop dispersée, notamment face aux grands cabinets étrangers...
C'est en partie vrai. Avec quelque 17.000 sociétés pour un CA global de près de 11 Mds euros, notre ingénierie est au 5e rang mondial mais est essentiellement composée de petites structures. Seule une cinquantaine d'entreprises comptent plus de 250 personnes et moins de 5 dépassent un effectif de 1000 personnes ou un CA de 100 Meuros. Dans le même temps, au moins 5 bureaux britanniques emploient plus de 3000 personnes et affichent des CA supérieurs à 1,5 Mdseuros.
Mais cela n'empêche pas notre ingénierie de promouvoir le savoir-faire français. Nos consultants doivent être, à l'international, ces têtes chercheuses d'idées, de projets et aussi d'opportunités pour l'ensemble de l'économie française, pour les équipementiers comme pour les opérateurs de services.
Alors ce qu'on essaye d'apporter à nos ingénieries, c'est un appui pour acquérir des références de départ sur des marchés difficiles mais porteurs, et aussi auprès des bailleurs multilatéraux, qui sont des donneurs d'ordre tout à fait clés.
Je peux vous dire que de nombreuses études de faisabilité financées grâce au FASEP ou aux fonds fiduciaires ont un effet démultiplicateur, non seulement dans le pays promoteur du projet, mais aussi dans l'ensemble de la région : quand on aide une entreprise française à promouvoir le modèle du tramway au Mexique, c'est dans l'ensemble des pays d'Amérique Latine qu'on peut contribuer à valoriser les alternatives aux transports par autobus, souvent privilégiés dans cette zone. On incite comme ça les décideurs locaux à adopter des solutions plus respectueuses de l'environnement et de la valorisation des patrimoines historiques urbains, tout en utilisant des technologies et des savoir-faire où la France a une expérience et une compétence incontestables.
Je souhaite aussi, c'est en tout cas ce qu'on essaye de faire, que le FASEP aide les ingénieries à rattraper le retard qu'elles ont pu prendre dans certains domaines stratégiques : soutenir par exemple l'assistance technique française pour développer des projets réducteurs des gaz à effet de serre dans les mines chinoises ou dans la forêt amazonienne, c'est les aider à exister face à des concurrents, japonais ou hollandais notamment, qui ont pris beaucoup d'avance sur les enjeux liés au Protocole de Kyoto.
4. Si les procédures RPE ou FASEP sont là pour vous aider sur ces projets de développement, le soutien public ne peut être efficace qu'à trois conditions :
Relayer l'information et associer l'ensemble des acteurs publics à vos démarches, le plus en amont possible : la DGTPE, les 156 missions économiques à l'étranger, les 24 DRCE, Ubifrance ainsi que les points de contact français auprès des IFIs mis en place dans les missions économiques concernées ou auprès de nos administrateurs, sont là pour ça. J'espère que le nouveau portail du commerce extérieur dédié à l'exportation que j'ai lancé en mars dernier, «exporter.gouv.fr », vous aidera à trouver l'information utile au bon moment.
Il faut aussi fédérer vos atouts, notamment en région : c'est la logique soutenue par le gouvernement avec le développement des pôles de compétitivité. Les DRCE sont aussi là pour vous aider dans ces démarches. En Chine par exemple, une PME lyonnaise du secteur de l'hydro-biologie va exporter son savoir-faire au travers d'un premier financement FASEP, en emmenant avec elle les compétences de laboratoires de recherche de la région Rhône-Alpes.
Enfin, la meilleure clé de succès reste l'esprit d'initiative, et surtout votre capacité à témoigner du potentiel d'innovation qui existe en France : les pays émergents ont aujourd'hui d'énormes besoins en infrastructures mais ils sont aussi demandeurs d'une croissance différente, plus équilibrée, plus respectueuse de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. La France a incontestablement des atouts à valoriser dans ce contexte.
Alors bien sûr, pour tout cela, « la balle est dans votre camp », mais nous avons aussi besoin de vos réactions et commentaires, de votre appréciation de la concurrence, pour que de notre côté, nous puissions nous adapter en permanence et vous aider au mieux à remporter les défis auxquels vous êtes confrontés.
Je vous remercie de votre attention, vous souhaite des débats instructifs et ouverts.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 21 juin 2006